Et qu’en dit Rabbi ‘Akiba ? Si la Tora avait voulu simplement enseigner cette règle, elle aurait pu dire : « pour la personne de l’un de ses concitoyens il ne se rendra pas impur... pour elle », sans plus. Pourquoi a-t-elle ajouté la formule « il se rendra impur » ? À l’évidence, pour l’ériger en obligation.
וְרַבִּי עֲקִיבָא אִם כֵּן לִיכְתּוֹב רַחֲמָנָא לָהּ וְלִישְׁתּוֹק יִטַּמָּא לְמָה לִי שְׁמַע מִינַּהּ
Et que rétorque Rabbi Yichma‘el ? Puisqu’il fallait écrire « pour elle », afin d’exclure les membres détachés d’elle de son vivant, on a répété « il se rendra impur », selon la règle enseignée par l’École de Rabbi Yichma‘el : « L’Écriture répète parfois un passage entier pour y apporter ne fût-ce qu’une seule innovation. »
וְרַבִּי יִשְׁמָעֵאל אַיְּידֵי דִּכְתַב לָהּ כְּתַב נָמֵי יִטַּמָּא לְכִדְתָנֵי דְּבֵי רַבִּי יִשְׁמָעֵאל דְּתָנָא דְּבֵי רַבִּי יִשְׁמָעֵאל כָּל פָּרָשָׁה שֶׁנֶּאֶמְרָה וְנִישְׁנֵית לֹא נִישְׁנֵית אֶלָּא בִּשְׁבִיל דָּבָר שֶׁנִּתְחַדֵּשׁ בָּהּ
On en vient à présent à la troisième discussion rapportée plus haut : « Selon Rabbi Yichma‘el, l’expression employée à propos des esclaves cananéens (ibid. 25, 46) “eux, vous les asservirez à jamais” permet de les maintenir indéfiniment dans cette condition. Rabbi ‘Akiba y voit là encore une obligation, autrement dit, l’interdiction de libérer ces esclaves. »
לְעֹלָם בָּהֶם תַּעֲבֹדוּ רְשׁוּת דִּבְרֵי רַבִּי יִשְׁמָעֵאל רַבִּי עֲקִיבָא אוֹמֵר חוֹבָה
Quelle est la raison de Rabbi Yichma‘el ? Puisqu’il est dit (Deut. 20, 16) : « Mais dans les villes de ces peuples (Cananéens cités dans le verset suivant) que l’Éternel, ton Dieu te donne comme héritage, tu ne laisseras pas subsister une âme », il a fallu écrire aussi « eux, vous les asservirez à jamais » pour permettre de maintenir en vie et d’acheter comme esclave le fils d’une femme cananéenne et d’un homme d’une autre nation, non vouée à l’extermination.
מַאי טַעְמָא דְּרַבִּי יִשְׁמָעֵאל אַיְּידֵי דִּכְתִיב לֹא תְחַיֶּה כׇּל נְשָׁמָה אִיצְטְרִיךְ נָמֵי לְמִיכְתַּב לְעֹלָם בָּהֶם תַּעֲבֹדוּ לְמִישְׁרֵי אֶחָד מִכׇּל הָאוּמּוֹת שֶׁבָּא עַל הַכְּנַעֲנִית וְהוֹלִיד מִמֶּנָּה בֵּן שֶׁאַתָּה רַשַּׁאי לִקְנוֹתוֹ
Car on a enseigné dans une baraïta : « De quel passage biblique déduisons-nous qu’on a le droit d’acheter comme esclave le fils d’une femme cananéenne s’étant unie avec un homme d’une autre nation ? Du verset (Lév. 25, 45) “Vous pourrez en acheter encore parmi les enfants des étrangers qui viennent s’établir chez vous”.
דְּתַנְיָא מִנַּיִן לְאֶחָד מִן הָאוּמּוֹת שֶׁבָּא עַל הַכְּנַעֲנִית וְהוֹלִיד מִמֶּנָּה בֵּן שֶׁאַתָּה רַשַּׁאי לִקְנוֹתוֹ בְּעֶבֶד תַּלְמוּד לוֹמַר וְגַם מִבְּנֵי הַתּוֹשָׁבִים הַגָּרִים עִמָּכֶם מֵהֶם תִּקְנוּ
Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)
Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.
