Et ici, lorsque la michna dit que si deux témoins viennent contredire un premier témoin à charge, c’est leur parole qui est retenue et la femme devra boire (selon sa version originelle que nous suivons maintenant), elle ne peut donc parler de deux femmes venant après un homme. Donc de quoi s’agit-il ? En fait, explique la guemara, il s’agit du cas dans lequel une femme est venue déposer en premier contre l’accusée, et a été ensuite contredite par deux autres femmes. C’est dans un tel cas que le premier témoignage, bien que validé par la Tora, devra se plier à la loi de la majorité s’il est contredit par un témoignage ultérieur. וְהָכָא בְּמַאי עָסְקִינַן כְּגוֹן דַּאֲתַאי אִשָּׁה מֵעִיקָּרָא
Et donc, suivant cette seconde version, il faut traduire l’enseignement de Rabbi Ne‘hémya ainsi : « Là où la Tora a donné crédit à un témoin unique, on suit la majorité des avis, c’est-à-dire que les Sages ont, dans ces situations, donné à deux femmes opposées à une femme le même poids que celui de deux hommes contre un seul homme. De même que deux hommes auraient été en capacité de contredire un seul homme, bien que le témoignage de ce dernier fût validé par la Tora, de même les deux femmes qui témoignent ici à décharge sont-elles capables de contredire un premier témoignage à charge (dès lors qu’il est lui aussi avancé par une femme). En revanche, quand deux femmes contredisent un homme, c’est comme si on était dans une situation dans laquelle une moitié de témoignage (donc un témoin valide isolé) s’oppose à une autre moitié de témoignage (un autre témoin valide isolé). » Dans un tel équilibre, le témoignage du premier restera inaltéré si son contradicteur vient dans un second temps. De même ici, si les deux femmes viennent après coup contredire un premier témoin valide, leur témoignage ne pèsera pas et la femme ne pourra pas boire les eaux amères. וְתָרְצַהּ לִדְרַבִּי נְחֶמְיָה הָכִי רַבִּי נְחֶמְיָה אוֹמֵר כׇּל מָקוֹם שֶׁהֶאֱמִינָה תּוֹרָה עֵד אֶחָד הַלֵּךְ אַחַר רוֹב דֵּיעוֹת וְעָשׂוּ שְׁתֵּי נָשִׁים בְּאִשָּׁה אַחַת כִּשְׁנֵי אֲנָשִׁים בְּאִישׁ אֶחָד אֲבָל שְׁתֵּי נָשִׁים בְּאִישׁ אֶחָד כִּי פַּלְגָא וּפַלְגָא דָּמֵי
La guemara pose une question selon les deux lectures précédentes, qui toutes deux expliquent qu’il faut aller d’après la majorité des témoignages dans notre contexte de sota (soit de façon absolue, selon la première version de Rabbi Ne‘hémya, soit uniquement si les témoignages en jeu sont l’œuvre de témoins non valides d’après la seconde) : et pourquoi, demande-t-elle donc, le Tana a-t-il jugé bon d’enseigner deux cas différents mettant en scène des témoins généralement récusés pour nous apprendre cette règle ? Si elle ne nous avait appris qu’un seul cas, qu’aurait-on pensé, répond la guemara ? Nous aurions pensé que nous devons suivre la majorité des avis que si c’est pour prendre in fine une décision sévère, et soumettre en l’occurrence la protagoniste à l’épreuve des eaux amères. C’est en effet ce que nous apprend l’avant-dernier cas de la michna. Mais, aurions-nous dit, il ne faut peut-être pas prendre en compte des témoins non valides en surnombre si c’est pour prendre une position indulgente ! Dans le cas où deux femmes servant de témoins à charge sont contredites par un homme (selon la première compréhension de la règle de la majorité) ou par une autre femme (selon la seconde), on aurait pu considérer le statut de l’accusée comme devant rester douteux [safek], doute à même d’être levé par l’épreuve des eaux amères (que l’on considère ici comme étant la position sévère). Aussi le Tana nous a-t-il enseigné qu’on suit cette règle de la majorité dans tous les cas. וְתַרְתֵּי בִּפְסוּלֵי עֵדוּת לְמָה לִי מַהוּ דְּתֵימָא כִּי אָזְלִינַן בָּתַר רוֹב דֵּיעוֹת לְחוּמְרָא אֲבָל לְקוּלָּא לָא אָזְלִינַן קָא מַשְׁמַע לַן


הֲדַרַן עֲלָךְ מִי שֶׁקִּינֵּא