16:1 Kora’h. Les formes des trois lettres hébraïques formant le nom Kora’h (קרח, kouf, rech et ‘het) sont toutes des déclinaisons de la lettre hei (ה). Les trois traits du hei font allusion à nos trois moyens d’expression : le trait supérieur renvoie à la pensée, le trait droit à la parole, et le trait gauche à l’action.1 La présence du trait gauche du hei fait allusion à la nécessité de l’action ; le fait qu’il ne descende pas au-dessous de la ligne de base indique que l’engagement actif dans le monde matériel ne doit pas s’étendre à des domaines non prescrits par la Torah ; et son absence de lien avec les deux autres traits indique que, lorsque nous sommes engagés dans l’action, nous devons réaliser que nous sommes par cela même déconnectés du monde de l’étude de la Torah, et que nous devons aspirer à y revenir.
Kora’h déduisit de l’épisode des explorateurs – par lequel Dieu réaffirma que la Création a pour but de nous mener à bâtir une demeure pour Lui dans le monde de l’action sur la matière – que l’étude de la Torah n’était pas en soi supérieure à l’accomplissement des commandements. Ainsi donc – raisonna-t-il –, celui qui travaille pour gagner sa subsistance n’a pas besoin d’aspirer à des moments de « connexion » à la spiritualité. Cela se reflète dans le ‘het de son nom.
Poursuivant dans cette voie, il en déduisit que, si nous nous impliquons dans cette mission, il n’y a pas de limites à la durée et aux aspects de notre vie que nous y engageons. Cela se reflète dans le kouf de son nom.
Lorsque Moïse lui fit comprendre que ce n’était pas le cas, que les quêtes spirituelles et la conscience divine qu’elles offrent sont supérieures à l’accomplissement des commandements – car l’inspiration renouvelée qu’elles fournissent assure notre fidélité aux idéaux –, Kora’h rétorqua : « S’il en est ainsi, il n’y a nul besoin d’accomplir les commandements. » Cela se reflète dans le rech de son nom.
Ces trois conclusions étaient contenues dans les trois arguments qu’il exposa à Moïse :
• ‘Het : Kora’h plaidait contre le caractère exclusif de la grande prêtrise, car il estimait qu’il n’y avait pas besoin d’une élite spirituelle qui permette à l’homme ordinaire de revitaliser son inspiration.
• Kouf : Une robe teinte de turquoise ne requiert pas l’ajout de franges. La robe signifie les commandements, et la couleur turquoise, l’effacement de soi dans la conscience divine. Si l’accomplissement des commandements est déjà empreint de conscience divine, pourquoi faudrait-il consacrer encore du temps à revitaliser cette conscience ?
• Rech : Kora’h soutenait également qu’une maison abritant de nombreux rouleaux de Torah devait être exemptée de posséder une mezouza. Si l’étude de la Torah est l’acte suprême et que la personne en est totalement imprégnée, quel besoin y a-t-il des commandements ?2
On fils de Pélet. Il est raconté dans le Midrash3 que la femme de On prit à cœur de dissuader son époux de participer à la révolte de Kora’h. Voyant que ses arguments ne réussissaient pas à convaincre son mari, elle lui fit boire du vin en grande quantité et l’envoya dormir. Puis elle s’assit en compagnie de sa fille à l’entrée de leur tente, les cheveux découverts, affichant un comportement considéré comme impropre de la part d’une femme mariée.4 Lorsque Kora’h et ses amis se rendirent chez On pour qu’il les rejoigne, ils virent l’apparence de sa femme et, pudiquement, firent volte-face. C’est ainsi que On et toute sa famille furent épargnés.
La femme de Kora’h, à l’opposé, encouragea la rébellion de son époux, entraînant ainsi la ruine de son mari et de tous ses disciples.
Ces exemples montrent l’influence déterminante qu’exercent les femmes sur le bien-être et le sort de leurs maris et de leurs familles, et la responsabilité qui leur incombe.5
25 Datan et Aviram. Datan et Aviram avaient manifesté en public leur animosité envers Moïse, l’accusant d’être un tyran et un imposteur. Dieu avait en outre déjà scellé leur châtiment, ce qui apparut lorsqu’Il ordonna à Moïse de ne sauver que le reste des hommes du sort qui attendait ces deux personnages. Pourtant, Moïse n’abandonna pas l’espoir de voir finalement ses « ennemis » se repentir, et fit tout ce qui était en son pouvoir pour les inciter à réexaminer leur position.
Nous apprenons de Moïse à toujours faire de notre mieux pour ramener nos frères à Dieu et à la Torah, même lorsque tout espoir paraît vain. Cela est vrai même s’ils ignorent leur foi intentionnellement, et d’autant plus encore lorsqu’ils agissent par ignorance.6
31 Le sol sous ses pieds se fendit. Dieu ne punit pas Kora’h et ses partisans avant qu’ils aient agi en étant mus par leurs convictions. Même lorsque Kora’h convainquit le reste du peuple de se ranger de son côté, Dieu ne punit les contrevenants qu’après les avoir dûment avertis de ne pas commettre leur méfait et qu’ils désobéirent.
