En effet, après lui avoir adressé des reproches à ce sujet, le prophète Nathan l’avait prévenu (II Sam. 12, 11) : « Je susciterai le malheur contre toi, de ta propre maison. » De même, à propos de Joseph, il est dit (Gen. 37, 14) : « il (Jacob) l’envoya de la vallée [mè-‘èmek] de Hébron. » Rabbi ‘Hanina bar Papa explique : Jacob donna à son fils cette mission, qui fut à l’origine de la descente des Hébreux en Égypte, suivant le dessein profond [‘amouka] formé par le Saint béni soit-Il à l’époque de ce Juste (Avraham) enterré à Hébron, car il est écrit (ibid. 15, 13) : « sache bien que ta descendance sera étrangère. »
דִּכְתִיב הִנְנִי מֵקִים עָלֶיךָ רָעָה מִבֵּיתֶךָ כַּיּוֹצֵא בַּדָּבָר אַתָּה אוֹמֵר וַיִּשְׁלָחֵהוּ מֵעֵמֶק חֶבְרוֹן אָמַר רַבִּי חֲנִינָא בַּר פָּפָּא בְּעֵצָה עֲמוּקָּה שֶׁל אוֹתוֹ צַדִּיק שֶׁקָּבוּר בְּחֶבְרוֹן דִּכְתִיב יָדֹעַ תֵּדַע כִּי גֵר יִהְיֶה זַרְעֲךָ
À propos du verset (II Sam. 18, 18), déjà cité – « car il s’était dit : je n’ai pas d’enfants » – la guemara demande : Absalom n’avait-il pas de fils ? Pourtant il est écrit (ibid. 14, 27) : « Il naquit à Absalom trois fils et une fille » ! Rav Yits‘hak bar Avdimi répond : Absalom s’était dit ne pas avoir de fils digne de la royauté. Selon Rav ‘Hisda, il avait perdu tous ses enfants, car on sait par tradition que celui qui brûle la récolte de quelqu’un d’autre ne laisse pas de fils héritier ; or Absalom avait brûlé celle de Yoav, puisqu’il est écrit (ibid. 14, 30) – « Il dit à ses serviteurs : voyez le champ de Yoav attenant au mien, et où il a de l’orge ; allez et mettez-y le feu. Et les serviteurs d’Absalom mirent le feu au champ. »
כִּי אָמַר אֵין לִי בֵן וְלָא הֲווֹ לֵיהּ בְּנֵי וְהָכְתִיב וַיִּוָּלְדוּ לְאַבְשָׁלוֹם שְׁלֹשָׁה בָּנִים וּבַת אַחַת אָמַר רַב יִצְחָק בַּר אַבְדִּימִי שֶׁלֹּא הָיָה לוֹ בֵּן הָגוּן לַמַּלְכוּת רַב חִסְדָּא אָמַר גְּמִירִי כׇּל הַשּׂוֹרֵף תְּבוּאָתוֹ שֶׁל חֲבֵירוֹ אֵינוֹ מַנִּיחַ בֵּן לְיוֹרְשׁוֹ וְאִיהוּ קַלְיַיהּ לִדְיוֹאָב דִּכְתִיב וַיֹּאמֶר אֶל עֲבָדָיו רְאוּ חֶלְקַת יוֹאָב אֶל יָדִי וְלוֹ שָׁם שְׂעֹרִים לְכוּ וְהַצִּיתוּהָ בָאֵשׁ וַיַּצִּיתוּ עַבְדֵי אַבְשָׁלוֹם אֶת הַחֶלְקָה בָּאֵשׁ
§ Suite de notre michna – « Et de même que le châtiment est calqué sur la faute, il en va ainsi pour la récompense d’une bonne action. Ainsi, Myriam attendit un moment pour savoir ce qui allait advenir de Moïse, son frère, déposé dans une corbeille sur la rive du Nil. C’est pourquoi les Enfants d’Israël s’attardèrent pour elle sept jours dans le désert quand elle fut frappée d’une affection lépreuse. » La récompense est-elle réellement à la mesure de la bonne action, interroge la guemara ?
Là-bas, Myriam a attendu un moment auprès de Moïse, et quand elle fut frappée d’une affection lépreuse, le peuple s’attarda sept jours ! Abayè suggère de corriger la michna et d’adopter la version : « Et pour une bonne action, il en va différemment » – Elle est récompensée outre mesure.
