La question de savoir si un corps posé sur un autre est considéré comme suspendu en l’air reste entière. Quant au premier point – le corps placé en dessous est-il « enfoui » ? – il fait apparemment l’objet d’une discussion entre les Tanaïm d’une baraïta (déjà citée en 45a), car on a enseigné : « D’après un premier Tana anonyme, quand le propriétaire d’un champ a pris une gerbe pour l’emporter en ville, puis l’a posée sur une autre et l’a oubliée, celle du dessous a le statut d’une gerbe oubliée, mais pas celle du dessus. En revanche, Rabbi Chim‘on ben Yehouda déclare au nom de Rabbi Chim‘on qu’aucune des deux n’a le statut d’une gerbe oubliée : ni celle du dessous, parce qu’elle est enfouie, ni celle du dessus, parce qu’elle flotte en l’air. » Les Sages de la maison d’étude ont pensé que ces Tanaïm partageaient l’avis de Rabbi Yehouda rapporté plus haut dans une autre baraïta, selon lequel la précision « dans le champ » (Deut. 24, 19) exclut la gerbe qui est enfouie ; תְּנֵיתוּהָ עוֹמֶר שֶׁהֶחְזִיק בּוֹ לְהוֹלִיכוֹ לָעִיר וְהִנִּיחוֹ עַל גַּבֵּי חֲבֵירוֹ וּשְׁכָחוֹ הַתַּחְתּוֹן שִׁכְחָה וְהָעֶלְיוֹן אֵינוֹ שִׁכְחָה רַבִּי שִׁמְעוֹן בֶּן יְהוּדָה אוֹמֵר מִשּׁוּם רַבִּי שִׁמְעוֹן שְׁנֵיהֶן אֵינָן שִׁכְחָה הַתַּחְתּוֹן מִפְּנֵי שֶׁהוּא טָמוּן וְהָעֶלְיוֹן מִפְּנֵי שֶׁהוּא צָף סַבְרוּהָ דְּהָנֵי תַּנָּאֵי כְּרַבִּי יְהוּדָה סְבִירָא לְהוּ דְּאָמַר בַּשָּׂדֶה פְּרָט לְטָמוּן
ceci posé, n’est-ce pas qu’ils sont en discussion sur ce second point : quand deux éléments de même nature sont l’un sur l’autre, Rabbi Chim‘on ben Yehouda tient que celui du dessous est considéré comme enfoui et que par conséquent la gerbe du dessous, dans notre cas, n’est pas considérée comme « oubliée », tandis que le Tana anonyme tient qu’il n’est pas considéré comme enfoui et que par conséquent la gerbe du dessous, dans notre cas, est considérée comme « oubliée » ? מַאי לָאו בְּהָא קָא מִיפַּלְגִי דְּמָר סָבַר מִין בְּמִינוֹ הָוֵי טָמוּן וּמָר סָבַר לָא הָוֵי טָמוּן
Non, répond la guemara, si les Tanaïm de cette baraïta partageaient l’avis de Rabbi Yehouda, ils conviendraient que dans le cas où deux éléments de même nature sont l’un sur l’autre, celui du dessous est considéré comme enfoui et la gerbe du dessous ne serait donc pas considérée comme « oubliée ». Mais ici, ils sont plutôt engagés dans la même controverse que Rabbi Yehouda et les Sages dans l’autre baraïta : les Sages – représentés par le Tana anonyme qui s’oppose à Rabbi Chim‘on ben Yehouda – pensent comme les Sages qui sont en contradiction avec Rabbi Yehouda et soutiennent que la loi des gerbes oubliées s’applique aussi à celles qui sont enfouies, tandis que Rabbi Chim‘on ben Yehouda pense comme Rabbi Yehouda que cette loi ne s’applique pas aux gerbes qui sont enfouies. לָא אִי כְּרַבִּי יְהוּדָה סְבִירָא לְהוּ דְּכוּלֵּי עָלְמָא מִין בְּמִינוֹ הָוֵי טָמוּן וְהָכָא בִּפְלוּגְתָּא דְּרַבִּי יְהוּדָה וְרַבָּנַן קָמִיפַּלְגִי דְּרַבָּנַן כְּרַבָּנַן וְרַבִּי שִׁמְעוֹן בֶּן יְהוּדָה כְּרַבִּי יְהוּדָה
