Jusqu’à son époque, on frappait du marteau à Jérusalem (la guemara apportera des précisions à ce sujet). Et à son époque, il n’était plus requis d’interroger le propriétaire au sujet de produits agricoles douteux. Les produits agricoles achetés à une personne du commun sont considérés comme douteux [demaï], car les dîmes n’en ont peut-être pas été prélevées. Avant Yo‘hanan le Cohen Gadol, il fallait donc vérifier si elles avaient été prélevées comme il se doit. Mais à son époque, cette enquête n’avait plus de sens, parce qu’il décréta que l’acheteur de ces produits devait lui-même, dans le doute, effectuer systématiquement ces prélèvements. עַד יָמָיו הָיָה פַּטִּישׁ מַכֶּה בִּירוּשָׁלַיִם וּבְיָמָיו אֵין צָרִיךְ לִשְׁאוֹל עַל הַדְּמַאי
GUEMARA A propos de la première règle de la michna, la guemara rapporte une baraïta : « De quel passage biblique déduisons-nous que si on a brisé la nuque de la génisse et que seulement après le meurtrier a été découvert, il n’est pas exempté de la peine capitale ? Du verset (Nbres 35, 33) : “Et il ne sera pas pardonné à la terre pour le sang qui a été répandu en elle, sinon par le sang de celui qui l’a versé.” » גְּמָ׳ תָּנוּ רַבָּנַן מִנַּיִן שֶׁאִם נֶעֶרְפָה הָעֶגְלָה וְאַחַר כָּךְ נִמְצָא הַהוֹרֵג שֶׁאֵין פּוֹטֶרֶת אוֹתוֹ תַּלְמוּד לוֹמַר וְלָאָרֶץ לֹא יְכֻפַּר לַדָּם אֲשֶׁר שֻׁפַּךְ בָּהּ כִּי אִם בְּדַם שֹׁפְכוֹ
La guemara va maintenant proposer une analyse de la michna qui est en tout point similaire à celle déjà entreprise au sujet d’une michna précédente concernant la femme soupçonnée d’adultère (en 31b). La suite de notre michna enseigne que si un témoin affirme – « J’ai vu le meurtrier », et qu’un autre témoin affirme : « Tu ne l’as pas vu », on procède au rituel. La guemara observe que la raison pour laquelle on procède dans ce cas au rituel est que le premier témoin est aussitôt contredit ; elle en conclut : mais s’il n’est pas contredit, même un seul témoin est digne de foi, et si cet unique témoin affirme avoir vu le meurtrier, on ne procède donc pas au rituel. עֵד אֶחָד אוֹמֵר רָאִיתִי אֶת הַהוֹרֵג כּוּ׳ טַעְמָא דְּמַכְחֵישׁ לֵיהּ הָא לָא מַכְחֵישׁ לֵיהּ עֵד אֶחָד מְהֵימַן
La guemara demande : d’où l’apprend-on ? La réponse est donnée par une baraïta : il est écrit dans la Tora que le rituel de la génisse est exigé dans le cas où l’on trouve une victime « sans qu’on sache qui l’a frappée » (Deut. 21, 1). Et selon le Tana anonyme de la baraïta, le verset laisse donc entendre que si on sait qui a frappé la victime, et même si la chose n’est sue que par un seul témoin se trouvant à présent au bout du monde, on ne rompt pas la nuque d’une génisse, c’est-à-dire qu’on ne procède pas au rituel. Rabbi ‘Akiba enseigne en outre : de quel extrait biblique déduisons-nous que si des membres du Sanhédrin ont vu un homme assassiner une âme sans pouvoir cependant identifier l’assassin, on ne brise pas la nuque d’une génisse ? Nous l’apprenons du verset : « Et nos yeux n’ont pas vu » (ibid. 21, 7). C’est donc seulement si les membres du Sanhédrin n’ont pas vu le criminel qu’on procède au rituel, or dans ce cas n’ont-ils pas vu ? מְנָהָנֵי מִילֵּי דְּתָנוּ רַבָּנַן לֹא נוֹדַע מִי הִכָּהוּ הָא נוֹדַע מִי הִכָּהוּ אֲפִילּוּ אֶחָד בְּסוֹף הָעוֹלָם לֹא הָיוּ עוֹרְפִין רַבִּי עֲקִיבָא אוֹמֵר מִנַּיִן לְסַנְהֶדְרִין שֶׁרָאוּ אֶחָד שֶׁהָרַג אֶת הַנֶּפֶשׁ וְאֵין מַכִּירִין אוֹתוֹ שֶׁלֹּא הָיוּ עוֹרְפִין תַּלְמוּד לוֹמַר וְעֵינֵינוּ לֹא רָאוּ וַהֲלֹא רָאוּ
