à l’exception du passage se rapportant à la femme soupçonnée d’adultère, qu’il soit écrit pour l’épreuve des eaux amères ou dans un Rouleau de la Tora. Selon Rabbi Ya‘acov, Rabbi Mèir a exclu l’usage du vitriol uniquement pour le passage écrit au Temple à l’intention de la femme soupçonnée d’adultère. » Dans la pratique, quelle différence y a-t-il entre les deux versions de l’enseignement de Rabbi Mèir ? Selon Rabbi Yirmiya, la discussion induite par ces deux versions porte sur le fait d’effacer pour elle, c’est-à-dire pour une femme subissant l’épreuve des eaux amères, la page d’un Rouleau de la Tora contenant le passage en question, bien qu’il n’ait pas été écrit à son intention. Ceci n’est possible que d’après Rabbi Yehouda, et c’est pour cela qu’il pense que le passage de la Tora en question doit être délébile. חוּץ מִפָּרָשַׁת סוֹטָה בִּלְבַד רַבִּי יַעֲקֹב אוֹמֵר מִשְּׁמוֹ חוּץ מִפָּרָשַׁת סוֹטָה שֶׁל מִקְדָּשׁ מַאי בֵּינַיְיהוּ אָמַר רַבִּי יִרְמְיָה לִמְחוֹק לָהּ מִן הַתּוֹרָה אִיכָּא בֵּינַיְיהוּ
Et à première vue, ces Tanaïm Rabbi Yehouda et Rabbi Ya‘acov ayant rapporté des témoignages divergents sur le point de vue de Rabbi Mèir – sont engagés dans le même débat que les Tanaïm de la baraïta suivante : « D’après un premier Tana, anonyme, si un rouleau a été écrit à l’intention d’une femme soupçonnée d’adultère et n’a pas été effacé dans les eaux amères, parce que l’accusée a refusé de boire ou bien est passée aux aveux, il n’est pas utilisable pour une autre femme soupçonnée d’adultère. Rabbi A‘haï bar Yochiya, lui, enseigne qu’un rouleau écrit à l’intention d’une femme est utilisable pour une autre femme soupçonnée d’adultère. » Apparemment, ces Tanaïm s’opposent donc, eux aussi, sur la question de savoir si le rouleau qui va être effacé dans les eaux amères doit être écrit ou non à l’intention de l’accusée. וְהָנֵי תַּנָּאֵי כִי הָנֵי תַּנָּאֵי דְּתַנְיָא אֵין מְגִילָּתָהּ כְּשֵׁירָה לְהַשְׁקוֹת בָּהּ סוֹטָה אַחֶרֶת רַבִּי אַחַי בַּר יֹאשִׁיָּה אוֹמֵר מְגִילָּתָהּ כְּשֵׁירָה לְהַשְׁקוֹת בָּהּ סוֹטָה אַחֶרֶת
Rav Papa réfute : le parallèle établi entre les deux discussions est peut-être faux. Jusqu’à preuve du contraire, argumente Rava, le premier Tana de la dernière baraïta citée n’a pas enseigné que le rouleau était invalidé, sinon parce qu’il a été écrit au nom de Rachel, par exemple, et que dans ce cas on ne peut plus le destiner à une autre femme, du nom de Léa, par exemple. Mais la page d’un Rouleau de la Tora, puisqu’elle a été écrite sans être destinée à telle ou telle personne en particulier, il permet peut-être, comme Rabbi Ya‘acov au nom de Rabbi Mèir, de l’effacer. אָמַר רַב פָּפָּא דִּילְמָא לָא הִיא עַד כָּאן לָא קָאָמַר תַּנָּא קַמָּא הָתָם אֶלָּא כֵּיוָן דְּאִינְּתִיק לְשׁוּם רָחֵל לָא הָדְרָא מִינַּתְקָא לְשׁוּם לֵאָה אֲבָל תּוֹרָה דִּסְתָמָא כְּתִיבָה הָכִי נָמֵי דְּמָחֲקִינַן
