11:26 Vois. Comme nous l’avons expliqué précédemment,1 le niveau de perception divine appelé métaphoriquement « vision » constitue une révélation directe de D.ieu plutôt qu’une conscience que nous aurions atteinte par nous-mêmes. Il est vrai que la conscience-vision qui nous est promise dans la paracha de Réeh est suscitée par le perfectionnement de la conscience-écoute de la paracha d’Eikev, ce qui est en grande partie le fruit de nos efforts. Mais la vue qui suit cette écoute se produit spontanément dès lors que nous avons nous-mêmes préparé le terrain.

Le caractère spontané, non demandé, de cette perception retrouvée est ce à quoi font allusion les paroles du verset initial de cette paracha :

Vois : La vue d’une entité l’englobe d’un seul coup, tandis que la perception produite par l’ouïe ou l’apprentissage combine progressivement les détails de manière à dresser un tableau intégral. Dès lors, l’expérience de la vue est soudaine plutôt que continue.

Je : L’hébreu possède deux mots pour dire « je » ; le mot utilisé ici (ano’hi) ne se limite pas à identifier l’orateur, mais se réfère à son essence intrinsèque, transcendante. Bien que ce soit Moïse qui parle ici, il délivre le message de D.ieu, de sorte que l’utilisation de ce mot pour « je » indique que la vision promise est celle de l’essence de D.ieu. Une telle révélation n’est pas susceptible d’être éveillée directement par nous, et ne peut donc se produire qu’en tant que don Divin.

Place (au sens littéral, « donne ») : Un cadeau se donne même s’il n’est pas mérité, ce n’est pas quelque chose de gagné. Aujourd’hui : Ce mot évoque l’image de la clarté perceptuelle que fournit la lumière du jour. Il implique en outre que cette vision sera permanente, restant toujours « aujourd’hui ». Cela est seulement possible s’il s’agit d’un don Divin, lequel ne dépend pas des variations éventuelles dans le degré de préparation du bénéficiaire.

Devant vous : le terme hébraïque pour cette formule peut être entendu comme « à votre moi intérieur », indiquant que cette révélation s’adresse avant tout à notre essence intérieure, et se répand ensuite sur nos facultés plus superficielles jusqu’à prévaloir sur elles, contrairement à la façon dont nous abordons normalement le raffinement de nous-mêmes. Nous commençons d’ordinaire par ce que nous voyons – les défauts les plus visibles de notre caractère – et œuvrons vers l’intérieur.

La bénédiction : une bénédiction est un don de bienveillance divine allant au-delà de ce que nous méritons.

Et la malédiction : comme nous l’avons expliqué précédemment,2 une malédiction divine est en réalité une bénédiction qui, trop importante pour pouvoir se révéler dans notre monde fini, doit pour cette raison même se « déguiser » en malédiction.

Ces paroles soulignent le grand potentiel spirituel que nous possédons, et nous incitent à l’utiliser pour raffiner le monde en accomplissant les commandements qui suivent dans le récit de la Torah. Nous devons toujours garder à l’esprit que D.ieu a accordé la révélation de Son essence à notre moi intérieur en toute gratuité.3

 12:25 Tu ne dois pas consommer. Dans le désert, les besoins physiques du peuple juif étaient miraculeusement satisfaits ; ceci, afin de permettre au peuple de se concentrer exclusivement sur sa croissance spirituelle. Une fois qu’ils entreraient dans le pays, les Juifs auraient la tâche de raffiner le monde matériel par leur engagement dans le profane, qu’ils orienteraient à des fins spirituelles. Ainsi, dans la mesure où le sang d’un animal incarne sa vitalité, il aurait pu sembler que son ingestion en vue d’utiliser cette vitalité à des fins saintes constituerait un effort louable pour raffiner le monde matériel. Il fallait donc mettre en garde le peuple de ne pas descendre aussi loin dans le monde matériel.4 La chair représente le monde matériel, dont nous sommes capables de jouir d’une manière sainte. Mais, le sang représentant la vitalité et l’enthousiasme de la vie, il ne peut être objet de jouissance, car il est impossible de jouir purement d’une manière désintéressée et sainte.