Après avoir rapporté cette baraïta, la guemara soulève une difficulté concernant la michna : maintenant que tu dis qu’un seul témoin prétendant avoir vu l’assassin est digne de foi, comment un autre témoin peut-il le contredire ? Pourtant, ‘Oula a formulé une règle générale à ce sujet : là où la Tora ajoute foi à la déclaration d’un seul témoin, il a autant de poids que deux témoins, or les paroles d’un seul témoin ne peuvent contrebalancer celles de deux témoins ! ‘Oula te dira qu’il faut corriger notre michna et l’enseigner ainsi : quand un témoin affirme avoir vu le meurtrier et qu’ensuite il est contredit par un autre, « on ne brise pas la nuque », c’est-à-dire qu’on ne procède pas au rituel, car le premier témoin ayant été jugé digne de foi, il en vaut deux et le second ne peut dès lors pas le démentir à lui seul. Et ainsi a dit Rabbi Yits‘hak, corrigeant lui aussi le texte de la michna, de sorte qu’elle enseigne : « on ne brise pas la nuque. » הַשְׁתָּא דְּאָמְרַתְּ עֵד אֶחָד מְהֵימַן אִידַּךְ חַד הֵיכִי מָצֵי מַכְחֵישׁ לֵיהּ וְהָאָמַר עוּלָּא כׇּל מָקוֹם שֶׁהֶאֱמִינָה תּוֹרָה עֵד אֶחָד הֲרֵי כָּאן שְׁנַיִם וְאֵין דְּבָרָיו שֶׁל אֶחָד בִּמְקוֹם שְׁנַיִם אָמַר לָךְ עוּלָּא תְּנִי לֹא הָיוּ עוֹרְפִין וְכֵן אָמַר רַבִּי יִצְחָק תְּנִי לֹא הָיוּ עוֹרְפִין

Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)

Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.

En revanche, Rabbi ‘Hiya a dit qu’on ne corrige pas et que la michna enseigne bel et bien : « on brise la nuque. » Mais dans ce cas, objecte la guemara, l’enseignement de Rabbi ‘Hiya ne s’accorde pas avec la règle énoncée par ‘Oula ! Réponse : il n’y a pas de difficulté, la michna telle que la lit Rabbi ‘Hiya s’accorde avec la règle de ‘Oula. En effet, ici, la michna se réfère au cas où les deux témoins – celui qui dit avoir vu le meurtrier et celui qui infirme son témoignage en contestant qu’il l’a vu – déposent en même temps, si bien que le tribunal n’a pas été conduit à valider le premier témoignage. À l’inverse, , dans le cas de la règle de ‘Oula, ils sont venus déposer l’un après l’autre, si bien que le tribunal a déjà validé le premier témoignage lorsqu’est intervenu le second, et c’est dans ce cas que le premier témoignage équivaut à celui de deux témoins (et n’est donc pas réfuté par le second témoin). וְרַבִּי חִיָּיא אָמַר תְּנִי הָיוּ עוֹרְפִין וּלְרַבִּי חִיָּיא קַשְׁיָא דְּעוּלָּא לָא קַשְׁיָא כָּאן בְּבַת אַחַת כָּאן בְּזֶה אַחַר זֶה
