À l’opposé, la michna du traité Nega‘im, prescrivant au Cohen de raser une seconde fois tout le corps du metsora jusqu’à le rendre aussi lisse qu’un potiron, doit être attribuée à Rabbi ‘Akiba, qui retient le principe d’herméneutique des extensions et des restrictions.
En effet, contrairement à la baraïta citée précédemment, qui appliquait au verset relatif au second rasage du metsora le principe d’herméneutique des règles générales et des détails, une autre baraïta l’interprète ainsi – L’expression « et ce sera au septième jour, il rasera tout son poil » inclut tous les poils. Les détails mentionnés ensuite « sa tête, sa barbe et les sourcils de ses yeux » ont un sens restrictif . La fin du verset, « il rasera tout son poil », inclut de nouveau tous les poils. Selon ce système d’interprétation, lorsque des exemples restrictifs sont encadrés par des extensions, tout est inclus sauf ce qui se distingue radicalement des exemples cités.
כְּדַלַּעַת מַנִּי רַבִּי עֲקִיבָא הִיא דְּדָרֵישׁ רִיבּוּיֵי וּמִיעוּטֵי דְּתַנְיָא וְהָיָה בַּיּוֹם הַשְּׁבִיעִי יְגַלַּח אֶת כׇּל שְׂעָרוֹ רִיבָּה אֶת רֹאשׁוֹ וְאֶת זְקָנוֹ וְאֵת גַּבֹּת עֵינָיו מִיעֵט וְאֶת כָּל שְׂעָרוֹ יְגַלֵּחַ חָזַר וְרִיבָּה רִיבָּה וּמִיעֵט וְרִיבָּה רִיבָּה הַכֹּל
En l’occurrence, que vient inclure la formule finale « il rasera tout son poil » ? Elle inclut les poils de tout le corps. Et que viennent exclure les exemples « sa tête, sa barbe et les sourcils de ses yeux » ? Réponse – L’Écriture s’est référée à ces endroits bien visibles pour exclure les poils cachés à l’intérieur des fosses nasales.
מַאי רִיבָּה רִיבָּה דְּכוּלֵּיהּ גּוּפֵיהּ וּמַאי מִיעֵט מִיעֵט שֵׂיעָר שֶׁבְּתוֹךְ הַחוֹטֶם
En définitive, quelle règle appliquer quand il n’y a pas de terre meuble sur le sol du Temple ? Peut-on utiliser de la cendre à la place ?
Viens, invite la guemara, écoute un témoignage probant en la matière, car Rav Houna bar Achi a déclaré au nom de Rav : s’il n’y a pas de terre sur le sol du Temple, le Cohen chargé de préparer les eaux amères apporte de l’humus formé par la décomposition de végétaux, le pose sur le sol pour le consacrer puis le met dans l’eau. À première vue, si l’humus peut remplacer la terre meuble, il en va de même pour la cendre.
מַאי הָוֵי עֲלַהּ תָּא שְׁמַע דְּאָמַר רַב הוּנָא בַּר אָשֵׁי אָמַר רַב אֵין שָׁם עָפָר מֵבִיא רַקְבּוּבִית יָרָק וּמְקַדֵּשׁ
Mais il n’en est rien, conclut la guemara. Seul l’humus, qui est une terre formée par la décomposition de végétaux réduits en poussière peut être utilisé pour les eaux amères – contrairement à la cendre.
וְלָא הִיא רַקְבּוּבִית יָרָק הוּא דַּהֲוַאי עָפָר אֵפֶר לָא הֲוַאי עָפָר
La michna poursuit – « Le Cohen prenait de la terre en quantité suffisante pour qu’elle soit visible dans l’eau, car il est dit (Nbres 5, 17) : “Et de la poussière qui sera sur le sol du Sanctuaire, le Cohen prendra et mettra sur l’eau.” » La Tora a employé l’expression « sur l’eau », pour laisser entendre que la terre ne doit pas se dissoudre dans l’eau, mais y rester visible. À ce propos, nos maîtres ont enseigné dans une baraïta – D’après un premier Tana, anonyme, « trois choses prescrites par la Tora doivent être visibles : la terre servant à la préparation des eaux amères à l’intention d’une femme soupçonnée d’adultère ; la cendre de la vache rousse mise dans les eaux lustrales destinées à la purification de celui qui s’est rendu impur au contact d’un cadavre (voir Nbres chap. 19 et plus particulièrement v. 17) ; et enfin le crachat de la belle-sœur ayant procédé au rite du déchaussement du frère de son mari décédé, car il est écrit (Deut. 25, 9) : “Alors sa belle-sœur s’avancera vers lui, sous les yeux des Anciens… elle crachera devant lui.”