On aurait pu croire qu’il est même permis d’acheter comme esclave le fils d’un Cananéen et d’une femme d’une autre nation. Aussi la Tora a-t-elle ajouté : “Ceux qu’ils ont engendrés dans votre pays” (ibid.) – Référence aux fils nés dans votre pays de mères cananéennes et de résidents étrangers, et non ceux nés ailleurs de pères cananéens, qui sont revenus habiter ensuite dans votre pays avec leurs familles. »
יָכוֹל אַף הַכְּנַעֲנִי שֶׁבָּא עַל אַחַת מִן הָאוּמּוֹת וְהוֹלִיד מִמֶּנָּה בֵּן שֶׁאַתָּה רַשַּׁאי לִקְנוֹתוֹ בְּעֶבֶד תַּלְמוּד לוֹמַר אֲשֶׁר הוֹלִידוּ בְּאַרְצְכֶם מִן הַנּוֹלָדִים בְּאַרְצְכֶם וְלֹא מִן הַגָּרִים בְּאַרְצְכֶם
Et Rabbi ‘Akiba ? Il déduit cet enseignement de l’expression « Vous pourrez en acheter ». Dans ces conditions, pourquoi la Tora a-t-elle ajouté (v. 46) : « Eux, vous les asservirez à jamais » ? Pour l’ériger en obligation.
וְרַבִּי עֲקִיבָא מִמֵּהֶם תִּקְנוּ נָפְקָא לְעֹלָם בָּהֶם תַּעֲבֹדוּ לְמָה לִי לְחוֹבָה
Et Rabbi Yichma‘el ? L’expression « Eux, vous les asservirez » vient interdire d’imposer un travail pénible à des coreligionnaires, « vos frères ».
וְרַבִּי יִשְׁמָעֵאל בָּהֶם וְלֹא בְּאַחֵיכֶם
Et Rabbi ‘Akiba ? Il déduit cette interdiction de la suite du verset : « mais sur vos frères les Enfants d’Israël, un frère sur un autre, tu n’exerceras point sur eux une domination rigoureuse. »
וְרַבִּי עֲקִיבָא בְּאַחֵיכֶם מִסֵּיפָא דִּקְרָא נָפְקָא וּבְאַחֵיכֶם בְּנֵי יִשְׂרָאֵל אִישׁ בְּאָחִיו לֹא תִרְדֶּה בוֹ בְּפָרֶךְ
Et Rabbi Yichma‘el ? Puisqu’il fallait écrire – « Mais sur vos frères les Enfants d’Israël », la Tora a répété qu’« eux », les fils de Cananéens, peuvent être asservis, suivant la règle enseignée par l’École de Rabbi Yichma‘el : « L’Écriture répète parfois un passage entier pour y apporter ne fût-ce qu’une seule innovation. »
וְרַבִּי יִשְׁמָעֵאל אַיְּידֵי דִּכְתִיב וּבְאַחֵיכֶם כְּתִיב נָמֵי בָּהֶם לְכִדְתָנֵי דְּבֵי רַבִּי יִשְׁמָעֵאל דְּתָנָא דְּבֵי רַבִּי יִשְׁמָעֵאל כָּל פָּרָשָׁה שֶׁנֶּאֶמְרָה וְנִישְׁנֵית לֹא נִישְׁנֵית אֶלָּא בִּשְׁבִיל דָּבָר שֶׁנִּתְחַדֵּשׁ בָּהּ
Rav ‘Hisda a déclaré : l’infidélité est aussi nuisible à un foyer qu’un ver pour du sésame. Et Rav ‘Hisda a encore déclaré : la colère est aussi nuisible à un foyer qu’un ver pour du sésame. Cependant, quand ces travers sont le fait du mari et non celui de la femme, leurs conséquences sur le foyer sont moins graves.
