« Ta demeure est solide [eitan] et mets ton nid sur le rocher » (Nbres 24, 21) ; et aussi du verset – « Ecoutez, montagnes, la querelle de l’Éternel et [vous] les fondements solides [eitanim] de la terre » (Mich. 6, 2). D’autres disent : d’où savons-nous que eitan signifie « ancien » et qu’il ne faut donc pas briser la nuque de la génisse dans une vallée où l’on aurait apporté récemment de la terre extraite d’un autre endroit ? Du verset (Jér. 5, 15) : « C’est un peuple ancien [eitan], c’est un peuple d’antan. »
אֵיתָן מוֹשָׁבֶךָ וְשִׂים בַּסֶּלַע קִנֶּךָ וְאוֹמֵר שִׁמְעוּ הָרִים אֶת רִיב ה׳ וְהָאֵיתָנִים מֹסְדֵי אָרֶץ אֲחֵרִים אוֹמְרִים מִנַּיִן לְאֵיתָן שֶׁהוּא יָשָׁן שֶׁנֶּאֱמַר גּוֹי אֵיתָן הוּא גּוֹי מֵעוֹלָם הוּא
§ Suite de notre michna : « Et on lui brise la nuque avec un couperet, par derrière. » Quelle est la raison de cette précision ? Autrement dit, d’où savons-nous que le terme ve-‘arfou employé à propos de la génisse (Deut. 21, 4) implique l’obligation de lui briser la nuque par derrière ? On l’apprend d’une analogie sémantique avec l’offrande d’un oiseau apporté comme offrande expiatoire, car il est écrit à son propos (Lév. 5, 8) : « On lui rompra la tête au niveau de la nuque [‘orpo]. »
וְעוֹרְפִין אוֹתָהּ בְּקוֹפִיץ מֵאֲחוֹרֶיהָ מַאי טַעְמָא גָּמַר עֲרִיפָה עֲרִיפָה מֵחַטַּאת הָעוֹף
§ La michna continue : « Il est interdit d’ensemencer et de travailler le terrain où s’est déroulé le rituel de la génisse à la nuque brisée. » À ce propos, une baraïta rapporte un débat entre deux Sages – Il est écrit (Deut. 21, 4) : « Les Anciens de cette ville feront descendre la génisse dans une vallée aride qui n’aura pas été travaillée et ne sera pas ensemencée. » Selon Rabbi Yochiya, le verset se réfère à un terrain qui n’a pas été travaillé ni ensemencé dans le passé, tandis que selon Rabbi Yonathan, le verset exprime l’interdit d’y effectuer ces travaux à l’avenir.
וּמְקוֹמָהּ אָסוּר מִלִּזְרוֹעַ וּמִלֵּיעָבֵד תָּנוּ רַבָּנַן אֲשֶׁר לֹא יֵעָבֵד בּוֹ וְלֹא יִזָּרֵעַ לְשֶׁעָבַר דִּבְרֵי רַבִּי יֹאשִׁיָּה רַבִּי יוֹנָתָן אוֹמֵר לְהַבָּא
Rava explique – Tout le monde convient que c’est défendu à l’avenir, puisqu’il est écrit : « et ne sera pas ensemencé. » Sur quoi porte leur discussion ? Sur le passé – Rabbi Yochiya pense que le verset se réfère aussi à un temps passé, puisqu’il n’est pas écrit : qui ne sera pas travaillée mais « qui n’aura pas été travaillée ». En revanche, d’après Rabbi Yonathan, les travaux effectués dans le passé importent peu, car est-il écrit « qui n’a pas été travaillée » ? Il est écrit : « qui n’aura pas été travaillée. » Et Rabbi Yochiya rétorque que le pronom acher, dans « qui [acher] n’aura pas été travaillée », se rapporte à l’état de la vallée dans le passé, ceci, donc, pour exclure un terrain qui a été travaillé dans le passé. Mais selon Rabbi Yonathan, le pronom acher (« qui ») confère au verset un sens extensif et vient étendre l’interdiction à d’autres travaux que ceux qui ont été mentionnés explicitement par l’Écriture (voir ci-après).
