Et dès que les Cohanim trempèrent les pieds dans les eaux du Jourdain, elles revinrent en arrière, car il est dit (Jos. 3, 15–16) : “Et lorsque les porteurs de l’Arche arrivèrent au Jourdain… les eaux qui descendaient d’en haut s’arrêtèrent, se figèrent en un seul bloc.” Quelle était la hauteur de l’eau ? Selon Rabbi Yehouda, les dimensions de ce bloc d’eau étaient : douze mils de haut et douze mils de large. Le camp d’Israël s’étendant sur la même superficie, le passage du Jourdain a duré le temps nécessaire pour parcourir douze mils ; l’eau s’est accumulée et s’est élevée d’autant en un seul endroit. וְכֵיוָן שֶׁנִּיטְבְּלוּ רַגְלֵי כֹהֲנִים בַּמַּיִם חָזְרוּ הַמַּיִם לַאֲחוֹרֵיהֶם שֶׁנֶּאֱמַר וּכְבוֹא נוֹשְׂאֵי הָאָרוֹן עַד הַיַּרְדֵּן וְגוֹ׳ וַיַּעַמְדוּ הַמַּיִם הַיֹּרְדִים מִלְמַעְלָה קָמוּ נֵד אֶחָד וְכַמָּה גּוֹבְהָן שֶׁל מַיִם שְׁנֵים עָשָׂר מִיל עַל שְׁנֵים עָשָׂר מִיל כְּנֶגֶד מַחֲנֵה יִשְׂרָאֵל דִּבְרֵי רַבִּי יְהוּדָה
Rabbi El‘azar fils de Rabbi Chim‘on lui objecta : qui est plus rapide ? Les personnes ou le cours du fleuve ? À l’évidence, le cours du fleuve est plus rapide. Si les eaux avaient atteint seulement douze mils de haut, elles auraient reflué et submergé les Hébreux avant qu’ils aient eu le temps de traverser le Jourdain. אָמַר לוֹ רַבִּי אֶלְעָזָר בְּרַבִּי שִׁמְעוֹן לִדְבָרֶיךָ אָדָם קַל אוֹ מַיִם קַלִּים הֱוֵי אוֹמֵר מַיִם קַלִּים אִם כֵּן בָּאִין מַיִם וְשׁוֹטְפִין אוֹתָן
Mais en vérité, affirme Rabbi El‘azar fils de Rabbi Chim‘on, le verset enseigne que les eaux débordèrent et s’élevèrent en formant comme des voûtes superposées de plus de trois cents mils de haut, jusqu’à ce que tous les rois de l’Orient et de l’Occident les aient vues, car il est dit (Jos. 5, 1) : “Il advint, lorsque tous les rois des Amoréens qui se trouvaient de l’autre côté du Jourdain, à l’ouest, et tous les rois des Cananéens, qui se trouvaient près de la mer, entendirent que l’Éternel avait desséché les eaux du Jourdain devant les Enfants d’Israël, jusqu’à ce qu’ils aient passé, leur cœur fondit et ils n’eurent plus de courage devant les Enfants d’Israël. אֶלָּא מְלַמֵּד שֶׁהָיוּ מַיִם נִגְדָּשִׁין וְעוֹלִין כִּיפִּין עַל גַּבֵּי כִּיפִּין יָתֵר מִשְּׁלֹשׁ מֵאוֹת מִיל עַד שֶׁרָאוּ אוֹתָן כׇּל מַלְכֵי מִזְרָח וּמַעֲרָב שֶׁנֶּאֱמַר וַיְהִי כִשְׁמֹעַ כׇּל מַלְכֵי הָאֱמֹרִי אֲשֶׁר בְּעֵבֶר הַיַּרְדֵּן יָמָּה וְכׇל מַלְכֵי הַכְּנַעֲנִי אֲשֶׁר עַל הַיָּם אֵת אֲשֶׁר הוֹבִישׁ ה׳ אֶת מֵי הַיַּרְדֵּן מִפְּנֵי בְנֵי יִשְׂרָאֵל עַד עׇבְרָם וַיִּמַּס לְבָבָם וְלֹא הָיָה בָם עוֹד רוּחַ מִפְּנֵי בְּנֵי יִשְׂרָאֵל
Le même phénomène s’était déjà produit à la sortie d’Égypte, lors de la traversée de la mer Rouge, et les peuples Cananéens en tremblaient encore, puisque Ra‘hav, la prostituée, déclara aux émissaires de Josué (ibid. 2, 10–11) : “Car nous avons entendu que l’Éternel avait desséché les eaux de la mer des Joncs devant vous à la sortie d’Égypte. Nous avons entendu, notre cœur a fondu et personne n’a plus de courage devant vous.” » וְאַף רָחָב הַזּוֹנָה אָמְרָה לִשְׁלוּחֵי יְהוֹשֻׁעַ כִּי שָׁמַעְנוּ אֵת אֲשֶׁר הוֹבִישׁ ה׳ אֶת מֵי יַם סוּף וְגוֹ׳ וּכְתִיב וַנִּשְׁמַע וַיִּמַּס לְבָבֵנוּ וְלֹא קָמָה עוֹד וְגוֹ׳
