qui a étudié la Tora écrite et la Michna, recueil de la loi orale, mais n’a pas pratiqué auprès d’un maître en vue d’apprendre la Guemara qui approfondit les michnayot et met en lumière leurs distinguos subtils. Il est appelé « méchant » parce que son ignorance de la Guemara le conduit à falsifier la Tora orale et induire les autres en erreur. Il est aussi qualifié de « rusé » parce qu’il impose le respect en récitant des michnayot à haute voix. שֶׁקָּרָא וְשָׁנָה וְלֹא שִׁימֵּשׁ תַּלְמִידֵי חֲכָמִים
On a rapporté différents enseignements d’Amoraïm au sujet de celui qui a étudié la Tora écrite et la Michna mais n’a pas pratiqué auprès d’un maître en vue d’apprendre la Guemara : selon Rabbi El‘azar, c’est une personne du commun, soupçonnée de ne pas respecter scrupuleusement les règles de pureté rituelle et l’obligation de prélever les dîmes. Selon Rabbi Chemouel bar Na‘hmani, c’est un inculte. Rabbi Yanaï le compare à un Samaritain, dont le pain et le vin sont défendus, car il fait fi des interdits rabbiniques. אִתְּמַר קָרָא וְשָׁנָה וְלֹא שִׁימֵּשׁ תַּלְמִידֵי חֲכָמִים רַבִּי אֶלְעָזָר אוֹמֵר הֲרֵי זֶה עַם הָאָרֶץ רַבִּי שְׁמוּאֵל בַּר נַחְמָנִי אָמַר הֲרֵי זֶה בּוּר רַבִּי יַנַּאי אוֹמֵר הֲרֵי זֶה כּוּתִי
Rav A‘ha bar Ya‘acov l’assimile à un mage qui trompe les autres par des faux-semblants. Rav Na‘hman bar Yits‘hak juge davantage plausible l’explication de Rav A‘ha bar Ya‘acov, car elle est confirmée par ce dicton populaire : le mage murmure des paroles sans les comprendre ; de même, celui qui récite des michnayot les répète sans les comprendre s’il n’a pas pratiqué auprès d’un sage. רַב אַחָא בַּר יַעֲקֹב אוֹמֵר הֲרֵי זֶה מָגוֹשׁ אָמַר רַב נַחְמָן בַּר יִצְחָק מִסְתַּבְּרָא כְּרַב אַחָא בַּר יַעֲקֹב דְּאָמְרִי אִינָשֵׁי רָטֵין מָגוֹשָׁא וְלָא יָדַע מַאי אָמַר תָּנֵי תַּנָּא וְלָא יָדַע מַאי אָמַר
Nos maîtres enseignent dans une baraïta : « Qui est considéré comme une personne du commun ? Selon Rabbi Mèir, c’est l’ignorant qui ne récite même pas le Chema matin et soir avec ses bénédictions. Selon des Sages, c’est quiconque s’abstient de mettre les tefilin. Ben ‘Azaï inclut dans cette catégorie quiconque ne suspend pas de tsitsit à son habit doté de quatre coins, méprisant ainsi un commandement venant rappeler toutes les autres obligations religieuses (Nbres 15, 38–39). Selon Rabbi Yonathan bar Yossef, c’est quiconque a des fils et ne les élève pas dans l’amour de l’étude de la Tora. Selon d’autres, même un érudit connaissant la Bible et la Michna, s’il n’a pas pratiqué auprès d’un maître, il est considéré comme une personne du commun. תָּנוּ רַבָּנַן אֵיזֶהוּ עַם הָאָרֶץ כֹּל שֶׁאֵינוֹ קוֹרֵא קְרִיאַת שְׁמַע שַׁחֲרִית וְעַרְבִית בְּבִרְכוֹתֶיהָ דִּבְרֵי רַבִּי מֵאִיר וַחֲכָמִים אוֹמְרִים כֹּל שֶׁאֵינוֹ מַנִּיחַ תְּפִילִּין בֶּן עַזַּאי אוֹמֵר כֹּל שֶׁאֵין לוֹ צִיצִית בְּבִגְדוֹ רַבִּי יוֹנָתָן בֶּן יוֹסֵף אָמַר כֹּל שֶׁיֵּשׁ לוֹ בָּנִים וְאֵינוֹ מְגַדְּלָן לִלְמוֹד תּוֹרָה אֲחֵרִים אוֹמְרִים אֲפִילּוּ קוֹרֵא וְשׁוֹנֶה וְלֹא שִׁימֵּשׁ תַּלְמִידֵי חֲכָמִים זֶהוּ עַם הָאָרֶץ
Celui qui a étudié la Tora écrite et n’a pas étudié la Michna est un inculte, et s’il n’a étudié ni l’une ni l’autre on le relègue au rang d’animal en lui appliquant le verset (Jér. 31, 26) –“J’ensemencerai la maison d’Israël et la maison de Yehouda d’une semence d’hommes et d’une semence d’animaux.” » קָרָא וְלֹא שָׁנָה הֲרֵי זֶה בּוּר לֹא קָרָא וְלֹא שָׁנָה עָלָיו הַכָּתוּב אוֹמֵר וְזָרַעְתִּי אֶת בֵּית יִשְׂרָאֵל וְאֶת בֵּית יְהוּדָה זֶרַע אָדָם וְזֶרַע בְּהֵמָה

Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)

Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.

