les Hébreux ont traversé le Jourdain tous ensemble, en ligne, comme lors de leur campement, alors que Rabbi El‘azar fils de Rabbi Chim‘on affirme qu’ils l’ont traversé l’un après l’autre. כַּחֲנִיָּיתָן עָבְרוּ לְדִבְרֵי רַבִּי אֶלְעָזָר בְּרַבִּי שִׁמְעוֹן בְּזֶה אַחַר זֶה עָבְרוּ
D’après le second Amora, Rabbi Yehouda et Rabbi El‘azar fils de Rabbi Chim‘on conviennent qu’ils ont traversé le Jourdain en ligne, comme lors de leur campement. Leur débat porte sur le point suivant : selon Rabbi Yehouda, les personnes sont plus rapides que le cours du fleuve ; en conséquence, il suffisait que les eaux s’arrêtent et s’accumulent sur une hauteur de douze mils, correspondant à l’étendue du camp d’Israël. Selon Rabbi El‘azar fils de Rabbi Chim‘on, le cours du fleuve est plus rapide que les personnes ; donc, les eaux se sont arrêtées et se sont élevées davantage pour permettre à tous les Hébreux de traverser le Jourdain à sec, sans être submergés. וְחַד אָמַר בֵּין מָר וּבֵין מָר כַּחֲנִיָּיתָן עָבְרוּ מָר סָבַר אָדָם קַל וּמָר סָבַר מַיִם קַלִּים
§ La guemara explique à présent les versets du chapitre 13 du Livre des Nombres se rapportant aux explorateurs évoqués précédemment. L’Éternel a déclaré à Moïse : « Envoie pour toi des hommes » (Nbres 13, 2). Rèch Lakich explique : « Envoie pour toi », c’est-à-dire à ton initiative, sans aucune obligation. En effet, cette personne se choisirait-elle une mauvaise part ? En d’autres termes, il est inconcevable que le Saint béni soit-Il ait donné un ordre préjudiciable aux Hébreux – sachant que la majorité du peuple allait être condamnée à mourir dans le désert, pour avoir douté de la Providence, à la suite du rapport défaitiste des explorateurs. La même idée transparaît dans cet aveu de Moïse à la fin de sa vie (Deut. 1, 23) – « La chose (la suggestion d’envoyer des explorateurs en Erets-Israël) plut à mes yeux » – « À mes yeux », souligne Rèch Lakich, et non aux yeux du Saint béni soit-Il. שְׁלַח לְךָ אֲנָשִׁים אָמַר רֵישׁ לָקִישׁ שְׁלַח לְךָ מִדַּעְתֶּךָ וְכִי אָדָם זֶה בּוֹרֵר חֵלֶק רַע לְעַצְמוֹ וְהַיְינוּ דִּכְתִיב וַיִּיטַב בְּעֵינַי הַדָּבָר אָמַר רֵישׁ לָקִישׁ בְּעֵינַי וְלֹא בְּעֵינָיו שֶׁל מָקוֹם
Au verset précédent, il est dit – « Et qu’ils explorent pour nous la terre » (ibid. 1, 22). Rabbi ‘Hiya bar Aba déduit d’une analogie sémantique que les Hébreux ont demandé d’envoyer des explorateurs dans le seul but de dénigrer honteusement la terre d’Israël. En effet, il est écrit ici – « Et qu’ils explorent [ve-ya‘hperou] pour nous la terre », et il est écrit ailleurs (Is. 24, 23) : « Et la lune sera couverte de honte [ve‘hafra], le soleil, de confusion … » וְיַחְפְּרוּ לָנוּ אֶת הָאָרֶץ אָמַר רַבִּי חִיָּיא בַּר אַבָּא מְרַגְּלִים לֹא נִתְכַּוְּונוּ אֶלָּא לְבוֹשְׁתָּהּ שֶׁל אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל כְּתִיב הָכָא וְיַחְפְּרוּ לָנוּ אֶת הָאָרֶץ וּכְתִיב הָתָם וְחָפְרָה הַלְּבָנָה וּבוֹשָׁה הַחַמָּה וְגוֹ׳