S’il en est ainsi, objecte la guemara, pourquoi le Tana anonyme de la baraïta et Rabbi Chim‘on se sont-ils référés précisément au cas où une gerbe a été posée sur une autre ? Ils sont pourtant en discussion même si la gerbe du dessous est enfouie sous de la poussière ou des cailloux ! Effectivement, répond la guemara, et si on a cependant présenté leur débat dans le cas de deux gerbes posées l’une sur l’autre, c’est pour mettre en évidence l’idée-force de Rabbi Yehouda, à savoir qu’il enseigne que même dans le cas de deux éléments de même nature posés l’un sur l’autre, celui du dessous est considéré comme enfoui et que dans le cas de gerbes, celle du dessous n’est donc pas considérée comme oubliée. אִי הָכִי מַאי אִירְיָא עַל גַּבֵּי חֲבֵירוֹ אֲפִילּוּ בֶּעָפָר וּבִצְרוֹר נָמֵי אִין הָכִי נָמֵי וּלְהוֹדִיעֲךָ כֹּחוֹ דְּרַבִּי יְהוּדָה דְּאָמַר אֲפִילּוּ מִין בְּמִינוֹ הָוֵי טָמוּן
§ Une baraïta apporte des précisions sur les conditions du rituel de la génisse à la nuque brisée : d’après un premier Tana anonyme, l’Écriture prescrit ce rituel seulement si on trouve « un cadavre » victime d’un glaive ou d’un autre instrument contondant et non un asphyxié. En outre, la Tora se réfère à « un cadavre », donc à un corps inanimé et non à un corps qui est encore secoué par des convulsions. Le verset souligne aussi que le corps est trouvé « sur le sol » et non enfoui sous un tas de pierres ; « gisant » – et non pendu à un arbre ; « dans le champ » – et non flottant sur l’eau. Rabbi El‘azar enseigne : dans tous les cas où il y a un cadavre mort par le glaive, on brise la nuque de la génisse, c’est-à-dire qu’on procède au rituel même si la victime avait encore des convulsions quand on l’a découverte, même si elle flottait sur l’eau et même si elle était enfouie sous un tas de pierres ou pendue à un arbre. תָּנוּ רַבָּנַן חָלָל וְלֹא חָנוּק חָלָל וְלֹא מְפַרְפֵּר בָּאֲדָמָה וְלֹא טָמוּן בַּגַּל נֹפֵל וְלֹא תָּלוּי בָּאִילָן בַּשָּׂדֶה וְלֹא צָף עַל פְּנֵי הַמַּיִם רַבִּי אֶלְעָזָר אוֹמֵר בְּכוּלָּן אִם הָיָה חָלָל עוֹרְפִין

Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)

Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.

Une autre baraïta enseigne que « Rabbi Yossè bar Yehouda a rapporté que les Sages – représentés par le Tana anonyme de la baraïta précédente – demandèrent à Rabbi El‘azar : n’admets-tu pas que si la victime a été asphyxiée et abandonnée dans une poubelle, on ne brise pas la nuque », c’est-à-dire qu’on ne procède pas au rituel bien que la victime ne soit ni enfouie, ni pendue à un arbre, ni flottant sur l’eau ? Donc, tu conviens que l’Écriture se réfère uniquement à « un cadavre » victime d’un glaive et non à un asphyxié ; de même, tu dois donc convenir qu’il est écrit “sur le sol” – et non enfoui sous un tas de pierres ; qu’il est écrit “gisant” – et non pendu à un arbre ; et qu’il est écrit “dans un champ” – et non flottant sur l’eau ! Rabbi El‘azar considère néanmoins qu’il faut procéder au rituel également dans ces cas-là, et s’il exclut l’asphyxié, c’est parce qu’il est écrit plusieurs fois le mot « cadavre » (voir Deut. 21, 2–3 et 6) et qu’en hébreu le mot – ‘halal – évoque la victime d’une mort par le glaive. תַּנְיָא אָמַר רַבִּי יוֹסֵי בַּר יְהוּדָה אָמְרוּ לוֹ לְרַבִּי אֶלְעָזָר אִי אַתָּה מוֹדֶה שֶׁאִם הָיָה חָנוּק וּמוּטָל בָּאַשְׁפָּה שֶׁאֵין עוֹרְפִין אַלְמָא חָלָל וְלֹא חָנוּק הָכָא נָמֵי בָּאֲדָמָה וְלֹא טָמוּן בַּגַּל נֹפֵל וְלֹא תָּלוּי בָּאִילָן בַּשָּׂדֶה וְלֹא צָף עַל גַּבֵּי מַיִם וְרַבִּי אֶלְעָזָר חָלָל יַתִּירָא כְּתִיב