אָמַר רַב חִסְדָּא זְנוּתָא בְּבֵיתָא כִּי קַרְיָא לְשׁוּמְשְׁמָא וְאָמַר רַב חִסְדָּא תּוּקְפָּא בְּבֵיתָא כִּי קַרְיָא לְשׁוּמְשְׁמָא אִידֵּי וְאִידֵּי בְּאִיתְּתָא אֲבָל בְּגַבְרָא לֵית לַן בַּהּ
Et Rav ‘Hisda a encore déclaré – Au début, avant que les Enfants d’Israël se soient adonnés à la débauche, la Présence divine résidait sur chacun, puisqu’il est dit (Deut. 23, 15) : « Car l’Éternel ton Dieu marche au milieu de ton camp. » Après qu’ils se sont adonnés à la débauche, la Présence divine s’éloigna d’eux, car il est dit (ibid.) : « Que l’Éternel ne voie pas en toi une chose malséante, car Il se retirerait d’avec toi. »
וְאָמַר רַב חִסְדָּא בַּתְּחִילָּה קוֹדֶם שֶׁחָטְאוּ יִשְׂרָאֵל הָיְתָה שְׁכִינָה שׁוֹרָה עִם כׇּל אֶחָד וְאֶחָד שֶׁנֶּאֱמַר כִּי ה׳ אֱלֹהֶיךָ מִתְהַלֵּךְ בְּקֶרֶב מַחֲנֶךָ כֵּיוָן שֶׁחָטְאוּ נִסְתַּלְּקָה שְׁכִינָה מֵהֶם שֶׁנֶּאֱמַר וְלֹא יִרְאֶה בְךָ עֶרְוַת דָּבָר וְשָׁב מֵאַחֲרֶיךָ
Rabbi Chemouel bar Na‘hmani a rapporté cet enseignement de Rabbi Yonathan – Les bonnes actions accomplies par une personne dans ce monde la précèdent au monde futur, car il est dit (Is. 58, 8) : « Ta piété marchera devant toi. » Et, parallèlement, ses transgressions en ce monde l’enveloppent et la précèdent au jour du Jugement, car il est dit (Job 6, 18) : « Les sentiers de leur [mauvaise] voie les envelopperont, ils monteront dans le tohu-[bohu] et périront. »
אָמַר רַבִּי שְׁמוּאֵל בַּר נַחְמָנִי אָמַר רַבִּי יוֹנָתָן כׇּל הָעוֹשֶׂה מִצְוָה אַחַת בָּעוֹלָם הַזֶּה מְקַדַּמְתּוֹ וְהוֹלֶכֶת לְפָנָיו לָעוֹלָם הַבָּא שֶׁנֶּאֱמַר וְהָלַךְ לְפָנֶיךָ צִדְקֶךָ וְכׇל הָעוֹבֵר עֲבֵירָה אַחַת בָּעוֹלָם הַזֶּה מְלַפַּפְתּוֹ וְהוֹלֶכֶת לְפָנָיו לְיוֹם הַדִּין שֶׁנֶּאֱמַר יִלָּפְתוּ אׇרְחוֹת דַּרְכָּם יַעֲלוּ בַתֹּהוּ וְיֹאבֵדוּ
Selon Rabbi El‘azar, ces transgressions s’attachent à ses pas comme un chien, car il est dit à propos de Joseph face aux avances de la femme de Putiphar (Gen. 39, 10) : « Et il ne l’écouta point pour coucher avec elle, pour être avec elle » – S’il “couche avec elle” dans ce monde-ci, il se retrouvera “avec elle” dans le monde à venir.
רַבִּי אֶלְעָזָר אוֹמֵר קְשׁוּרָה בּוֹ כְּכֶלֶב שֶׁנֶּאֱמַר וְלֹא שָׁמַע אֵלֶיהָ לִשְׁכַּב אֶצְלָהּ לִהְיוֹת עִמָּהּ לִשְׁכַּב אֶצְלָהּ בָּעוֹלָם הַזֶּה לִהְיוֹת עִמָּהּ לָעוֹלָם הַבָּא
§ On a vu en 2b qu’un seul témoin suffit pour établir le constat d’adultère d’une femme. Cette règle est référencée ainsi par la michna du sixième chapitre (en 31b) – « On aurait pu faire ce raisonnement :
תְּנַן הָתָם שֶׁהָיָה בַּדִּין
puisque le premier témoignage – sur l’isolement d’une femme préalablement mise en garde – requiert deux témoins, bien qu’il ne l’interdise pas définitivement à son mari, l’épreuve des eaux amères pouvant prouver son innocence, il en sera de même a fortiori pour le dernier témoignage – le constat d’adultère – qui l’interdit définitivement.
וּמָה עֵדוּת הָרִאשׁוֹנָה שֶׁאֵין אוֹסַרְתָּהּ אִיסּוּר עוֹלָם אֵינָהּ מִתְקַיֶּימֶת בְּפָחוֹת מִשְּׁנַיִם עֵדוּת הָאַחֲרוֹנָה שֶׁאוֹסַרְתָּהּ אִיסּוּר עוֹלָם אֵינוֹ דִּין שֶׁלֹּא תִּתְקַיֵּים בְּפָחוֹת מִשְּׁנַיִם
Aussi la Tora a-t-elle précisé : “Sans qu’il y ait de témoin[s] en la matière” (Nbres 5, 13), laissant entendre que tout témoignage existant en la matière est digne de foi.
