La guemara relève une contradiction dans les propos de Rabbi ‘Akiba. Là, dans la première baraïta, il enseigne que l’effacement du rouleau écrit à l’intention de la femme soupçonnée d’adultère est contraignant, c’est-à-dire qu’elle n’est pas forcée de boire contre son gré tant que le rouleau n’a pas été effacé. Et ici, dans la seconde baraïta, il enseigne que c’est l’offrande de la poignée de farine qui est contraignante, c’est-à-dire que tant qu’elle n’a pas été apportée sur l’autel, la femme n’est pas forcée de boire contre son gré bien que le rouleau ait été effacé ! קַשְׁיָא דְּרַבִּי עֲקִיבָא אַדְּרַבִּי עֲקִיבָא הָתָם אָמַר מְחִיקָה מְעַכְּבָא וְהָכָא אָמַר קוֹמֶץ מְעַכֵּב
La guemara répond que les deux baraïtot doivent être attribuées à deux Tanaïm différents ayant chacun rapporté leur enseignement au nom de Rabbi ‘Akiba. תְּרֵי תַּנָּאֵי וְאַלִּיבָּא דְּרַבִּי עֲקִיבָא
On s’est posé la question : dans le cas où elle a dit d’abord en toute quiétude – « Je ne bois pas les eaux amères », puis qu’elle est revenue sur sa déclaration et a dit « Je bois », quelle est la règle ? Puisqu’elle a d’abord dit : « Je ne bois pas », considère-t-on qu’elle a avoué son impureté, c’est-à-dire sa culpabilité, et qu’ayant été reconnue impure elle ne peut donc plus revenir sur ce premier aveu ? Ou dira-t-on peut-être que dans ce cas, puisqu’elle a finalement dit : « Je bois », elle a révélé que ce n’est pas en toute quiétude mais parce qu’elle était impressionnée qu’elle a d’abord dit « Je ne bois pas » ? La question est restée sans réponse. אִיבַּעְיָא לְהוּ אָמְרָה אֵינִי שׁוֹתָה מֵחֲמַת בְּרִיּוּתָא וְחָזְרָה וְאָמְרָה שׁוֹתָה אֲנִי מַהוּ כֵּיוָן דְּאָמְרָה אֵינִי שׁוֹתָה טְמֵאָה אֲנִי קָאָמְרָה וְכֵיוָן דְּאַחְזִיק נַפְשַׁהּ בְּטוּמְאָה לָא מָצְיָא הָדְרָה בַּהּ אוֹ דִילְמָא כֵּיוָן דְּאָמְרָה שׁוֹתָה אֲנִי גַּלִּיָא דַּעְתַּהּ דְּמֵחֲמַת בִּיעֲתוּתָא הוּא דְּאָמְרָה תֵּיקוּ
Le père de Chemouel enseigne qu’il faut ajouter un ingrédient amer à l’eau qui est donnée à boire à la femme. Pourquoi ? Parce que le verset dit (Nbres 5, 23) – « Le Cohen écrira ces imprécations sur un rouleau et les effacera dans les eaux amères », ce qui laisse entendre que les eaux sont déjà amères lorsqu’on y plonge le rouleau et que ce n’est donc pas la dissolution de l’encre qui confère à l’eau son amertume. אָמַר אֲבוּהּ דִּשְׁמוּאֵל צָרִיךְ שֶׁיִּתֵּן מַר לְתוֹךְ הַמַּיִם מַאי טַעְמָא דְּאָמַר קְרָא מֵי הַמָּרִים שֶׁמָּרִים כְּבָר
MICHNA Tant que le rouleau n’a pas été effacé, si l’accusée déclare : « Je ne bois pas », le rouleau est enfoui dans le sol, ainsi qu’on procède avec tout écrit sacré devenu inutilisable, et son offrande est brûlée puis dispersée sur le tas de cendres qui se trouve à côté de l’autel, ainsi qu’on procède avec toutes les offrandes invalidées. Et le rouleau écrit à l’intention d’une femme n’est pas valable pour les eaux amères d’une autre femme soupçonnée d’adultère. Si le rouleau ayant déjà été effacé, elle dit : « Je suis impure », c’est-à-dire qu’elle reconnaît avoir commis un adultère, les eaux amères n’ont plus d’utilité et elles sont donc jetées, et son offrande est dispersée sur le tas de cendres à côté de l’autel. Si le rouleau a déjà été effacé et qu’elle dit : « Je ne bois pas », on la contraint à ouvrir la bouche et on lui fait boire les eaux amères contre son gré. מַתְנִי׳ עַד שֶׁלֹּא נִמְחֲקָה הַמְּגִילָּה אָמְרָה אֵינִי שׁוֹתָה מְגִילָּתָהּ נִגְנֶזֶת וּמִנְחָתָהּ מִתְפַּזֶּרֶת עַל הַדֶּשֶׁן וְאֵין מְגִילָּתָהּ כְּשֵׁרָה לְהַשְׁקוֹת בָּהּ סוֹטָה אַחֶרֶת נִמְחֲקָה הַמְּגִילָּה וְאָמְרָה טְמֵאָה אֲנִי הַמַּיִם נִשְׁפָּכִין וּמִנְחָתָהּ מִתְפַּזֶּרֶת עַל בֵּית הַדֶּשֶׁן נִמְחֲקָה הַמְּגִילָּה וְאָמְרָה אֵינִי שׁוֹתָה מְעַרְעֲרִין אוֹתָהּ וּמַשְׁקִין אוֹתָהּ בְּעַל כׇּרְחָהּ

Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)

Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.

