Qui adresse une mise en garde à sa femme, parce qu’il la soupçonne d’adultère, elle n’est tenue de boire « les eaux amères » (Nbres 5, 8) pour prouver son innocence, que si son mari lui a adressé une mise en garde pré alable [kinouï] et qu’elle s’est isolée par la suite avec l’amant présumé. Combien de témoins sont requis pour attester de ces deux conditions ? Deux
Tanaïm en débattent. D’après Rabbi Eli‘ézer, sa femme ne lui est pas interdite et il ne peut pas la soumettre à l’épreuve des eaux amères seulement si la mise en garde préalable a été effec tuée devant deux témoins. En revanche, un seul témoin ou le mari lui-même, certifiant qu’elle s’est isolée avec l’amant présumé, suf fisent à lui imposer de boire les eaux amères. Selon Rabbi Yehochoua, elle boit les eaux amères et est interdite à son mari, seule ment si la mise en garde de ce dernier et la rencontre secrète avec l’amant présumé sont attestées l’une et l’autre, par deux témoins.
הַמְקַנֵּא לְאִשְׁתּוֹ רַבִּי אֱלִיעֶזֶר אוֹמֵר מְקַנֵּא לָהּ עַל פִּי שְׁנַיִם וּמַשְׁקָהּ עַל פִּי עֵד אֶחָד אוֹ עַל פִּי עַצְמוֹ רַבִּי יְהוֹשֻׁעַ אוֹמֵר מְקַנֵּא לָהּ עַל פִּי שְׁנַיִם וּמַשְׁקָהּ עַל פִּי שְׁנַיִם
Comment le mari adresse-t-il une mise en garde à sa femme ? S’il lui déclare devant deux témoins : « Ne parle pas avec Untel », et qu’elle a parlé avec ce dernier sans s’isoler avec lui, elle reste permise à son mari. Si le mari est un Cohen, elle conserve le droit de consommer la
terouma, réservée aux Cohanim et à leurs familles.
כֵּיצַד מְקַנֵּא לָהּ אוֹמֵר לָהּ בִּפְנֵי שְׁנַיִם אַל תְּדַבְּרִי עִם אִישׁ פְּלוֹנִי וְדִבְּרָה עִמּוֹ עֲדַיִין הִיא מוּתֶּרֶת לְבֵיתָהּ וּמוּתֶּרֶת לֶאֱכוֹל בִּתְרוּמָה
En revanche, si elle est entrée avec l’amant présumé dans un lieu isolé et qu’elle est restée avec lui le temps de commettre un adultère, elle devient interdite, dans le doute, à son mari et il lui est défendu, le cas échéant, de consommer la
terouma. En outre, si son mari meurt sans enfant avant qu’elle ait pu boire les eaux amères, elle doit procéder au cérémonial du déchaussement avec son beau-frère (voir Deut. 25, 7–10), pour avoir le droit de se remarier ; en revanche, elle ne peut épouser son beau-frère dans le cadre du lévirat.
נִכְנְסָה עִמּוֹ לְבֵית הַסֵּתֶר וְשָׁהֲתָה עִמּוֹ כְּדֵי טוּמְאָה אֲסוּרָה לְבֵיתָהּ וַאֲסוּרָה לֶאֱכוֹל בִּתְרוּמָה וְאִם מֵת חוֹלֶצֶת וְלֹא מִתְיַיבֶּמֶת
La guemara s’interroge sur l’agencement
des traités de l’ordre Nachim. Le traité précédent étant celui de Nazir, pourquoi Rabbi Yehouda ha-Nassi, le rédacteur de la Michna, a-t-il placé le traité Sota juste après ? Quel rapport y a-t-il entre les deux ?
גְּמָ׳ מִכְּדֵי תַּנָּא מִנָּזִיר סָלֵיק מַאי תְּנָא דְּקָא תָּנֵא סוֹטֶה
Rabbi lui-même déclare dans une baraïta : « Pourquoi la section biblique concernant les règles du nazir (Nbres 6, 1–21) suit-elle immédiatement celle de la femme soupçonnée d’adultère [sota]? Pour inciter celui qui assiste à la mise à l’épreuve humiliante de cette femme dévoyée, à s’abstenir de vin, comme un nazir, car la boisson échauffe les sens et peut conduire à la débauche. »
כִּדְרַבִּי דְּתַנְיָא רַבִּי אוֹמֵר לָמָּה נִסְמְכָה פָּרָשַׁת נָזִיר לְפָרָשַׁת סוֹטָה לוֹמַר לָךְ שֶׁכׇּל הָרוֹאֶה סוֹטָה בְּקִלְקוּלָהּ יַזִּיר עַצְמוֹ מִן הַיַּיִן
Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)
Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.