Notre michna continue – Si un témoin affirme « J’ai vu le meurtrier », et que deux témoins affirment « Tu ne l’as pas vu », on brise la nuque de la génisse. La guemara observe que si la michna enseigne qu’on procède au rituel dans le cas où deux témoins infirment le témoignage d’un seul qui dit avoir vu le meurtrier, c’est donc, à l’évidence, pour enseigner qu’en revanche, si un seul témoin infirme le témoignage d’un seul qui dit avoir vu le meurtrier, on ne brise pas la nuque de la génisse, ce qui contredit l’enseignement de Rabbi ‘Hiya selon lequel la michna se réfère à deux témoins contradictoires qui déposent en même temps ! תְּנַן עֵד אֶחָד אוֹמֵר רָאִיתִי אֶת הַהוֹרֵג וּשְׁנַיִם אוֹמְרִים לֹא רָאִיתָ הָיוּ עוֹרְפִין הָא חַד וְחַד לֹא הָיוּ עוֹרְפִין תְּיוּבְתָּא דְּרַבִּי חִיָּיא
À cette objection, il est aussitôt répondu – Et selon ta logique, comment liras-tu la suite de la michna : « Quand deux témoins affirment : “Nous avons vu le meurtrier”, et qu’un seul témoin affirme : “Vous ne l’avez pas vu”, on ne brise pas la nuque de la génisse » ? À te suivre, si la michna enseigne qu’on ne procède pas au rituel lorsque deux témoins affirment avoir vu le meurtrier et qu’un seul les contredit, c’est donc pour enseigner qu’en revanche, si un seul affirme avoir vu le meurtrier et qu’un seul le contredit, on brise la nuque ! Et il s’ensuit donc que ta manière de lire conduit à une contradiction, puisque dans un cas la règle de ‘Oula s’applique, dans un autre elle ne s’applique pas ! וְלִיטַעְמָיךְ אֵימָא סֵיפָא שְׁנַיִם אוֹמְרִים רָאִינוּ וְעֵד אֶחָד אוֹמֵר לֹא רְאִיתֶם לֹא הָיוּ עוֹרְפִין הָא חַד וְחַד הָיוּ עוֹרְפִין
Donc, en réalité, il faut comprendre que dans tous les cas, c’est-à-dire dans le premier comme dans le second cas, la michna se réfère à deux personnes qui en règle générale sont disqualifiées pour témoigner. Et notre michna est donc conforme à l’enseignement de Rabbi Ne‘hémya qui a déclaré : là où la Tora ajoute foi à un témoin unique, elle fait exception à la règle générale, d’où il suit que les témoignages qui en règle générale ne sont pas valides, comme ceux des femmes et des esclaves, sont ici pris en considération, et en cas de témoignages contradictoires, on suit la majorité des opinions, c’est-à-dire que le tribunal tranche suivant la majorité des témoignages. Et on a donc rendu les témoignages de deux femmes, lorsqu’ils contredisent celui d’un seul homme, équivalents aux témoignages de deux hommes lorsqu’ils contredisent celui d’un seul homme. D’après cette lecture, après avoir enseigné que si un témoin valide – un homme – est aussitôt contredit par un autre témoin valide – un autre homme –, ou qu’une femme est aussitôt contredite par une autre femme, le premier témoignage est récusé, notre michna considère donc le cas où un témoin valide – un homme – est cette fois contredit par deux témoins qui sont en règle générale disqualifiés par la Tora, et elle enseigne que ces deux témoins – deux femmes – l’emportent sur le témoignage d’un seul – un homme. À cette lumière, l’objection soulevée contre Rabbi ‘Hiya est repoussée et la difficulté que présente la michna est résolue. אֶלָּא מַתְנִיתִין כּוּלַּהּ בִּפְסוּלֵי עֵדוּת וְכִדְרַבִּי נְחֶמְיָה דְּאָמַר כׇּל מָקוֹם שֶׁהֶאֱמִינָה תּוֹרָה עֵד אֶחָד הַלֵּךְ אַחַר רוֹב דֵּעוֹת וְעָשׂוּ שְׁתֵּי נָשִׁים בְּאִישׁ אֶחָד כִּשְׁנֵי אֲנָשִׁים בְּאִישׁ אֶחָד