Si l’accusée est coupable, avant même qu’elle ait fini de boire sa face verdit, ses yeux sont exorbités et ses joues gonflent comme si elles étaient remplies de nerfs. On donne alors l’ordre de la faire sortir immédiatement du Temple, pour qu’elle ne rende pas impure la cour du Temple si elle venait à mourir brusquement. אֵינָהּ מַסְפֶּקֶת לִשְׁתּוֹת עַד שֶׁפָּנֶיהָ מוֹרִיקוֹת וְעֵינֶיהָ בּוֹלְטוֹת וְהִיא מִתְמַלֵּאת גִּידִין וְהֵם אוֹמְרִים הוֹצִיאוּהָ [הוֹצִיאוּהָ] שֶׁלֹּא תְּטַמֵּא הָעֲזָרָה
D’après le Tana anonyme, il y a des mérites qui suspendent l’effet des eaux amères pendant un an, il y a des mérites plus grands qui les suspendent pendant deux ans, il y a des mérites plus grands encore qui les suspendent pendant trois ans. Ben ‘Azaï en déduit que chacun doit enseigner la Tora à sa fille, de sorte que si elle devait boire les eaux amères et n’en mourrait pas aussitôt, elle sache que c’est son mérite qui en suspend l’effet. Selon Rabbi Eli‘ézer, en revanche, quiconque enseigne la Tora à sa fille, c’est comme s’il lui enseignait la légèreté en matière de mœurs. אִם יֵשׁ לָהּ זְכוּת הָיְתָה תּוֹלָה לָהּ יֵשׁ זְכוּת תּוֹלָה שָׁנָה אַחַת יֵשׁ זְכוּת תּוֹלָה שְׁתֵּי שָׁנִים יֵשׁ זְכוּת תּוֹלָה שָׁלֹשׁ שָׁנִים מִכָּאן אוֹמֵר בֶּן עַזַּאי חַיָּיב אָדָם לְלַמֵּד אֶת בִּתּוֹ תּוֹרָה שֶׁאִם תִּשְׁתֶּה תֵּדַע שֶׁהַזְּכוּת תּוֹלָה לָהּ רַבִּי אֱלִיעֶזֶר אוֹמֵר כׇּל הַמְלַמֵּד בִּתּוֹ תּוֹרָה (כְּאִילּוּ) לִומְּדָהּ תִּפְלוּת
Selon Rabbi Yehochoua, une femme préfère une mesure [kav] de nourriture et la légèreté en matière de mœurs plutôt que neuf mesures [kabim] de nourriture et la restriction en matière de mœurs. Et il avait l’habitude de dire aussi qu’un homme faisant preuve d’une sotte dévotion, un méchant plein de ruse, une femme d’une piété pharisienne ainsi que les dévots pharisiens se donnant des airs contrits causent la ruine du monde. רַבִּי יְהוֹשֻׁעַ אוֹמֵר רוֹצָה אִשָּׁה בְּקַב וְתִפְלוּת מִתִּשְׁעָה קַבִּין וּפְרִישׁוּת הוּא הָיָה אוֹמֵר חָסִיד שׁוֹטֶה וְרָשָׁע עָרוּם וְאִשָּׁה פְּרוּשָׁה וּמַכּוֹת פְּרוּשִׁין הֲרֵי אֵלּוּ מְבַלֵּי עוֹלָם
GUEMARA Rav Yehouda rapporte au nom de Chemouel ce témoignage personnel de Rabbi Mèir : « Quand j’étudiais la Tora chez Rabbi ‘Akiba, je mettais du vitriol dans l’encre sans qu’il me fasse la moindre observation. Quand j’allai ensuite apprendre chez Rabbi Yichma‘el, il me demanda : “Mon fils, quel est ton métier ?” Je lui répondis : “Je suis scribe.” Il me dit alors : “Mon fils, fais attention, car ton travail est