רָבָא אָמַר לְהַבָּא דְּכוּלֵּי עָלְמָא לָא פְּלִיגִי דִּכְתִיב וְלֹא יִזָּרֵעַ כִּי פְּלִיגִי לְשֶׁעָבַר רַבִּי יֹאשִׁיָּה סָבַר מִי כְּתִיב וְלֹא יְעוּבַּד וְרַבִּי יוֹנָתָן מִי כְּתִיב אֲשֶׁר לֹא נֶעֱבַד וְרַבִּי יֹאשִׁיָּה אֲשֶׁר לְשֶׁעָבַר מַשְׁמַע וְרַבִּי יוֹנָתָן אֲשֶׁר רִבּוּיָא הוּא
§ « En revanche, ajoute la michna, il est permis de se livrer dans la vallée à des activités qui ne sont pas en rapport avec l’agriculture, comme carder du lin ou tailler des pierres. » Une confirmation nous en est donnée par une baraïta, car les Sages ont enseigné : « “qui n’aura pas été travaillée et ne sera pas ensemencée” – est-ce à dire que seules les semailles sont interdites ? D’où savons-nous que l’interdit s’applique aussi à d’autres travaux ? Nous l’apprenons de la formule : “qui n’aura pas été travaillée” – quel que soit le travail.
וּמוּתָּר לִסְרוֹק שָׁם פִּשְׁתָּן וּלְנַקֵּר שָׁם אֲבָנִים תָּנוּ רַבָּנַן אֲשֶׁר לֹא יֵעָבֵד בּוֹ וְלֹא יִזָּרֵעַ אֵין לִי אֶלָּא זְרִיעָה שְׁאָר עֲבוֹדוֹת מִנַּיִן תַּלְמוּד לוֹמַר אֲשֶׁר לֹא יֵעָבֵד בּוֹ מִכׇּל מָקוֹם
Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)
Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.
S’il en est ainsi, pourquoi avoir ajouté : “et ne sera pas ensemencé” ? Pour t’enseigner : de même que l’ensemencement a ceci de particulier qu’il s’agit d’un travail agricole, touchant à la terre elle-même, de même l’interdiction porte sur tout autre travail agricole, touchant à la terre elle-même, à l’exclusion du cardage du lin ou de la taille des pierres qui ne touchent pas à la terre elle-même. »
אִם כֵּן מָה תַּלְמוּד לוֹמַר וְלֹא יִזָּרֵעַ לוֹמַר לְךָ מָה זְרִיעָה מְיוּחֶדֶת שֶׁהִיא בְּגוּפָהּ שֶׁל קַרְקַע אַף כֹּל שֶׁהוּא בְּגוּפָהּ שֶׁל קַרְקַע יָצָא סְרִיקַת פִּשְׁתָּן וְנִיקּוּר אֲבָנִים שֶׁאֵינָן בְּגוּפָהּ שֶׁל קַרְקַע
Mais, est-il objecté, on aurait pu interpréter le verset ainsi : « qui n’aura pas été travaillée » est la règle générale ; « et ne sera pas ensemencée » – est le cas spécifique. Et en vertu d’un principe d’herméneutique, quand une généralité est suivie d’une spécification, la règle en question s’applique uniquement au cas spécifié. On devrait donc en conclure que l’ensemencement, oui, il est interdit, autre chose, non ! Réponse : le pronom acher (dans « qui n’aura pas été travaillée ») confère au verset un sens extensif, incluant tous les travaux agricoles et non seulement la semaison.