Rav Na‘hman bar Yits‘hak réfute lui aussi le parallèle établi entre les deux controverses en considérant qu’il est peut-être faux. Jusqu’à preuve du contraire, argumente-t-il, Rabbi A‘haï bar Yochiya n’a pas enseigné qu’il était permis d’effacer un passage de la Tora, sinon dans le cas d’un rouleau écrit pour une femme soupçonnée d’adultère et qu’on utiliserait pour autre femme, la raison étant que pour l’une ou l’autre, le passage a été écrit afin que les imprécations prennent effet. En revanche, il interdit peut-être, comme Rabbi Yehouda au nom de Rabbi Mèir, d’effacer la page d’un Rouleau de la Tora écrite afin d’y étudier. אָמַר רַב נַחְמָן בַּר יִצְחָק דִּילְמָא לָא הִיא עַד כָּאן לָא קָאָמַר רַבִּי אַחַי בַּר יֹאשִׁיָּה הָתָם אֶלָּא בִּמְגִילָּה דְּאִיכְּתוּב לְשׁוּם אָלוֹת בָּעוֹלָם אֲבָל תּוֹרָה דִּלְהִתְלַמֵּד כְּתִיבָה הָכִי נָמֵי דְּלָא מָחֲקִינַן
Et comment Rabbi A‘haï bar Yochiya permet-il d’utiliser un rouleau écrit pour une autre accusée, interroge la guemara ? N’admet-il pas l’enseignement de cette michna (Guitin 24a) : « Si quelqu’un a écrit un acte de divorce pour répudier sa femme puis s’est ravisé, et qu’un habitant de la même ville le trouve et dit“Mon nom est identique à ton nom, et le nom de ma femme est identique au nom de ta femme” – ce dernier ne peut néanmoins l’utiliser pour divorcer de sa femme, car le document est invalide » ? וְרַבִּי אַחַי בַּר יֹאשִׁיָּה לֵית לֵיהּ כָּתַב לְגָרֵשׁ אֶת אִשְׁתּוֹ וְנִמְלַךְ מְצָאוֹ בֶּן עִירוֹ וְאָמַר לוֹ שְׁמִי כְּשִׁמְךָ וְשֵׁם אִשְׁתִּי כְּשֵׁם אִשְׁתְּךָ פָּסוּל לְגָרֵשׁ בּוֹ

Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)

Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.

Réponse : là-bas, à propos du divorce, puisque la Tora emploie la formule (Deut. 24, 1) – « Il écrira pour elle un livre de rupture », l’acte doit être rédigé à l’intention d’une femme précise. Ici aussi, objecte la guemara, la Tora prescrit (Nbres 5, 30) – « Il agira pour elle » ! Que veut dire « agir pour elle », répond la guemara ? Il s’agit d’effacer le rouleau à son intention, mais il n’est pas nécessaire de l’écrire spécialement pour elle. אָמְרִי הָתָם וְכָתַב לָהּ אָמַר רַחֲמָנָא בָּעִינַן כְּתִיבָה לִשְׁמָהּ הָכָא נָמֵי וְעָשָׂה לָהּ מַאי עֲשִׂיָּיה מְחִיקָה
§ Suite de notre michna : « Si l’accusée est coupable, elle n’aura pas fini de boire que sa face aura déjà verdi... » Qui est le Tana affirmant que les effets des eaux amères sont immédiats ? C’est Rabbi Chim‘on qui a déclaré (19a) : un Cohen doit apporter l’offrande de l’accusée puis lui faire boire les eaux amères. En effet, d’après les Sages qui inversent l’ordre, tant que l’offrande n’a pas été apportée, les eaux n’ont pas d’effet, car il est écrit (ibid. 5, 15) – « Offrande commémorative rappelant le péché. » אֵינָהּ מַסְפֶּקֶת לִשְׁתּוֹת עַד שֶׁפָּנֶיהָ [כּוּ׳] מַנִּי רַבִּי שִׁמְעוֹן הִיא דְּאָמַר מַקְרִיב אֶת מִנְחָתָהּ וְאַחַר כָּךְ מַשְׁקָהּ דְּכַמָּה דְּלָא קָרְבָה מִנְחָתַהּ לָא בָּדְקִי לַהּ מַיָּא דִּכְתִיב מִנְחַת זִכָּרוֹן מַזְכֶּרֶת עָוֹן