§ Retour à notre michna : « Si le cadavre a été trouvé près de la frontière ou près d’une ville à majorité païenne, on ne procède pas au rituel de la génisse à la nuque brisée. » En effet, explique la guemara, l’expression « si on trouve » (Deut. 21, 1) exclut les cas où le corps a été découvert dans des lieux où les meurtres sont fréquents (comme c’est le cas dans ces endroits). נִמְצָא סָמוּךְ לַסְּפָר אוֹ לְעִיר שֶׁרוּבָּהּ נׇכְרִים כּוּ׳ דִּכְתִיב כִּי יִמָּצֵא פְּרָט לְמָצוּי
D’après la suite de notre michna, si le meurtre a été perpétré près d’une ville sans tribunal, on ne procède pas non plus au rituel, puisque le rituel implique « les Anciens de la ville » et qu’il n’y en a pas. Enfin, notre michna enseigne : « On ne mesurait à partir du cadavre que la distance qui le séparait d’une ville où siégeait un tribunal. » Cette règle, interroge la guemara, n’est-elle pas évidente ? Puisqu’on a enseigné auparavant que « si la victime est trouvée près d’une ville sans tribunal », on ne procède pas au rituel, je sais déjà qu’on ne mesure que la distance séparant le corps d’une ville où siège un tribunal ! אוֹ לְעִיר שֶׁאֵין בָּהּ בֵּית דִּין דְּבָעֵינָא זִקְנֵי הָעִיר וְלֵיכָּא אֵין מוֹדְדִין אֶלָּא לְעִיר כּוּ׳ פְּשִׁיטָא כֵּיוָן דִּתְנָא לְעִיר שֶׁאֵין בָּהּ בֵּית דִּין אֲנָא יָדַעְנָא דְּאֵין מוֹדְדִין אֶלָּא לְעִיר שֶׁיֵּשׁ בָּהּ בֵּית דִּין
Réponse – L’auteur de la michna a voulu nous enseigner la règle explicitée dans cette baraïta : « D’où, c’est-à-dire de quel verset, déduisons-nous que si le corps a été trouvé près d’une ville sans tribunal, il faut en faire abstraction et mesurer la distance entre le corps et les villes avoisinantes pourvues d’un tribunal ? Du verset (Deut. 21, 3) : Et quand la ville la plus proche aura été déterminée, les Anciens de cette ville prendront une jeune vache. Au lieu d’écrire “ses Anciens prendront une jeune vache”, ce qui laissait déjà entendre qu’il s’agit des Anciens de la ville en question, la Tora a préféré répéter le mot ville en écrivant : “les Anciens de cette ville” – et de la répétition du mot “ville”, nous apprenons que si la ville la plus proche est dépourvue de tribunal, alors une autre ville, pourvue d’un tribunal, est déterminée de toute façon. » Sans la répétition du mot « ville », on aurait pensé que toute la procédure est annulée dans le cas où la ville la plus proche est dépourvue de tribunal. הָא קָא מַשְׁמַע לַן כִּדְתַנְיָא מִנַּיִן שֶׁאִם נִמְצָא סָמוּךְ לְעִיר שֶׁאֵין בָּהּ בֵּית דִּין שֶׁמַּנִּיחִין אוֹתָהּ וּמוֹדְדִין לְעִיר שֶׁיֵּשׁ בָּהּ בֵּית דִּין תַּלְמוּד לוֹמַר וְלָקְחוּ זִקְנֵי הָעִיר הָהִיא מִכׇּל מָקוֹם
MICHNA Selon Rabbi Eli‘ézer, si la victime se trouve exactement entre deux villes, chacune doit apporter une génisse et procéder au rituel. D’après l’auteur anonyme de notre michna, si un cadavre a été trouvé à proximité de Jérusalem, on ne procède pas au rituel de la génisse à la nuque brisée. Si la tête de la victime se trouve dans un endroit et le reste du corps se trouve dans un autre endroit, Rabbi Eli‘ézer prescrit de transporter la tête auprès du corps. Rabbi ‘Akiba, lui, recommande de transporter le corps auprès de la tête. Depuis quelle partie du corps doit-on mesurer la distance qui le sépare des villes avoisinantes ? Selon Rabbi Eli‘ézer, à partir du nombril ; selon Rabbi ‘Akiba, à partir du nez ; selon Rabbi Eli‘ézer ben Ya‘acov, à partir de l’endroit où la victime devient un « cadavre » [‘halal], c’est-à-dire à partir de son cou – comme il sera expliqué dans la guemara. מַתְנִי׳ נִמְצָא מְכֻוּוֹן בֵּין שְׁתֵּי עֲיָירוֹת שְׁתֵּיהֶן מְבִיאוֹת שְׁתֵּי עֲגָלוֹת דִּבְרֵי רַבִּי אֱלִיעֶזֶר וְאֵין יְרוּשָׁלָיִם מְבִיאָה עֶגְלָה עֲרוּפָה נִמְצָא רֹאשׁוֹ בְּמָקוֹם אֶחָד וְגוּפוֹ בְּמָקוֹם אַחֵר מוֹלִיכִין הָרֹאשׁ אֵצֶל הַגּוּף דִּבְרֵי רַבִּי אֱלִיעֶזֶר רַבִּי עֲקִיבָא אוֹמֵר הַגּוּף אֵצֶל הָרֹאשׁ מֵאַיִן הָיוּ מוֹדְדִין רַבִּי אֱלִיעֶזֶר אוֹמֵר מִטִּיבּוּרוֹ רַבִּי עֲקִיבָא אוֹמֵר מֵחוֹטְמוֹ רַבִּי אֱלִיעֶזֶר בֶּן יַעֲקֹב אוֹמֵר מִמָּקוֹם שֶׁנַּעֲשֶׂה חָלָל מִצַּוָּארוֹ