une œuvre céleste. En effet, si tu omets une seule lettre ou ajoutes une seule lettre à un Rouleau de la Tora, tu risques de transformer le sens d’un verset et d’engendrer peut-être un blasphème, et alors tu en viendrais à détruire le monde tout entier.” גְּמָ׳ אָמַר רַב יְהוּדָה אָמַר שְׁמוּאֵל מִשּׁוּם רַבִּי מֵאִיר כְּשֶׁהָיִיתִי לָמֵד תּוֹרָה אֵצֶל רַבִּי עֲקִיבָא הָיִיתִי מֵטִיל קַנְקַנְתּוֹם לְתוֹךְ הַדְּיוֹ וְלֹא אָמַר לִי דָּבָר כְּשֶׁבָּאתִי אֵצֶל רַבִּי יִשְׁמָעֵאל אָמַר לִי בְּנִי מָה מְלַאכְתֶּךָ אָמַרְתִּי לוֹ לַבְלָר אֲנִי אָמַר לִי בְּנִי הֱוֵי זָהִיר שֶׁמְּלַאכְתְּךָ מְלֶאכֶת שָׁמַיִם הִיא שֶׁמָּא תַּחְסִיר אוֹת אַחַת אוֹ תֹּתִיר אוֹת אַחַת נִמְצֵאתָ אַתָּה מַחְרִיב אֶת כָּל הָעוֹלָם כֻּלּוֹ
Je lui répondis : “J’ai avec moi un ingrédient spécial que je mets dans l’encre, cela s’appelle du vitriol et cela rend l’écriture indélébile.” Il me dit alors : “Est-ce qu’on met du vitriol dans l’encre ? Pourtant, la Tora dit : ‘Et il effacera dans les eaux amères’ (Nbres 5, 23), d’où déduire que l’écrit doit être délébile.” » אָמַרְתִּי לוֹ דָּבָר אֶחָד יֵשׁ לִי שֶׁאֲנִי מֵטִיל לְתוֹךְ הַדְּיוֹ וְקַנְקַנְתּוֹם שְׁמוֹ אָמַר לִי וְכִי מְטִילִין קַנְקַנְתּוֹם לְתוֹךְ הַדְּיוֹ הַתּוֹרָה אָמְרָה וּמָחָה כְּתָב שֶׁיּוּכַל לִמְחוֹת
Le dialogue qui vient d’être rapporté étonne la guemara : qu’est-ce qu’il lui a demandé et qu’est-ce qu’il lui a répondu ? Autrement dit, comment l’usage du vitriol, mentionné par Rabbi Mèir dans sa réponse, annulait-il les craintes de Rabbi Yichma‘el concernant le risque d’ajout ou d’omission d’une lettre ? À l’évidence, cette version de leur dialogue est tronquée. מַאי קָאָמַר לֵיהּ וּמַאי קָא מַהְדַּר לֵיהּ
En réalité, Rabbi Mèir lui a répondu : non seulement il n’est pas besoin de s’inquiéter quant à l’orthographe des voyelles o et ou écrites, selon le cas, avec ou sans vav, ni sur le i, devant être marqué parfois par un youd, car je suis un scribe compétent, mais il n’est même pas à craindre qu’une mouche se pose sur la fioriture d’un dalet, l’efface et en fasse un rèch, car je mets dans l’encre un ingrédient spécial, du vitriol, qui empêche l’effacement total des lettres, de sorte que même cette crainte est infondée. הָכִי קָאָמַר לֵיהּ לָא מִבַּעְיָא בַּחֲסֵירוֹת וִיתֵירוֹת דְּבָקִי אֲנָא אֶלָּא אֲפִילּוּ לְמֵיחַשׁ לִזְבוּב דְּדִילְמָא אָתֵי וְיָתֵיב אַתָּגֵיהּ דְּדָלֶית וּמָחֵיק לֵיהּ וּמְשַׁוֵּי לֵיהּ רֵישׁ דָּבָר אֶחָד יֵשׁ לִי שֶׁאֲנִי מֵטִיל לְתוֹךְ הַדְּיוֹ וְקַנְקַנְתּוֹם שְׁמוֹ