Suite du chapitre 13 des Nombres – « Et voici leurs noms : de la tribu de Reouven, Chamoua ben Zakour » (ibid. 13, 4). Rabbi Yits‘hak a déclaré : nous avons appris par tradition que les noms des explorateurs évoquent leurs actes pernicieux, mais nous ne connaissons l’explication que pour un seul – « De la tribu d’Acher, Setour ben Mikhaël » (ibid. 13, 13). « Setour », parce qu’il a contesté [satar] les actions que le Saint béni soit-Il voulait accomplir en faveur d’Israël pour qu’ils triomphent immédiatement des armées cananéennes. « Mikhaël », parce qu’il a laissé entendre que l’Éternel était faible [makh] et incapable de vaincre les ennemis puissants. וְאֵלֶּה שְׁמוֹתָם לְמַטֵּה רְאוּבֵן שַׁמּוּעַ בֶּן זַכּוּר אָמַר רַבִּי יִצְחָק דָּבָר זֶה מָסוֹרֶת בְּיָדֵינוּ מֵאֲבוֹתֵינוּ מְרַגְּלִים עַל שֵׁם מַעֲשֵׂיהֶם נִקְרְאוּ וְאָנוּ לֹא עָלְתָה בְּיָדֵינוּ אֶלָּא אֶחָד סְתוּר בֶּן מִיכָאֵל סְתוּר שֶׁסָּתַר מַעֲשָׂיו שֶׁל הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא מִיכָאֵל שֶׁעָשָׂה עַצְמוֹ מָךְ

Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)

Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.

Rabbi Yo‘hanan ajoute : nous pouvons donner, de notre propre chef, une explication du nom d’un autre explorateur – « De la tribu de Naphtali, Na‘hbi ben Vofsi » (ibid. 13, 14). « Na‘hbi », parce qu’en déformant la vérité, il a fait en sorte que les propos du Saint béni soit-Il soient cachés [hé‘hebi] ; « Vofsi », parce qu’il a foulé au pied [pissèa] la puissance du Saint béni soit-Il. אָמַר רַבִּי יוֹחָנָן אַף אָנוּ נֹאמַר נַחְבִּי בֶּן וׇפְסִי נַחְבִּי שֶׁהֶחְבִּיא דְּבָרָיו שֶׁל הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא וׇפְסִי שֶׁפִּיסַּע עַל מִדּוֹתָיו שֶׁל הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא
« Ils montèrent du côté du midi et il parvint jusqu’à Hébron, et là-bas A‘himan, Chèchaï et Talmaï, les enfants de ‘Anak. Et Hébron avait été bâtie sept ans avant Tanis d’Égypte » (ibid. 13, 22). Apparemment, il aurait fallu dire – « Ils parvinrent » ! Rava en déduit que l’un des explorateurs – Caleb – se désolidarisa des autres et alla se recueillir sur les tombeaux des Patriarches, en leur adressant cette prière : mes pères ! Implorez la miséricorde en ma faveur pour que je sois préservé du projet séditieux des explorateurs. וַיַּעֲלוּ בַנֶּגֶב וַיָּבֹא עַד חֶבְרוֹן וַיָּבֹאוּ מִבְּעֵי לֵיהּ אָמַר רָבָא מְלַמֵּד שֶׁפֵּירַשׁ כָּלֵב מֵעֲצַת מְרַגְּלִים וְהָלַךְ וְנִשְׁתַּטַּח עַל קִבְרֵי אָבוֹת אָמַר לָהֶן אֲבוֹתַי בִּקְּשׁוּ עָלַי רַחֲמִים שֶׁאֶנָּצֵל מֵעֲצַת מְרַגְּלִים