La guemara objecte : lis à présent la suite de notre michna – « Si elle a un mérite, il peut suspendre pendant un, deux ou trois ans les effets attendus des eaux amères. » Cet enseignement reflète l’avis des Sages, car selon Rabbi Chim‘on, nul mérite ne peut suspendre les effets des eaux amères (voir michna en 22a) ! אֵימָא סֵיפָא יֵשׁ לָהּ זְכוּת הָיְתָה תּוֹלָה לָהּ אֲתָאן לְרַבָּנַן דְּאִי רַבִּי שִׁמְעוֹן הָאָמַר אֵין זְכוּת תּוֹלָה בַּמַּיִם הַמָּרִים
Rav ‘Hisda explique : qui est le Tana anonyme de notre michna ? C’est Rabbi ‘Akiba (19b), qui convient avec Rabbi Chim‘on que le Cohen apporte son offrande et qu’après seulement on lui fait boire les eaux amères. Et concernant la possibilité que le châtiment soit suspendu grâce à ses mérites, Rabbi ‘Akiba partage l’avis des Sages opposés à Rabbi Chim‘on. אָמַר רַב חִסְדָּא הָא מַנִּי רַבִּי עֲקִיבָא הִיא דְּאָמַר מַקְרִיב אֶת מִנְחָתָהּ וְאַחַר כָּךְ מַשְׁקָהּ וּבִזְכוּת סָבַר לַהּ כְּרַבָּנַן
§ « Et, poursuit notre michna, dès que l’accusée subit les premiers effets des eaux amères, les Cohanim donnent l’ordre de la faire sortir immédiatement de la cour des femmes. » Pourquoi ? Apparemment, parce qu’elle risque de mourir et de rendre impure l’endroit. La guemara interroge : à te suivre, la présence d’un mort serait-elle interdite dans le camp des Lévites qui est de même sainteté que la cour des femmes et que la Porte de Nicanor où l’accusée buvait les eaux amères ? וְהֵם אוֹמְרִים הוֹצִיאוּהָ וְכוּ׳ מַאי טַעְמָא דְּדִילְמָא מֵתָה לְמֵימְרָא דְּמֵת אָסוּר בְּמַחֲנֵה לְוִיָּה
Pourtant une baraïta enseigne : « Qui s’est rendu impur au contact d’un mort a le droit d’entrer dans le camp des Lévites. Qui plus est, ils n’ont pas autorisé seulement celui qui s’est rendu impur au contact d’un mort, mais même la présence d’un cadavre, car il est dit (Ex. 13, 19) : “Moïse prit les ossements de Joseph avec lui.” Moïse était un Lévite, et il a gardé la dépouille de Joseph avec lui dans le camp des Lévites ! » וְהָתַנְיָא טְמֵא מֵת מוּתָּר לִיכָּנֵס לְמַחֲנֵה לְוִיָּה וְלֹא טְמֵא מֵת בִּלְבַד אָמְרוּ אֶלָּא אֲפִילּוּ מֵת עַצְמוֹ שֶׁנֶּאֱמַר וַיִּקַּח מֹשֶׁה אֶת עַצְמוֹת יוֹסֵף עִמּוֹ עִמּוֹ בִּמְחִיצָתוֹ
Abayè explique : en réalité, dès les premiers effets des eaux amères, on fait sortir l’accusée de la cour des femmes de peur qu’elle ait ses règles – l’entrée au Temple étant interdite pendant la période d’impureté menstruelle (voir Pessa‘him 67a). À te suivre, est-ce à dire que la frayeur déclenche les règles ? C’est effectivement le cas, répond la guemara. On en trouve une confirmation dans le texte biblique, car il est écrit (Est. 4, 4) – « La reine eut très peur », quand elle apprit que Mardochée se lamentait. Et Rav a expliqué qu’elle a eu ses règles subitement. Pourtant, objecte la guemara, nous avons enseigné dans une michna (Nida 39a) : « L’anxiété entraîne l’aménorrhée » ! Réponse : cette michna se réfère à une femme en proie à une angoisse, comme dans le cas d’un danger qui