Et les deux enseignements des Sages ne sont pas non plus contradictoires. Ici pourquoi ont-ils demandé de l’humilier en la dénudant ? Parce qu’il est écrit (Ez. 23, 48) : « toutes les femmes seront averties » ; le cérémonial doit être impressionnant, même s’il se peut qu’elle soit innocente, pour que les autres n’en viennent pas à se mettre dans une situation compromettante. Là-bas, dans le cas d’une femme lapidée, le supplice qu’elle endure est éminemment dissuasif, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de l’avilir davantage.
דְּרַבָּנַן אַדְּרַבָּנַן נָמֵי לָא קַשְׁיָא הָכָא טַעְמָא מַאי מִשּׁוּם וְנִוַּסְּרוּ כׇּל הַנָּשִׁים הָתָם אֵין לְךָ יִיסּוּר גָּדוֹל מִזֶּה
Et on ne veut pas lui infliger une double sanction – la lapidation et l’humiliation – car Rav Na‘hman, citant Raba bar Avouh, a déduit du verset (Lév. 19, 18) « tu aimeras ton prochain comme toi-même » que même si un criminel a été condamné à la peine capitale, il faut lui choisir « une belle mort », c’est-à-dire réduire autant que possible ses souffrances physiques et morales.
וְכִי תֵּימָא לַעֲבֵיד בַּהּ תַּרְתֵּי אָמַר רַב נַחְמָן אָמַר רַבָּה בַּר אֲבוּהּ אָמַר קְרָא וְאָהַבְתָּ לְרֵעֲךָ כָּמוֹךָ בְּרוֹר לוֹ מִיתָה יָפָה
Devons-nous en conclure, interroge la guemara, que cet enseignement de Rav Na‘hman fait l’objet d’une discussion entre des Tanaïm, puisque Rabbi Yehouda recommande de dénuder une femme avant de la lapider, sans paraître se soucier de lui choisir « une belle mort » ? Non. L’enseignement de Rav Na‘hman est admis à l’unanimité. Et ici, à propos de la femme lapidée, la controverse entre les Tanaïm est la suivante : les Sages recommandent de ne pas la dévêtir pour « lui choisir une belle mort », car ils pensent que la condamnée préfère endurer une souffrance physique un peu plus longue – à cause de ses habits qui amortissent la violence de sa chute – plutôt qu’une humiliation. En revanche, Rabbi Yehouda pense qu’elle préfère subir l’humiliation de la nudité pour abréger sa souffrance physique et l’on respecte ses dernières volontés.
לֵימָא דְּרַב נַחְמָן תַּנָּאֵי הִיא לָא דְּכוּלֵּי עָלְמָא אִית לְהוּ דְּרַב נַחְמָן וְהָכָא בְּהָא קָמִיפַּלְגִי מָר סָבַר בִּזְיוֹנֵיהּ עֲדִיף לֵיהּ טְפֵי מִצַּעְרָא דְגוּפֵיהּ וּמָר סָבַר צַעְרָא דְגוּפֵיהּ עֲדִיף לֵיהּ טְפֵי מִבִּזְיוֹנֵיהּ
§ A propos de l’enseignement de notre michna : « Si elle était vêtue de blanc, on la revêt de noir », un Tana précise : si le noir l’embellit, il faut la couvrir de vêtements affreux.
הָיְתָה מְכוּסָּה לְבָנִים וְכוּ׳ תָּנָא אִם הָיוּ שְׁחוֹרִים נָאִים לָהּ מְכַסִּין אוֹתָהּ בְּגָדִים מְכוֹעָרִים
Notre michna ajoute : « Si elle portait des bijoux en or… on les lui enlève pour l’enlaidir. » C’est évident ! Puisqu’on a indiqué qu’on enlaidit l’accusée et on lui fait subir toutes sortes d’humiliations, il est clair qu’on lui enlève ces bijoux ! Si on ne l’avait pas dit explicitement, on aurait pu penser que son humiliation est encore plus grande si on lui laisse ses bijoux, alors que son cœur et ses cheveux sont dénudés, suivant le dicton populaire railleur : Untel est dévêtu et nu, et il porte des chaussures ! Aussi l’auteur de la michna a-t-il précisé qu’on lui enlevait néanmoins ses bijoux.
הָיוּ עָלֶיהָ כְּלֵי זָהָב וְכוּ׳ פְּשִׁיטָא הַשְׁתָּא נַוּוֹלֵי מְנַוֵּויל לַהּ הָנֵי מִיבַּעְיָא מַהוּ דְּתֵימָא בְּהָנֵי אִית לַהּ בִּזָּיוֹן טְפֵי כִּדְאָמְרִי אִינָשֵׁי שָׁלִיחַ עַרְטִיל וְסָיֵים מְסָאנֵי קָא מַשְׁמַע לַן
Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)
Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.
