Suite de notre michna : « Ben ‘Azaï en tire la conclusion que chacun doit enseigner la Tora à sa fille, afin qu’elle sache le cas échéant qu’un mérite peut suspendre les effets des eaux amères. Selon Rabbi Eli‘ézer, quiconque enseigne la Tora à sa fille lui enseigne ce faisant la légèreté en matière de mœurs. » La guemara demande : est-il concevable qu’il ait assimilé l’étude de la Tora à une légèreté ? En réalité, dis plutôt que Rabbi Eli‘ézer a déclaré que celui qui enseigne la Tora à sa fille, c’est comme s’il lui enseignait la légèreté.
אוֹמֵר בֶּן עַזַּאי חַיָּיב אָדָם לְלַמֵּד אֶת וְכוּ׳ רַבִּי אֱלִיעֶזֶר אוֹמֵר כׇּל הַמְלַמֵּד אֶת בִּתּוֹ תּוֹרָה מְלַמְּדָהּ תִּיפְלוּת תִּיפְלוּת סָלְקָא דַּעְתָּךְ אֶלָּא אֵימָא כְּאִילּוּ לִמְּדָהּ תִּיפְלוּת
Rabbi Abahou explique : quelle est la raison de Rabbi Eli‘ézer ? Il est écrit (Prov. 8, 12) : « Moi la sagesse, je réside avec la ruse », ce qui signifie que la ruse s’introduit en l’homme en même temps que la sagesse. Rabbi Eli‘ézer craint donc qu’une fois rendue rusée par l’étude de la Tora – qui pour elle n’est pas une obligation –, la jeune fille en vienne à perdre son innocence et à adopter une conduite impudique.
אָמַר רַבִּי אֲבָהוּ מַאי טַעְמָא דְּרַבִּי אֱלִיעֶזֶר דִּכְתִיב אֲנִי חׇכְמָה שָׁכַנְתִּי עׇרְמָה כֵּיוָן שֶׁנִּכְנְסָה חׇכְמָה בְּאָדָם נִכְנְסָה עִמּוֹ עַרְמוּמִית
Et les autres Sages, permettant d’enseigner la Tora à sa fille, comment comprennent-ils le verset : « Moi la sagesse, je réside avec la ruse » ? Ils l’expliquent comme Rabbi Yossè fils de Rabbi ‘Hanina, car Rabbi Yossè fils de Rabbi ‘Hanina a déclaré : les paroles de la Tora ne demeurent que chez celui qui recourt à la ruse pour les apprendre, restant constamment à l’affût d’un nouvel enseignement, ainsi qu’il est dit – « Moi la sagesse, je réside avec la ruse. » Rabbi Yo‘hanan ajoute : les paroles de la Tora ne demeurent que chez celui qui s’annihile, car il est dit (Job 28, 12) – « Et la sagesse se trouvera [auprès] du néant. »
וְרַבָּנַן הַאי אֲנִי חׇכְמָה מַאי עָבְדִי לֵיהּ מִיבְּעֵי לֵיהּ לְכִדְרַבִּי יוֹסֵי בְּרַבִּי חֲנִינָא דְּאָמַר רַבִּי יוֹסֵי בְּרַבִּי חֲנִינָא אֵין דִּבְרֵי תוֹרָה מִתְקַיְּימִין אֶלָּא בְּמִי שֶׁמַּעֲמִיד עַצְמוֹ עָרוֹם עֲלֵיהֶן שֶׁנֶּאֱמַר אֲנִי חׇכְמָה שָׁכַנְתִּי עׇרְמָה אָמַר רַבִּי יוֹחָנָן אֵין דִּבְרֵי תוֹרָה מִתְקַיְּימִין אֶלָּא בְּמִי שֶׁמֵּשִׂים עַצְמוֹ כְּמִי שֶׁאֵינוֹ שֶׁנֶּאֱמַר וְהַחׇכְמָה מֵאַיִן תִּמָּצֵא
Suite de notre michna : « D’après Rabbi Yehochoua, une femme préfère un kav de nourriture et la légèreté plutôt que neuf kabim et la restriction. » Qu’a-t-il voulu dire ? Il a voulu dire qu’une femme préfère un mari qui lui assure seulement un
kav de nourriture mais ne lui impose pas de restriction en matière de relation conjugale, plutôt qu’un mari qui lui assure neuf kabim de nourriture mais lui impose des restrictions en la matière. Et selon Rabbi Yehochoua, l’importance qu’une femme accorde au plaisir de la relation conjugale ne la prédispose pas à l’étude de la Tora.