Peut-on réellement se fonder sur le témoignage rapporté par Rav Yehouda au nom de Chemouel ? Pourtant on a enseigné dans une baraïta – « Rabbi Mèir a déclaré : Quand j’étudiais la Tora chez Rabbi Yichma‘el, je mettais du vitriol dans l’encre sans qu’il me fasse la moindre observation. Quand j’allai ensuite apprendre chez Rabbi ‘Akiba, il me l’a interdit. » אִינִי וְהָא תַּנְיָא אָמַר רַבִּי מֵאִיר כְּשֶׁהָיִיתִי לָמֵד תּוֹרָה אֵצֶל רַבִּי יִשְׁמָעֵאל הָיִיתִי מֵטִיל קַנְקַנְתּוֹם לְתוֹךְ הַדְּיוֹ וְלֹא אָמַר לִי דָּבָר כְּשֶׁבָּאתִי אֵצֶל רַבִּי עֲקִיבָא אֲסָרָהּ עָלַי
Cette baraïta contredit sur deux points le témoignage de Rav Yehouda au nom de Chemouel : selon ces Amoraïm, Rabbi Mèir a pratiqué d’abord chez Rabbi ‘Akiba avant d’aller chez Rabbi Yichma‘el, et d’après la baraïta, il a pratiqué d’abord chez Rabbi Yichma‘el. En outre, selon eux, c’est Rabbi Yichma‘el qui a interdit de mettre du vitriol dans l’encre alors que Rabbi ‘Akiba l’avait autorisé tacitement, or selon la baraïta, c’est Rabbi ‘Akiba qui a interdit, alors que Rabbi Yichma‘el l’avait autorisé tacitement ! קַשְׁיָא שִׁמּוּשׁ אַשִּׁמּוּשׁ קַשְׁיָא אֲסָרָהּ אַאֲסָרָהּ
On peut certes résoudre ainsi la contradiction portant sur la pratique : au tout début, Rabbi Mèir alla étudier chez Rabbi ‘Akiba, et constatant qu’il était incapable, à ce stade, de saisir la dialectique de ce maître, il alla apprendre la Tradition orale chez Rabbi Yichma‘el. Ensuite, après avoir appris chez Rabbi Yichma‘el, il repartit chez Rabbi ‘Akiba pour comprendre le sens profond des enseignements reçus et savoir comment déduire de nouvelles règles du texte biblique – autrement dit, il apprit chez Rabbi ‘Akiba ce qui allait devenir la Guemara. בִּשְׁלָמָא שִׁמּוּשׁ אַשִּׁמּוּשׁ לָא קַשְׁיָא מֵעִיקָּרָא אֲתָא לְקַמֵּיהּ דְּרַבִּי עֲקִיבָא כֵּיוָן דְּלָא מָצֵי (קָם) [לְמֵיקַם] אַלִּיבֵּיהּ אֲתָא לְקַמֵּיהּ דְּרַבִּי יִשְׁמָעֵאל וּגְמַר גְּמָרָא הֲדַר אֲתָא לְקַמֵּיהּ דְּרַבִּי עֲקִיבָא סָבַר סְבָרָא
Mais la seconde contradiction – concernant l’interdiction du vitriol attribuée, par les Amoraïm, à Rabbi Yichma‘el, et par la baraïta, à Rabbi ‘Akiba, n’est pas résolue. Ce point reste difficile, admet la guemara. אֶלָּא אֲסָרָהּ אַאֲסָרָהּ קַשְׁיָא קַשְׁיָא
On a enseigné dans une baraïta : « Rabbi Yehouda atteste que Rabbi Mèir recommandait de mettre du vitriol dans l’encre pour l’écriture de tous les textes sacrés (Rouleaux de la Tora, tefilin et mezouzot) תַּנְיָא רַבִּי יְהוּדָה אוֹמֵר אוֹמֵר הָיָה רַבִּי מֵאִיר לַכֹּל מְטִילִין קַנְקַנְתּוֹם לְתוֹךְ הַדְּיוֹ