וְכֵן לְעִנְיַן הַטּוֹבָה מִרְיָם וְכוּ׳ מִי דָּמֵי הָתָם חֲדָא שַׁעְתָּא הָכָא שִׁבְעָה יוֹמֵי אָמַר אַבָּיֵי אֵימָא וּלְעִנְיַן הַטּוֹבָה אֵינוֹ כֵּן
Rava lui objecta : pourtant l’auteur de la michna enseigne – « Et de même pour une bonne action », en comparant la récompense et le châtiment !
Mais, affirme Rava, la michna veut dire que le traitement réservé à une personne est calqué sur son comportement, que ce soit pour une mauvaise ou une bonne action. Cependant, dans ce dernier cas, la récompense est plus importante que le châtiment infligé pour une transgression.
אֲמַר לֵיהּ רָבָא הָא וְכֵן לְעִנְיַן הַטּוֹבָה קָתָנֵי אֶלָּא אָמַר רָבָא הָכִי קָתָנֵי וְכֵן לְעִנְיַן הַטּוֹבָה דִּבְאוֹתָהּ מִדָּה וּלְעוֹלָם מִדָּה טוֹבָה מְרוּבָּה מִמִּדַּת פּוּרְעָנוּת
L’attente de Myriam, les yeux rivés sur son frère, est décrite ainsi : « Sa sœur se tint au loin pour savoir ce qui lui sera fait » (Ex. 2, 4). Rabbi Yits‘hak voit dans tous les termes de ce verset une référence allégorique à la Présence divine ayant assuré la protection de Moïse. L’expression « se tint » y fait allusion, car il est écrit : « L’Éternel vint et se tint » (I Sam. 3, 10). « Sa sœur » aussi, car il est écrit – « Dis à la Sagesse [qui émane de Sa bouche] (voir Prov. 2, 6), tu es ma sœur » (ibid. 7, 4). « Au loin » également, car il est écrit (Jér. 31, 2) : « L’Éternel m’apparut de loin. » La formule « pour savoir » se rapporte aussi au Saint béni soit-Il, puisqu’il est écrit (I Sam. 2, 3) : « car l’Éternel est le Dieu du savoir. » Il en va de même pour l’expression « ce qui [ma] », car il est écrit (Deut. 10, 12) : « ce que [ma] l’Éternel ton Dieu te demande. » La suite « sera fait [ya‘assé] »s’y réfère également, puisqu’il est écrit (Amos 3, 7) : « Car l’Éternel Dieu ne fera [ya‘assé] rien sans avoir révélé Son dessein. » Enfin « lui » évoque aussi la Présence divine, car il est écrit (Jug. 6, 23) – « L’Éternel lui dit : “rassure-toi [chalom].” »
וַתֵּתַצַּב אֲחוֹתוֹ מֵרָחוֹק אָמַר רַבִּי יִצְחָק פָּסוּק זֶה כּוּלּוֹ עַל שֵׁם שְׁכִינָה נֶאֱמַר וַתֵּתַצַּב דִּכְתִיב וַיָּבֹא ה׳ וַיִּתְיַצַּב וְגוֹ׳ אֲחוֹתוֹ דִּכְתִיב אֱמֹר לַחׇכְמָה אֲחוֹתִי אָתְּ מֵרָחוֹק דִּכְתִיב מֵרָחוֹק ה׳ נִרְאָה לִי לָדַעַת דִּכְתִיב כִּי אֵל דֵּעוֹת ה׳ מָה דִּכְתִיב מַה ה׳ אֱלֹהֶיךָ שֹׁאֵל מֵעִמָּךְ יַעֲשֶׂה דִּכְתִיב כִּי לֹא יַעֲשֶׂה ה׳ אֱלֹהִים דָּבָר לוֹ דִּכְתִיב וַיֹּאמֶר לוֹ ה׳ שָׁלוֹם
Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)
Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.