Selon cette explication, objecte la guemara, le traité Sota devrait précéder celui de Nazir ! Réponse – Le Tana a enseigné le traité de Ketoubot, étudiant les questions liées à la vie conjugale (voir Ketoubot, tome 1). Le septième chapitre de Ketoubot étant intitulé ha-Madir (« Celui qui fait un vœu »), Rabbi a enseigné après ce traité, celui de Nedarim (« les vœux »), puis Nazir, qui lui est apparenté puisque le naziréat est un vœu d’abstinence. Viens ensuite Sota, par l’association d’idées rapportée plus haut au nom de Rabbi lui-même.
וְלִיתְנֵי סוֹטָה וַהֲדַר לִיתְנֵי נָזִיר אַיְּידֵי דִּתְנָא כְּתוּבּוֹת וּתְנָא הַמַּדִּיר תְּנָא נְדָרִים וְאַיְּידֵי דִּתְנָא נְדָרִים תְּנָא נָזִיר דְּדָמֵי לִנְדָרִים וְקָתָנֵי סוֹטָה כִּדְרַבִּי
La michna emploie la formule « Qui a adressé une mise en garde » laissant entendre qu’elle est recevable a posteriori, mais contre-indiquée a priori. À l’évidence, l’auteur de notre michna pense qu’il est interdit à un mari de se montrer jaloux en adressant une mise en garde à sa femme devant témoins, parce qu’il envenime leur relation et la soumet à une épreuve humiliante alors qu’elle est peut-être innocente.
הַמְקַנֵּא דִּיעֲבַד אִין לְכַתְּחִילָּה לָא קָסָבַר תַּנָּא דִּידַן אָסוּר לְקַנּאוֹת
Rav Chemouel bar Rav Yits‘hak raconte – Rèch Lakich commençait ses cours sur la femme soupçonnée d’adultère ainsi : la Providence destine à un homme, une femme pudique ou dévergondée en fonction de ses propres actions, puisqu’il est dit (Ps. 125, 3) – « Car le bâton de l’impiété ne se posera pas sur le patrimoine des Justes » : ceux-ci ne seront pas à la merci d’une épouse mécréante. Et, ajoute Raba bar bar ‘Hana au nom de Rabbi Yo‘hanan – Former un couple est aussi difficile que fendre les eaux de la mer Rouge devant les Hébreux sortis d’Egypte, car il est dit dans le psaume 68 (v. 7) se rapportant à cet événement : « Dieu installe les solitaires (l’homme et la femme célibataires) dans la maison (le domicile conjugal), Il fait sortir les prisonniers (les Hébreux asservis) au moment approprié (en Nissan, au printemps, sous un climat doux). »
אָמַר רַב שְׁמוּאֵל בַּר רַב יִצְחָק כִּי הֲוָה פָּתַח רֵישׁ לָקִישׁ בְּסוֹטָה אָמַר הָכִי אֵין מְזַוְּוגִין לוֹ לְאָדָם אִשָּׁה אֶלָּא לְפִי מַעֲשָׂיו שֶׁנֶּאֱמַר כִּי לֹא יָנוּחַ שֵׁבֶט הָרֶשַׁע עַל גּוֹרַל הַצַּדִּיקִים אָמַר רַבָּה בַּר בַּר חָנָה אָמַר רַבִּי יוֹחָנָן וְקָשִׁין לְזַוְּוגָן כִּקְרִיעַת יַם סוּף שֶׁנֶּאֱמַר אֱלֹהִים מוֹשִׁיב יְחִידִים בַּיְתָה מוֹצִיא אֲסִירִים בַּכּוֹשָׁרוֹת
La Providence unit-elle réellement la destinée d’un homme et d’une femme en fonction de leur conduite comme l’affirme Rèch Lakich ? Pourtant Rav Yehouda a déclaré au nom de Rav : « Quarante jours avant la formation de l’enfant, l’écho d’une Voix proclame : “La fille d’Untel est destinée à Untel, la maison d’Untel, à Untel, le champ d’Untel, à Untel” » ! Ainsi, les mariages sont décidés par le Ciel avant la naissance des intéressés, indépendamment de leur conduite future ! Réponse – L’enseignement de Rèch Lakich ne contredit pas celui de Rav. Celui-ci parle d’un premier mariage alors que Rèch Lakich et Rabbi Yo‘hanan parle d’un remariage, où le choix du conjoint est dicté par la conduite des intéressés. Une telle union est donc plus difficile à réaliser puisqu’ils n’ont pas été créés l’un pour l’autre.
