Pourtant elle se trouvait dans la salle à la pierre taillée, au siège du Grand Sanhédrin, situé sur le parvis du Temple ! Réponse – Après lui avoir adressé des paroles d’intimidation, le tribunal la faisait monter et descendre du mont du Temple pour la fatiguer et l’inciter à avouer. Comme on l’a enseigné dans une baraïta à propos des affaires criminelles risquant d’entraîner une peine capitale – « Rabbi Chim‘on ben El‘azar a déclaré : au cours de l’interrogatoire des témoins, le tribunal les déplace d’un endroit à un autre pour les troubler et les amener à se rétracter s’ils mentent» הָתָם קָיְימָא דְּמַסְּקִינַן לַהּ וּמַחֲתִינַן לַהּ כְּדֵי לְיַיגְּעָהּ דְּתַנְיָא רַבִּי שִׁמְעוֹן בֶּן אֶלְעָזָר אוֹמֵר בֵּית דִּין מַסִּיעִין אֶת הָעֵדִים מִמָּקוֹם לְמָקוֹם כְּדֵי שֶׁתִּטָּרֵף דַּעְתָּן עֲלֵיהֶן וְיַחְזְרוּ בָּהֶן
§ Suite de notre michna – « C’est que l’on fait boire les femmes soupçonnées d’adultère, que l’on purifie les accouchées et les personnes frappées d’une affection lépreuse. » Certes, argumente la guemara, que la femme soupçonnée d’adultère doit être amenée à cet endroit se déduit du verset (Nbres 5, 18) : « Le Cohen placera la femme devant l’Éternel », et la porte de Nicanor est « devant l’EternelE», car c’est l’entrée principale du parvis du Temple. La personne frappée d’une affection lépreuse se tient aussi en ce lieu lors du cérémonial de purification, car il est écrit à son sujet (Lév. 14, 11) : « Le Cohen purificateur placera l’homme qui se purifie devant l’Éternel. » Mais pourquoi la femme ayant accouché doit-elle se tenir là ? שֶׁשָּׁם מַשְׁקִין אֶת הַסּוֹטוֹת וְכוּ׳ בִּשְׁלָמָא סוֹטוֹת דִּכְתִיב וְהֶעֱמִיד הַכֹּהֵן אֶת הָאִשָּׁה לִפְנֵי ה׳ מְצוֹרָעִין נָמֵי דִּכְתִיב וְהֶעֱמִיד הַכֹּהֵן הַמְטַהֵר וְגוֹ׳ אֶלָּא יוֹלֶדֶת מַאי טַעְמָא
Pour être le plus proche possible de son offrande compte tenu de son état d’impureté – Conformément à la règle enseignée dans cette baraïta : « Une offrande ne peut être apportée que si son propriétaire se tient près d’elle. » S’il en est ainsi, les hommes frappés de gonorrhée et les femmes ayant un flux hors de la période des règles devraient aussi se tenir à la porte de Nicanor quand ils apportent leurs offrandes pour se purifier ! Effectivement, répond la guemara, le Tana a cité l’exemple de l’accouchée, et il en va de même des autres personnes qui complètent leur purification par une offrande. אִילֵּימָא מִשּׁוּם דְּאָתְיָין וְקָיְימָין אַקּוּרְבָּנַיְיהוּ דְּתַנְיָא אֵין קׇרְבָּנוֹ שֶׁל אָדָם קָרֵב אֶלָּא אִם כֵּן עוֹמֵד עַל גַּבָּיו אִי הָכִי זָבִין וְזָבוֹת נָמֵי אִין הָכִי נָמֵי וְתַנָּא חֲדָא מִינַּיְיהוּ נְקַט
§ Nos maîtres ont enseigné dans une baraïta : « Suivant un premier Tana anonyme, on ne doit pas faire boire les eaux amères en même temps à deux femmes soupçonnées d’adultère, de peur que l’une des deux soit coupable et va s’enhardir en voyant l’autre s’y soumettre sans crainte. Selon Rabbi Yehouda, ce n’est pas pour cette raison, mais parce qu’il est écrit : “Le Cohen l’adjurera [elle]” (Nbres 5, 19) – Elle seule. » תָּנוּ רַבָּנַן אֵין מַשְׁקִין שְׁתֵּי סוֹטוֹת כְּאַחַת כְּדֵי שֶׁלֹּא יְהֵא לִבָּהּ גַּס בַּחֲבֶירְתָּהּ רַבִּי יְהוּדָה אוֹמֵר לֹא מִן הַשֵּׁם הוּא זֶה אֶלָּא אָמַר קְרָא אֹתָהּ לְבַדָּהּ
Et pourquoi le premier Tana présente-t-il une explication d’ordre psychologique, interroge la guemara ? Pourtant l’insistance du verset est suffisamment éloquente ? Réponse – Le premier Tana, c’est Rabbi Chim‘on qui interprète la raison implicite d’un commandement biblique pour en tirer des conclusions dans la pratique. Et ici aussi il a expliqué le motif de la loi – Pourquoi la Tora demande-t-elle de l’adjurer elle seule ? Pour qu’elle ne soit pas encouragée par une autre. וְתַנָּא קַמָּא הָכְתִיב אֹתָהּ תַּנָּא קַמָּא רַבִּי שִׁמְעוֹן הִיא דְּדָרֵישׁ טַעַם דִּקְרָא וּמָה טַעַם קָאָמַר מָה טַעַם אוֹתָהּ לְבַדָּהּ כְּדֵי שֶׁלֹּא יְהֵא לִבָּהּ גַּס בַּחֲבֶירְתָּהּ

Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)

Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.