C’est la raison pour laquelle le sang peut être offert sur l’autel à titre de sacrifice, car il est alors orienté uniquement vers le Divin. Mais s’il fait partie du simple acte de manger, orienté qu’il sera vers la seule préservation de la vie du corps, il doit être évité. Nous devons aspirer à être passionnés et enthousiastes uniquement pour des questions saintes, plutôt que pour des questions purement et strictement matérielles.5

13:4 Vous met à l’épreuve pour déterminer (lit. « pour savoir »). Ce verset peut être interprété comme signifiant : « D.ieu vous met à l’épreuve afin de vous rehausser à un degré plus élevé dans la connaissance du Divin. »

Une épreuve – qu’il s’agisse de l’engagement d’une personne dans le judaïsme ou de sa foi en la bienveillance de D.ieu – est une dissimulation temporaire de la faveur divine, que nous supposons être réservée à ceux qui suivent la volonté de D.ieu. Des voix de l’intérieur et de l’extérieur se moquent de la croyance naïve de celui qui souffre. Lorsque, dans ces situations, la présence de D.ieu se cache à nos yeux, cela indique simplement qu’Il veut nous gratifier d’une relation plus étroite et plus intense avec Lui que celle qu’à présent nous sommes en mesure de maintenir. Pour préserver notre foi en D.ieu face aux situations la mettant à l’épreuve, nous devons nous engager à un niveau plus profond qu’à l’habitude.

Bien sûr, notre engagement quotidien avec le monde matériel – l’élevant vers le Divin par notre résistance à son inclination à nous entraîner dans la matérialité d’une part, et par son emploi comme un moyen destiné à des fins spirituelles de l’autre – accroît et améliore également la conscience divine dans le monde. La différence est que notre perfectionnement routinier de la réalité nous oblige à invoquer notre force spirituelle et à nous battre contre notre nature animale afin de la convaincre et l’orienter vers le service Divin, tandis que les épreuves ne peuvent être ainsi abordées. Au contraire, elles exigent de nous de puiser dans des forces bien plus profondes, celles de l’oubli de soi et de l’engagement indéfectible à D.ieu. Essentiellement, cela signifie : puiser dans la vision-conscience intérieure de D.ieu déjà mentionnée, dont chacun a été pourvu grâce au mérite de la prière de Moïse.

Dans la mesure où la finalité de la création est d’atteindre la conscience divine, faisant davantage encore du monde une demeure pour D.ieu, il s’ensuit que les épreuves morales ont une fonction cruciale dans le processus consistant à conduire la création à son parachèvement et accomplir la finalité de la descente de l’âme dans le monde matériel.6

13:5 Vous suivrez l’Éternel. Cette phrase peut être lue ainsi : « [Vers] le dos de l’Éternel, vous marcherez. » Selon cette interprétation, la Torah décrit ici ces échelons successifs sur l’échelle de la croissance spirituelle :

[Vers] le dos de l’Éternel, votre D.ieu : vous devez d’abord réaliser que toute existence est créée et soutenue par le fait que D.ieu « tourne Son dos » à la réalité. La présence de D.ieu est si imposante que, si elle était ouvertement révélée dans le monde, ce dernier ne pourrait maintenir sa conscience de soi comme quelque chose de distinct de Lui. Cela, à son tour, saperait le but de la création, qui est d’être le cadre dans lequel nous cherchons la présence cachée de D.ieu. Plus l’on réalise que tout ce que l’on perçoit de la réalité est juste une façade pour le Divin sous-jacent qui la soutient…

Vous marcherez : plus vous progresserez vers des degrés d’autant plus intenses d’amour de D.ieu, Qui – comme vous comprendrez enfin – est la seule réalité vraie. Dans votre aspiration à vous unir à D.ieu, vous approcherez enfin le seuil du ravissement mortel, mais alors,…

Le craindrez : mortifiés par votre insignifiance, vous craindrez d’approcher D.ieu. Vous comprendrez en outre que la véritable unité avec D.ieu implique la soumission à Sa volonté, à savoir que vous demeuriez dans le monde matériel et remplissiez votre mission Divine et votre potentiel. Cependant, vous réaliserez également qu’en vous consacrant à votre mission Divine dans ce monde matériel vous mettrez votre inspiration en danger, puisque vous serez exposés à des influences contraires. Aussi, vous…

Garderez Ses commandements en vous assurant de les accomplir toujours avec enthousiasme et inspiration. Pour ce faire,…

Vous obéirez à [litt. « écouterez »] Sa voix, qui parvient à vous lors de l’étude de la Torah, car l’on ressent plus ouvertement la présence de D.ieu dans l’étude de la Torah que dans l’accomplissement matériel des commandements. Ainsi, en étudiant la Torah vous pourrez maintenir votre connexion consciente avec D.ieu tout en demeurant engagés dans le monde matériel. Vous réaliserez alors qu’il ne suffit pas d’approcher D.ieu mû par amour ; qui plus est,…