§ À présent, la guemara analyse les deux premiers chapitres de l’Exode pour replacer l’action de Myriam dans son contexte historique. Il est dit (Ex. 1, 8) : « Un nouveau roi se leva en Égypte qui n’avait pas connu Joseph. » Rav et Chemouel sont divisés sur le sens de ce verset. L’un affirme que c’était réellement un nouveau roi ; selon l’autre, il s’agissait de l’ancien Pharaon qui promulgua de nouveaux décrets. Suivant le premier avis, la formule « un nouveau roi » se comprend littéralement ; d’après la seconde opinion, ce sont les décrets qui étaient nouveaux, mais pas le Pharaon lui-même, puisque l’Écriture n’indique pas que l’ancien était mort et qu’un autre régna à sa place. Dans cette optique, la fin du verset : « qui n’avait pas connu Joseph » veut dire que par sa nouvelle politique menée contre les Hébreux, l’ancien Pharaon semblait ne pas avoir connu Joseph, puisqu’il ne tenait pas compte des bienfaits que ce dernier avait apportés à son pays.
וַיָּקׇם מֶלֶךְ חָדָשׁ וְגוֹ׳ רַב וּשְׁמוּאֵל חַד אָמַר חָדָשׁ מַמָּשׁ וְחַד אָמַר שֶׁנִּתְחַדְּשׁוּ גְּזֵירוֹתָיו מַאן דְּאָמַר חָדָשׁ מַמָּשׁ דִּכְתִיב חָדָשׁ וּמַאן דְּאָמַר שֶׁנִּתְחַדְּשׁוּ גְּזֵירוֹתָיו דְּלָא כְּתִיב וַיָּמׇת וַיִּמְלוֹךְ אֲשֶׁר לֹא יָדַע אֶת יוֹסֵף דַּהֲוָה דָּמֵי כְּמַאן דְּלָא יָדַע לֵיהּ כְּלָל
« Il dit à son peuple : voici le peuple des Enfants d’Israël est plus nombreux et plus puissant que nous » (ibid. 1, 9). Un Tana a enseigné : puisque Pharaon prit l’initiative des décrets contre les Hébreux, le Ciel décida, par mesure de rétorsion, de le punir en premier. Pharaon prit cette initiative, puisqu’il est écrit : « Il dit à son peuple. » C’est pourquoi il fut puni en premier, car il est écrit (ibid. 7, 29) : « Toi-même, ton peuple et tous tes serviteurs, les grenouilles vous assailliront. »
וַיֹּאמֶר אֶל עַמּוֹ הִנֵּה עַם בְּנֵי יִשְׂרָאֵל תָּנָא הוּא הִתְחִיל בְּעֵצָה תְּחִילָּה לְפִיכָךְ לָקָה תְּחִילָּה הוּא הִתְחִיל בְּעֵצָה תְּחִילָּה דִּכְתִיב וַיֹּאמֶר אֶל עַמּוֹ לְפִיכָךְ לָקָה תְּחִילָּה כְּדִכְתִיב וּבְכָה וּבְעַמְּךָ וּבְכׇל עֲבָדֶיךָ
Pharaon dit à son peuple (ibid. 1, 10) : « Allons, soyons avisés à son encontre, de peur qu’il n’augmente encore et que, lorsqu’une guerre surviendra, il ne se joigne à nos ennemis, combatte contre nous et remonte de la terre. » Il aurait dû dire « à leur encontre », c’est-à-dire à l’encontre des Hébreux ! Rabbi ‘Hama fils de Rabbi ‘Hanina explique – Pharaon déclara : allons et soyons avisés à l’encontre du Sauveur d’Israël.
הָבָה נִתְחַכְּמָה לוֹ לָהֶם מִיבְּעֵי לֵיהּ אָמַר רַבִּי חָמָא בְּרַבִּי חֲנִינָא בֹּאוּ וְנֶחְכַּם לְמוֹשִׁיעָן שֶׁל יִשְׂרָאֵל
Les exemples de Sodome et Gomorrhe ainsi que de la génération du déluge prouvant que l’Éternel exerce des mesures de rétorsion contre Ses ennemis, quel châtiment pouvons-nous infliger aux Hébreux en toute impunité ? Si nous les jetons au feu, l’Éternel nous fera subir le même sort, puisqu’il est écrit (Is. 66, 15) – « Car voici l’Éternel viendra dans le feu », et au verset suivant : « Car l’Éternel fera justice par le feu et par Son glaive, de toute chair. »
בַּמֶּה נְדוּנֵם נְדוּנֵם בָּאֵשׁ כְּתִיב כִּי הִנֵּה ה׳ בָּאֵשׁ יָבֹא וּכְתִיב כִּי בָאֵשׁ ה׳ נִשְׁפָּט וְגוֹ׳ בְּחֶרֶב כְּתִיב [וּבְחַרְבּוֹ אֶת כׇּל בָּשָׂר]
Si nous les faisons passer au fil de l’épée, nous connaîtrons la même mort, car il est écrit : « Et par Son glaive, de toute chair. » En définitive, ils décidèrent de les noyer, le Saint béni soit-Il ayant juré qu’Il n’amènerait plus de déluge sur le monde, puisqu’il est dit (ibid. 54, 9) – « Ce sera pour Moi comme les eaux de Noé : de même que J’ai juré que le déluge de Noé ne désolerait plus la terre, ainsi Je jure de ne plus M’irriter. » Les Égyptiens ne savaient pas que le Saint béni soit-Il avait seulement juré de ne plus amener de déluge sur le monde entier, mais qu’Il s’était réservé le droit d’exercer ce châtiment contre une nation.