Dans la pratique, quelle est la différence entre les deux Tanaïm, ou entre l’esprit et la lettre de la loi dans ce cas ? Elle apparaît quand l’une des deux accusées tremble de peur malgré la présence de l’autre, mais se montre prête à affronter l’épreuve. En l’occurrence, Rabbi Chim‘on permet de leur faire boire ensemble les eaux amères, car il est clair qu’elles ne se renforcent pas mutuellement. En revanche, le premier Tana, qui s’en tient à la lettre de la loi, maintient l’interdiction même dans ce cas. מַאי בֵּינַיְיהוּ אִיכָּא בֵּינַיְיהוּ רוֹתֶתֶת
Et Rabbi Chim‘on permet-il réellement de faire boire les eaux amères à une femme en présence d’une autre qui tremble de peur ? Pourtant, il est défendu d’accomplir simultanément plusieurs commandements, pour ne pas donner l’impression de vouloir s’en décharger au plus vite. וְרוֹתֶתֶת מִי מַשְׁקִין וְהָא אֵין עוֹשִׂין מִצְוֹת חֲבִילוֹת חֲבִילוֹת
En effet, nous avons enseigné dans une baraïta : « Deux femmes soupçonnées d’adultère ne doivent pas être soumises ensemble à l’épreuve des eaux amères ; il ne faut pas purifier en même temps deux hommes frappés d’une affection lépreuse ni poinçonner en même temps deux esclaves hébreux ayant décidé de rester chez leur maître jusqu’au Jubilé (Ex. 21, 5–6) ; et enfin, dans le cas où deux personnes assassinées sont retrouvées sans que le ou les auteurs de ces crimes aient pu être identifiés, on ne doit pas briser en même temps la nuque de deux génisses (suivant le rituel décrit en Deut. 21, 1–9), parce qu’il ne faut pas accomplir simultanément plusieurs commandements » ! דִּתְנַן אֵין מַשְׁקִין שְׁתֵּי סוֹטוֹת כְּאַחַת וְאֵין מְטַהֲרִין שְׁנֵי מְצוֹרָעִין כְּאַחַת וְאֵין רוֹצְעִין שְׁנֵי עֲבָדִים כְּאַחַת וְאֵין עוֹרְפִין שְׁתֵּי עֲגָלוֹת כְּאַחַת לְפִי שֶׁאֵין עוֹשִׂין מִצְוֹת חֲבִילוֹת חֲבִילוֹת
Abayè – ou, selon une autre version, Rav Cahana – a répondu : ce n’est pas contradictoire. Ici, la seconde baraïta se réfère à deux commandements accomplis en même temps par un seul Cohen ; là, Rabbi Chim‘on permet à deux Cohanim de faire subir simultanément l’épreuve des eaux amères à deux femmes soupçonnées d’adultère. אָמַר אַבָּיֵי וְאִיתֵּימָא רַב כָּהֲנָא לָא קַשְׁיָא כָּאן בְּכֹהֵן אֶחָד כָּאן בִּשְׁנֵי כֹּהֲנִים
§ Suite de notre michna – « Le Cohen saisit ses vêtements sans se soucier qu’ils se déchirent … pourvu que son cœur soit découvert puis il dénoue ses cheveux. » Nos maîtres ont enseigné dans une baraïta« Au sens littéral, le verset (Nbres 5, 18) : Le Cohen placera la femme devant l’Éternel et il dénudera la tête de la femme” indique seulement qu’il faut découvrir sa tête. D’où savons-nous qu’il doit aussi dénuder le corps de l’accusée ? De la répétition de l’expression “la femme”, apparemment superflue, car la Tora aurait pu dire : “Le Cohen placera la femme devant l’Éternel et il dénudera sa tête.” Si l’on peut déduire de cette répétition qu’il faut la dénuder entièrement, pourquoi le verset a-t-il ajouté : “Il dénudera la tête” ? Pour enseigner que le Cohen doit aussi dénouer la chevelure de l’accusée. » וְהַכֹּהֵן אוֹחֵז בִּבְגָדֶיהָ תָּנוּ רַבָּנַן וּפָרַע אֶת רֹאשׁ הָאִשָּׁה אֵין לִי אֶלָּא רֹאשָׁהּ גּוּפָהּ מִנַּיִן תַּלְמוּד לוֹמַר הָאִשָּׁה אִם כֵּן מָה תַּלְמוּד לוֹמַר וּפָרַע אֶת רֹאשָׁהּ מְלַמֵּד שֶׁהַכֹּהֵן סוֹתֵר אֶת שְׂעָרָהּ