Le servirez en tant que serviteurs simples et loyaux, car ce n’est qu’ainsi que vous exprimez le renoncement absolu à l’ego dans votre désir de fusionner véritablement avec Lui. De la sorte,… Vous vous attacherez à Lui par la pensée, la parole et l’action.7

14:1 Vous êtes les enfants de l’Éternel, votre D.ieu. D.ieu a créé le monde non seulement pour le bien du peuple juif dans son ensemble, mais pour le bien de chaque Juif.8 Aussi, nous devons tous vivre notre vie comme si le monde entier avait été créé pour chacun de nous9 et attendait notre contribution unique à son destin.10

14:1–2 Vous êtes les enfants de l’Éternel. Pour que nous soyons Ses représentants dans le monde, D.ieu nous a créés avec une certaine affinité par rapport à Lui, de telle sorte que nous partageons Ses passions, nous aimons ce qu’Il aime, nous n’aimons pas ce qu’Il n’aime pas, et ainsi de suite. Ces « traits hérités » constituent notre relation « parent-enfant » avec D.ieu. Cette affinité rend notre relation avec Lui intrinsèque et naturelle.

Le libre arbitre implique qu’il n’existe aucun facteur extérieur déterminant le choix ; celui qui choisit peut même faire un choix allant à l’encontre de sa nature si c’est là son souhait. Le fait que celui qui choisit fasse son choix indépendamment de tout facteur rationnel déterminant ce choix indique l’existence d’une identité profonde et essentielle entre celui qui choisit et celui qui est choisi, qui transcende la relation naturelle de cause à effet.11

En nous choisissant, Se liant à nous au-delà de notre lien intrinsèque et naturel à Lui, D.ieu nous permet de Le choisir, c’est-à-dire de nous consacrer à Lui au-delà des exigences de la logique ou de l’affinité naturelle.

Notre relation intrinsèque avec D.ieu s’exprime et se renforce donc par l’accomplissement de notre mission dans ce monde – propager la conscience divine à travers l’étude de la Torah et l’accomplissement des commandements –, car c’est ainsi que nous imitons D.ieu et démontrons que nous sommes Ses enfants, taillés dans la même étoffe que Lui, pour ainsi dire. Notre connexion intrinsèque avec D.ieu une fois rendue par nous manifeste, elle permet d’exprimer de même notre connexion volontaire avec Lui, ineffable autrement, à travers le libre choix.12

14:22 Tu prélèveras la dîme. Ce verset comprend le commandement de faire don d’une partie de nos revenus à des causes charitables. Les sages du Talmud soulignent que la ressemblance entre les mots en hébreu « prélève la dîme » (té’asser) et « tu t’enrichiras » (tit’acher) sous-entend que D.ieu récompense ceux qui pratiquent la charité par une abondante richesse.

De plus, lorsque nous décidons d’offrir la charité au-delà de nos ressources, D.ieu nous accorde la richesse nécessaire pour que nous parvenions à concrétiser ce que nous avions décidé d’offrir.13

 15:7 Lui offriras un don en espèces. La Torah écrite ne précise pas quelle part de nos revenus nous devons réserver à la charité, se contentant de déterminer le montant comme « assez pour ses besoins [ceux du pauvre] ».14 La Torah orale stipule que, si nous ne pouvons pas subvenir totalement aux besoins du pauvre, nous devons au moins lui faire don d’un dixième de nos revenus, la somme idéale allant jusqu’à un cinquième.15 (On parvient au chiffre du dixième par analogie au commandement de prélever la dîme de notre grain, notre vin et notre huile ;16 le cinquième est dérivé de la double utilisation du verbe hébreu pour « prélever la dîme » présente dans la promesse de Jacob à D.ieu.)17 Nous avons vu que nos ancêtres prélevaient la dîme sur la totalité de leurs revenus, ne se limitant pas aux produits agricoles.18

Néanmoins, dans la mesure où la charité rachète la faute,19 plus nous sommes conscients de notre besoin de rachat, moins nous nous contenterons d’adhérer à la limite inférieure mentionnée plus haut pour pratiquer la charité. Comme le souligne Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, de la même façon que nous n’épargnerions aucune dépense pour guérir notre corps s’il le fallait, de même nous ne devons rien épargner pour profiter de la capacité qu’a la charité de guérir notre âme.20

15:9 Comme une faute. De tous les commandements positifs, la charité est la seule dont le non-respect est appelé concrètement une faute. La raison en est que la charité rachète la faute, purifiant spirituellement le fauteur ; comme il est écrit : « Réduis ta faute par la charité, et ton iniquité, par la bonté envers les pauvres ».21 Celui qui s’abstient de s’engager dans des activités charitables perd ainsi les bénéfices de ce rachat et de cette purification spirituelle, et demeure donc soumis aux conséquences de ses fautes non rectifiées.22

15:14–15 Tu lui accorderas. Les trois types de serviteurs – les serviteurs non juifs, les serviteurs juifs et les servantes juives – correspondent chacun, au sens allégorique, aux trois degrés de notre dévouement à D.ieu : (a) sans implication émotionnelle, par pure discipline ; (b) avec implication émotionnelle, basée sur l’intérêt personnel ; et (c) avec implication émotionnelle, basée sur notre sentiment d’identification avec D.ieu.

