MICHNA Quand le Cohen vient écrire sur un rouleau de parchemin le passage du chapitre 5 du Livre des Nombres, à partir de quel verset doit-il transcrire ?
מַתְנִי׳ בָּא לוֹ לִכְתּוֹב אֶת הַמְּגִילָּה מֵאֵיזֶה מָקוֹם הוּא כּוֹתֵב
Selon un premier Tana, anonyme – c’est-à-dire Rabbi Mèir, auteur présumé de toutes les michnayot anonymes –, il commence par la fin du verset 19 : « si un homme n’a pas eu commerce avec toi et si tu ne t’es pas débauché, en te souillant, de tes devoirs envers ton époux, sois innocentée [hinaki] par ces eaux amères de la malédiction. » Ce verset contient une malédiction implicite, car il laisse entendre qu’elle ne sera pas épargnée si elle a fauté. Il écrit aussi : « Et toi si tu t’es débauchée avec un autre que ton mari, si tu t’es rendue impure... » (v. 20).
מִוְּאִם לֹא שָׁכַב אִישׁ וְגוֹ׳ וְאַתְּ כִּי שָׂטִית תַּחַת אִישֵׁךְ
Ensuite, il ne transcrit pas les prescriptions du début du verset 21 : « Le Cohen adjurera la femme par le serment d’imprécation et le Cohen dira à la femme. » Il reprend la seconde moitié de ce verset : « Que l’Éternel te livre à l’imprécation et au serment au milieu de ton peuple, en faisant, Lui, l’Éternel, que ton flanc dépérisse et que ton ventre gonfle. » Puis le verset 22 : « Et que ces eaux de la malédiction entrent dans tes entrailles pour faire gonfler le ventre et dépérir le flanc. » Et il n’écrit pas non plus la fin « et la femme dira : Amen ! Amen ! » (qui n’est pas une imprécation, mais l’acceptation du serment).
וְאֵינוֹ כּוֹתֵב וְהִשְׁבִּיעַ הַכֹּהֵן אֶת הָאִשָּׁה וְכוֹתֵב יִתֵּן ה׳ אוֹתָךְ לְאָלָה וְלִשְׁבֻעָה וּבָאוּ הַמַּיִם הַמְאָרְרִים הָאֵלֶּה בְּמֵעַיִךְ לַצְבּוֹת בֶּטֶן וְלַנְפִּל יָרֵךְ וְאֵינוֹ כּוֹתֵב וְאָמְרָה הָאִשָּׁה אָמֵן אָמֵן
D’après Rabbi Yossè, le Cohen écrit tout le passage (v. 19–22) sans interruption, depuis « si un homme a couché avec toi » jusqu’à « et la femme dira : Amen ! Amen ! », incluant les prescriptions au Cohen ainsi que l’acceptation du serment.
רַבִּי יוֹסֵי אוֹמֵר לֹא הָיָה מַפְסִיק
Pour Rabbi Yehouda, le Cohen doit écrire seulement la seconde moitié du verset 21 – « que l’Éternel te livre à l’imprécation et au serment au milieu de ton peuple, en faisant, Lui, l’Éternel, que ton flanc dépérisse et que ton ventre gonfle », puis le verset suivant : « Que ces eaux de la malédiction entrent dans tes entrailles... » sans la fin « et la femme dira : Amen, Amen ! »
רַבִּי יְהוּדָה אוֹמֵר כׇּל עַצְמוֹ אֵינוֹ כּוֹתֵב אֶלָּא יִתֵּן ה׳ אוֹתָךְ לְאָלָה וְלִשְׁבֻעָה וְגוֹ׳ וּבָאוּ הַמַּיִם הַמְאָרְרִים הָאֵלֶּה בְּמֵעַיִךְ וְגוֹ׳ וְאֵינוֹ כּוֹתֵב וְאָמְרָה הָאִשָּׁה אָמֵן אָמֵן
Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)
Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.