אֶלָּא בּוֹאוּ וּנְדוּנֵם בַּמַּיִם שֶׁכְּבָר נִשְׁבַּע הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא שֶׁאֵינוֹ מֵבִיא מַבּוּל לָעוֹלָם שֶׁנֶּאֱמַר כִּי מֵי נֹחַ זֹאת לִי וְגוֹ׳ וְהֵן אֵינָן יוֹדְעִין שֶׁעַל כׇּל הָעוֹלָם כּוּלּוֹ אֵינוֹ מֵבִיא אֲבָל עַל אוּמָּה אַחַת הוּא מֵבִיא
Ou bien, Lui s’était engagé à ne pas provoquer de déluge, mais eux ils allaient se précipiter dans la mer et s’y noyer, comme il est dit (Ex. 14, 27) : « et l’Égypte s’élançait à sa rencontre (c’est-à-dire vers la mer). »
Et Rabbi El‘azar a expliqué à ce propos – Quel est le sens du verset (ibid. 18, 11) « Je sais maintenant que l’Éternel est plus grand… car par la chose qu’ils ont mijotée [zadou] contre eux » ? Ils ont été cuits dans la marmite qu’ils avaient mise sur le feu. Autrement dit, les Égyptiens ont subi, par mesure de rétorsion, le sort qu’ils voulaient infliger aux Hébreux. D’où savons-nous que zadou signifie à la fois cuisiner et manigancer (comme le verbe « mijoter » en français) ? De cet autre verset (Gen. 25, 29) : « Jacob mijota un plat [vayazed… nazid]. »
אִי נָמֵי הוּא אֵינוֹ מֵבִיא אֲבָל הֵן בָּאִין וְנוֹפְלִין בְּתוֹכוֹ וְכֵן הוּא אוֹמֵר וּמִצְרַיִם נָסִים לִקְרָאתוֹ וְהַיְינוּ דְּאָמַר רַבִּי אֶלְעָזָר מַאי דִּכְתִיב כִּי בַדָּבָר אֲשֶׁר זָדוּ עֲלֵיהֶם בִּקְדֵירָה שֶׁבִּישְּׁלוּ בָּהּ נִתְבַּשְּׁלוּ מַאי מַשְׁמַע דְּהַאי זָדוּ לִישָּׁנָא דִקְדֵירָה הוּא דִּכְתִיב וַיָּזֶד יַעֲקֹב נָזִיד
Rabbi ‘Hiya bar Aba a rapporté cet enseignement de Rabbi Simaï – Trois hommes étaient présents au moment où il fut décidé de jeter les enfants des Hébreux dans le Nil : Bil‘am, Job et Jéthro.