Cependant, d’autres disent que la michna se réfère à des témoins qui viennent déposer l’un après l’autre et non en même temps, or dans ce cas, à chaque fois qu’un témoin valide – un homme – est venu témoigner en premier, son témoignage en vaut deux, et en regard même les témoignages de cent femmes lui opposant un démenti équivalent seulement à celui d’un seul témoin. Et ici, lorsque notre michna enseigne que si un témoin affirme – « J’ai vu le meurtrier », et que deux autres témoins viennent ensuite le démentir en disant : « Tu ne l’as pas vu », on procède au rituel de la génisse, de quel cas traitons-nous ? Nous traitons du cas où une femme est venue en premier témoigner qu’elle a vu le meurtrier, puis qu’elle a été contredite dans un second temps par deux autres femmes affirmant qu’elle ne l’a pas vu. Et, suivant cette lecture de la michna, il faut reformuler ainsi l’enseignement de Rabbi Ne‘hémya – Rabbi Ne‘hémya a déclaré : là où la Tora ajoute foi à un seul témoin, on suit la majorité des opinions, c’est-à-dire qu’on a rendu les témoignages de deux femmes, lorsqu’ils contredisent celui d’une seule femme, équivalents aux témoignages de deux hommes lorsqu’ils contredisent celui d’un seul homme. Mais lorsque deux femmes contredisent le témoignage d’un seul homme, le cas est similaire à deux moitiés s’opposant l’une à l’autre et on applique alors la même règle que dans le cas où les témoignages de deux hommes se contredisent l’un l’autre : si les deux femmes ont aussitôt contredit le témoignage de l’homme qui affirme avoir vu le meurtrier, son témoignage est infirmé et on procède au rituel, mais si elles le contredisent après que son témoignage a été validé par le tribunal, on ne procède pas au rituel car sa parole vaut dorénavant celle de deux hommes, si bien que seuls les témoignages de deux hommes peuvent l’infirmer. D’après la lecture qui considère que la michna se réfère à des témoins qui sont venus déposer l’un après l’autre et non pas, comme le pense Rabbi ‘Hiya, en même temps, le premier témoin est donc une femme, raison pour laquelle son témoignage, même après qu’il a été entériné par le tribunal, ne prend pas la valeur du témoignage de deux hommes. וְאִיכָּא דְאָמְרִי כׇּל הֵיכָא דַּאֲתָא עֵד אֶחָד כָּשֵׁר מֵעִיקָּרָא אֲפִילּוּ מֵאָה נָשִׁים כִּי אֶחָד דָּמְיָין וְהָכָא בְּמַאי עָסְקִינַן כְּגוֹן דַּאֲתַאי אִשָּׁה מֵעִיקָּרָא וְתָרְצַהּ לִדְרַבִּי נְחֶמְיָה הָכִי רַבִּי נְחֶמְיָה אוֹמֵר כׇּל מָקוֹם שֶׁהֶאֱמִינָה תּוֹרָה עֵד אֶחָד הַלֵּךְ אַחַר רוֹב דֵּעוֹת וְעָשׂוּ שְׁתֵּי נָשִׁים בְּאִשָּׁה אַחַת כִּשְׁנֵי אֲנָשִׁים בְּאִישׁ אֶחָד אֲבָל שְׁתֵּי נָשִׁים בְּאִישׁ אֶחָד כִּי פַּלְגָא וּפַלְגָא דָּמֵי
La guemara demande : et pourquoi le Tana de notre michna enseigne-t-il dans deux cas différents la règle qui prévaut lorsque viennent déposer des personnes qui sont en général disqualifiées pour témoigner ? Le premier cas n’aurait-il pas suffit ? Réponse : si le Tana n’avait pas enseigné dans un second temps qu’on ne procède pas au rituel de la génisse lorsque deux femmes affirment avoir vu le meurtrier et qu’elles sont contredites par un témoignage unique, on en aurait conclu qu’il faut suivre la règle de la majorité des opinions exclusivement si elle fait pencher la balance dans le sens de la rigueur, autrement dit si elle valide le recours au rituel de la génisse, mais si elle fait pencher la balance dans le sens contraire, celui de l’indulgence, non. Aussi le Tana nous a-t-il détrompés sur ce point en enseignant le second cas. וְתַרְתֵּי פְּסוּלֵי עֵדוּת לְמָה לִי מַהוּ דְּתֵימָא כִּי אָזְלִינַן בָּתַר רוֹב דֵּעוֹת לְחוּמְרָא אֲבָל לְקוּלָּא לָא קָא מַשְׁמַע לַן