GUEMARA Sur quoi porte le débat entre les trois Tanaïm de la michna ? Sur le sens du verset 23 : « Le Cohen écrira les imprécations [ét ha-alot] – celles-ci ha-èlé] – dans le livre. »
גְּמָ׳ בְּמַאי קָא מִיפַּלְגִי בְּהַאי קְרָא קָמִיפַּלְגִי וְכָתַב אֶת הָאָלוֹת הָאֵלֶּה הַכֹּהֵן בַּסֵּפֶר
Rabbi Mèir comprend – Le mot « imprécations » [alot] désigne les imprécations elles-mêmes – c’est-à-dire la fin du verset 21 : « Que l’Éternel te livre à l’imprécation et au serment au milieu de ton peuple, en faisant, lui, l’Éternel, que ton flanc dépérisse et que ton ventre gonfle » ; et le début du verset 22 – « Et que ces eaux de la malédiction entrent dans tes entrailles pour faire gonfler le ventre et dépérir le flanc. » La lettre hè de ha-alot, « les imprécations » vient inclure la malédiction déduite implicitement de la bénédiction de la fin du verset 19 – « si un homme n’a pas couché avec toi et si tu ne t’es pas débauchée, en te souillant, de tes devoirs envers ton époux, sois innocentée par ces eaux amères de la malédiction. » Par l’expression restrictive, èlé, « celles », la Tora exclut les malédictions du chapitre 28 du Deutéronome. Enfin, le hè de ha-èlé – « celles-ci » exclut les prescriptions « Le Cohen adjurera la femme par le serment d’imprécation et le Cohen dira à la femme » (v. 21) et l’acceptation du serment par la femme qui répond : « Amen ! Amen ! » (fin du verset 22).
רַבִּי מֵאִיר סָבַר אָלוֹת אָלוֹת מַמָּשׁ הָאָלוֹת לְרַבּוֹת קְלָלוֹת הַבָּאוֹת מֵחֲמַת בְּרָכוֹת אֵלֶּה לְמַעוֹטֵי קְלָלוֹת שֶׁבְּמִשְׁנֵה תוֹרָה הָאֵלֶּה לְמַעוֹטֵי צַוּוֹאוֹת וְקַבָּלוֹת אָמֵן
Rabbi Yossè, qui recommande d’écrire le passage sans interruption, partage en tous points l’avis de Rabbi Mèir, mais d’après lui, le mot ét dans l’expression ét ha-alot (v. 23) vient inclure les prescriptions (v. 21) et l’acceptation du serment (v. 22).
וְרַבִּי יוֹסֵי כּוּלְּהוּ כִּדְקָאָמְרַתְּ אֶת לְרַבּוֹת צַוּוֹאוֹת וְקַבָּלוֹת
En revanche, Rabbi Mèir ne fait aucune déduction exégétique de ce terme.
וְרַבִּי מֵאִיר אֶתִּים לָא דָּרֵישׁ
Rabbi Yehouda, lui, interprète tous les indices scripturaires du verset 23 comme des exclusions. D’après lui, le mot « imprécations » [ha-alot] désigne les imprécations elles-mêmes ; le hè de ha-alot – « les imprécations » – exclut la malédiction déduite implicitement de la bénédiction ; le terme èlé – « celles » – exclut les malédictions du Deutéronome ; enfin, le hè de ha-èlé – « celles-ci » – exclut les prescriptions et l’acceptation du serment.
וְרַבִּי יְהוּדָה כּוּלְּהוּ בְּמִיעוּטֵי דָּרֵישׁ לְהוּ אָלוֹת אָלוֹת מַמָּשׁ הָאָלוֹת לְמַעוֹטֵי קְלָלוֹת הַבָּאוֹת מֵחֲמַת בְּרָכוֹת אֵלֶּה לְמַעוֹטֵי קְלָלוֹת שֶׁבְּמִשְׁנֵה תוֹרָה הָאֵלֶּה לְמַעוֹטֵי צַוּוֹאוֹת וְקַבָּלוֹת
Pourquoi Rabbi Mèir donne-t-il un sens extensif au hè de ha-alot, et un sens restrictif à celui de ha-èlé ?
וְרַבִּי מֵאִיר מַאי שְׁנָא הַאי הֵי דִּמְרַבֵּי בֵּיהּ וּמַאי שְׁנָא הַאי הֵי דְּמַעֵיט בֵּיהּ
Il est dit : « Le Cohen écrira les imprécations » [ha-alot] ; la Tora indiquant ce que le Cohen doit recopier, elle emprunte une formulation extensive, il est logique d’attribuer au hè un sens extensif. Dans la suite du verset, èlé ayant un sens restrictif, il en va de même pour le
hè préfixé.
הֵי דְּגַבֵּי(ה ד)רִיבּוּיָא רִיבּוּיָא (הִיא) הֵי דְּגַבֵּי(ה ד)מִיעוּטָא מִיעוּטָא
D’après Rabbi Mèir, objecte la guemara, pourquoi le Cohen doit-il recopier la fin du verset 19 : « si un homme n’a eu commerce avec toi... sois innocentée [hinaki] par ces eaux amères de la malédiction », laissant entendre qu’elle est vouée à la malédiction quand elle a fauté ? Pourtant, dans une michna du traité Kidouchin (64a), ce Tana dénie la règle énonçant que pour toute formulation négative on peut déduire implicitement la formule positive. D’après lui, cette formule n’implique pas que la femme sera vouée à la mort si elle a fauté – et, par conséquent, il n’y a aucune raison de la copier avec les imprécations !