Poussant l’analogie un peu plus loin, la liberté qui est accordée aux deux types de serviteurs juifs au terme de leur période de servitude correspond à notre degré d’évolution depuis le dévouement fondé sur le sentiment jusqu’à celui basé sur l’intellect. Les émotions étant subjectives, elles sont par nature limitées : nous ne pouvons ressentir que dans la limite où nous sommes capables de sentiment. Ainsi, lorsque l’intensité de notre dévouement à D.ieu dépend de l’intensité de nos sentiments envers Lui ou à Son sujet, elle est limitée de la même façon.

L’intellect, par contre, n’est pas soumis aux mêmes limites subjectives que les émotions. Lorsque nous nous absorbons dans la contemplation intellectuelle d’une idée, nous nous y perdons, ce qui nous permet de transcender notre individualité.

Ainsi, lorsque notre dévouement à D.ieu se base sur l’intellect plutôt que sur les émotions à l’état pur, notre engagement émotionnel devient beaucoup plus intense.

Dans ce contexte, le « don » qui nous est dévolu, au terme de notre service à titre d’anciens serviteurs, est l’intellect.

Cependant, contrairement aux serviteurs juifs, il n’existe pas de commandement d’affranchir les serviteurs non juifs après une période de service stipulée, et, pour cela même, il n’est pas non plus de commandement associé consistant à leur donner des cadeaux. Au contraire, on nous enseigne qu’ils peuvent être retenus indéfiniment, et même hérités par nos enfants.23 Cela implique que, bien que nous soyons encouragés à nous élever dans notre relation avec D.ieu à travers les degrés de dévouement représentés par les serviteurs juifs et même au-delà, il ne nous est en rien demandé de renoncer au degré de dévouement à D.ieu correspondant au serviteur non-juif. En d’autres termes, la discipline pure, inaltérée, doit rester le fondement de notre relation avec D.ieu, quelle que soit la hauteur à laquelle nous gravissons l’échelle de la conscience divine.

Dans ce contexte, nous voyons l’avantage du niveau que représente le serviteur non-juif sur ceux signifiés par le serviteur juif. La partie de notre psyché où nous sommes de simples serviteurs de D.ieu ne possède aucun sentiment de soi ; notre être tout entier est consumé par celui de notre Maître. En tant que telle, l’élévation de ce niveau de dévouement n’est pas pertinente ; en outre, le « don » de notre intellect ne nous « libérerait » pas de ce niveau de dévouement, puisque, comme il a été dit auparavant, nous ne nous asservissons pas pour nous parfaire, mais simplement pour accomplir ce qui est exigé de nous. Au contraire, dans la mesure où notre essence tout entière est englobée dans celle de D.ieu, l’entendement intellectuel humain ne ferait que nous gêner.

Ainsi, les deux paradigmes du dévouement – le service fixe, invariable, représenté par le serviteur non-juif ; et le service changeant, évolutif, signifié par les serviteurs juifs – constituent les deux facettes complémentaires de notre relation avec D.ieu.24

15:18 L’Éternel, ton D.ieu, te bénira dans tout ce que tu feras. Les sages lisent ce verset132 comme signifiant que, bien que ce soit D.ieu Qui détermine dans quelle mesure nous réussirons dans nos efforts pour gagner notre vie,133 nous ne devons pas compter uniquement sur Sa providence pour y parvenir, mais déployer des efforts significatifs.

Or, pour cette même raison, nous devons sans cesse nous rappeler que nos efforts ne constituent pas la cause directe de notre succès matériel ; ils constituent au mieux un réceptacle pour contenir la bénédiction de D.ieu. Dans ce contexte, tout en veillant à ce que nos « réceptacles » soient aptes à recevoir Sa bénédiction, notre préoccupation principale doit être de devenir dignes de la recevoir.