וְאֵימָא אֲשֶׁר לֹא יֵעָבֵד בּוֹ כָּלַל וְלֹא יִזָּרֵעַ פָּרַט כְּלָל וּפְרָט אֵין בַּכְּלָל אֶלָּא מָה שֶׁבַּפְּרָט זְרִיעָה אִין מִידֵּי אַחֲרִינָא לָא אֲשֶׁר רִבּוּיָא הוּא
§ Suite de notre michna : « Les Anciens de cette ville se lavent les mains dans l’eau, à l’endroit où on a brisé le cou de la génisse. » Les Sages enseignent dans une baraïta – Il est écrit (Deut. 21, 6) : « Et tous les Anciens de la ville proche du cadavre se laveront les mains au-dessus de la génisse dont on a brisé la nuque dans la vallée. » À première vue, il n’était pas besoin de préciser qu’il s’agit de la génisse « dont on a brisé la nuque », puisqu’il est acquis qu’on parle d’elle. Donc que vient nous apprendre la formule : « dont on a brisé la nuque » ? Elle vient nous apprendre que les Anciens sont tenus de se laver les mains à l’endroit où on a brisé la nuque de la génisse, mais pas nécessairement au-dessus d’elle.
זִקְנֵי הָעִיר רוֹחֲצִין יְדֵיהֶן כּוּ׳ תָּנוּ רַבָּנַן וְכׇל זִקְנֵי הָעִיר הָהִיא הַקְּרֹבִים אֶל הֶחָלָל יִרְחֲצוּ אֶת יְדֵיהֶם עַל הָעֶגְלָה הָעֲרוּפָה בַנָּחַל שֶׁאֵין תַּלְמוּד לוֹמַר הָעֲרוּפָה וּמָה תַּלְמוּד לוֹמַר הָעֲרוּפָה עַל מְקוֹם עֲרִיפָתָהּ שֶׁל עֶגְלָה
La michna poursuit : « Après s’être lavé les mains, les Anciens proclament (v. 7) : “Nos mains n’ont pas versé ce sang et nos yeux n’ont pas vu.” Pourquoi font-ils cette déclaration ? Nous viendrait-il à l’esprit que les membres du tribunal ont versé le sang ? Mais à l’évidence, on pourrait imaginer que la victime a été tuée alors qu’elle essayait de voler de la nourriture pour assouvir sa faim pressante. Aussi, les juges se disculpent en déclarant : “Nos mains n’ont pas versé ce sang” – et ils veulent dire par là que si la personne retrouvée morte était venue chez nous demander de l’aide, nous ne l’aurions pas renvoyée sans nourriture. Et ils ajoutent : “et nos yeux n’ont pas vu” voulant dire par là que si nous l’avions vue quitter la ville, nous ne l’aurions pas laissée partir seule, sans escorte. »
וְאָמְרוּ יָדֵינוּ לֹא שָׁפְכוּ אֶת הַדָּם הַזֶּה וְעֵינֵינוּ לֹא רָאוּ וְכִי עַל לִבֵּנוּ עָלְתָה שֶׁבֵּית דִּין שׁוֹפְכִין דָּמִים אֶלָּא לֹא בָּא לְיָדֵינוּ וּפְטַרְנוּהוּ בְּלֹא מְזוֹנוֹת וְלֹא רְאִינוּהוּ וְהִנַּחְנוּהוּ בְּלֹא לְוָיָה
À propos de l’obligation de raccompagner un hôte de passage, une baraïta enseigne – « Rabbi Mèir affirmait que le tribunal peut contraindre quelqu’un à accompagner un voyageur esseulé, car la récompense de ce bienfait est illimitée. Il est écrit en effet au sujet des descendants de Joseph venus conquérir la ville de Béthel (Jug. 1, 24–25) : “Les veilleurs virent un homme qui sortait de la ville et ils lui dirent : ‘Montre-nous, de grâce, l’accès de la ville et nous agirons à ton égard avec bienveillance’,” et il est écrit ensuite : “et il leur montra l’accès de la ville”. Or, quel acte de bienveillance ont-ils accompli à son égard ? Ils passèrent tous les habitants de la ville au fil de l’épée, mais lui et sa famille ils les épargnèrent.