אִינִי וְהָא אָמַר רַב יְהוּדָה אָמַר רַב אַרְבָּעִים יוֹם קוֹדֶם יְצִירַת הַוָּלָד בַּת קוֹל יוֹצֵאת וְאוֹמֶרֶת בַּת פְּלוֹנִי לִפְלוֹנִי בֵּית פְּלוֹנִי לִפְלוֹנִי שְׂדֵה פְלוֹנִי לִפְלוֹנִי לָא קַשְׁיָא הָא בְּזוּג רִאשׁוֹן הָא בְּזוּג שֵׁנִי
Revenons à présent à notre michna. D’après Rabbi Eli‘ézer, la femme soupçonnée d’adultère doit boire les eaux amères si deux témoins attestent que son mari lui avait adressé une mise en garde et un témoin déclare qu’elle s’est isolée avec l’amant présumé. Selon Rabbi Yehochoua, elle est soumise à cette épreuve seulement si le
kinouï du mari et la rencontre secrète de la femme sont attestés, l’un et l’autre, par deux témoins. Jusqu’ici, note la guemara, ils ne débattent qu’à propos de la mise en garde et de l’isolement. En revanche, il semble admis qu’un seul témoin suffit à établir un constat d’adultère interdisant à l’infidèle de cohabiter avec son mari, de se marier avec son amant après le divorce et, le cas échéant, de consommer de la
terouma au titre de femme de Cohen.
רַבִּי אֱלִיעֶזֶר אוֹמֵר מְקַנֵּא לָהּ עַל פִּי שְׁנַיִם וְכוּ׳ עַד כָּאן לָא פְּלִיגִי אֶלָּא בְּקִינּוּי וּסְתִירָה אֲבָל בְּטוּמְאָה עֵד אֶחָד מְהֵימַן
Nous avons également enseigné cette règle dans la michna du sixième chapitre (en 31a) – « Si un constat d’adultère était établi fût-ce par un seul témoin, l’accusée ne buvait pas les eaux amères ; elle était interdite ipso facto à son mari. »
וּתְנַן נָמֵי עֵד אֶחָד אוֹמֵר אֲנִי רָאִיתִי שֶׁנִּיטְמֵאת לֹא הָיְתָה שׁוֹתָה
De quel verset le déduit-on ? La réponse apparaît dans cette baraïta – Il est écrit : « Si la femme de quelqu’un dévie et commet une traîtrise à son égard ; si un homme a eu avec elle une relation charnelle à l’insu de son mari et, s’étant isolée, elle s’est souillée sans qu’il y ait de témoin[s] en la matière [‘èd eyn bah] et sans qu’elle ait été violée ... alors l’homme amènera sa femme au Cohen... » (Nbres 5, 12–13 et 15). Dans ce passage biblique, lorsque le verset fait référence à l’absence de témoin, cela indique qu’il n’y a pas de témoignage en bonne et due forme – deux témoins – pour établir la relation adultère, mais un témoin unique suffit à interdire la femme infidèle à son mari.
מִדְּאוֹרָיְיתָא מְנָלַן דִּמְהֵימַן עֵד אֶחָד דְּתָנוּ רַבָּנַן וְעֵד אֵין בָּהּ בִּשְׁנַיִם הַכָּתוּב מְדַבֵּר
À vrai dire, le mot ‘èd étant au singulier, on aurait dû traduire l’expression
‘èd eyn bah par : « sans qu’il y ait un seul témoin », et en déduire que la femme est interdite pour cause d’adultère même en l’absence de tout témoignage. Cependant, il est écrit par ailleurs : « Un seul témoin [‘èd é‘had] ne sera pas valable contre une personne, quel que soit la faute ou le péché... c’est par la déposition de deux témoins, ou de trois, qu’une chose sera établie » (Deut. 19, 15).
אוֹ אֵינוֹ אֶלָּא אֲפִילּוּ בְּאֶחָד תַּלְמוּד לוֹמַר לֹא יָקוּם עֵד אֶחָד בְּאִישׁ
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