§ Comme premier signe de décadence avant la destruction du deuxième Temple, la michna mentionne que la multiplication des meurtriers a entraîné l’abolition du rituel de la génisse. À ce propos, une baraïta enseigne : « Le rituel de la génisse à la nuque brisée étant prescrit seulement quand l’identité de l’assassin est incertaine, il fut aboli après la multiplication des meurtriers commettant leurs crimes ouvertement. » מִשֶּׁרַבּוּ הָרוֹצְחִין כּוּ׳ תָּנוּ רַבָּנַן מִשֶּׁרַבּוּ הָרוֹצְחָנִין בָּטְלָה עֶגְלָה עֲרוּפָה לְפִי שֶׁאֵינָהּ בָּאָה אֶלָּא עַל הַסָּפֵק מִשֶּׁרַבּוּ הָרוֹצְחָנִין בְּגָלוּי בָּטְלָה עֶגְלָה עֲרוּפָה
La michna ajoute que l’épreuve des eaux amères fut abolie « après l’augmentation du nombre d’adultères. » À ce propos, une baraïta, tirée de la Tossefta, enseigne – Il est écrit au sujet de l’épreuve des eaux amères : « Et l’homme sera innocenté de toute faute » (Nbres 5, 31) ; le verset laisse entendre qu’à une époque où l’homme peut être innocenté de toute faute, on soumet sa femme à l’épreuve des eaux amères, mais que s’il ne peut être innocenté de toute faute, parce qu’il se livre lui-même à l’adultère, on ne soumet pas sa femme à l’épreuve des eaux amères. Et il est écrit aussi (Osée 4, 14) : « Je n’infligerai pas de châtiment à cause de vos filles qui se prostitueront, ni à cause de vos brus qui se livreront à l’adultère, car eux s’isolent avec les prostituées et sacrifient avec les courtisanes ; un peuple sans intelligence se perd. » מִשֶּׁרַבּוּ הַנּוֹאֲפִין כּוּ׳ תָּנוּ רַבָּנַן וְנִקָּה הָאִישׁ מֵעָוֹן בִּזְמַן שֶׁהָאִישׁ מְנוּקֶּה מֵעָוֹן הַמַּיִם בּוֹדְקִין אֶת אִשְׁתּוֹ אֵין הָאִישׁ מְנוּקֶּה מֵעָוֹן אֵין הַמַּיִם בּוֹדְקִין אֶת אִשְׁתּוֹ וְאוֹמֵר לֹא אֶפְקוֹד עַל בְּנוֹתֵיכֶם כִּי תִזְנֶינָה כּוּ׳
Pourquoi l’auteur de la baraïta a-t-il jugé nécessaire de citer ce verset à l’appui du verset précédent, interroge la guemara ? Voici ce que le Tana a voulu dire – Si tu imagines, à la lecture du verset des Nombres, que sa faute, celle du mari, oui, elle rend inopérante l’épreuve des eaux amères, mais les fautes de ses fils ou de ses filles, non, viens, écoute le verset d’Osée : « Je n’infligerai pas de châtiment pour vos filles qui se prostitueront, ni à cause de vos brus qui se livreront à l’adultère. » Il se comprend ainsi : « Je n’infligerai pas de châtiment à vos femmes à cause de vos filles qui se prostitueront, ni à cause de vos brus qui se livreront à l’adultère. » מַאי וְאוֹמֵר וְכִי תֵּימָא עָוֹן דִּידֵיהּ אִין דִּבְנֵיהּ וְדִבְנָתֵיהּ לָא תָּא שְׁמַע לֹא אֶפְקוֹד עַל בְּנוֹתֵיכֶם כִּי תִזְנֶינָה וְעַל כַּלּוֹתֵיכֶם כִּי תְנָאַפְנָה