Nous devons nous inspirer ici de l’exemple de Dieu et, dans la mesure du possible, accorder à ceux qui nous offensent ou désobéissent aux lois de Dieu le bénéfice du doute, et les encourager à s’améliorer avec patience et amour.7
32 Un trou s’ouvrit. Croyant encore qu’il serait épargné, Kora’h ne tenta pas de fuir, et fut ainsi englouti par le trou qui s’ouvrit sous ses pieds dans la Tente de la Rencontre. Quant à Datan et Aviram, leurs familles et celle de Kora’h, ils essayèrent par contre de fuir vers le camp de Ruben, traversant au passage les camps de toutes les tribus. Mais des trous s’ouvrirent partout où ils passaient et les engloutirent.8 (Ceci témoigne de la gravité de la dispute, car, bien que les enfants ne soient généralement pas punis pour leurs erreurs, dans ce cas précis ils le furent, jusqu’à en mourir.)9 Leur bétail, cependant, demeura sur terre.10
33 Ils descendirent vivants. Puisque les fils de Kora’h rejoignirent leur père tout en regrettant de s’être impliqués dans la révolte,11 ils subirent un châtiment à proportion : la terre les engloutit avec les autres rebelles, d’où il apparut à tout le monde qu’ils avaient péri. Mais, sous terre, Dieu leur fournit un abri, où ils vécurent jusqu’à la mort de la génération de la rébellion de Kora’h, après quoi Dieu leur permit de sortir rejoindre le peuple.12
Ils descendirent vivants dans l’abîme. Nous ne sommes véritablement « vivants » que si nous sommes liés à Dieu par l’étude de Sa Torah et l’accomplissement de Ses commandements. C’est pour cela que la Torah est appelée « Torah de vie ».13 Néanmoins, l’étude de la Torah et l’accomplissement des commandements pour des raisons égoïstes plongent leur stimulante vitalité dans les abîmes de la réalité profane et de l’existence terrestre. C’est pourquoi, alors même que Kora’h et ses acolytes étaient d’éminents érudits de la Torah et des Juifs pratiquants, leur égocentrisme les condamna à descendre vers la mort : eux, leur science et leur foi.14 De manière analogue, il est possible pour quelqu’un de se trouver « dans l’abîme », autrement dit dans un état de déchéance spirituelle, et d’en être à tel point inconscient qu’il se sent « vivant ».
Cet état d’égarement apparent recèle cependant une bénédiction : celui qui se sent vivant peut changer pour le bien. Voici ce qui explique pourquoi les fils de Kora’h ne moururent pas. Comme ils étaient allégoriquement « vivants » – c’est-à-dire assez ouverts d’esprit pour accepter de changer et de se repentir – ils demeurèrent littéralement vivants, ce qui eut effectivement lieu, et purent ensuite rejoindre le peuple.15
35 Un feu jaillit. Dieu montra ainsi que les deux cent cinquante rebelles ils étaient indiscutablement coupables de l’insurrection générale allumée par Kora’h, et pas seulement de l’erreur d’aspirer à la grande prêtrise.16
17:5 Ne pas être semblable à Kora’h et son assemblée. Il est ironique que Kora’h, celui-là même qui prônait l’abolition des distinctions entre les différents groupes de Juifs, devînt le paradigme de la division. L’abolition des frontières n’entraîne pas toujours l’unité ; en fait, cela peut provoquer le résultat contraire. Le feu et l’eau peuvent se réunir (en chauffant de l’eau avec du feu) seulement dans la mesure où ils se trouvent séparés par un récipient. De même, bien souvent, c’est la détermination de frontières qui permet l’expression la plus authentique de l’unité et de l’harmonie entre les peuples.17
18:2 La tribu de Lévi. Le rôle des Lévites dans le Temple n’était pas de servir Dieu ou de s’approcher de Lui directement : il se limitait à aider les prêtres dans leur service divin. En outre, comme nous le verrons,18 à l’exception de la tribu de Lévi, tout le peuple juif se vit accorder une partie du pays d’Israël. Dieu dit d’ailleurs aux prêtres qu’ils ne recevraient aucune parcelle de territoire, car « l’Éternel est leur part et leur héritage ».19 Les Lévites ordinaires (ceux qui n’étaient pas prêtres) furent ainsi exclus de l’héritage matériel de la terre comme de l’héritage spirituel décerné aux seuls prêtres.
Cependant, ce sont précisément leur soumission et le fait d’être « sans abri » qui hissèrent la tribu de Lévi à de telles hauteurs spirituelles. Leur rôle secondaire fit d’eux des personnes humbles et indifférentes à leur statut dans la société, et cette humilité les rapprocha davantage de Dieu.20
19 Sel. Les aspects révélés de la Torah sont comparés au pain et la viande, les éléments de base de tout régime alimentaire sain. Quant à la dimension profonde de la Torah – la Kabbale et les enseignements ‘hassidiques –, elle est comparée au sel. Tout comme le sel relève le goût du plat qu’il assaisonne, l’étude du sens profond de la Torah dévoile les aspects les plus doux de la Torah révélée.21
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