Note de la rédaction :

Depuis les tous débuts du mouvement ‘hassidique, l’un des traits distinctifs des ‘Hassidim fut leur adoption d’une version de la liturgie traditionnelle fortement influencée par les enseignements mystiques du Arizal, Rabbi Its’hak Louria Ashkenazi de Tsfat (1534-1572). Cette liturgie fut adoptée par tous les ‘Hassidim, même ceux qui ne priaient pas avec les intentions méditatives mystiques qu’elle reflète. Pendant quelque soixante-dix ans, les ‘Hassidim avaient pris l’habitude de noter les variations propres à la liturgie ‘hassidique dans les marges de leurs livres de prières de rite Ashkenaze. Bien sûr, cette situation était loin d’être idéale et conduisit à toutes sortes d’inexactitudes liturgiques et grammaticales. Le livre de prières de Rabbi Chnéour Zalman fut le premier livre de prières ‘hassidique à faire autorité, et probablement la première codification de la liturgie du Arizal dans un texte complet et unifié. Le livre de prières de Rabbi Chnéour Zalman incluait également de nombreuses lois et coutumes applicables à la prière, à la vie quotidienne et au Chabbat.

Le livre de prières de Rabbi Chnéour Zalman fut le premier livre de prières ‘hassidique à faire autorité, et probablement la première codification de la liturgie du Arizal dans un texte complet et unifié.

Cette introduction est adaptée de celle publiée par le Rav Nissen Mangel dans la traduction initiale en anglais effectuée par lui en 1978. Nous en avons emprunté l’excellente présentation des origines du Noussa’h AriZal et de l’élaboration scrupuleuse qu’en effectua Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi et qui constitue de nos jours le rite ‘Habad-Loubavitch.

Le rituel de la prière juive

La prière connaît différentes déclinaisons du rituel (Noussa’h HaTefilah) – c’est-à-dire de l’ensemble des prières telles qu’elles ont été élaborées et instituées. Les plus courantes sont le rite ashkénaze, le rite séfarade, le rite « polonais » dit Sfard, le rite yéménite, le rite italien et le rite du Ari. Le corpus et le texte de base des prières – conçus et établis qu’ils furent par les Anechei Knesset HaGuedolah (Hommes de la Grande Assemblée) ainsi que par les Sages de la Michnah et du Talmud – sont communs à tous les rites ; les différences et les disparités sont mineures et ne portent pas sur la substance des textes, mais sur la séquence de certaines prières,1 des différences de formulations2 et l’omission où l’inclusion des certains Piyoutim (hymnes liturgiques).3

D’après la Kabbale,4 il existe en fait douze rites – un pour chacune des douze Tribus d’Israël – correspondant aux spiritualités respectives inhérentes à chaque Tribu.5 De façon analogue, se trouvent dans les cieux douze « portes » correspondant aux douze Tribus. La Kabbale enseigne que la prière de chacune des Tribus ne peut franchir les cieux qu’à travers la porte particulière correspondant à son rite.

Dans le même sillage, le Zohar affirme6 que les douze portes par lesquelles on accédait à la cour du Temple correspondaient aux douze Tribus. Chacune des portes était surmontée de l’inscription du nom de la tribu correspondante. Lorsqu’un membre de l’une des Tribus désirait pénétrer dans le Temple en franchissant la porte allouée à sa Tribu, la chose lui était possible. Si en revanche, il tentait de franchir une autre porte que celle réservée à sa Tribu, la porte se refermait devant lui et l’entrée lui était refusée.

Le rituel du AriZal

Dans la mesure où les prières des membres de chaque Tribu ne peuvent s’élever et franchir les portes célestes qu’en étant récitées conformément à leur rite particulier, comment doit procéder la personne qui ignore à quelle tribu elle appartient ? Quel rite doit-elle emprunter ? Comment sa prière peut-elle s’élever dans les cieux ?

Rabbi DovBer, le Maguid de Mézeritch, explique,7 en se fondant sur des sources talmudiques et kabbalistiques, qu’il existe de façon certaine une treizième porte appelée Chaar HaKollel – une porte commune que tous les Juifs peuvent franchir, quelle que soit leur Tribu d’appartenance. Une telle porte existait dans le Temple,8 que tous, quelle que soit leur tribu d’origine, pouvaient emprunter. Il existe en regard d’elle une treizième porte dans les cieux, laquelle correspond à un treizième rite à travers lequel la prière de tout Juif peut s’élever vers les cieux. Ce treizième rite, le Chaar HaKollel, affirme le Maguid, est le rite du Ari que Rabbi Isaac Louria9 (1534-1572), élabora à partir de tous les différents autres rites, mais qu’il fonda essentiellement sur la version séfarade.10

On est en droit de s’interroger, écrit le Maguid, sur le bien-fondé de la présence des treize portes et des treize rites correspondants, quand la treizième porte en constitue la synthèse. Cette seule treizième porte ne suffisait-elle pas ? Il répond qu’à l’époque où chaque Tribu et son rite étaient identifiés, il était préférable que chacun pénètre dans le Temple en franchissant la porte correspondante à l’origine qui était la sienne et prie selon le rite qui lui était propre.10 En revanche, à présent que les apparentements aux différentes Tribus ne sont plus connus, tous (y compris les Cohanim et les Leviim, qui sont issus de la Tribu de Lévi) doivent emprunter le Chaar HaKollel,11 qui est le rite du Ari, cette porte commune qui embrasse toutes les autres, qui convient à tous et à travers laquelle la prière de chacun peut s’élever.