תַּנְיָא הָיָה רַבִּי מֵאִיר אוֹמֵר כּוֹפִין לִלְוָיָה שֶׁשְּׂכַר הַלְוָיָה אֵין לָהּ שִׁיעוּר שֶׁנֶּאֱמַר וַיִּרְאוּ הַשֹּׁמְרִים אִישׁ יוֹצֵא מִן הָעִיר וַיֹּאמְרוּ לוֹ הַרְאֵנוּ נָא אֶת מְבוֹא הָעִיר וְעָשִׂינוּ עִמְּךָ חָסֶד וּכְתִיב וַיַּרְאֵם אֶת מְבוֹא הָעִיר וּמָה חֶסֶד עָשׂוּ עִמּוֹ שֶׁכׇּל אוֹתָהּ הָעִיר הָרְגוּ לְפִי חֶרֶב וְאוֹתוֹ הָאִישׁ וּמִשְׁפַּחְתּוֹ שָׁלְחוּ
Il est écrit ensuite : “L’homme se rendit au pays des Hittites, bâtit une ville et appela son nom : Louz – c’est son nom jusqu’à ce jour” » (ibid. 1, 26). Or, selon une baraïta, cette ville a acquis un statut privilégié, puisque c’est dans cette ville de Louz qu’on préparait la teinture bleu turquoise pour les tsitsiot (voir Sanhédrin 12a) ; en outre, c’est cette même ville de Louz dont les habitants ne furent pas exilés, comme les autres, lorsque Sennachérib (l’empereur assyrien) conquit le royaume d’Israël, et elle est aussi la seule ville à ne pas avoir été détruite quand Nabuchodonosor sema la ruine dans le royaume de Juda. Enfin, même l’ange de la mort n’a pas le droit d’y entrer : quand les vieillards qui y habitent n’ont plus goût à la vie, ils sortent de son enceinte et meurent peu après.
וַיֵּלֶךְ הָאִישׁ אֶרֶץ הַחִתִּים וַיִּבֶן עִיר וַיִּקְרָא שְׁמָהּ לוּז הוּא שְׁמָהּ עַד הַיּוֹם הַזֶּה תַּנְיָא הִיא לוּז שֶׁצּוֹבְעִין בָּהּ תְּכֵלֶת הִיא לוּז שֶׁבָּא סַנְחֵרִיב וְלֹא בִּלְבְּלָהּ נְבוּכַדְנֶצַּר וְלֹא הֶחְרִיבָהּ וְאַף מַלְאַךְ הַמָּוֶת אֵין לוֹ רְשׁוּת לַעֲבוֹר בָּהּ אֶלָּא זְקֵנִים שֶׁבָּהּ בִּזְמַן שֶׁדַּעְתָּן קָצָה עֲלֵיהֶן יוֹצְאִין חוּץ לַחוֹמָה וְהֵן מֵתִים
Est-ce qu’il ne s’ensuit pas un raisonnement a fortiori : si ce Cananéen qui, sans même ouvrir la bouche ni mouvoir ses jambes, mais en faisant un simple geste pour indiquer aux descendants de Joseph l’accès de la ville de Béthel, a assuré son propre salut et celui de tous ses descendants jusqu’à la fin des temps, alors celui qui se sert de ses jambes pour accompagner quelqu’un d’esseulé et lui montrer son chemin, ne sera-t-il pas récompensé à plus forte raison ?
