Il y a quelque temps, Google avait introduit les « mail goggles », ou « lunettes d’email » (qui ont finalement été abandonnées). Le but était d’éviter que les utilisateurs, en particulier ceux qui pourraient être en état d’ivresse, regrettent l’envoi de leurs courriels.

Ce paramètre exigeait des utilisateurs de résoudre quelques problèmes mathématiques simples avant d’appuyer sur « envoyer » pour un email. L’hypothèse était que si vous étiez assez sobre pour résoudre ces maths, vous l’étiez aussi pour ne pas écrire quelque chose (— sur votre patron, collègue ou voisin !) que vous regretteriez plus tard.

Mais ce n’est pas seulement l’alcool qui compromet nos décisions. Et ce ne sont pas seulement les emails qui sont concernés ; dans nos conversations quotidiennes aussi, il nous arrive de dire des choses que nous ne devrions pas dire.

Nous pouvons nous enivrer de colère, de douleur, de jalousie ou d’envie, et révéler des propos malveillants. Notre jugement peut se troubler par l’ennui ou se biaiser sous l’effet d’un intense désir de conformité sociale. Ou, nous avons peut-être juste pris l’habitude de dire tout ce qui nous vient à l’esprit, sans filtre.

Dans chacune de ces situations, des paroles imprudentes peuvent entraîner de lourdes conséquences.

Tazria, discute de la punition de tsaraat, un mal spirituel et physique pour avoir dit du lachone hara, des paroles négatives.

Le Psalmiste compare la médisance à « des flèches aiguës du guerrier, des charbons de genêt » (Psaumes 120,4).

Le Midrash Rabba explique : « D’autres armes frappent à courte distance, tandis que la flèche frappe de loin. Il en est ainsi pour la médisance : elle est prononcée à Rome et tue en Syrie. Tous les autres charbons, lorsqu’ils sont éteints, s’éteignent à l’extérieur comme à l’intérieur ; mais les charbons de genêt brûlent encore à l’intérieur lorsqu’ils sont éteints à l’extérieur. Il en est ainsi pour les mots de médisance : même après qu’il semble que leurs effets ont été éteints, ils continuent de couver à l’intérieur de ceux qui les ont entendus. »

Contrairement aux autres personnes considérées rituellement impures, celle atteinte de tsaraat était exclue des trois camps d’Israël. Elle était mise en quarantaine même de ceux ayant le même mal et devait vivre seule jusqu’à ce qu’elle redevienne pure.

Le Talmud (Arakhine 16b) explique pourquoi : « Avec ses commérages et sa médisance, il a séparé un mari de sa femme, un homme de son voisin ; c’est pourquoi la Torah a dit : “Il demeurera solitaire.” »

Pour se réhabiliter spirituellement, le métsora doit pleinement comprendre l’impact destructeur de ses mots. Par sa calomnie, il a créé la séparation entre les individus ; il doit donc, à son tour, faire l’expérience de l’isolement pour en saisir toute l’amertume. Cet isolement le contraint à méditer sur ses actes et à cultiver une empathie envers ceux qu’il a offensés.

Chacun de nous a été, à un moment ou à un autre, la cible de paroles malveillantes. Indépendamment de la véracité de ces calomnies, le souvenir de la honte ardente et du sentiment d’isolement et de rejet reste vif.

Se remémorer ces épisodes douloureux peut nous dissuader de perpétuer nous-mêmes de telles injustices envers autrui.

Ainsi, avant de laisser échapper nos mots, prenons un instant pour réfléchir afin de ne pas causer de souffrance insupportable autour de nous.

Comme le souligne avec sagesse le Or’hot Tsadikim : « Avant de parler, tu es maître de tes mots. Après avoir parlé, ce sont tes mots qui te maîtrisent. »