רַבִּי יְהוֹשֻׁעַ אוֹמֵר רוֹצָה אִשָּׁה וְכוּ׳ מַאי קָאָמַר הָכִי קָאָמַר רוֹצָה אִשָּׁה בְּקַב וְתִיפְלוּת עִמּוֹ מִתִּשְׁעַת קַבִּין וּפְרִישׁוּת
« Il avait l’habitude de dire : un homme faisant preuve d’une sotte dévotion, un méchant plein de ruse, une femme d’une piété pharisienne ainsi que les dévots pharisiens se donnant des airs contrits causent la ruine du monde. » Qui est considéré comme un homme d’une sotte dévotion ? C’est par exemple celui qui, voyant une femme en train de se noyer dans le fleuve où elle se baignait, dit : « Il n’est pas convenable de regarder une femme découverte et de se précipiter pour la sauver. »
הוּא הָיָה אוֹמֵר חָסִיד שׁוֹטֶה כּוּ׳ הֵיכִי דָּמֵי חָסִיד שׁוֹטֶה כְּגוֹן דְּקָא טָבְעָה אִיתְּתָא בְּנַהֲרָא וְאָמַר לָאו אוֹרַח אַרְעָא לְאִיסְתַּכּוֹלֵי בַּהּ וְאַצּוֹלַהּ
Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)
Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.
Qui est considéré comme un méchant plein de ruse ? Selon Rabbi Yo‘hanan, c’est le justiciable qui expose ses arguments au juge avant l’arrivée de la partie adverse ; il fait preuve de méchanceté, puisqu’il enfreint un interdit biblique (voir Ex. 23, 1 et Sanhédrin 7b) ; et il est rusé, puisqu’il s’efforce ainsi d’influencer le juge. Selon Rabbi Abahou, c’est celui qui donne un dinar à un pauvre pour qu’il soit en possession de deux cents zouz ; il le prive ainsi du droit de recevoir des dons.
En effet, une michna enseigne (Péa 8, 8) : « Celui qui possède deux cents zouz n’a pas le droit de prendre les biens réservés aux nécessiteux, à savoir la glanure (une ou deux gerbes tombées çà et là pendant la moisson ; voir Lév. 19, 9), les gerbes oubliées par le moissonneur (voir Deut. 24, 19), la part de la production laissée dans le coin du champ à l’intention des pauvres (Lév. 19, 9) et la dîme du pauvre. Mais s’il avait deux cents zouz moins un dinar, il pourrait accepter même mille zouz donnés en une fois. »
הֵיכִי דָּמֵי רָשָׁע עָרוּם אָמַר רַבִּי יוֹחָנָן זֶה הַמַּטְעִים דְּבָרָיו לַדַּיָּין קוֹדֶם שֶׁיָּבֹא בַּעַל דִּין חֲבֵרוֹ רַבִּי אֲבָהוּ אוֹמֵר זֶה הַנּוֹתֵן דִּינָר לְעָנִי לְהַשְׁלִים לוֹ מָאתַיִם זוּז דִּתְנַן מִי שֶׁיֵּשׁ לוֹ מָאתַיִם זוּז לֹא יִטּוֹל לֶקֶט שִׁכְחָה וּפֵאָה וּמַעְשַׂר עָנִי הָיָה לוֹ מָאתַיִם חָסֵר דִּינָר אֲפִילּוּ אֶלֶף נוֹתְנִין לוֹ כְּאַחַת הֲרֵי זֶה יִטּוֹל
Selon Rabbi Assi, au nom de Rabbi Yo‘hanan, le méchant rusé est celui qui conseille aux fils orphelins de vendre les biens patrimoniaux quand ceux-ci sont peu nombreux, pour qu’ils ne soient pas attribués à leurs sœurs. En effet, une michna enseigne (Baba Batra 139b) : « Si une personne meurt en laissant des fils et des filles, et que la succession est importante, les garçons se partagent l’héritage et pourvoient aux besoins de leurs sœurs. Si les biens sont peu nombreux, ils serviront à nourrir les orphelines et les garçons devront mendier leur pain. » Et à ce propos, Rabbi Assi a précisé au nom de Rabbi Yo‘hanan : si les fils orphelins ont vendu les biens peu nombreux de la succession avant que le tribunal ne les ait attribués à leurs sœurs, ce qu’ils ont vendu est vendu, autrement dit la vente est valable.