וַהֲלֹא דְּבָרִים קַל וָחוֹמֶר וּמָה כְּנַעֲנִי זֶה שֶׁלֹּא דִּיבֵּר בְּפִיו וְלֹא הָלַךְ בְּרַגְלָיו גָּרַם הַצָּלָה לוֹ וּלְזַרְעוֹ עַד סוֹף כׇּל הַדּוֹרוֹת מִי שֶׁעוֹשֶׂה לְוָיָה בְּרַגְלָיו עַל אַחַת כַּמָּה וְכַמָּה
La guemara demande : comment ce Cananéen a-t-il indiqué l’accès de la ville sans parler ni se déplacer ? ‘Hizkiya a expliqué : il a fait une mimique avec sa bouche. Selon Rabbi Yo‘hanan, il le leur a montré avec le doigt. L’explication de Rabbi Yo‘hanan est confirmée par la baraïta suivante : « Parce que ce Cananéen leur a montré du doigt l’accès de sa ville, il a assuré son propre salut et celui de tous ses descendants jusqu’à la fin des temps. »
בַּמָּה הֶרְאָה לָהֶם חִזְקִיָּה אָמַר בְּפִיו עִקֵּם לָהֶם רַבִּי יוֹחָנָן אָמַר בְּאֶצְבָּעוֹ הֶרְאָה לָהֶם תַּנְיָא כְּווֹתֵיהּ דְּרַבִּי יוֹחָנָן בִּשְׁבִיל שֶׁכְּנַעֲנִי זֶה הֶרְאָה בְּאֶצְבָּעוֹ גָּרַם הַצָּלָה לוֹ וּלְזַרְעוֹ עַד סוֹף כׇּל הַדּוֹרוֹת
Rabbi Yehochoua ben Lévi a enseigné – Celui qui voyage seul, sans accompagnateur [levaya], qu’il étudie la Tora pour y suppléer, car il est dit (Prov. 1, 9) : « Car ils sont comme un accompagnement [livyat] gracieux pour ta tête et des colliers pour ton cou. » Rabbi Yehochoua ben Lévi a aussi déclaré – Parce que Pharaon demanda que l’on raccompagne Avraham sur une distance d’au moins quatre pas – ainsi qu’il est écrit (Gen. 12, 20) : « Pharaon donna des ordres à des hommes à son sujet ; ils le reconduisirent ainsi que sa femme et tout ce qui lui appartenait » – il acquit un mérite qui permit à l’un de ses successeurs sur le trône d’Égypte d’asservir les descendants d’Avraham pendant quatre cents ans, ainsi qu’il est écrit (Gen. 15, 13) : « Ils les asserviront et les opprimeront quatre cents ans. » Selon Rav, cité par Rav Yehouda, quiconque raccompagne son prochain sur une distance de quatre coudées avant de quitter la ville, lui assure de ne subir aucun dommage durant son voyage. Ainsi, atteste la guemara, Ravina raccompagna Rava bar Yits‘hak sur une distance de quatre coudées avant de sortir de la ville, et Rava bar Yits‘hak fut préservé d’un péril qui survint au cours de son voyage.
אָמַר רַבִּי יְהוֹשֻׁעַ בֶּן לֵוִי הַמְהַלֵּךְ בַּדֶּרֶךְ וְאֵין לוֹ לְוָיָה יַעֲסוֹק בַּתּוֹרָה שֶׁנֶּאֱמַר כִּי לִוְיַת חֵן הֵם לְרֹאשֶׁךָ וַעֲנָקִים לְגַרְגְּרֹתֶיךָ וְאָמַר רַבִּי יְהוֹשֻׁעַ בֶּן לֵוִי בִּשְׁבִיל אַרְבָּעָה פְּסִיעוֹת שֶׁלִּוָּה פַּרְעֹה לְאַבְרָהָם שֶׁנֶּאֱמַר וַיְצַו עָלָיו פַּרְעֹה אֲנָשִׁים וְגוֹ׳ נִשְׁתַּעְבֵּד בְּבָנָיו אַרְבַּע מֵאוֹת שָׁנָה שֶׁנֶּאֱמַר וַעֲבָדוּם וְעִנּוּ אֹתָם אַרְבַּע מֵאוֹת שָׁנָה אָמַר רַב יְהוּדָה אָמַר רַב כׇּל הַמְלַוֶּה אֶת חֲבֵירוֹ אַרְבַּע אַמּוֹת בָּעִיר אֵינוֹ נִיזּוֹק רָבִינָא אַלְוְיֵהּ לְרָבָא בַּר יִצְחָק אַרְבַּע אַמּוֹת בָּעִיר מְטָא לִידֵיהּ הֶיזֵּיקָא וְאִיתַּצִּיל
Une baraïta enseigne : « Un maître doit raccompagner un élève jusqu’aux alentours de la ville qu’il va quitter (ce qui correspond à une distance de soixante-dix coudées à l’extérieur de la ville). Un ami doit raccompagner son ami jusqu’aux limites territoriales du Chabat. Enfin, dans le cas d’un élève raccompagnant son maître, il n’y a pas de mesure. » La guemara demande néanmoins : quelle est la distance minimale qu’il doit parcourir avec lui ? Une parasange, explique Rav Chèchet (c’est-à-dire de 3.840 km à 4.608 km, selon les différents avis). Et cette mesure minimale n’a été enseignée que dans le cas d’un élève vis-à-vis d’un maître non attitré, mais s’il s’agit de son maître attitré, il est tenu de l’accompagner sur une distance minimale de trois parasanges.