Au nom de Rabbi Yichma‘el, on a déclaré : le sang de l’oiseau égorgé pour le rituel de purification d’une personne frappée d’une affection lépreuse doit être visible, lui aussi », dans l’eau vive utilisée lors de ce cérémonial (voir Lév. chap. 14).
כְּדֵי שֶׁיֵּרָאֶה עַל הַמַּיִם תָּנוּ רַבָּנַן שְׁלֹשָׁה צְרִיכִין שֶׁיֵּרָאוּ עֲפַר סוֹטָה וְאֵפֶר פָּרָה וְרוֹק יְבָמָה מִשּׁוּם רַבִּי יִשְׁמָעֵאל אָמְרוּ אַף דַּם צִפּוֹר
Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)
Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.
Quelle est la raison de Rabbi Yichma‘el ? Réponse – Car il est écrit (ibid. v. 4–6) : « Le Cohen ordonnera qu’on prenne pour celui qui doit être purifié deux oiseaux vivants, purs, du bois de cèdre, de l’écarlate et de l’hysope. Puis, le Cohen ordonnera qu’on égorge le premier oiseau sur un ustensile en argile, sur des eaux vives (pour que le sang du volatile s’y déverse). L’oiseau vivant, il le prendra, ainsi que le bois de cèdre, l’écarlate et l’hysope, puis il les plongera ainsi que l’oiseau vivant dans le sang de l’oiseau égorgé, sur les eaux vives. » Et, à propos de ce dernier verset, une baraïta enseigne – Si la Tora avait employé seulement l’expression « dans le sang », on aurait pu croire qu’il faut plonger les divers éléments dans le sang, et pas dans l’eau. Aussi a-t-elle ajouté « sur les eaux vives ». Et si elle n’avait mentionné que l’eau, on aurait pu penser que lesdits éléments doivent être plongés dans l’eau, et pas dans le sang. C’est pourquoi elle a précisé qu’il faut aussi les tremper « dans le sang ». Comment concilier ces deux exigences ? Le Cohen doit apporter une quantité d’eau (telle) que le sang y soit reconnaissable (relativement peu importante pour que le sang n’y soit pas dissous). Et combien représente une telle quantité ? Réponse – Un quart de log (un huitième de litre).
מַאי טַעְמָא דְּרַבִּי יִשְׁמָעֵאל דִּכְתִיב וְטָבַל אוֹתָם בְּדַם הַצִּפֹּר וְגוֹ׳ וְתַנְיָא בְּדַם יָכוֹל בַּדָּם וְלֹא בַּמַּיִם תַּלְמוּד לוֹמַר בַּמַּיִם אִי מַיִם יָכוֹל בַּמַּיִם וְלֹא בַּדָּם תַּלְמוּד לוֹמַר בַּדָּם הָא כֵּיצַד מֵבִיא מַיִם שֶׁדַּם צִיפּוֹר נִיכָּר בָּהֶן וְכַמָּה רְבִיעִית
Selon les Sages, représentés par le Tana anonyme de la baraïta, l’expression « il les plongera ainsi que l’oiseau vivant dans le sang de l’oiseau égorgé, sur les eaux vives » doit être prise au sens littéral : elle instaure l’obligation de tremper les divers éléments dans le sang et dans l’eau, sans accorder d’importance à leur quantité respective.
וְרַבָּנַן הַהוּא לְגוּפֵיהּ דְּהָכִי קָאָמַר רַחֲמָנָא אַטְבֵּיל בְּדָם וּבְמַיִם
Rabbi Yichma‘el rétorque – Dans ce cas, la Tora aurait dû dire simplement : « Et il les y plongera », et on aurait compris qu’il faut les tremper dans le sang de l’oiseau et dans les eaux vives, évoqués juste avant. Pourquoi a-t-elle précisé : « dans le sang… et sur les eaux vives » ? Réponse – Pour exiger que le sang soit visible dans l’eau.
וְרַבִּי יִשְׁמָעֵאל אִם כֵּן לִכְתּוֹב רַחֲמָנָא וְטָבַל בָּהֶם בְּדַם וּבַמַּיִם לְמָה לִי לְנִיכָּר
Et les Sages répliquent – Si la Tora avait employé l’expression « Et il y plongera », on aurait pu croire qu’il faut tremper les éléments dans l’eau et dans le sang à part. Aussi a-t-elle spécifié « dans le sang… et dans l’eau » pour demander de les mélanger avant de les y plonger.
