mélancolique. Et comment Rabbi Yochiya, qui exclut la femme liée par des engagements matrimoniaux à cause de l’expression « sous [la puissance de] ton mari » (v. 12), interprète-t-il l’expression « sous [la puissance de] son mari » (v. 29) – dont Rabbi Yonathan déduit le même enseignement ? D’après lui, elle est nécessaire pour établir une analogie entre le mari et la femme et exempter celle-ci de l’épreuve des eaux amères si l’un des deux est aveugle ou boiteux (voir en 27a).
שַׁעֲמוּם וְרַבִּי יֹאשִׁיָּה הַאי תַּחַת אִישָׁהּ מַאי עָבֵיד לֵיהּ מִיבְּעֵי לֵיהּ לְהַקִּישׁ אִישׁ לְאִשָּׁה וְאִשָּׁה לְאִישׁ
À la lecture de la baraïta rapportée ci-dessus, on déduit grâce à la formule d’un des deux versets « sous [la puissance de] ton mari » (v.12) ou « sous [la puissance de] son mari » (v.29) qu’une femme liée par des engagements matrimoniaux ne peut pas boire les eaux amères. Sans ces versets, on aurait pensé qu’elle peut être soumise à cette épreuve. Pourtant quand Rabbi A‘ha bar ‘Hanina est venu en Galilée, en provenance du Sud, c’est-à-dire de la Judée, il a rapporté cette baraïta : l’expression « si un homme a déposé en toi son épanchement, en plus de ton mari » (Nbres 5, 20) laisse entendre qu’un mari ne peut soumettre sa femme à l’épreuve des eaux amères que si la première relation conjugale qu’il a eue avec elle en tant que mari a précédé celle de l’amant présumé, supposée par l’isolement – et non dans le cas opposé, si celle de l’amant a précédé celle du mari ! Dès lors, ce verset exclut les cas où le mariage n’est pas consommé.
אֶלָּא טַעְמָא דִּכְתִיבִי הָנֵי קְרָאֵי הָא לָאו הָכִי הֲוָה אָמֵינָא אֲרוּסָה שָׁתְיָא וְהָא כִּי אֲתָא רַבִּי אַחָא בַּר חֲנִינָא מִדָּרוֹמָא אֲתָא וְאַיְיתִי מַתְנִיתָא בִּידֵיהּ מִבַּלְעֲדֵי אִישֵׁךְ מִשֶּׁקָּדְמָה שְׁכִיבַת בַּעַל לַבּוֹעֵל וְלֹא שֶׁקָּדְמָה שְׁכִיבַת בּוֹעֵל לַבַּעַל
Rami bar ‘Hama répond : quand le futur époux s’est uni illicitement à celle qui lui était liée par des engagements matrimoniaux, alors qu’elle se trouvait encore dans la maison de son père – c’est-à-dire avant les noces – puis elle s’est isolée avec l’amant présumé malgré sa mise en garde, il aurait pu la soumettre à l’épreuve des eaux amères, puisque sa relation intime a précédé la rencontre secrète et la relation supposée avec l’amant. Aussi la formule « sous [la puissance de] ton mari », selon Rabbi Yochiya, ou « sous [la puissance de] son mari », selon Rabbi Yonathan, était nécessaire pour écarter l’épreuve de la sota même dans ce cas.
אָמַר רָמֵי בַּר חָמָא מַשְׁכַּחַתְּ לַהּ כְּגוֹן שֶׁבָּא עָלֶיהָ אָרוּס בְּבֵית אָבִיהָ
Cependant, objecte la guemara, Rabbi Yonathan, lui, déduit de la formule « sous [la puissance de] ton mari », que la veuve attendant le mariage par lévirat est exclue, elle aussi, de l’épreuve des eaux amères. En l’occurrence, il faut expliquer, comme pour la femme liée par des engagements matrimoniaux, que cette déduction est nécessaire dans le cas où le beau-frère s’est uni à la veuve revenue entre-temps à la maison paternelle – de sorte que leur relation a précédé la rencontre secrète avec l’amant présumé. Mais dans ces conditions, la veuve serait-elle encore considérée comme « attendant le mariage par lévirat » ? Pourtant, après leur relation, elle devient sa femme à part entière, même s’ils n’avaient pas l’intention de s’acquitter de leur obligation religieuse. En effet, une michna (Yebamot 53b) enseigne : « Qui s’unit à sa belle-sœur involontairement (pensant qu’il s’agissait d’une autre femme) ou délibérément, l’a acquise. » Et Rav a précisé (ibid. 56a) – « Il l’a acquise » signifie qu’elle est devenue sa femme avec tous les effets légaux en découlant : il peut la soumettre à l’épreuve des eaux amères, la répudier en lui remettant simplement un acte de divorce, sans procéder à la cérémonie du déchaussement ; il est son héritier putatif ; s’il est Cohen, elle est autorisée à consommer la terouma, et si elle meurt, il a le droit de se rendre impur pour s’occuper de ses funérailles.
דִּכְווֹתַהּ גַּבֵּי שׁוֹמֶרֶת יָבָם כְּגוֹן שֶׁבָּא עָלֶיהָ יָבָם בְּבֵית חָמִיהָ הָא שׁוֹמֶרֶת יָבָם קָרֵית לַהּ אִשְׁתּוֹ מְעַלַּיְיתָא הִיא דְּהָאָמַר רַב קָנָה לַכֹּל
La guemara répond – Rabbi Yonathan a dû recourir à la formule « sous [la puissance de] ton mari » pour exclure la veuve de l’épreuve des eaux amères, parce qu’il partage l’avis de Chemouel (ibid.), selon lequel l’union de la veuve et de son beau-frère sans intention de devenir époux n’a que les effets légaux mentionnés dans le passage de la Tora s’y rapportant (Deut. chap. 25) : le frère du défunt hérite de ses biens et peut répudier la veuve par un simple acte de divorce.
כִּשְׁמוּאֵל דְּאָמַר לֹא קָנָה אֶלָּא לִדְבָרִים הָאֲמוּרִים בַּפָּרָשָׁה
Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)
Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.
S’il en est ainsi, interroge la guemara, dirons-nous que Rav, qui affirme que la veuve qui s’est unie à son beau-frère devient sa femme à part entière, partage l’avis de Rabbi Yochiya – qui permet dans ce cas l’épreuve des eaux amères – et Chemouel, celui de Rabbi Yonathan ? Rav te répondra : mon enseignement s’accorde même avec celui de Rabbi Yonathan – Puisque celui-ci a besoin d’un indice scripturaire pour exclure de l’épreuve des eaux amères la veuve qui s’est unie à son beau-frère, il la considère manifestement comme une épouse à part entière.
אִי הָכִי לֵימָא רַב דְּאָמַר כְּרַבִּי יֹאשִׁיָּה וּשְׁמוּאֵל דְּאָמַר כְּרַבִּי יוֹנָתָן אָמַר לָךְ רַב אֲנָא דַּאֲמַרִי אֲפִילּוּ לְרַבִּי יוֹנָתָן מִדְּאִיצְטְרִיךְ קְרָא לְמַעוֹטַהּ מִכְּלַל דְּאִשְׁתּוֹ מְעַלַּיְיתָא הִיא
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