תָּנוּ רַבָּנַן הָרַב לְתַלְמִיד עַד עִיבּוּרָהּ שֶׁל עִיר חָבֵר לְחָבֵר עַד תְּחוּם שַׁבָּת תַּלְמִיד לְרַב אֵין לוֹ שִׁיעוּר וְכַמָּה אָמַר רַב שֵׁשֶׁת עַד פַּרְסָה וְלָא אֲמַרַן אֶלָּא רַבּוֹ שֶׁאֵינוֹ מוּבְהָק אֲבָל רַבּוֹ מוּבְהָק שְׁלֹשָׁה פַּרְסָאוֹת
Ainsi, raconte la guemara, Rav Cahana accompagna Rav Chimi bar Achi de la localité de Poum Nahara jusqu’à la palmeraie proche de la ville de Babylone. Quand ils arrivèrent à destination, Rav Cahana demanda à Rav Chimi bar Achi avant de le quitter : « Peut-on ajouter foi à la croyance populaire selon laquelle ces palmiers de Babylone existent depuis l’époque d’Adam le premier homme, donc aux premiers jours de l’humanité ? »
רַב כָּהֲנָא אַלְוְיֵהּ לְרַב שִׁימִי בַּר אָשֵׁי מִפּוּם נַהֲרָא עַד בֵּי צִינְיָתָא דְּבָבֶל כִּי מְטוֹ הָתָם אֲמַר לֵיהּ וַדַּאי דְּאָמְרִיתוּ הָנֵי צִינְיָתָא דְּבָבֶל מִשְּׁנֵי אָדָם הָרִאשׁוֹן אִיתַנְהוּ
Il lui répondit : « Tu m’as rappelé une explication de Rabbi Yossè fils de Rabbi ‘Hanina à ce sujet. Comment comprendre le verset (Jér. 2, 6) : “ . . . qui nous fit marcher . . . à travers le désert . . . dans un pays que personne n’a traversé et où l’homme [Adam] n’a pas habité” ? Puisque nul ne l’avait traversé, comment aurait-il été habité ? (et puisque nul ne l’avait habité, comment aurait-il été traversé ?) En réalité, la redondance s’explique ainsi : la terre qu’Adam, le premier homme, a décrété habitable, elle est habitée, et la terre qu’Adam, le premier homme, n’a pas décrétée habitable, elle n’est pas habitée. » Autrement dit, qu’une terre soit peuplée ou non dépend de la décision prise à cet égard par le premier homme. On peut dire de même que les palmiers de Babylone existent depuis que le premier homme en a décidé ainsi. En revanche, si « l’homme [adam] n’a pas habité », c’est-à-dire si Adam, le premier homme, n’a pas voué une terre à l’habitation et à la végétation, elle reste déserte.
אֲמַר לֵיהּ אַדְכַּרְתַּן מִלְּתָא דְּאָמַר רַבִּי יוֹסֵי בְּרַבִּי חֲנִינָא מַאי דִּכְתִיב בְּאֶרֶץ לֹא עָבַר בָּהּ אִישׁ וְלֹא יָשַׁב אָדָם שָׁם וְכִי מֵאַחַר שֶׁלֹּא עָבַר הֵיכָן יָשַׁב (וּמֵאַחַר שֶׁלֹּא יָשַׁב הֵיכָן עָבַר) אֶלָּא אֶרֶץ שֶׁגָּזַר עָלֶיהָ אָדָם הָרִאשׁוֹן לְיִשּׁוּב נִתְיַשְּׁבָה אֶרֶץ שֶׁלֹּא גָּזַר עָלֶיהָ אָדָם הָרִאשׁוֹן לֹא נִתְיַשְּׁבָה
Rav Mordekhaï, rapporte la guemara, accompagnait son maître attitré, Rav Achi, de Hagronya jusqu’à Bei Keipei (ou, selon une autre version, jusqu’à Bei Doura).