וְהָא לֵית לֵיהּ לְרַבִּי מֵאִיר מִכְּלָל לָאו אַתָּה שׁוֹמֵעַ הֵן
Rabbi Tan‘houm explique que selon Rabbi Mèir : ici, le mot hinaki est écrit sans youd entre le hè et le noun. Il se prête par conséquent à cette double interprétation – « Si un homme n’a pas couché avec toi... sois innocentée [hinaki] par ces eaux amères de la malédiction » ; mais aussi « Meurs étouffée [‘hinaki] par ces eaux amères de la malédiction » en introduction au verset suivant – « Mais s’il est vrai que tu aies trahi ton époux et te sois laissée déshonorer... ».
אָמַר רַבִּי תַּנְחוּם הִנָּקִי כְּתִיב
Les conséquences de l’infidélité sont également mises en relief par une interprétation allégorique. En hébreu, un homme s’appelle ich (alef, youd, chin), et une femme, icha (alef, chin, hè). Les deux lettres communes sont alef et chin, formant le mot èch, feu. Restent le youd et le hè. À ce propos, Rabbi ‘Akiba a exposé en public cet enseignement : quand l’homme [ich] et la femme [icha] ont le mérite de suivre le droit chemin et de rester fidèles l’un à l’autre, la Présence divine, représentée par youd-hè, l’un des noms de Dieu, réside dans leur foyer. Dans le cas contraire, ils sont consumés par un feu [èch] dévorant.
דָּרֵישׁ רַבִּי עֲקִיבָא אִישׁ וְאִשָּׁה זָכוּ שְׁכִינָה בֵּינֵיהֶן לֹא זָכוּ אֵשׁ אוֹכַלְתָּן
Rava ajoute que le feu atteignant la femme est plus dévastateur que celui de l’homme. Pourquoi ? Parce que les lettres du mot èch sont accolées dans icha – sans qu’une lettre du nom de Dieu fasse séparation – mais pas dans ich ; là le youd, symbole de la Présence divine, est entre le alef et le chin.
אָמַר רָבָא וּדְאִשָּׁה עֲדִיפָא מִדְּאִישׁ מַאי טַעְמָא הַאי מְצָרֵף וְהַאי לָא מְצָרֵף
Rava a expliqué : pourquoi la Tora a-t-elle demandé d’apporter de la poussière et de la verser dans les eaux amères préparées pour une femme soupçonnée d’adultère ? Cela vient nous insinuer, que si elle est reconnue innocente, elle donnera naissance à un fils comme Avraham notre père, qui a déclaré humblement (Gen. 18, 27) : « et je suis poussière et cendre. » Mais si elle est coupable, qu’elle retourne à la poussière !
אָמַר רָבָא מִפְּנֵי מָה אָמְרָה תּוֹרָה הָבֵא עָפָר לְסוֹטָה זָכְתָה יוֹצֵא מִמֶּנָּה בֵּן כְּאַבְרָהָם אָבִינוּ דִּכְתִיב בֵּיהּ עָפָר וָאֵפֶר לֹא זָכְתָה תַּחְזוֹר לַעֲפָרָהּ
Rava a exposé en public cet enseignement – En récompense de l’humilité dont Avraham notre père a fait preuve en déclarant : « et je suis poussière et cendre », ses descendants reçurent deux commandements – la purification d’une personne par les eaux lustrales, mélangées avec la cendre de la vache rousse, et la mise à l’épreuve de la femme soupçonnée d’adultère par l’intermédiaire des eaux amères contenant de la poussière.
דְּרֵישׁ רָבָא בִּשְׂכַר שֶׁאָמַר אַבְרָהָם אָבִינוּ וְאָנֹכִי עָפָר וָאֵפֶר זָכוּ בָּנָיו לִשְׁתֵּי מִצְוֹת אֵפֶר פָּרָה וַעֲפַר סוֹטָה
Pourquoi Rava ne compte-t-il que ces deux commandements, interroge la guemara ? Pourtant, il y a aussi l’obligation de couvrir avec de la poussière le sang d’un animal égorgé (Lév. 17, 13) !