« Ensuite, on apporte une corde égyptienne. » Rabbi Aba demanda à Rav Houna : la corde égyptienne est-elle indispensable pour la procédure entamée contre la femme soupçonnée d’adultère ? Vient-elle seulement empêcher ses vêtements déchirés de glisser – Et, dans ce cas, n’importe quelle petite lanière suffit à défaut d’une corde égyptienne ? Ou, peut-être, celle-ci est-elle indispensable, puisque Rabbi Yehouda ha-Nassi enseigne dans une baraïta (rapportée plus loin in extenso) : « Elle s’est ceinte pour lui d’une belle lanière ; c’est pourquoi, par mesure de rétorsion, le Cohen apporte une corde égyptienne et la lui attache au-dessus des seins » ?
וְאַחַר כָּךְ מֵבִיא חֶבֶל וְכוּ׳ בְּעָא מִינֵּיהּ רַבִּי אַבָּא מֵרַב הוּנָא חֶבֶל הַמִּצְרִי מַהוּ שֶׁיְּעַכֵּב בְּסוֹטָה מִשּׁוּם שֶׁלֹּא יִשָּׁמְטוּ בְּגָדֶיהָ מֵעָלֶיהָ הוּא וּבְצִלְצוֹל קָטָן נָמֵי סַגִּי אוֹ דִילְמָא מִשּׁוּם דְּאָמַר מָר הִיא חָגְרָה לוֹ בְּצִלְצוֹל לְפִיכָךְ כֹּהֵן מֵבִיא חֶבֶל הַמִּצְרִי וְקוֹשֵׁר לָהּ לְמַעְלָה מִדַּדֶּיהָ מְעַכֵּב
Rav Houna lui répondit – Une autre baraïta confirme la première hypothèse, puisqu’elle enseigne explicitement : « Ensuite, on apporte une corde égyptienne et on l’attache au-dessus des seins pour que ses vêtements ne glissent pas. »
אֲמַר לֵיהּ תְּנֵיתוּהָ וְאַחַר כָּךְ מֵבִיא חֶבֶל הַמִּצְרִי וְקוֹשְׁרוֹ לָהּ לְמַעְלָה מִדַּדֶּיהָ כְּדֵי שֶׁלֹּא יִשָּׁמְטוּ בְּגָדֶיהָ מֵעָלֶיהָ
§ Suite de notre michna : « Toute personne désireuse d’assister aux traitements subis par la femme soupçonnée d’adultère y est autorisée... » La michna contient une contradiction interne. Le Tana dit d’abord : « Toute personne désireuse d’assister aux traitements subis par la femme soupçonnée d’adultère y est autorisée » – Sous-entendu, les hommes comme les femmes. Puis il enseigne : « Toutes les femmes ont le droit de la voir » – Les femmes, oui ; les hommes, non !
וְכׇל הָרוֹצֶה לִרְאוֹת בָּהּ יִרְאֶה וְכוּ׳ הָא גוּפָא קַשְׁיָא אָמְרַתְּ כָּל הָרוֹצֶה לִרְאוֹת בָּהּ רוֹאֶה אַלְמָא לָא שְׁנָא גַּבְרֵי וְלָא שְׁנָא נְשֵׁי וַהֲדַר תָּנֵי כׇּל הַנָּשִׁים מוּתָּרוֹת לִרְאוֹתָהּ נָשִׁים אִין אֲנָשִׁים לָא
Selon Abayè, le premier enseignement « Toute personne désireuse d’assister aux traitements subis par la femme soupçonnée d’adultère y est autorisée » se rapporte exclusivement aux femmes. Rava lui répliqua : pourtant le Tana a dit que toute personne peut la voir !
אָמַר אַבָּיֵי תַּרְגְּמַהּ אֲנָשִׁים אָמַר לֵיהּ רָבָא וְהָא כָּל הָרוֹצֶה לִרְאוֹת בָּהּ רוֹאֶה קָתָנֵי
Mais, affirme Rava, le Tana permet effectivement à toute personne, hommes et femmes, d’assister à la procédure. Les femmes, elles, sont tenues de la voir, car il est dit : « toutes les femmes seront averties et elles n’agiront plus suivant votre impudicité » (Ez. 23, 48).