רַב מָרְדֳּכַי אַלְוְיֵהּ לְרַב אָשֵׁי מֵהַגְרוֹנְיָא וְעַד בֵּי כֵיפֵי וְאָמְרִי לַהּ עַד בֵּי דוּרָא
Rabbi Yo‘hanan a déclaré au nom de Rabbi Mèir : refuser d’accompagner un voyageur ou de se faire accompagner en cas de besoin équivaut à un meurtre ou à un suicide. En effet, si les habitants de Jéricho avaient accompagné Élisée, celui-ci n’aurait pas excité les ourses contre les jeunes qui le prirent à partie en voyant qu’il était seul. Car il est dit (II Rois 2, 23) : « Il monta de là à Béthel et comme il montait par la route, des petits adolescents sortirent de la ville et l’insultèrent. Ils lui crièrent : “Monte, chauve ! Monte, chauve !” »
אָמַר רַבִּי יוֹחָנָן מִשּׁוּם רַבִּי מֵאִיר כָּל שֶׁאֵינוֹ מְלַוֶּה וּמִתְלַוֶּה כְּאִילּוּ שׁוֹפֵךְ דָּמִים שֶׁאִילְמָלֵי לִיוּוּהוּ אַנְשֵׁי יְרִיחוֹ לֶאֱלִישָׁע לֹא גֵּירָה דּוּבִּים לַתִּינוֹקוֹת שֶׁנֶּאֱמַר וַיַּעַל מִשָּׁם בֵּית אֵל וְהוּא עֹלֶה בַדֶּרֶךְ וּנְעָרִים קְטַנִּים יָצְאוּ מִן הָעִיר וַיִּתְקַלְּסוּ בוֹ וַיֹּאמְרוּ לוֹ עֲלֵה קֵרֵחַ עֲלֵה קֵרֵחַ
Selon Rabbi Yo‘hanan, ils lui déclarèrent : « Va-t’en, car en assainissant les eaux de l’endroit (ibid. 2, 22), tu l’as rendu chauve – c’est-à-dire sans ressources – pour nous qui, jusqu’à présent, gagnions notre vie en vendant de l’eau potable aux habitants ». Comment comprendre l’expression : « des petits adolescents [ne‘arim ketanim] » ? Ils étaient soit « petits », soit « adolescents » ! Rabbi El‘azar explique : ils sont appelés adolescents [ne‘arim] parce qu’ils s’étaient dégagés [menou‘arim] des commandements ; ils sont appelés « petits », parce qu’ils étaient des personnes de petite foi. Un Tana enseigne : « C’étaient des adolescents, et ils se sont déshonorés en se conduisant comme des petits enfants. »
אָמְרוּ לוֹ עֲלֵה שֶׁהִקְרַחְתָּ עָלֵינוּ אֶת הַמָּקוֹם מַאי וּנְעָרִים קְטַנִּים אָמַר רַבִּי אֶלְעָזָר שֶׁמְּנוֹעָרִים מִן הַמִּצְוֹת קְטַנִּים שֶׁהָיוּ מִקְּטַנֵּי אֲמָנָה תָּנָא נְעָרִים הָיוּ וּבִזְבְּזוּ עַצְמָן כִּקְטַנִּים
Rav Yossef objecte : peut-être qu’ils sont appelés ainsi en raison du nom de leur ville d’origine ! En effet, il est écrit plus loin (II Rois 5, 2) : « Des Araméens qui étaient sortis en bandes avaient capturé du pays d’Israël une petite adolescente [na‘ara ketana]. » Et à la question de savoir comment elle pouvait être à la fois « petite » et « adolescente », Rabbi Pedat a expliqué : c’était une petite fille de Ne‘oran. Pourquoi ne pas donner la même explication au sujet de ceux qui insultèrent Élisée et conclure qu’il s’agissait de petits enfants de la ville de Ne‘oran ? Réponse : là, dans le cas de la petite fille, comme le verset ne désigne pas d’autre ville d’origine, on conclut que c’est le mot na‘ara qui la désigne ; mais ici, il est écrit que « des garçons sortirent de la ville », or les versets précédents désignent leur ville d’origine, à savoir Jéricho, de sorte que le mot ne‘arim ne peut pas, à leur sujet, désigner des habitants de la ville de Ne‘oran.