וְרַבָּנַן אִי כְּתַב רַחֲמָנָא וְטָבַל בָּהֶם הֲוָה אָמֵינָא הַאי לְחוֹדֵיהּ וְהַאי לְחוֹדֵיהּ כְּתַב רַחֲמָנָא בְּדַם וּבַמַּיִם לְעָרְבָן
Rabbi Yichma‘el, lui, déduit cette exigence du verset précédent : « Puis le Cohen ordonnera qu’on égorge le premier oiseau sur un ustensile en argile, sur des eaux vives. »
וְרַבִּי יִשְׁמָעֵאל לְעָרְבָן קְרָא אַחֲרִינָא כְּתִיב וְשָׁחַט אֶת הַצִּפֹּר הָאֶחָת וְגוֹ׳
D’après les Sages, à la lecture de ce verset, on aurait pu penser qu’il faut égorger l’oiseau près d’un récipient d’eau, lui serrer les veines coupées pour retenir le sang et le recevoir ensuite dans un autre récipient. Aussi nous fait-on entendre que le sang doit s’écouler immédiatement dans le récipient près duquel l’oiseau a été égorgé.
וְרַבָּנַן אִי מֵהָהוּא הֲוָה אָמֵינָא לִישְׁחֲטֵיהּ סָמוּךְ לְמָנָא וְנִינְקְטִינְהוּ לִוְורִידִין וּלְקַבְּלֵיהּ לְדָם בְּמָנָא אַחֲרִינָא קָא מַשְׁמַע לַן
Rabbi Yirmiya demanda à Rabbi Zèra – Nous avons établi que le sang de l’oiseau égorgé reste visible dans un quart de log d’eau. Mais qu’en est-il dans le cas d’un grand oiseau dont le sang abondant dissout cette quantité d’eau ou, au contraire, dans le cas d’un petit dont le sang se dissout dans l’eau ? Faut-il modifier la quantité d’eau en fonction de la taille de l’oiseau ?
בְּעָא מִינֵּיהּ רַבִּי יִרְמְיָה מֵרַבִּי זֵירָא גְּדוֹלָה וּמַדְחֵת אֶת הַמַּיִם קְטַנָּה וְנִדְחֵית מִפְּנֵי הַמַּיִם מַהוּ
Rabbi Zèra lui répondit – Ne t’ai-je pas déjà dissuadé dans le passé de poser des questions semblant remettre en cause les règles établies par la Halakha ? Les Sages ont fixé la mesure d’un quart de log d’eau en fonction de la quantité de sang d’un moineau : aucun n’est assez grand pour que son sang puisse dissoudre cette quantité d’eau, et aucun n’est petit au point que son sang se dissolve dans l’eau.
אֲמַר לֵיהּ לָאו אָמֵינָא לָךְ לָא תַּפֵּיק נַפְשָׁךְ לְבַר מֵהִילְכְתָא בְּצִפּוֹר דְּרוֹר שִׁיעֲרוּ רַבָּנַן אֵין לְךָ גְּדוֹלָה שֶׁמַּדְחֵת אֶת הַמַּיִם וְאֵין לְךָ קְטַנָּה שֶׁנִּדְחֵית מִפְּנֵי הַמַּיִם
Nos maîtres ont enseigné dans une autre baraïta – « D’après un premier Tana, anonyme, si la terre a été mise dans la phiale avant l’eau, les eaux amères préparées à l’intention d’une femme soupçonnée d’adultère sont inutilisables. Puisqu’il est dit (Nbres 5, 17) : “et de la poussière qui sera sur le sol du Sanctuaire, le Cohen prendra et mettra sur l’eau”, celle-ci doit être versée auparavant dans le récipient ; la formule “et le Cohen lui fera selon toute cette loi” (v. 30) impose, quant à elle, de respecter strictement le rituel prescrit.
Rabbi Chim‘on, lui, valide les eaux amères, même si la terre a été mise en premier. » Quelle est la raison de Rabbi Chim‘on ?
תָּנוּ רַבָּנַן הִקְדִּים עָפָר לַמַּיִם פָּסוּל וְרַבִּי שִׁמְעוֹן מַכְשִׁיר מַאי טַעְמָא דְּרַבִּי שִׁמְעוֹן
Il est écrit à propos de la vache rousse (Nbres 19, 17) : « On prendra pour l’impur de la poussière de la combustion de l’expiatoire et on mettra dessus des eaux vives dans le récipient. » Et on a enseigné dans une nouvelle baraïta – « Rabbi Chim‘on a déclaré : s’agit-il réellement de poussière ? Pourtant c’est de la cendre ! Au lieu de “cendre”, la Tora a employé sciemment le terme de “poussière” pour établir une analogie sémantique. Il est question de “poussière” à propos de la vache rousse et à propos des eaux amères. De même que dans ce dernier cas, il faut verser a priori la terre sur l’eau, puisqu’il est écrit “Et de la poussière… le Cohen prendra et mettra sur l’eau”, il en va ainsi pour la terre servant à la préparation des eaux lustrales.