אֶלָּא אָמַר רָבָא כׇּל הָרוֹצֶה לִרְאוֹת בָּהּ רוֹאֶה לָא שְׁנָא גַּבְרֵי וְלָא שְׁנָא נְשֵׁי וְנָשִׁים חַיָּיבוֹת לִרְאוֹתָהּ שֶׁנֶּאֱמַר וְנִוַּסְּרוּ כׇּל הַנָּשִׁים וְלֹא תַעֲשֶׂינָה כְּזִמַּתְכֶנָה
MICHNA Comme indiqué précédemment, le cérémonial suivi pour la femme soupçonnée d’adultère a valeur d’exemple. On peut aussi en tirer cette leçon : une mesure de rétorsion est appliquée pour chaque acte coupable. Ainsi, la femme infidèle s’est parée en prévision de sa relation adultère – L’Omniprésent prescrit de l’enlaidir. Elle s’est exposée en public pour commettre sa faute – L’Omniprésent recommande d’exposer son humiliation publiquement. Lors de l’union des corps, son flanc a goûté au plaisir en premier, puis le ventre – C’est pourquoi le flanc sera frappé en premier, puis le ventre, comme il est écrit (Nbres 5, 21) : « que l’Éternel fasse de toi un sujet d’imprécation, et de serment au milieu de ton peuple, en faisant, Lui l’Éternel, dépérir ton flanc et gonfler ton ventre. » Et le reste du corps n’échappera pas au châtiment, même si la Tora ne le dit pas explicitement.
מַתְנִי׳ בְּמִדָּה שֶׁאָדָם מוֹדֵד בָּהּ מוֹדְדִין לוֹ הִיא קִשְּׁטָה אֶת עַצְמָהּ לַעֲבֵירָה הַמָּקוֹם נִוְּולָהּ הִיא גִּלְּתָה אֶת עַצְמָהּ לַעֲבֵירָה הַמָּקוֹם גִּלָּה עָלֶיהָ בַּיָּרֵךְ הִתְחִילָּה בַּעֲבֵירָה תְּחִילָּה וְאַחַר כָּךְ הַבֶּטֶן לְפִיכָךְ תִּלְקֶה הַיָּרֵךְ תְּחִילָּה וְאַחַר כָּךְ הַבֶּטֶן וּשְׁאָר כָּל הַגּוּף לֹא פָּלַט
GUEMARA Rav Yossef a déclaré – Bien que la peine capitale soit abolie depuis l’exil du Grand Sanhédrin, la punition divine par mesure de rétorsion appliquée pour chaque acte coupable n’est pas abolie.
גְּמָ׳ אָמַר רַב יוֹסֵף אַף עַל גַּב דְּמִדָּה בְּטֵילָה בַּמִּדָּה לֹא בָּטֵיל
Ainsi, ajoute la guemara, Rav Yossef disait, et de même, Rabbi ‘Hiya a enseigné dans une baraïta : « Depuis le jour où le Temple a été détruit, bien que le Sanhédrin ait été aboli, les quatre modes d’exécution capitale – la lapidation, l’ignition, la mort par le glaive et la strangulation – n’ont pas été abolis. » Comment peut-on prétendre une chose pareille, interroge la guemara ? Pourtant l’abolition de la peine capitale est un fait établi ! Mais, à l’évidence, ils ont voulu dire que le jugement céleste n’a pas été aboli, et les pécheurs connaissent une mort semblable à l’un des quatre modes d’exécution capitale qui aurait dû leur être appliqué.
דְּאָמַר רַב יוֹסֵף וְכֵן תָּנֵי רַבִּי חִיָּיא מִיּוֹם שֶׁחָרַב בֵּית הַמִּקְדָּשׁ אַף עַל פִּי שֶׁבָּטְלָה סַנְהֶדְרִי אַרְבַּע מִיתוֹת לֹא בָּטְלוּ וְהָא בָּטְלוּ אֶלָּא דִּין אַרְבַּע מִיתוֹת לֹא בָּטְלוּ
Ainsi, qui s’est rendu coupable de lapidation – et devait être précipité d’un lieu escarpé avant d’être achevé à coups de pierres (voir Sanhédrin 45a) – tombe du toit d’une maison ou est jeté à terre et déchiré par une bête sauvage. Qui s’est rendu coupable d’ignition est victime d’un incendie ou de la morsure d’un serpent et brûlé intérieurement par son venin.
Qui s’est rendu coupable de mort par le glaive est livré aux autorités et décapité, ou abattu par des voleurs à main armée qui ont fondu sur lui. Qui s’est rendu coupable de strangulation – causant la mort par asphyxie – subit un sort analogue en se noyant dans un fleuve ou en succombant à la diphtérie.