Bien que le AriZal ait élaboré et délinéamenté le rite qui porte son nom, il n’a cependant pas lui-même publié de rituel de prière, mais en a transmis la substance à ses élèves, en même temps que ses interprétations et kavanot (significations kabbalistiques). Les générations ultérieures virent la publication de rituels portant la mention Noussa’h HaAri, qui comprenaient les kavanot Lourianiques de la prière. Cependant, ces Sidourim n’étaient pas toujours cohérents dans leurs textes liturgiques, au point que certains s’apparentaient davantage au rite ashkénaze. D’où le fait qu’ils constituèrent davantage un moyen de présenter les enseignements et les kavanot du AriZal relatifs à la prière qu’une version définitive du rite élaboré par lui. S’ajoute à cela que ces rituels étaient élaborés à la seule intention d’érudits de la Kabbale, et non pour l’usage des fidèles non initiés. Il n’est pas jusqu’à certains rituels dont les textes liturgiques étaient imprimés sans vocalisation ce qui les rendait inaccessibles aux personnes peu érudites. Aussi n’existait-il aucun rituel du Noussa’h HaAri qui fasse autorité, susceptible d’être utilisé par les masses pour la prière.

Le Sidour HaRav

En 1803, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi12 publia un rituel de prière (appelé Sidour HaRav) élaboré conformément au Noussa’h HaAri. À la différence des Sidourim apparentés au Noussa’h HaAri imprimés par le passé, ce Sidour avait pour propos de servir de rituel de prière à l’ensemble des fidèles – y compris ceux qui n’avaient pas accès à la sagesse de la Kabbale – et non de présenter des significations mystiques. C’est pour cette raison que Rabbi Chnéour Zalman ne fit imprimer dans son Sidour que les textes des prières proprement dites et n’y fit pas figurer toutes les kavanot. La liturgie proprement dite était cependant conforme jusqu’au moindre détail à la Kabbale Lourianique et en rendait toutes les intentions. Rabbi Chnéour Zalman fut également soucieux de se conformer méticuleusement aux règles talmudiques et halakhiques relatives aux prières.

Les Sidourim précédemment imprimés, tous rites confondus, étaient également parsemés d’erreurs. Rabbi Chnéour Zalman soumit chaque mot du Sidour à un examen minutieux, de façon à éliminer les erreurs textuelles et à le rendre linguistiquement irréprochable, en se conformant aux règles grammaticales hébraïques, lesquelles revêtaient pour lui une importance primordiale.

On rapporte que Rabbi Chnéour Zalman compila et effectua un examen critique de soixante différents rituels de prière13 afin d’établir avec certitude une version adéquate du texte liturgique qui soit en conformité avec la Halakhah et la Kabbale.

Afin de faciliter l’usage du Sidour, Rabbi Chnéour Zalman y inclut des indications ainsi que des lois relatives aux prières ainsi qu’aux rituels qui les accompagnent. De façon occasionnelle, certaines de ses lois diffèrent de celles qui figurent dans son Choul’hane Aroukh (Code de lois).14 Dans de tels cas, il convient de suivre les règles figurant dans le Sidour dans la mesure où celui-ci fut élaboré postérieurement au Choul’hane Aroukh et reflète ses décisions halakhiques finales.15

Le nouveau Sidour reçut un accueil enthousiaste et fut réimprimé trois fois dans les dix ans suivant sa première parution.

En 1816, trois ans après le décès de Rabbi Chnéour Zalman, son fils et successeur, Rabbi DovBer de Loubavitch publia une nouvelle édition du Sidour de son père accompagnée de discours ‘hassidiques (Maamarim) déployant et explicitant différents aspects de la prière.

Rav Avraham David Lavout, un auteur et érudit notoire de la fin du XIXe siècle, publia une nouvelle édition du Sidour du Rav intitulée Torah Or.16 Rav Lavout y adjoignit un certain nombre de prières comme les Seli’hot ainsi que les lectures de la Torah, lesquelles n’étaient pas apparues jusque-là dans le Sidour du Rav. Il indiqua dans les marges les références des versets de l’Écriture et corrigea les erreurs typographiques des précédentes éditions.

La plus remarquable adjonction à ce Sidour était cependant son appendice intitulé Chaar HaKollel, lequel constitue en lui-même une œuvre considérable d’érudition. Dans Chaar HaKollel, il expose les sources, issues du Talmud, du Zohar, de la Halakhah et de la Kabbale, des variantes de texte et des décisions Halakhiques introduites dans le Sidour Noussa’h HaAri, par Rabbi Chnéour Zalman.

Un certain nombre d’éditions du Sidour du Rav virent le jour par la suite. L’une d’elles est le Sidour Tehilat Hachem publié en 1918-1919 à Rostov sur la demande de Rabbi Chalom DovBer de Loubavitch, le cinquième Rabbi de Loubavitch. En 1945, une édition augmentée et complète du Sidour Tehilat Hachem fut publiée à New York. Une des caractéristiques de ce Sidour est qu’il comporte – outre les lois et les coutumes relatives aux prières, rédigées par Rabbi Chnéour Zalman pour le Sidour – des lois supplémentaires recueillies dans le Choul’hane Aroukh du Rav. Une autre caractéristique de ce Sidour est que toutes les prières y sont imprimées de façon intégrale, de façon à éviter aux fidèles de devoir tourner les pages pour des passages récurrents dans les différents offices.