אָמַר רַבִּי חִיָּיא בַּר אַבָּא אָמַר רַבִּי סִימַאי שְׁלֹשָׁה הָיוּ בְּאוֹתָהּ עֵצָה בִּלְעָם וְאִיּוֹב וְיִתְרוֹ
Bil‘am, qui avait donné ce conseil, fut tué (voir Nbres 31, 8) ; Job, qui avait gardé le silence, fut condamné à endurer des souffrances ;
Jéthro s’étant enfui, une partie de ses descendants eurent le privilège de siéger au Temple dans la salle à la pierre taillée en tant que membres du Grand Sanhédrin, car il est dit (I Chron. 2, 55) : « Les familles des scribes (les juges du Sanhédrin) qui étaient assis (pour étudier) auprès du Ya‘ebets (endroit du “Conseil” c’est-à-dire là où siégeait le grand tribunal) étaient les Tiratiens, les Chimatiens et les Soukatiens ; c’étaient les Kéniens, issus de ‘Hamat, le père de Beit Rèkhav. » Et il est écrit (Jug. 1, 16) : « Et les fils de Kèni, beau-père de Moïse... »
בִּלְעָם שֶׁיָּעַץ נֶהֱרַג אִיּוֹב שֶׁשָּׁתַק נִידּוֹן בְּיִסּוּרִין יִתְרוֹ שֶׁבָּרַח זָכוּ מִבְּנֵי בָנָיו שֶׁיָּשְׁבוּ בְּלִשְׁכַּת הַגָּזִית שֶׁנֶּאֱמַר וּמִשְׁפְּחוֹת סוֹפְרִים יוֹשְׁבֵי יַעְבֵּץ תִּרְעָתִים שִׁמְעָתִים שׂוּכָתִים הֵמָּה הַקִּינִים הַבָּאִים מֵחַמַּת אֲבִי בֵית רֵכָב וּכְתִיב וּבְנֵי קֵינִי חֹתֵן מֹשֶׁה וְגוֹ׳
« De peur qu’il nous combatte et remonte de la terre » (Ex. 1, 10). Apparemment, Pharaon aurait dû dire : « et que nous remontions de la terre », car sa crainte était d’être chassé d’Égypte avec son peuple ! Rabbi Aba bar Cahana explique : Pharaon a parlé par antiphrase, comme toute personne attribuant à une autre le sort tragique qu’elle redoute.
וְנִלְחַם בָּנוּ וְעָלָה מִן הָאָרֶץ וְעָלִינוּ מִיבְּעֵי לֵיהּ אָמַר רַבִּי אַבָּא בַּר כָּהֲנָא כְּאָדָם שֶׁמְּקַלֵּל אֶת עַצְמוֹ וְתוֹלֶה קִלְלָתוֹ בַּחֲבֵירוֹ
« On mit sur lui des chefs de corvées pour l’accabler sous leurs charges » (ibid. 1, 11). Le verset aurait dû employer la formule « sur eux » – c’est-à-dire sur les Hébreux – l’expression « sur lui » étant ambiguë : elle peut se rapporter à Pharaon, le sujet mentionné au début du verset 10 !
L’Ecole de Rabbi El‘azar fils de Rabbi Chim‘on a répondu : l’expression « sur lui » laisse entendre que les Égyptiens apportèrent un moule dans lequel on fabrique les briques et le suspendirent au cou de Pharaon pour faire croire qu’il s’attelait, lui aussi, à ce dur labeur. Quand un Hébreu se plaignait d’être trop faible et délicat pour ce travail, ils lui répondaient : serais-tu plus délicat que Pharaon qui accomplit cette tâche ?
וַיָּשִׂימוּ עָלָיו שָׂרֵי מִסִּים עֲלֵיהֶם מִיבְּעֵי לֵיהּ תָּנָא דְּבֵי רַבִּי אֶלְעָזָר בְּרַבִּי שִׁמְעוֹן מְלַמֵּד שֶׁהֵבִיאוּ מַלְבֵּן וְתָלוּ לוֹ לְפַרְעֹה בְּצַוָּארוֹ וְכׇל אֶחָד וְאֶחָד מִיִּשְׂרָאֵל שֶׁאָמַר לָהֶם אִיסְטְנִיס אֲנִי אָמְרוּ לוֹ כְּלוּם אִיסְטְנִיס אַתָּה יוֹתֵר מִפַּרְעֹה
Selon cette explication, l’expression « des chefs de corvées [missim] »se comprend ainsi : « ils mirent sur lui (c’est-à-dire sur Pharaon) une chose (un moule) qui contraignit – mèssim – les Hébreux à fabriquer des briques. »
שָׂרֵי מִסִּים דָּבָר שֶׁמֵּשִׂים (לְבֵנִים)
De même, à la fin du verset, au lieu de la formule « pour l’accabler sous leurs charges » [il aurait fallu dire : « pour les accabler »] ! Mais, suivant l’interprétation précédente, la Tora raconte qu’« ils mirent sur lui » un moule pour accabler Pharaon, afin d’imposer aux Enfants d’Israël de lourdes charges.