מִי שֶׁנִּתְחַיֵּיב סְקִילָה אוֹ נוֹפֵל מִן הַגָּג אוֹ חַיָּה דּוֹרַסְתּוֹ מִי שֶׁנִּתְחַיֵּיב שְׂרֵיפָה אוֹ נוֹפֵל בִּדְלֵיקָה אוֹ נָחָשׁ מַכִּישׁוֹ מִי שֶׁנִּתְחַיֵּיב הֲרִיגָה אוֹ נִמְסָר לַמַּלְכוּת אוֹ לִיסְטִין בָּאִין עָלָיו מִי שֶׁנִּתְחַיֵּיב חֲנִיקָה אוֹ טוֹבֵעַ בַּנָּהָר אוֹ מֵת בִּסְרוֹנְכֵי
On a enseigné de même dans une autre baraïta – « Rabbi disait : de quel verset déduisons-nous qu’une mesure de rétorsion est appliquée pour chaque acte coupable ? De celui-ci (Is. 27, 8) : “Selon la [mesure comble d’une] séa [de fautes], quand tu l’envoies [à sa perte], tu la puniras.”
תַּנְיָא הָיָה רַבִּי אוֹמֵר מִנַּיִן שֶׁבְּמִדָּה שֶׁאָדָם מוֹדֵד בָּהּ מוֹדְדִין לוֹ שֶׁנֶּאֱמַר בְּסַאסְּאָה בְּשַׁלְּחָהּ תְּרִיבֶנָּה
Ce verset n’évoque une rétorsion que pour une grande mesure d’une séa, c’est-à-dire pour de graves péchés. D’où savons-nous que ce principe vaut aussi pour une quantité de fautes moins importante : un tarkav (trois kabim ; une demi-séa), un demi-tarkav, un kav, un demi-kav, le quart d’un kav, la moitié d’un quart, un tomen (qui correspond aussi à un huitième de kav) et un ‘oukhla (un vingtième de kav) ? De cet autre verset (ibid. 9, 4) : “Parce que toute [fraction de] séa [entraînera la perte] fracassante d’une séa.”
אֵין לִי אֶלָּא סְאָה מִנַּיִן לְרַבּוֹת תַּרְקַב וַחֲצִי תַּרְקַב קַב וַחֲצִי קַב רוֹבַע וַחֲצִי רוֹבַע תּוֹמֶן וְעוּכְלָא מִנַּיִן תַּלְמוּד לוֹמַר כִּי כׇּל סְאוֹן סֹאֵן בְּרַעַשׁ
Et d’où savons-nous que les fautes vénielles d’une perouta ne sont pas pardonnées mais s’ajoutent au fur et à mesure jusqu’à constituer une dette importante qu’il faudra payer un jour ? Du verset (Eccl. 7, 27) : “Une à une pour trouver le compte.”
וּמִנַּיִן שֶׁכׇּל פְּרוּטָה וּפְרוּטָה מִצְטָרֶפֶת לְחֶשְׁבּוֹן גָּדוֹל תַּלְמוּד לוֹמַר אַחַת לְאַחַת לִמְצֹא חֶשְׁבּוֹן
Et de même nous trouvons que l’on applique à la sota une mesure de rétorsion pour chacun de ses actes. Elle s’est tenue à l’entrée de sa maison pour se montrer à son amant – C’est pourquoi le Cohen la place à la porte de Nicanor et montre sa déchéance à tous. Elle a mis pour lui de beaux foulards sur la tête – C’est pourquoi le Cohen lui enlève le châle de sa tête et le met sous ses pieds. Elle s’est maquillée pour lui – C’est pourquoi
וְכֵן מָצִינוּ בַּסּוֹטָה שֶׁבַּמִּדָּה שֶׁמָּדְדָה בָּהּ מָדְדוּ לָהּ הִיא עָמְדָה עַל פֶּתַח בֵּיתָהּ לֵירָאוֹת לוֹ לְפִיכָךְ כֹּהֵן מַעֲמִידָהּ עַל שַׁעַר נִקָּנוֹר וּמַרְאֶה קְלוֹנָהּ לַכֹּל הִיא פָּרְסָה לוֹ סוּדָרִין נָאִין עַל רֹאשָׁהּ לְפִיכָךְ כֹּהֵן נוֹטֵל כִּפָּה מֵעַל רֹאשָׁהּ וּמַנִּיחוֹ תַּחַת רַגְלֶיהָ הִיא קִשְּׁטָה לוֹ פָּנֶיהָ לְפִיכָךְ
Commencez une discussion