Et si tu imagines que la faute du mari avec une femme mariée, oui, elle rend inopérante l’épreuve des eaux amères, mais que s’il faute avec une célibataire, non, alors viens, écoute la suite du verset d’Osée : « Car eux s’isolent avec les prostituées et sacrifient avec les courtisanes. » וְכִי תֵּימָא עֲוֹן אֵשֶׁת אִישׁ אִין עָוֹן דִּפְנוּיָה לָא תָּא שְׁמַע כִּי הֵם עִם הַזֹּנוֹת יְפָרֵדוּ וְעִם הַקְּדֵשׁוֹת יְזַבֵּחוּ וְגוֹ׳
Autre question – Quel sens donner à la fin du verset : « Et un peuple sans intelligence se perd » ? Rabbi El‘azar explique – Le prophète avertit les Enfants d’Israël : si vous faites preuve vous-mêmes d’un comportement irréprochable, les eaux amères auront un effet sur vos femmes soupçonnées d’adultère, sinon, les eaux amères n’auront pas d’effet sur vos femmes. מַאי וְעָם לֹא יָבִין יִלָּבֵט אָמַר רַבִּי אֶלְעָזָר אָמַר לָהֶם נָבִיא לְיִשְׂרָאֵל אִם אַתֶּם מַקְפִּידִין עַל עַצְמְכֶם מַיִם בּוֹדְקִין נְשׁוֹתֵיכֶם וְאִם לָאו אֵין הַמַּיִם בּוֹדְקִין נְשׁוֹתֵיכֶם
§ Suite de la Tossefta : Avec la multiplication des juges rabbiniques ne pensant qu’aux jouissances matérielles et ne se souciant pas d’approfondir les litiges et d’enseigner la Halakha au peuple, les jugements furent faussés et le comportement général se dégrada, de sorte que le Saint béni soit-Il n’eut plus aucun motif de satisfaction dans le monde. Avec la multiplication des juges partiaux, l’injonction – « n’ayez peur de personne » – ne fut plus entendue, et l’injonction – « ne faites point acception de personnes dans le jugement » (Deut. 1, 17) – cessa d’être respectée. Ces juges rejetèrent le joug du Ciel et se soumirent au joug d’êtres faits de chair et de sang. מִשֶּׁרַבּוּ בַּעֲלֵי הֲנָאָה נִתְעַוְּתוּ הַדִּינִין וְנִתְקַלְקְלוּ הַמַּעֲשִׂים וְאֵין נוֹחַ בָּעוֹלָם מִשֶּׁרַבּוּ רוֹאֵי פָנִים בַּדִּין בָּטַל לֹא תָגוּרוּ וּפָסַק לֹא תַכִּירוּ וּפָרְקוּ עוֹל שָׁמַיִם וְנָתְנוּ עֲלֵיהֶם עוֹל בָּשָׂר וָדָם
Avec la multiplication des avocats malhonnêtes soufflant des arguments fallacieux aux juges pendant les procès, afin de favoriser les puissants et de défavoriser les faibles, le courroux grandit à l’encontre d’Israël, car il est écrit (Ex. 22, 21–23) : « Vous ne maltraiterez ni la veuve ni l’orphelin. Si tu le maltraites, dès qu’il criera vers Moi, J’entendrai son cri et Ma colère s’enflammera. » Et alors la Présence divine disparut, car il est dit (Ps. 82, 1) : « Dieu se tient dans l’assemblée, Il rend justice au milieu des juges » – mais quand les juges sont dévoyés, Dieu quitte leur assemblée. Avec la multiplication des personnes qui « se montrent amicaux avec leur bouche », tandis que « c’est vers leur intérêt que leur cœur se dirige » (voir Ez. 33, 31), se multiplièrent « ceux qui disent “bien” pour le mal et “mal” pour le bien » (Is. 5, 20), et avec la multiplication de « ceux qui disent “bien” pour le mal et “mal” pour le bien », se multiplièrent dans le monde les cris : « Malheur ! », « Malheur ! » comme le suggèrent les vingt-deux occurrences de ce mot dans le même chapitre d’Isaïe. מִשֶּׁרַבּוּ לוֹחֲשֵׁי לְחִישׁוֹת בַּדִּין רָבָה חֲרוֹן אַף בְּיִשְׂרָאֵל וְנִסְתַּלְּקָה הַשְּׁכִינָה מִשּׁוּם שֶׁנֶּאֱמַר בְּקֶרֶב אֱלֹהִים יִשְׁפֹּט מִשֶּׁרַבּוּ אַחֲרֵי בִצְעָם לִבָּם הֹלֵךְ רַבּוּ הָאוֹמְרִים לָרַע טוֹב וְלַטּוֹב רָע מִשֶּׁרַבּוּ הָאוֹמְרִים לָרַע טוֹב וְלַטּוֹב רָע רַבּוּ הוֹי הוֹי בָּעוֹלָם