Josué, lui, n’eut pas besoin d’énoncer cette prière, car Moïse avait déjà imploré la miséricorde en sa faveur. En effet, il est écrit (ibid. 13, 16) – « Moïse appela Hochèa bin Noun, Yehochoua (Josué) » qui signifie littéralement : que l’Éternel [Y-a] te sauve [yochi‘akha] du projet des explorateurs. Et on trouve une allusion au passage de Caleb à Hébron dans ce verset (ibid. 14, 24) – « Et mon serviteur Caleb, puisqu’il était animé d’un esprit différent... Je le conduirai dans le pays où il est déjà entré et sa postérité le recevra en héritage. » Or il est écrit (Jos. 14, 13) – « Il donna Hébron à Caleb » ; par recoupement, on comprend que Caleb a reçu Hébron où il était allé lors de son incursion en Erets-Israël avec les explorateurs. יְהוֹשֻׁעַ כְּבָר בִּקֵּשׁ מֹשֶׁה עָלָיו רַחֲמִים שֶׁנֶּאֱמַר וַיִּקְרָא מֹשֶׁה לְהוֹשֵׁעַ בִּן נוּן יְהוֹשֻׁעַ יָהּ יוֹשִׁיעֲךָ מֵעֲצַת מְרַגְּלִים וְהַיְינוּ דִּכְתִיב וְעַבְדִּי כָלֵב עֵקֶב הָיְתָה רוּחַ אַחֶרֶת עִמּוֹ וְגוֹ׳
« Et là-bas A‘himan, Chèchaï et Talmaï, les enfants de ‘Anak » (ibid. 13, 22). « A‘himan », le plus droit [meyouman] de ses frères ; « Chèchaï », qui, lourd comme du marbre [chèch], fait des crevasses sur le sol en marchant. « Talmaï », qui, par son poids, trace des sillons [telamim]. וְשָׁם אֲחִימַן שֵׁשַׁי וְתַלְמַי וְגוֹ׳ אֲחִימַן מְיוּמָּן שֶׁבְּאֶחָיו שֵׁשַׁי שֶׁמֵּשִׂים אֶת הָאָרֶץ כִּשְׁחִתוֹת תַּלְמַי שֶׁמֵּשִׂים אֶת הָאָרֶץ תְּלָמִים תְּלָמִים
Autre précision à leur sujet : A‘himan bâtit ‘Anat, Chèchaï bâtit Alouch, Talmaï bâtit Talbouch. Ils sont présentés comme « les enfants de ‘Anak » – parce qu’étant d’une taille démesurée, le soleil apparaissait pour ainsi dire comme un collier [‘anak] entourant leurs cous. דָּבָר אַחֵר אֲחִימַן בָּנָה עֲנָת שֵׁשַׁי בָּנָה אָלֻשׁ תַּלְמַי בָּנָה תַּלְבּוּשׁ יְלִידֵי הָעֲנָק שֶׁמַּעֲנִיקִין חַמָּה בְּקוֹמָתָן
« Et Hébron avait été construite [nivneta] sept ans avant Tanis d’Égypte » (ibid.). En l’occurrence, interroge la guemara, le verbe nivneta signifie-t-il réellement « construite » ? Est-il possible qu’une personne construise une maison ou une ville pour son dernier-né avant son aîné ? Pourtant, ‘Ham a bâti les villes de Hébron et Tanis, la première pour Canaan, et la seconde, pour Mitsraïm (l’Égypte). Mitsraïm était le second fils de ‘Ham, et Canaan, était son dernier-né, car il est écrit (Gen. 10, 6) – « Et les fils de ‘Ham : Couch, Mitsraïm, Pout et Canaan. » וְחֶבְרוֹן שֶׁבַע שָׁנִים נִבְנְתָה מַאי נִבְנְתָה אִילֵימָא נִבְנְתָה מַמָּשׁ אֶפְשָׁר אָדָם בּוֹנֶה בַּיִת לִבְנוֹ קָטָן קוֹדֶם לִבְנוֹ גָּדוֹל דִּכְתִיב וּבְנֵי חָם כּוּשׁ וּמִצְרַיִם וְגוֹ׳