דִּכְתִיב וְלָקְחוּ לַטָּמֵא מֵעֲפַר שְׂרֵיפַת הַחַטָּאת וְתַנְיָא אָמַר רַבִּי שִׁמְעוֹן וְכִי עָפָר הוּא וַהֲלֹא אֵפֶר הוּא שִׁינָּה הַכָּתוּב בְּמַשְׁמָעוֹ לָדוּן הֵימֶנּוּ גְּזֵירָה שָׁוָה נֶאֱמַר כָּאן עָפָר וְנֶאֱמַר לְהַלָּן עָפָר מָה לְהַלָּן עָפָר עַל גַּבֵּי מַיִם אַף כָּאן עָפָר עַל גַּבֵּי מַיִם
Et de même qu’a posteriori, celles-ci sont utilisables même si la terre a été mise dans le récipient avant l’eau, il en va ainsi pour les eaux amères. »
וּמָה כָּאן הִקְדִּים עָפָר לַמַּיִם כָּשֵׁר אַף לְהַלָּן הִקְדִּים עָפָר לַמַּיִם כָּשֵׁר
Et de quel passage biblique déduisons-nous que les eaux lustrales sont utilisables a posteriori quand la cendre a été mise avant l’eau dans le récipient ? Réponse – La Tora emploie deux expressions contradictoires au sujet de la vache rousse. D’une part, il est écrit (v. 17) : « On prendra pour l’impur de la poussière de la combustion de l’expiatoire et on mettra dessus des eaux » – laissant entendre que la cendre de la vache rousse appelée « poussière de la combustion » doit être déposée en premier dans le récipient. Puis à la fin du verset, la formule « des eaux vives dans le récipient », laisse entendre que l’eau doit être versée en premier, sans que la terre fasse séparation entre elle et le récipient.
Comment concilier ces deux implications contradictoires du même verset ? À l’évidence, conclut Rabbi Chim‘on, la Tora laisse le choix de mettre d’abord l’une, l’eau, ou l’autre, la cendre, et on déduit de l’analogie sémantique qu’il en va de même pour les eaux amères.
וְהָתָם מְנָלַן תְּרֵי קְרָאֵי כְּתִיבִי כְּתִיב עָלָיו אַלְמָא אֵפֶר בְּרֵישָׁא וּכְתִיב מַיִם חַיִּים אֶל כֶּלִי אַלְמָא מַיִם בְּרֵישָׁא הָא כֵּיצַד רָצָה זֶה נוֹתֵן רָצָה זֶה נוֹתֵן
Les autres Sages, qui invalident les eaux amères quand l’eau n’a pas été versée en premier dans le récipient, appliquent la même règle pour les eaux lustrales. D’après eux, l’expression « des eaux vives dans le récipient » doit être prise au sens strict (c’est-à-dire dans le récipient encore vide), tandis que la formule « et on mettra dessus des eaux vives » indique seulement qu’après avoir mis la cendre dans l’eau, il faut les mélanger.
וְרַבָּנַן אֶל כֶּלִי דַּוְקָא עָלָיו לְעָרְבָן
Cependant, objecte la guemara, la formule « on mettra dessus des eaux vives » pourrait se comprendre au sens strict, à savoir que la cendre doit être mise en premier. Et selon cette hypothèse, la Tora aurait ajouté l’expression « dans le récipient » pour exiger que l’eau vive soit puisée directement à la source avec ce récipient, et non transvasée de l’un à l’autre !
וְאֵימָא עָלָיו דַּוְקָא אֶל כֶּלִי שֶׁתְּהֵא חִיּוּתָן בִּכְלִי
Les Sages répondent – Dans tous les autres cas où la Tora recommande de mélanger de l’eau avec un autre élément – à savoir les eaux amères et celles servant à la purification du metsora – le second composant qui la rend réglementaire (respectivement, la terre et le sang de l’oiseau égorgé) doit être placé au-dessus, c’est-à-dire mis en second ; il en va de même pour la cendre de la vache rousse conférant aux eaux lustrales toute leur valeur légale.
מָה מָצִינוּ בְּכׇל מָקוֹם מַכְשִׁיר לְמַעְלָה אַף כָּאן מַכְשִׁיר לְמַעְלָה
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