Avec la multiplication de ceux qui crachaient avec affectation, grandit le nombre des orgueilleux et diminua le nombre des élèves, et la Tora fut à la recherche de ceux qui désiraient l’apprendre. En outre, avec la multiplication des orgueilleux, les filles d’Israël commencèrent à épouser des orgueilleux, si bien que de notre temps, elles n’accordent plus guère de valeur qu’à la façade. מִשֶּׁרַבּוּ מוֹשְׁכֵי הָרוֹק רַבּוּ הַיְּהִירִים וְנִתְמַעֲטוּ הַתַּלְמִידִים וְהַתּוֹרָה חוֹזֶרֶת עַל לוֹמְדֶיהָ מִשֶּׁרַבּוּ הַיְּהִירִים הִתְחִילוּ בְּנוֹת יִשְׂרָאֵל לְהִנָּשֵׂא לִיהִירִים שֶׁאֵין דּוֹרֵינוּ רוֹאֶה אֶלָּא לַפָּנִים
La guemara demande : les femmes se laissent-elles réellement tromper par les apparences ? Pourtant Rav Mari a déclaré (Baba Batra 98a) – Celui qui s’enorgueillit n’est pas même considéré par sa propre femme, car il est dit (Hab. 2, 5) : « L’homme orgueilleux ne demeure pas en repos », d’où l’on apprend qu’il ne demeure pas en repos [yinevé] même dans sa propre demeure [navé], parce que sa femme ne le supporte pas ! Au début, répond la guemara, la jeune fille est séduite par un homme orgueilleux, mais à la fin, une fois qu’elle l’épouse et le connaît bien, elle en vient à le mépriser. אִינִי וְהָאָמַר מָר הַאי מַאן דְּמִיַּהַר אֲפִילּוּ אַאִינָשֵׁי בֵּיתֵיהּ לָא מִיקַּבַּל שֶׁנֶּאֱמַר גֶּבֶר יָהִיר וְלֹא יִנְוֶה לֹא יִנְוֶה אֲפִילּוּ בַּנָּוֶה שֶׁלּוֹ מֵעִיקָּרָא קָפְצָה עֲלֵיהּ לְסוֹף מִיתְּזִיל עֲלַיְיהוּ
Suite de la Tossefta : avec la multiplication des juges chargeant des particuliers de faire du commerce pour eux, la corruption et l’injustice se développèrent et le bonheur disparut. Avec la multiplication des juges qui encourageaient leurs concitoyens à leur accorder toutes sortes d’avantages en déclarant : « J’ai reçu tes bienfaits », ou « Je retiens tes bienfaits » et « je saurai m’en souvenir en temps utile » – le mépris de la justice s’introduisit et l’égoïsme se multiplia, comme à l’époque où « chacun agissait selon ce qui semblait bon à ses yeux » (Jug. 17, 6), n’ayant d’autre norme que son propre intérêt, si bien que ceux qui étaient moralement vils se hissèrent au sommet, et ceux qui étaient moralement nobles furent rabaissés, et la royauté périclita. Avec la multiplication des avares et des rapaces, augmenta le nombre de ceux qui endurcissaient leur cœur et fermaient leurs mains en refusant de prêter aux nécessiteux, et qui ce faisant allaient à l’encontre de l’injonction : « Tu n’endurciras pas ton cœur et tu ne fermeras pas ta main devant ton frère indigent . . . Prends-garde qu’il n’y ait en ton cœur un propos de vaurien en te disant : “Proche est la septième année, l’année de rémission . . .” ». מִשֶּׁרַבּוּ מַטִּילֵי מְלַאי עַל בַּעֲלֵי בָתִּים רָבָה הַשּׁוֹחַד וְהַטָּיַית מִשְׁפָּט וּפָסְקָה טוֹבָה מִשֶּׁרַבּוּ מְקַבְּלֵנִי טוֹבָתְךָ וּמְחַזְּקֵנִי טוֹבוֹתֶיךָ רַבּוּ אִישׁ הַיָּשָׁר בְּעֵינָיו יַעֲשֶׂה שְׁפָלִים הוּגְבְּהוּ וְהַגְּבוֹהִים הוּשְׁפְּלוּ וּמַלְכוּתָא אָזְלָא וְנָוְלָא מִשֶּׁרַבּוּ צָרֵי עַיִן וְטוֹרְפֵי טֶרֶף רַבּוּ מְאַמְּצֵי הַלֵּב וְקוֹפְצֵי יָדַיִם מִלְּהַלְווֹת וְעָבְרוּ עַל מַה שֶּׁכָּתוּב בַּתּוֹרָה הִשָּׁמֶר לְךָ פֶּן וְגוֹ׳