מַתְקֵיף לַהּ רַב יוֹסֵף וְדִלְמָא עַל שֵׁם מְקוֹמָן מִי לָא כְּתִיב וַאֲרָם יָצְאוּ גְדוּדִים וַיִּשְׁבּוּ מֵאֶרֶץ יִשְׂרָאֵל נַעֲרָה קְטַנָּה וְקַשְׁיָא לַן נַעֲרָה וּקְטַנָּה וְאָמַר רַבִּי פְּדָת קְטַנָּה דְּמִן נְעוֹרָן הָתָם לָא מְפָרַשׁ מְקוֹמָהּ הָכָא מְפוֹרָשׁ מְקוֹמָן
Suite du passage du Livre des Rois : « Il se retourna, les vit et les maudit au nom de l’Éternel » (ibid. 2, 24). Que vit-il en eux pour les maudire, ce qui est en règle générale interdit par la Tora ? Rav répond : en réalité, il n’a pas prononcé de malédiction, mais il leur lança seulement un regard de réprobation qui leur fut fatal. En effet, une baraïta enseigne : Rabban Chim‘on ben Gamliel affirme que tout regard de réprobation lancé par les Sages entraîne soit la mort soit la pauvreté. Et Chemouel explique : Élisée « vit » grâce à son inspiration prophétique que tous ses offenseurs avaient été conçus par leurs mères un jour de Kipour – en dépit de l’interdiction d’avoir des relations conjugales ce jour-là.
וַיִּפֶן אַחֲרָיו וַיִּרְאֵם וַיְקַלְלֵם בְּשֵׁם ה׳ מָה רָאָה אָמַר רַב רָאָה מַמָּשׁ כִּדְתַנְיָא רַבָּן שִׁמְעוֹן בֶּן גַּמְלִיאֵל אוֹמֵר כׇּל מָקוֹם שֶׁנָּתְנוּ חֲכָמִים עֵינֵיהֶם אוֹ מִיתָה אוֹ עוֹנִי וּשְׁמוּאֵל אָמַר רָאָה שֶׁכּוּלָּן נִתְעַבְּרָה בָּהֶן אִמָּן בְּיוֹם הַכִּיפּוּרִים
Et d’après Rabbi Yits‘hak le Forgeron, Élisée vit qu’ils portaient une tresse de cheveux à la manière des païens. Pour Rabbi Yo‘hanan, il vit avec son esprit pénétrant qu’il n’y avait pas en eux une once du mérite d’avoir accompli le moindre commandement. Cependant, objecte la guemara, en les faisant mourir prématurément, le prophète a peut-être empêché la venue au monde de descendants qui, eux, auraient accompli scrupuleusement les commandements ! Rabbi El‘azar explique : le prophète ne vit aucun mérite ni en eux ni en leur descendance jusqu’à la fin de toutes les générations.
וְרַבִּי יִצְחָק נַפָּחָא אָמַר בְּלוֹרִית רָאָה לָהֶן כְּגוֹיִים וְרַבִּי יוֹחָנָן אָמַר רָאָה שֶׁלֹּא הָיְתָה בָּהֶן לַחְלוּחִית שֶׁל מִצְוָה וְדִלְמָא בְּזַרְעַיְיהוּ נִיהְוָה הֲוָה אָמַר רַבִּי אֶלְעָזָר לֹא בָּם וְלֹא בְּזַרְעָם עַד סוֹף כׇּל הַדּוֹרוֹת
« Deux ourses sortirent de la forêt et mirent en pièces quarante-deux enfants » (ibid.).
וַתֵּצֶאנָה שְׁתַּיִם דֻּבִּים מִן הַיַּעַר וַתְּבַקַּעְנָה מֵהֶם אַרְבָּעִים וּשְׁנֵי יְלָדִים
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