רַבִּי אַסִּי אָמַר רַבִּי יוֹחָנָן זֶה הַמַּשִּׂיא עֵצָה לִמְכּוֹר בִּנְכָסִים מוּעָטִין דְּאָמַר רַבִּי אַסִּי אָמַר רַבִּי יוֹחָנָן יְתוֹמִים שֶׁקָּדְמוּ וּמָכְרוּ בִּנְכָסִים מוּעָטִין מַה שֶּׁמָּכְרוּ מָכְרוּ
Selon Abayè, il s’agit de celui qui conseille de vendre les biens conformément à l’avis de Rabban Chim‘on ben Gamliel dans le cas cité par cette baraïta : lorsqu’un donateur déclare à un bénéficiaire – « Je te lègue mes biens, mais après ta mort je veux qu’ils reviennent à untel », si le premier en a pris possession puis les a vendus et a dépensé la contrepartie, le second bénéficiaire peut les retirer aux acheteurs. Telles sont les paroles de Rabbi Yehouda ha-Nassi. En revanche, Rabban Chim‘on ben Gamliel enseigne que le second bénéficiaire n’a pas le droit de saisie et doit donc se contenter de ce que le premier lui aura laissé. Selon ce dernier avis, celui qui conseille au premier de vendre les biens reçus et de dépenser l’argent afin de ne rien laisser au second est un « méchant rusé » puisqu’il cause du tort à son prochain au moyen de ce procédé.
אַבָּיֵי אָמַר זֶה הַמַּשִּׂיא עֵצָה לִמְכּוֹר בִּנְכָסִים כְּרַבָּן שִׁמְעוֹן בֶּן גַּמְלִיאֵל דְּתַנְיָא נְכָסַי לְךָ וְאַחֲרֶיךָ לִפְלוֹנִי וְיָרַד הָרִאשׁוֹן וּמָכַר וְאָכַל הַשֵּׁנִי מוֹצִיא מִיַּד הַלָּקוֹחוֹת דִּבְרֵי רַבִּי רַבָּן שִׁמְעוֹן בֶּן גַּמְלִיאֵל אוֹמֵר אֵין לַשֵּׁנִי אֶלָּא מַה שֶּׁשִּׁיֵּיר רִאשׁוֹן
Selon Rav Yossef bar ‘Hama, au nom de Rav Chèchet, « un méchant rusé », c’est le faux dévot qui incite les autres à imiter ses actes de piété ostentatoire. Selon Rabbi Zerika au nom de Rav Houna, c’est le décisionnaire qui se montre indulgent pour lui-même et rigoureux pour les autres. Enfin, ‘Oula le définit comme celui
רַב יוֹסֵף בַּר חָמָא אָמַר רַב שֵׁשֶׁת זֶה הַמַּכְרִיעַ אֲחֵרִים בְּאוֹרְחוֹתָיו רַבִּי זְרִיקָא אָמַר רַב הוּנָא זֶה הַמֵּיקֵל לְעַצְמוֹ וּמַחְמִיר לַאֲחֵרִים עוּלָּא אָמַר זֶה
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