תַּלְמוּד לוֹמַר וְעֵד אֵין בָּהּ כֹּל שֶׁיֵּשׁ בָּהּ
Et, dès lors, on pourrait faire le raisonnement a fortiori inverse pour le premier témoignage : puisqu’un seul témoin suffit pour le dernier témoignage, qui la défend par un interdit définitif, à plus forte raison pour le premier témoignage qui ne l’interdit pas définitivement ?
וְקַל וָחוֹמֶר לְעֵדוּת הָרִאשׁוֹנָה מֵעַתָּה וּמָה עֵדוּת הָאַחֲרוֹנָה שֶׁאוֹסַרְתָּהּ אִיסּוּר עוֹלָם מִתְקַיֶּימֶת בְּעֵד אֶחָד עֵדוּת הָרִאשׁוֹנָה שֶׁאֵין אוֹסַרְתָּהּ אִיסּוּר עוֹלָם אֵינוֹ דִּין שֶׁתִּתְקַיֵּים בְּעֵד אֶחָד
Aussi la Tora a-t-elle précisé (Deut. 24, 1) : “Car il a trouvé en elle une ‘chose’ malséante”. Et il est dit ailleurs (ibid. 19, 15) : “C’est par la déposition de deux témoins, ou de trois, qu’une ‘chose’ sera établie”. Puisque là-bas deux témoins sont requis, il en va de même ici aussi – pour le premier témoignage – compte tenu de l’analogie sémantique. »
תַּלְמוּד לוֹמַר כִּי מָצָא בָהּ עֶרְוַת דָּבָר וּלְהַלָּן הוּא אוֹמֵר עַל פִּי שְׁנֵי עֵדִים אוֹ עַל פִּי שְׁלֹשָׁה עֵדִים יָקוּם דָּבָר מָה דָּבָר הָאָמוּר לְהַלָּן עַל פִּי שְׁנַיִם עֵדִים אַף כָּאן עַל פִּי שְׁנַיִם
Le déduit-on réellement du verset : « Car il a trouvé en elle une chose malséante » ? Pourtant on l’a appris (en 2b) de l’expression « sans qu’il y ait de témoin[s] en la matière ». L’auteur de la michna aurait dû lui aussi le déduire ainsi : « en la matière » – pour la souillure – il suffit d’un seul témoin, mais pas pour attester la mise en garde et l’isolement de la femme avec l’amant présumé !
הַאי מִכִּי מָצָא בָהּ עֶרְוַת דָּבָר נָפְקָא מִבָּהּ נָפְקָא בָּהּ וְלֹא בְּקִינּוּי בָּהּ וְלֹא בִּסְתִירָה מִיבְּעֵי לֵיהּ
Effectivement, c’est ce qu’il a voulu dire ; on déduit qu’un témoin est digne de foi « en la matière », mais pas pour la mise en garde et l’isolement.
הָכִי נָמֵי קָאָמַר תַּלְמוּד לוֹמַר בָּהּ בָּהּ וְלֹא בְּקִינּוּי בָּהּ וְלֹא בִּסְתִירָה
Et d’où savons-nous que dans le cas où il n’y a pas eu de mise en garde et d’isolement, une seule personne attestant d’un adultère n’est pas digne de foi ? Il est dit ici – « Car il a trouvé en elle une chose malséante » et il est dit ailleurs – « C’est par la déposition de deux témoins, ou de trois, qu’une chose sera établie. » Puisque là-bas deux témoins sont requis, il en va de même ici, compte tenu de l’analogie sémantique.
וְטוּמְאָה בְּעָלְמָא בְּלֹא קִינּוּי וּבְלֹא סְתִירָה דְּלָא מְהֵימַן עֵד אֶחָד מְנָלַן נֶאֱמַר כָּאן כִּי מָצָא בָהּ עֶרְוַת דָּבָר וְנֶאֱמַר לְהַלָּן עַל פִּי שְׁנֵי עֵדִים אוֹ עַל פִּי שְׁלֹשָׁה עֵדִים יָקוּם דָּבָר מָה דָּבָר הָאָמוּר לְהַלָּן עֵדִים שְׁנַיִם אַף כָּאן עֵדִים שְׁנַיִם
Nos maîtres ont enseigné dans une baraïta : « Qu’est-ce que le premier témoignage dont la michna du sixième chapitre rapportée précédemment fait mention ? Celui attestant l’isolement de la femme avec son amant présumé. Et le dernier témoignage ? Celui de l’adultère.
תָּנוּ רַבָּנַן אֵי זוֹ הִיא עֵדוּת הָרִאשׁוֹנָה זוֹ עֵדוּת סְתִירָה עֵדוּת אַחֲרוֹנָה זוֹ עֵדוּת טוּמְאָה
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