Suite de la Tossefta« Alors que les Hébreux se trouvaient dans le Jourdain, Josué leur déclara : sachez à quelle condition vous êtes autorisés à traverser le Jourdain. Vous devez vous engager à chasser les habitants de ce pays devant vous. En effet, l’Éternel avait déclaré à Moïse (Nbres 33, 52) – Parle aux Enfants d’Israël et dis-leur : vous traverserez le Jourdain et vous chasserez tous les habitants de la terre devant vous …” Aussi, Josué les avertit au moment du passage du Jourdain : si vous respectez cet ordre, c’est bien ; sinon, l’eau viendra et submergera otikhem. » Quel est le sens du mot otikhem ? Josué déclara : l’eau viendra et nous submergera tous ensemble, moi [oti] et vous [ve-étkhem]. עוֹדָם בַּיַּרְדֵּן אָמַר לָהֶם יְהוֹשֻׁעַ דְּעוּ עַל מָה אַתֶּם עוֹבְרִים אֶת הַיַּרְדֵּן עַל מְנָת שֶׁתּוֹרִישׁוּ אֶת יוֹשְׁבֵי הָאָרֶץ מִפְּנֵיכֶם שֶׁנֶּאֱמַר וְהוֹרַשְׁתֶּם אֶת כׇּל יוֹשְׁבֵי הָאָרֶץ מִפְּנֵיכֶם וְגוֹ׳ אִם אַתֶּם עוֹשִׂין כֵּן מוּטָב וְאִם לָאו בָּאִין מַיִם וְשׁוֹטְפִין אוֹתִיכֶם מַאי אוֹתִיכֶם אוֹתִי וְאֶתְכֶם

Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)

Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.

La Tossefta poursuit – « Alors qu’ils se trouvaient dans le Jourdain, Josué convoqua les douze hommes désignés parmi les Enfants d’Israël et leur ordonna :enlevez chacun pour vous une pierre sur l’épaule, suivant le nombre des tribus d’Israël … Afin que ce soit un signe parmi vous ; quand vos enfants vous demanderont demain en disant : que sont pour vous ces pierres ? Vous leur direz : les eaux du Jourdain ont été divisées… et ces pierres serviront de mémorial aux Enfants d’Israël à jamais” (Jos. 4, 5–7). Ce sera un signe rappelant aux générations futures que leurs ancêtres ont traversé le Jourdain. » עוֹדָם בַּיַּרְדֵּן אָמַר לָהֶן יְהוֹשֻׁעַ הָרִימוּ לָכֶם אִישׁ אֶבֶן אַחַת עַל שִׁכְמוֹ לְמִסְפַּר שִׁבְטֵי יִשְׂרָאֵל וְגוֹ׳ וּכְתִיב לְמַעַן תִּהְיֶה זֹאת אוֹת בְּקִרְבְּכֶם כִּי יִשְׁאָלוּן בְּנֵיכֶם מָחָר לֵאמֹר מָה הָאֲבָנִים הָאֵלֶּה לָכֶם וְגוֹ׳ סִימָן לַבָּנִים שֶׁעָבְרוּ אָבוֹת אֶת הַיַּרְדֵּן
Suite de la Tossefta : « Alors que les Hébreux se trouvaient dans le Jourdain, Josué demanda de désigner un homme par tribu et leur donna l’ordre suivant : “Emportez pour vous d’ici – du milieu du Jourdain, de l’endroit où les pieds des Cohanim se tiennent prêts – douze pierres ; vous les ferez passer avec vous et vous les déposerez dans le gîte où vous passerez cette nuit” (ibid. 4, 3). Ils auraient pu penser qu’ils devaient les emporter ensuite dans chacun de leurs gîtes successifs. Aussi a-t-il précisé : “Vous les déposerez dans le gîte où vous passerez cette nuit.” » עוֹדָם בַּיַּרְדֵּן אָמַר לָהֶן יְהוֹשֻׁעַ שְׂאוּ לָכֶם מִזֶּה מִתּוֹךְ הַיַּרְדֵּן מִמַּצַּב רַגְלֵי הַכֹּהֲנִים הָכִין שְׁתֵּים עֶשְׂרֵה אֲבָנִים וְהַעֲבַרְתֶּם אוֹתָם עִמָּכֶם וְהִנַּחְתֶּם אוֹתָם בַּמָּלוֹן אֲשֶׁר תָּלִינוּ בוֹ הַלַּיְלָה וְגוֹ׳ יָכוֹל בְּכׇל מָלוֹן וּמָלוֹן תַּלְמוּד לוֹמַר אֲשֶׁר תָּלִינוּ בוֹ הַלָּיְלָה