לְמַעַן עַנּוֹתוֹ בְּסִבְלוֹתָם [עַנּוֹתָם מִיבְּעֵי לֵיהּ] לְמַעַן עַנּוֹתוֹ לְפַרְעֹה בְּסִבְלוֹתָם דְּיִשְׂרָאֵל
« Il bâtit des villes d’approvisionnement [miskenot] pour Pharaon, Pitom et Ramsès » (ibid.) – Rav et Chemouel sont divisés sur le sens du mot miskenot. D’après l’un, elles ont été appelées ainsi parce qu’elles mirent leurs propriétaires en danger [ché-messaknot], les Égyptiens ayant été noyés à cause des travaux de construction imposés aux Hébreux. D’après l’autre, on les a qualifiées ainsi, parce qu’elles appauvrissent [ché-memaskenot] leurs propriétaires, car Rav Papa a déclaré (Yebamot 63a) : qui s’occupe de construction s’appauvrit.
וַיִּבֶן עָרֵי מִסְכְּנוֹת לְפַרְעֹה רַב וּשְׁמוּאֵל חַד אָמַר שֶׁמְּסַכְּנוֹת אֶת בַּעְלֵיהֶן וְחַד אָמַר שֶׁמְּמַסְכְּנוֹת אֶת בַּעְלֵיהֶן דְּאָמַר מָר כׇּל הָעוֹסֵק בְּבִנְיָן מִתְמַסְכֵּן
« Pitom et Ramsès – Rav et Chemouel conviennent que les Hébreux ont bâti une seule ville. Cependant l’un affirme que la ville s’appelait Pitom. Et pourquoi reçut-elle le nom de Ramsès ? Car les bâtiments s’effondraient [mitrosses] dès qu’on commençait à les construire. D’après l’autre, la ville s’appelait Ramsès. Et pourquoi fut-elle nommée Pitom ? Car les bâtiments étaient engloutis dans les abîmes [pi tehom] de la terre dès qu’on commençait à les construire.
אֶת פִּיתוֹם וְאֶת רַעַמְסֵס רַב וּשְׁמוּאֵל חַד אָמַר פִּיתוֹם שְׁמָהּ וְלָמָּה נִקְרָא שְׁמָהּ רַעַמְסֵס שֶׁרִאשׁוֹן רִאשׁוֹן מִתְרוֹסֵס וְחַד אָמַר רַעַמְסֵס שְׁמָהּ וְלָמָּה נִקְרָא שְׁמָהּ פִּיתוֹם שֶׁרִאשׁוֹן רִאשׁוֹן פִּי תְהוֹם בּוֹלְעוֹ
« À mesure qu’on continuait à l’opprimer, d’autant il se multipliera et d’autant il débordera. Ils conçurent de l’aversion pour les Enfants d’Israël » (ibid. 1, 12). Pourquoi une partie du verset est-elle au futur ? Apparemment, il aurait fallu employer le passé : « d’autant il se multipliait et d’autant il débordait » ! Rèch Lakich explique – Lorsque les Égyptiens persécutèrent les Hébreux, l’Esprit saint leur annonça : à mesure qu’on l’opprime, d’autant le peuple se multipliera et d’autant il débordera. Dans le même sens, le verset ajoute : « ils conçurent de l’aversion [va-yakoutsou] pour les Enfants d’Israël. » Le mot va-yakoutsou laisse entendre que les yeux et le corps des Égyptiens étaient comme piqués par des épines [kotsim] à la vue de la prolifération des Hébreux.
וְכַאֲשֶׁר יְעַנּוּ אוֹתוֹ כֵּן יִרְבֶּה וְכֵן יִפְרוֹץ כֵּן רַבּוּ וְכֵן פָּרְצוּ מִיבְּעֵי לֵיהּ אָמַר רֵישׁ לָקִישׁ רוּחַ הַקֹּדֶשׁ מְבַשַּׂרְתָּן כֵּן יִרְבֶּה וְכֵן יִפְרוֹץ וַיָּקֻצוּ מִפְּנֵי בְּנֵי יִשְׂרָאֵל מְלַמֵּד שֶׁהָיוּ דּוֹמִין בְּעֵינֵיהֶם כְּקוֹצִים
« Les Égyptiens accablèrent les Enfants d’Israël
וַיַּעֲבִדוּ מִצְרַיִם אֶת בְּנֵי יִשְׂרָאֵל
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