Suite de notre michna – « Rabbi Yehouda recommande de ne pas dévoiler le cœur de la femme s’il est beau et de ne pas dénouer sa chevelure si elle est belle. » Est-ce à dire, interroge la guemara, que Rabbi Yehouda craint que le corps dénudé de la femme éveille le désir des assistants, à l’opposé des autres Sages, représentés ici par le premier Tana, anonyme, de notre michna ? רַבִּי יְהוּדָה אוֹמֵר אִם הָיָה לִבָּהּ וְכוּ׳ לְמֵימְרָא דְּרַבִּי יְהוּדָה חָיֵישׁ לְהִרְהוּרָא וְרַבָּנַן לָא חָיְישִׁי
Pourtant nous les avons entendus dire le contraire ! En effet une baraïta enseigne : « D’après Rabbi Yehouda, quand un homme est condamné à la peine capitale par lapidation, on le couvre d’un morceau de tissu devant ; quand une femme subit ce mode d’exécution, on la couvre de deux morceaux de tissu, l’un devant, et l’autre, derrière, pour cacher ses nudités. Selon les autres Sages, un homme est lapidé nu juste couvert de cette étoffe – mais il n’en va pas de même pour une femme qui, elle, n’est pas dévêtue. » וְהָא אִיפְּכָא שָׁמְעִינַן לְהוּ דְּתַנְיָא הָאִישׁ מְכַסִּין אוֹתוֹ פֶּרֶק אֶחָד מִלְּפָנָיו וְהָאִשָּׁה שְׁנֵי פְּרָקִים אֶחָד מִלְּפָנֶיהָ וְאֶחָד מִלְּאַחֲרֶיהָ מִפְּנֵי שֶׁכּוּלָּהּ עֶרְוָה דִּבְרֵי רַבִּי יְהוּדָה וַחֲכָמִים אוֹמְרִים הָאִישׁ נִסְקָל עָרוֹם וְאֵין הָאִשָּׁה נִסְקֶלֶת עֲרוּמָּה
Raba répond : ici, pourquoi Rabbi Yehouda recommande-t-il de ne pas dénuder le cœur d’une belle femme soupçonnée d’adultère ? Parce qu’elle peut sortir innocentée du tribunal, et les jeunes Cohanim qui se trouvent sur le parvis du Temple vont la désirer et la poursuivre de leurs assiduités. En revanche, là-bas, dans le cas de la femme lapidée, ce risque n’existe pas, puisqu’elle passe de vie à trépas. Et il n’y a pas lieu de craindre que la vue de la condamnée dévêtue éveille et reporte leur désir sur d’autres femmes, car Rava a déclaré : j’ai appris par tradition que le mauvais penchant ne contrôle que ce que les yeux voient. אָמַר רַבָּה הָכָא טַעְמָא מַאי שֶׁמָּא תֵּצֵא מִבֵּית דִּין זַכָּאִית וְיִתְגָּרוּ בָּהּ פִּרְחֵי כְהוּנָּה הָתָם הָא מִסְתַּלְּקָא וְכִי תֵּימָא אָתֵי לְאִיגָּרוֹיֵי בְּאַחְרָנְיָיתָא הָאָמַר רָבָא גְּמִירִי דְּאֵין יֵצֶר הָרָע שׁוֹלֵט אֶלָּא בְּמַה שֶּׁעֵינָיו רוֹאוֹת
Rava demanda à Raba : peux-tu te contenter de résoudre la contradiction entre les enseignements de Rabbi Yehouda, et pas celle apparue dans les propos des autres Sages ? Mais, affirme Rava, la réponse donnée par Raba vaut pour Rabbi Yehouda, comme on l’a expliqué. אָמַר רָבָא דְּרַבִּי יְהוּדָה אַדְּרַבִּי יְהוּדָה קַשְׁיָא דְּרַבָּנַן אַדְּרַבָּנַן לָא קַשְׁיָא אֶלָּא אָמַר רָבָא דְּרַבִּי יְהוּדָה אַדְּרַבִּי יְהוּדָה לָא קַשְׁיָא כִּדְשַׁנִּין