Autre enseignement tiré de la Tossefta : « Rabbi Yehouda a attesté : Aba ‘Halafta, Rabbi Eli‘ézer ben Matya et ‘Hananya ben ‘Hakhinaï se sont tenus sur ces pierres et ont évalué leur poids : chacune équivalait à quarante séas (environ 400 kg). » Sachant par tradition qu’il est possible de tripler la charge maximale d’un individu en l’aidant à la placer sur l’épaule, אָמַר רַבִּי יְהוּדָה אַבָּא חֲלַפְתָּא וְרַבִּי אֱלִיעֶזֶר בֶּן מַתְיָא וַחֲנַנְיָא בֶּן חֲכִינַאי עָמְדוּ עַל אוֹתָן אֲבָנִים וְשִׁיעֲרוּם כׇּל אַחַת וְאַחַת שְׁקוּלָה כְּאַרְבָּעִים סְאָה וּגְמִירִי דִּטְעוּנָא דְּמַדְלֵי אִינִישׁ לְכַתְפֵּיהּ תִּילְתָּא דִּטְעוּנֵיהּ הָוֵי
on peut calculer la taille de la grappe de raisin rapportée dans le désert par les explorateurs en conjuguant leurs forces. En effet, explique la guemara – interrompant la citation de la Tossefta par une digression sur le poids de cette grappe – il est dit (Nbres 13, 23) – « Ils la portèrent à deux au moyen d’une perche. » La formule « au moyen d’une perche » implique la présence de deux porteurs – comme pour les différentes parties du Tabernacle. Alors, pourquoi l’Écriture a-t-elle précisé : « à deux » ? Pour laisser entendre que les explorateurs ont transporté la grappe de raisin au moyen de deux perches. מִכָּאן אַתָּה מְחַשֵּׁב לָאֶשְׁכּוֹל שֶׁנֶּאֱמַר וַיִּשָּׂאֻהוּ בַמּוֹט בִּשְׁנָיִם מִמַּשְׁמַע שֶׁנֶּאֱמַר בַּמּוֹט אֵינִי יוֹדֵעַ שֶׁבִּשְׁנַיִם מָה תַּלְמוּד לוֹמַר בִּשְׁנָיִם בִּשְׁנֵי מוֹטוֹת
Rabbi Yits‘hak explique qu’il y avait en réalité deux perches soutenues par quatre hommes et, au-dessous, deux perches perpendiculaires aux premières, posées sur les épaules de quatre autres explorateurs. Comment les explorateurs ont-ils procédé pour rapporter les différentes espèces d’Erets-Israël ? Ils étaient douze. Huit d’entre eux portèrent la grappe de raisin et deux autres, respectivement, une grenade et une figue. Josué et Caleb n’ont rien porté. Soit, parce qu’ils étaient des hommes trop importants soit parce qu’ils étaient opposés au plan de leurs compagnons qui voulaient rapporter des fruits gigantesques pour effrayer le peuple en suggérant que les habitants du pays de Canaan étaient, eux aussi, des géants redoutables. אָמַר רַבִּי יִצְחָק טוּרְטָנֵי וְטוּרְטָנֵי דְטוּרְטָנֵי הָא כֵּיצַד שְׁמֹנָה נָשְׂאוּ אֶשְׁכֹּל אֶחָד נָשָׂא רִימּוֹן וְאֶחָד נָשָׂא תְּאֵינָה יְהוֹשֻׁעַ וְכָלֵב לֹא נָשְׂאוּ כְּלוּם אִי בָּעֵית אֵימָא מִשּׁוּם דַּחֲשִׁיבִי וְאִי בָּעֵית אֵימָא שֶׁלֹּא הָיוּ בְּאוֹתָהּ עֵצָה
§ Dans la Tossefta, quel est le fond du débat opposant Rabbi Yehouda à Rabbi El‘azar fils de Rabbi Chim‘on au sujet du bloc formé par les eaux du Jourdain ? Rabbi Ami et Rabbi Yits‘hak Napa‘ha, deux Amoraïm, en discutent. L’un explique ainsi la controverse entre les Tanaïm : Rabbi Yehouda pense que פְּלִיגִי בַּהּ רַבִּי אַמֵּי וְרַבִּי יִצְחָק נַפָּחָא חַד אָמַר לְדִבְרֵי רַבִּי יְהוּדָה