À propos du verset (Prov. 24, 21) – « Crains l’Éternel, mon fils, ainsi que le roi ; ne te mêle pas aux enseignants [chonim] », Rabbi Yits‘hak précise : il s’agit de ceux qui enseignent des règles tirées de la Michna sans les avoir approfondies auprès d’un maître. C’est évident, s’étonne la guemara ! À qui d’autre le mot chonim pourrait-il s’appliquer ? Sans la précision de Rabbi Yits‘hak, tu aurais pu penser que chonim désigne non des répétiteurs de la Michna mais des pécheurs récidivistes, conformément à cet enseignement de Rav Houna : dès qu’une personne a transgressé deux fois un interdit, il se l’est autorisé et n’éprouve plus le sentiment de transgresser. Aussi Rabbi Yits‘hak a-t-il indiqué que chonim se rapporte ici à ceux qui enseignent la Michna sans avoir étudié la Guemara. יְרָא אֶת ה׳ בְּנִי וָמֶלֶךְ עִם שׁוֹנִים אַל תִּתְעָרָב אָמַר רַבִּי יִצְחָק אֵלּוּ שֶׁשּׁוֹנִים הֲלָכוֹת פְּשִׁיטָא מַהוּ דְּתֵימָא שׁוֹנִין בְּחֵטְא וְכִדְרַב הוּנָא דְּאָמַר רַב הוּנָא כֵּיוָן שֶׁעָבַר אָדָם עֲבֵירָה וְשָׁנָה בָּהּ הוּתְּרָה לוֹ קָא מַשְׁמַע לַן
Un Tana a enseigné : ceux qui récitent des michnayot causent la ruine du monde. Sont-ils réellement aussi dangereux, interroge la guemara ? Quel tort causent-ils ? Ravina explique : le Tana fait allusion à ceux qui tirent des règles pratiques de la Michna sans en avoir pourtant saisi le sens et, ce faisant, induisent en erreur (soit parce qu’ils comprennent de manière erronée, soit parce qu’ils rapportent un avis contesté, non retenu par la Halakha). On en trouve une confirmation dans cette autre baraïta Ayant entendu les paroles du Tana, « Rabbi Yehochoua a déclaré : les récitants causent-ils réellement la ruine du monde ? Pourtant ils contribuent à son développement, car il est dit (Hab. 3, 6) – “[Celui qui enseigne] des règles, le monde est à lui” c’est-à-dire existe par son mérite ! Mais à l’évidence, le Tana fait allusion à ceux qui tirent des règles pratiques de la Michna sans en avoir saisi le sens. » תָּנָא הַתַּנָּאִים מְבַלֵּי עוֹלָם מְבַלֵּי עוֹלָם סָלְקָא דַּעְתָּךְ אָמַר רָבִינָא שֶׁמּוֹרִין הֲלָכָה מִתּוֹךְ מִשְׁנָתָן תַּנְיָא נָמֵי הָכִי אָמַר רַבִּי יְהוֹשֻׁעַ וְכִי מְבַלֵּי עוֹלָם הֵן וַהֲלֹא מְיַישְּׁבֵי עוֹלָם הֵן שֶׁנֶּאֱמַר הֲלִיכוֹת עוֹלָם לוֹ אֶלָּא שֶׁמּוֹרִין הֲלָכָה מִתּוֹךְ מִשְׁנָתָן
Dans notre michna, Rabbi Yehochoua a mentionné « une femme d’une piété pharisienne » parmi les personnes qui entraînent la ruine du monde. À ce propos, la guemara rapporte la baraïta suivante : « Une vierge qui prie sans arrêt, une veuve qui sans cesse rend visite à ses voisines et un petitavant terme causent, eux aussi, la ruine du monde », car ce sont des malfaisants se cachant sous des dehors vertueux. אִשָּׁה פְּרוּשָׁה וְכוּ׳ תָּנוּ רַבָּנַן בְּתוּלָה צַלְיָינִית וְאַלְמָנָה שׁוֹבָבִית וְקָטָן שֶׁלֹּא כָּלוּ לוֹ חֳדָשָׁיו הֲרֵי אֵלּוּ מְבַלֵּי עוֹלָם