Cette approche est basée d’une part sur notre acceptation du fait que D.ieu est le maître de la nature, et par conséquent, si nous voulons que nos efforts naturels soient couronnés de succès, nous devons veiller à ce qu’ils soient conformes à Sa volonté. Cependant, sur un plan plus profond, notre attitude à l’égard du travail est fondée sur notre reconnaissance du fait que D.ieu Se comporte avec le peuple juif absolument en dehors des limites de la nature. Notre gagne-pain est une affaire tout à fait miraculeuse, et les efforts naturels que nous sommes tenus d’entreprendre ne sont rien de plus qu’un stratagème orchestré par D.ieu afin que nous ayons l’impression de l’obtenir par des moyens entièrement naturels.25

16:1 Ajoute au calendrier un mois supplémentaire. Comme l’année lunaire est environ onze jours plus courte que l’année solaire, l’on ajoute un mois supplémentaire tous les deux ou trois ans afin de compenser cette différence. Aux temps où le calendrier juif fut établi (au IVe siècle de l’ère commune), le mois supplémentaire était programmé exactement sept fois au cours de tout cycle de dix-neuf ans.

L’une des leçons que nous pouvons tirer de cette pratique est que D.ieu nous donne toujours l’occasion de rattraper notre retard, pour ainsi dire ; autrement dit d’achever tout ce qui ne l’a pas été pour quelque raison que ce soit, et même de contrecarrer les effets induits par le fait de pas avoir utilisé notre temps au maximum.

Fait remarquable, toute cette caractéristique du calendrier juif implique que nous avons la capacité non seulement de modifier l’avenir, mais aussi le passé. En outre, la possibilité qui est la nôtre d’intercaler un mois complet, et « corriger » ainsi d’emblée l’écart accumulé de plusieurs années, indique que nous pouvons changer le passé lointain tout comme le passé récent.

Plus profondément, nous pouvons remarquer que le commandement nous enjoignant d’intercaler l’année nous investit du pouvoir de dépasser les lois de la nature instituées par D.ieu. D.ieu décréta que l’année lunaire devait être plus courte que l’année solaire en réponse à la plainte de la lune d’avoir à partager son règne dans le ciel avec le soleil.26 Or, par ce commandement, D.ieu nous donne le pouvoir non seulement de neutraliser cette inégalité, mais encore de rendre l’année lunaire plus longue que l’année solaire. Ceci illustre clairement comment D.ieu souhaite que nous soyons Ses « associés dans la création » et contribuions à amener le monde à son accomplissement.27

16:2 Tu égorgeras. Si le nombre de personnes dans le groupe déterminé pour consommer le sacrifice28 de Pessa’h est trop élevé pour que chacun reçoive une portion satisfaisante, on apportera le 14 Nissan une offrande de célébration de paix, laquelle sera consommée préalablement afin que chacun se sente ensuite rassasié par sa portion du sacrifice de Pessa’h. Cette offrande de célébration de paix facultative est apportée en plus de l’offrande de paix obligatoire29 que l’on apporte le premier jour de la fête (ou durant les six jours suivants s’il n’est pas possible de l’offrir le premier jour).30

16:10 Chavouot. La révélation particulière du Divin associée à chaque fête dépend de l’observance du commandement (ou des commandements) propre(s) à cette fête : à Pessa’h, nous mangeons de la matsa ; à Souccot, nous nous asseyons dans la soucca et agitons les quatre espèces ; à Roch HaChana, nous écoutons le chofar ; à Yom Kippour, nous jeûnons. Or, en ce qui concerne Chavouot, il ne semble pas exister de commandement particulier.

La réponse à cette question réside dans l’identité de Chavouot comme anniversaire du don de la Torah. Dans ce contexte, nous pouvons considérer le commandement spécifique associé à Chavouot comme étant la récitation des paroles de la Torah.

En prononçant les paroles de la Torah, nous agissons comme des porte-parole de D.ieu, comme si c’était D.ieu Lui-même qui parlait. Et, comme nous le savons d’après le récit de la Création, les paroles de D.ieu ne se limitent pas à « dire », mais « agissent » ;31 comme le raconte la Torah : « D.ieu dit : “Qu’il y ait…” et il y eut… »

Par conséquent, tout comme D.ieu utilisa Sa faculté de langage pour créer le monde en prononçant Ses paroles à Chavouot, nous utilisons notre faculté de parler pour insuffler au monde une conscience divine rajeunie et ainsi la recréer à un degré nouveau et plus élevé que jamais.32

16:14 Tu te réjouiras dans ta fête. Remarquant dans ce verset la formule inusitée « ta fête » (au lieu de « la fête de l’Éternel », ou simplement « la fête »), rabbi Chnéour Zalman de Lyadi interprète cette expression comme suit : « Intériorise le message profond des fêtes. Cela insufflera tellement de joie dans leur observance qu’elles deviendront tes célébrations personnelles. »33