Mais à l’évidence, le verset ne se réfère pas à la construction de la ville. Il veut mettre en valeur la terre d’Israël en soulignant que Hébron était sept fois plus féconde [mevouna] que Tanis. Or, le sol de Hébron est manifestement le plus rocailleux et le plus improductif de tout Erets-Israël puisqu’on y enterre les morts ; le pays d’Égypte, lui, est le plus fécond de toute la terre, puisqu’il est dit (Gen. 13, 10) – « Comme le jardin de l’Éternel, comme le pays d’Égypte » ; et Tanis était la ville la plus prisée de toute l’Égypte, puisqu’il est écrit (Is. 30, 3–4) : « L’abri à l’ombre de l’Égypte sera pour vous un sujet de confusion car ses princes étaient à Tanis. » Néanmoins, d’après le verset des Nombres cité précédemment, Hébron était sept fois plus féconde que Tanis. אֶלָּא שֶׁהָיְתָה מְבוּנָּה עַל אֶחָד מִשִּׁבְעָה בְּצוֹעַן וְאֵין לְךָ טְרָשִׁים בְּכׇל אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל יָתֵר מֵחֶבְרוֹן מִשּׁוּם דְּקָבְרִי בָּהּ שָׁיכְבֵי וְאֵין לְךָ מְעוּלָּה בְּכׇל הָאֲרָצוֹת יָתֵר מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם שֶׁנֶּאֱמַר כְּגַן ה׳ כְּאֶרֶץ מִצְרַיִם וְאֵין לְךָ מְעוּלָּה בְּכׇל אֶרֶץ מִצְרַיִם יָתֵר מִצּוֹעַן דִּכְתִיב כִּי הָיוּ בְצֹעַן שָׂרָיו וַאֲפִילּוּ הָכִי חֶבְרוֹן מְבוּנָּה אֶחָד מִשִּׁבְעָה בְּצוֹעַן
Le sol de Hébron est-il réellement rocailleux, interroge la guemara ? Pourtant il est écrit (II Sam. 15, 7) – « À la fin de quarante ans, Absalom dit au roi : que j’aille, de grâce à Hébron, accomplir le vœu que j’ai voué à l’Éternel. » Pourquoi voulait-il se rendre à Hébron à cet effet ? Pourtant à l’époque, l’autel se trouvait à Guiv‘on ! Rav Avya – ou, selon une autre version – Raba bar bar ‘Hanan a expliqué : Absalom alla ramener des brebis de Hébron pour ses offrandes votives parce qu’il faut apporter des animaux de premier choix. C’est-à-dire, indique une baraïta, « des béliers de Moab, et des brebis de Hébron » ! Donc, cette ville est un lieu de pâturage ! En réalité, cette objection confirme que le sol de Hébron était rocailleux. Parce que le sol était trop pauvre pour les céréales, on y laissait pousser des herbes pour faire paître et engraisser le bétail. וְחֶבְרוֹן טְרָשִׁים הֲוַי וְהָא כְּתִיב וַיְהִי מִקֵּץ אַרְבָּעִים שָׁנָה וַיֹּאמֶר אַבְשָׁלוֹם אֶל הַמֶּלֶךְ אֵלְכָה נָּא וְגוֹ׳ וְאָמַר רַב אַוְיָא וְאִיתֵּימָא רַבָּה בַּר בַּר חָנָן שֶׁהָלַךְ לְהָבִיא כְּבָשִׂים מֵחֶבְרוֹן וְתַנְיָא אֵילִים מִמּוֹאָב כְּבָשִׂים מֵחֶבְרוֹן מִינַּהּ אַיְּידֵי דִּקְלִישָׁא אַרְעָא עָבְדָה רִעְיָא וְשַׁמִּן קִנְיָינָא
Suite du chapitre 13 des Nombres – « Ils revinrent d’avoir exploré la terre. וַיָּשֻׁבוּ מִתּוּר הָאָרֶץ