approche, par exemple l’arrivée d’une armée ennemie, alors son sang se fige et ne s’écoule pas. En revanche, une peur subite, comme celle de la reine Esther ou celle de l’accusée qui ressent les premiers effets des eaux amères, déclenche le flux menstruel. אָמַר אַבָּיֵי שֶׁמָּא תִּפְרוֹס נִדָּה לְמֵימְרָא דְּבִיעֲתוּתָא מְרַפְּיָא אִין דִּכְתִיב וַתִּתְחַלְחַל הַמַּלְכָּה מְאֹד וְאָמַר רַב שֶׁפֵּירְסָה נִדָּה וְהָא אֲנַן תְּנַן חֲרָדָה מְסַלֶּקֶת דָּמִים פַּחְדָּא צָמֵית בִּיעֲתוּתָא מְרַפְּיָא
§ Suite de notre michna : d’après un Tana anonyme, « si elle a un mérite, il peut suspendre les effets des eaux amères pendant un, deux ou trois ans. » À quel Tana peut-on attribuer cet enseignement ? Apparemment, ni à Aba Yossè ben ‘Hanan, ni à Rabbi El‘azar ben Yits‘hak, un homme de Kefar Darom, ni à Rabbi Yichma‘el, יֵשׁ לָהּ זְכוּת הָיְתָה וְכוּ׳ מַנִּי מַתְנִיתִין לָא אַבָּא יוֹסֵי בֶּן חָנָן וְלָא רַבִּי אֶלְעָזָר בֶּן יִצְחָק אִישׁ כְּפַר דָּרוֹם וְלֹא רַבִּי יִשְׁמָעֵאל
car on a enseigné dans une baraïta : « D’après Aba Yossè ben ‘Hanan, le mérite de l’accusée peut suspendre les effets des eaux amères pendant trois mois, le temps pour un embryon de devenir visible. Selon ce Tana, le temps durant lequel un mérite agit est déduit de ce verset – “Elle sera innocentée et aura une postérité” (Nbres 5, 28) ; comme il faut trois mois pour qu’une postérité soit visible, c’est aussi le temps durant lequel le mérite supplée au défaut d’innocence. Rabbi El‘azar ben Yits‘hak, un homme de Kefar Darom, déduit pour sa part d’une analogie sémantique que les effets des eaux amères sont suspendus durant neuf mois : il est dit ici “elle sera innocentée et aura une postérité”, et ailleurs (Ps. 22, 31) – “Une postérité qui Le servira [et] racontera.” Le parallèle entre ces deux versets permet de conclure que le mérite supplée au défaut d’innocence non pas trois mois mais neuf, soit le temps compris entre la conception et l’apparition d’une postérité apte à raconter les louanges du Saint béni soit-Il, donc d’une postérité venue au jour. דְּתַנְיָא אִם יֵשׁ לָהּ זְכוּת תּוֹלָה לָהּ שְׁלֹשָׁה חֳדָשִׁים כְּדֵי הַכָּרַת הָעוּבָּר דִּבְרֵי אַבָּא יוֹסֵי בֶּן חָנָן רַבִּי אֶלְעָזָר בֶּן יִצְחָק אִישׁ כְּפַר דָּרוֹם אוֹמֵר תִּשְׁעָה חֳדָשִׁים שֶׁנֶּאֱמַר וְנִקְּתָה וְנִזְרְעָה זָרַע וּלְהַלָּן הוּא אוֹמֵר זֶרַע יַעַבְדֶנּוּ יְסֻפַּר זֶרַע הָרָאוּי לְסַפֵּר
Enfin selon Rabbi Yichma‘el, les effets des eaux amères peuvent être suspendus pendant douze mois, car bien qu’aucune preuve véritable ne puisse être apportée de l’Écriture, on y trouve une allusion dans ce verset (Dan. 4, 24) : “C’est pourquoi, ô roi, que mon conseil te paraisse bon : rachète tes péchés par la justice et tes iniquités par la pitié pour les malheureux רַבִּי יִשְׁמָעֵאל אוֹמֵר שְׁנֵים עָשָׂר חֹדֶשׁ וְאַף עַל פִּי שֶׁאֵין רְאָיָה לַדָּבָר זֵכֶר לַדָּבָר דִּכְתִיב לָהֵן מַלְכָּא מִלְכִּי יִשְׁפַּר עֲלָיךְ וַחֲטָיָךְ בְּצִדְקָה פְרֻק וַעֲוָיָתָךְ בְּמִחַן עֲנָיִן