Avec la multiplication des femmes qui marchaient « le cou tendu en lançant des œillades » (Is. 3, 15), se serait multiplié le nombre des femmes soumises à l’épreuve des eaux amères, si elle n’avait été abolie par Rabban Yo‘hanan ben Zacaï, comme indiqué précédemment dans la michna. Avec la multiplication de ceux qui recevaient des cadeaux, les jours diminuèrent et les années se rétrécirent, autrement dit l’espérance de vie diminua, car il est écrit (Prov. 15, 27) : « Celui qui hait les cadeaux vivra » – et, sous-entendu, celui qui en reçoit mourra prématurément. Avec la multiplication des élèves arrogants qui se fiaient à leur propre intelligence et ne tendaient pas l’oreille pour recueillir les paroles des maîtres, les controverses se multiplièrent en Israël, chacun étant convaincu d’avoir bien compris l’enseignement du maître. Avec la multiplication des disciples de l’École de Chamaï et de l’École de Hillel qui n’avaient pas été suffisamment assidus, les controverses se multiplièrent en Israël et la Tora parut être divisée en deux, autrement dit l’unité de la Tora fut battue en brèche. Enfin, avec la multiplication de ceux d’entre les Juifs qui recevaient l’aumône des Gentils, parce que l’aide de leurs coreligionnaires était insuffisante, la gloire d’Israël fut rabaissée, ce que la baraïta exprime au moyen d’une antiphrase en concluant que, dès lors, les Enfants d’Israël furent en haut, à la première place, alors qu’eux, les Gentils, étaient déchus et relégués à l’arrière-plan. מִשֶּׁרַבּוּ נְטוּיוֹת גָּרוֹן וּמְשַׂקְּרוֹת עֵינָיִם רַבּוּ מַיִם הַמָּרִים אֶלָּא שֶׁפָּסְקוּ מִשֶּׁרַבּוּ מְקַבְּלֵי מַתָּנוֹת נִתְמַעֲטוּ הַיָּמִים וְנִתְקַצְּרוּ הַשָּׁנִים דִּכְתִיב וְשׂוֹנֵא מַתָּנֹת יִחְיֶה מִשֶּׁרַבּוּ זְחוּחֵי הַלֵּב רַבּוּ מַחֲלוֹקֹת בְּיִשְׂרָאֵל מִשֶּׁרַבּוּ תַּלְמִידֵי שַׁמַּאי וְהִילֵּל שֶׁלֹּא שִׁימְּשׁוּ כׇּל צוֹרְכָּן רַבּוּ מַחְלוֹקוֹת בְּיִשְׂרָאֵל וְנַעֲשֵׂית תּוֹרָה כִּשְׁתֵּי תוֹרוֹת מִשֶּׁרַבּוּ מְקַבְּלֵי צְדָקָה מִן הַנׇּכְרִי הָיוּ יִשְׂרָאֵל לְמַעְלָה וְהֵם לְמַטָּה יִשְׂרָאֵל לִפְנִים וְהֵם לְאָחוֹר
§ On revient à présent à notre michna qui enseigne : « Après la disparition de Yossè ben Yo‘èzer, de la ville de Tsereida, et de Yossè ben Yehouda, de Jérusalem, il n’y eut plus d’echkolot ». La guemara demande : qu’est-ce que sont les echkolot ? Rav Yehouda explique au nom de Chemouel : echkolot est une forme contractée de ich chéhakol bo, « un homme qui a tout en lui » ; soit un homme dont la connaissance de la Tora est sans faille et sans lacune. Suite de la michna : « Yo‘hanan le Cohen Gadol abolit la déclaration par laquelle on affirme avoir remis la dîme à qui de droit (Deut. 26, 13–14). » Pourquoi ? Rabbi Yossè fils de Rabbi ‘Hanina explique : parce qu’on ne donnait plus la première dîme comme il faut. En effet, la Tora (Nbres 18, 21) prescrit de la remettre aux Lévites מִשֶּׁמֵּת יוֹסֵי בֶּן יוֹעֶזֶר כּוּ׳ מַאי אֶשְׁכּוֹלוֹת אָמַר רַב יְהוּדָה אָמַר שְׁמוּאֵל אִישׁ שֶׁהַכֹּל בּוֹ יוֹחָנָן כֹּהֵן גָּדוֹל הֶעֱבִיר הוֹדָיַית הַמַּעֲשֵׂר כּוּ׳ מַאי טַעְמָא אָמַר רַבִּי יוֹסֵי בְּרַבִּי חֲנִינָא לְפִי שֶׁאֵין נוֹתְנִין אוֹתוֹ כְּתִיקּוּנוֹ דְּרַחֲמָנָא אָמַר דְּיָהֲבִי לִלְוִיִּם