Faut-il réellement se méfier d’une femme qui fait de l’excès de zèle, interroge la guemara ? Pourtant Rabbi Yo‘hanan a déclaré : j’ai appris d’une vierge ce qu’est la crainte du péché et d’une veuve ce qu’est la récompense d’une mitsva. Et la guemara d’expliquer : Rabbi Yo‘hanan a appris d’une vierge la crainte du péché en l’entendant réciter cette prière face contre terre – « Maître du monde ! Tu as créé le Jardin d’Eden et Tu as créé la géhenne. Tu as créé des Justes et Tu as créé des méchants. Veuille faire en sorte que personne ne trébuche dans le péché à cause de moi. » אִינִי וְהָאָמַר רַבִּי יוֹחָנָן לָמַדְנוּ יִרְאַת חֵטְא מִבְּתוּלָה וְקִיבּוּל שָׂכָר מֵאַלְמָנָה יִרְאַת חֵטְא מִבְּתוּלָה דְּרַבִּי יוֹחָנָן שַׁמְעַהּ לְהַהִיא בְּתוּלָה דְּנָפְלָה אַאַפַּהּ וְקָאָמְרָה רִבּוֹנוֹ שֶׁל עוֹלָם בָּרָאתָ גַּן עֵדֶן וּבָרָאתָ גֵּיהִנָּם בָּרָאתָ צַדִּיקִים וּבָרָאתָ רְשָׁעִים יְהִי רָצוֹן מִלְּפָנֶיךָ שֶׁלֹּא יִכָּשְׁלוּ בִּי בְּנֵי אָדָם
Et il a appris d’une veuve ce qu’est la récompense d’une mitsva à cette occasion : une veuve venait prier, chaque jour, dans la maison d’étude de Rabbi Yo‘hanan, bien qu’il y eût une synagogue près de chez elle. Il lui demanda : « Ma fille, n’y-a-t-il pas de synagogue dans ton voisinage ? » Elle lui répondit : « Mon maître ! N’ai-je pas droit à une récompense pour chaque pas que je fais pour venir prier dans ta maison d’étude ? » קִיבּוּל שָׂכָר מֵאַלְמָנָה דְּהָהִיא אַלְמָנָה דַּהֲוַאי בֵּי כְנִישְׁתָּא בְּשִׁיבָבוּתַהּ כׇּל יוֹמָא הֲוָת אָתְיָא וּמְצַלָּה בֵּי מִדְרְשֵׁיהּ דְּרַבִּי יוֹחָנָן אֲמַר לַהּ בִּתִּי לֹא בֵּית הַכְּנֶסֶת בְּשִׁיבָבוּתִיךְ אֲמַרָה לֵיהּ רַבִּי וְלֹא שְׂכַר פְּסִיעוֹת יֵשׁ לִי
Pour répondre à l’objection, la guemara explique que les enseignements de la michna et de la baraïta s’appliquent à une femme telle que Yo‘hani fille de Retivi, dont la dévotion était hypocrite puisqu’elle soumettait ses voisines à des sortilèges à leur insu, puis les en délivrait par de prétendues prières. כִּי קָאָמַר כְּגוֹן יוֹחָנִי בַּת רְטִיבִי
Qui est le « petitavant terme » mentionné dans la baraïta ? Ici, en Babylonie, on a expliqué que c’est le disciple d’un Sage qui meurt « avant terme », c’est-à-dire dans la fleur de l’âge, pour avoir regimbé contre ses maîtres. מַאי קָטָן שֶׁלֹּא כָּלוּ לוֹ חֳדָשָׁיו הָכָא תַּרְגִּימוּ זֶה תַּלְמִיד חָכָם הַמְבַעֵט בְּרַבּוֹתָיו
Rabbi Aba, un Amora d’Erets-Israël, explique pour sa part que c’est un disciple qui enseigne avant d’avoir acquis les compétences nécessaires. En effet, Rabbi Abahou a rapporté au nom de Rav Houna l’explication de Rav sur ce verset (Prov. 7, 26) – s’appliquant au sens littéral à une femme de mauvaise vie : « Car nombreuses sont les victimes de son avortement et nombreux ceux qu’elle a fait périr [en restant bouche] cousue. » « Car nombreuses sont les victimes de son avortement » fait allusion au disciple d’un Sage qui enseigne avant d’avoir acquis les compétences nécessaires ; il est comparable à « un petit né avant terme », c’est-à-dire qu’il est un avorton qui prétend enseigner et, ce faisant, cause la ruine de ceux qui lui prêtent l’oreille. Quant à la fin du verset, « et tous ceux qu’elle a fait périr [en restant bouche] cousue », elle se rapporte au disciple d’un Sage qui n’enseigne pas alors qu’il en a les compétences, et c’est donc cette fois en gardant le silence qu’il cause la ruine de ceux qui auraient pu bénéficier de son enseignement. רַבִּי אַבָּא אָמַר זֶה תַּלְמִיד שֶׁלֹּא הִגִּיעַ לְהוֹרָאָה וּמוֹרֶה דְּאָמַר רַבִּי אֲבָהוּ אָמַר רַב הוּנָא אָמַר רַב מַאי דִּכְתִיב כִּי רַבִּים חֲלָלִים הִפִּילָה וַעֲצוּמִים כׇּל הֲרוּגֶיהָ כִּי רַבִּים חֲלָלִים הִפִּילָה זֶה תַּלְמִיד חָכָם שֶׁלֹּא הִגִּיעַ לְהוֹרָאָה וּמוֹרֶה וַעֲצוּמִים כׇּל הֲרוּגֶיהָ זֶה תַּלְמִיד חָכָם שֶׁהִגִּיעַ לְהוֹרָאָה וְאֵינוֹ מוֹרֶה