וְהָאִיכָּא נָמֵי עֲפַר כִּיסּוּי הַדָּם
Là-bas, répond la guemara, couvrir le sang permet d’accomplir un commandement, mais n’apporte aucun profit – de sorte qu’on ne peut le considérer comme une récompense de l’humble déclaration d’Avraham. En revanche, la poussière versée dans les eaux amères permet de rétablir l’entente conjugale et de légitimer les enfants si l’accusée est reconnue innocente ou, dans le cas contraire, d’éviter la multiplication d’enfants adultérins. De même, la cendre de la vache rousse purifie et expie le péché du veau d’or.
הָתָם הֶכְשֵׁר מִצְוָה אִיכָּא הֲנָאָה לֵיכָּא
La Guemara rapporte un autre enseignement exposé par Rava – En récompense du désintéressement dont Avraham notre père a fait preuve en déclarant au roi de Sodome (Gen. 14, 23) : « ... pas même d’un fil jusqu’à un lacet de chaussure, je ne prendrai de ce qui est à toi. » Ses descendants reçurent deux commandements : l’obligation d’entourer les tsitsiot blanches suspendues à un vêtement à quatre coins par un fil de laine bleu azur (Nbres 15, 38), et la lanière des tefilin rappelant le « lacet ».
דָּרֵשׁ רָבָא בִּשְׂכַר שֶׁאָמַר אַבְרָהָם אָבִינוּ אִם מִחוּט וְעַד שְׂרוֹךְ נַעַל זָכוּ בָּנָיו לִשְׁתֵּי מִצְוֹת חוּט שֶׁל תְּכֵלֶת וּרְצוּעָה שֶׁל תְּפִלִּין
Certes, argumente la guemara, la lanière des tefilin peut être considérée comme une récompense, car elle apporte un profit. En effet, il est écrit (Deut. 28, 10) : « Et tous les peuples de la terre verront que le nom de l’Eternel est invoqué sur toi et ils te craindront. » Et on a enseigné dans une baraïta – Rabbi Eli‘ézer le Grand affirma : les nations éprouveront cette crainte à la vue des tefilin de la tête.
בִּשְׁלָמָא רְצוּעָה שֶׁל תְּפִלִּין דִּכְתִיב וְרָאוּ כׇּל עַמֵּי הָאָרֶץ כִּי שֵׁם ה׳ נִקְרָא עָלֶיךָ וְתַנְיָא רַבִּי אֱלִיעֶזֶר הַגָּדוֹל אוֹמֵר אֵלּוּ תְּפִלִּין שֶׁבָּרֹאשׁ
Mais le fil bleu azur, quel profit apporte-t-il ? La réponse apparaît dans cette autre baraïta – « Rabbi Mèir expliquait : en quoi se distingue le bleu azur de toutes les autres variétés de couleurs pour avoir été choisi comme l’un des tsitsiot ?
אֶלָּא חוּט שֶׁל תְּכֵלֶת מַאי הִיא דְּתַנְיָא הָיָה רַבִּי מֵאִיר אוֹמֵר מָה נִשְׁתַּנָּה תְּכֵלֶת מִכׇּל מִינֵי צִבְעוֹנִין
Réponse – Le bleu azur rappelle la couleur de la mer, apparentée à l’azur du firmament qui évoque le trône de la Gloire, car il est dit (Ex. 24, 10) : “Ils virent le Dieu d’Israël et sous Ses pieds comme un ouvrage ressemblant à une plaque de saphir et d’une pureté semblable à la substance des cieux.” Et il est écrit (Ez. 1, 26) : “semblable à l’aspect d’une pierre de saphir, la forme d’un trône.” » En récompense du désintéressement d’Avraham, ses descendants reçurent l’ordre d’utiliser un fil bleu turquoise, évocateur de la Présence divine.
מִפְּנֵי שֶׁהַתְּכֵלֶת דּוֹמֶה לַיָּם וְיָם דּוֹמֶה לָרָקִיעַ וְרָקִיעַ דּוֹמֶה לְכִסֵּא הַכָּבוֹד שֶׁנֶּאֱמַר וַיִּרְאוּ אֵת אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל וְתַחַת רַגְלָיו כְּמַעֲשֵׂה לִבְנַת הַסַּפִּיר וּכְעֶצֶם הַשָּׁמַיִם לָטֹהַר וּכְתִיב כְּמַרְאֵה אֶבֶן סַפִּיר דְּמוּת כִּסֵּא
MICHNA Le Cohen ne peut transcrire le passage biblique requis ni sur une planche de bois, ni sur du papier fabriqué avec des herbes pilées et collées ensemble, ni sur
מַתְנִי׳ אֵינוֹ כּוֹתֵב לֹא עַל הַלּוּחַ וְלֹא עַל הַנְּיָיר וְלֹא עַל
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