GUEMARA Quelle est la raison de Rabbi Eli‘ézer qui demande d’apporter deux génisses quand le corps se trouve à équidistance de deux villes ? Il pense que les mesures peuvent être effectuées avec une précision infinitésimale. Les deux villes étant réellement à équidistance du cadavre, chacune doit donc apporter une génisse. Car Rabbi Eli‘ézer comprend de l’Écriture que chaque ville « proche » du cadavre est tenue de procéder au rituel même si deux villes sont aussi « proches » l’une que l’autre – le singulier acquérant ici le sens d’un collectif (voir Jon. 4, 11). En revanche, si Rabbi Eli‘ézer avait considéré que les mesures n’étaient pas absolument précises, il en aurait déduit que l’une des deux villes est plus proche que l’autre – sans qu’on puisse savoir laquelle – et il en aurait conclu que dans ce cas il revient aux autorités des deux villes d’apporter ensemble – dans le doute – une seule et même génisse. גְּמָ׳ מַאי טַעְמָא דְּרַבִּי אֱלִיעֶזֶר קָסָבַר אֶפְשָׁר לְצַמְצֵם וּקְרוֹבָה וַאֲפִילּוּ קְרוֹבוֹת
D’après notre michna, « quand un corps a été trouvé à proximité de Jérusalem, on ne procède pas au rituel de la génisse à la nuque brisée. » En effet, explique la guemara, il est écrit (Deut. 21, 1) : « Si on trouve un cadavre sur le sol que l’Éternel ton Dieu te donne en possession » ; or l’auteur anonyme de notre michna tient que la ville de Jérusalem n’a pas été partagée entre les tribus, c’est-à-dire qu’elle est restée la propriété indivise de toutes les tribus d’Israël. וְאֵין יְרוּשָׁלָיִם מְבִיאָה עֶגְלָה עֲרוּפָה דְּאָמַר קְרָא לְרִשְׁתָּהּ וְקָסָבַר יְרוּשָׁלַיִם לֹא נִתְחַלְּקָה לִשְׁבָטִים
§ La michna enseigne que selon Rabbi Eli‘ézer, si « la tête de la victime se trouve dans un endroit et le reste du corps dans un autre, on transporte la tête près du corps ; Rabbi ‘Akiba, lui, recommande de rapprocher le corps de la tête. » Sur quoi porte leur discussion, interroge la guemara ? Si tu dis que c’est sur la mesure que porte leur discussion, à savoir sur la partie du corps – la tête ou le reste du corps – d’où il faut déterminer la ville la plus proche, alors tu t’exposes à l’objection suivante : puisque la michna demande par la suite « Depuis quelle partie du corps mesure-t-on la distance entre le cadavre et les villes avoisinantes ? », et qu’elle cite à ce sujet une autre discussion entre Rabbi Eli‘ézer et Rabbi ‘Akiba, il s’ensuit que le début de la michna ne porte pas sur la mesure ! Rabbi Yits‘hak explique : leur discussion a trait à la règle prescrite par Josué lors du partage de la Terre promise entre les tribus (voir Baba Kama 81a), selon laquelle un mort à l’abandon a pour ainsi dire acquis l’endroit où il se trouve, de sorte qu’il faut l’enterrer sur place – fût-ce dans une propriété privée (‘Erouvin 17a). נִמְצָא רֹאשׁוֹ בְּמָקוֹם כּוּ׳ בְּמַאי קָמִיפַּלְגִי אִילֵּימָא לְעִנְיַן מְדִידָה קָמִיפַּלְגִי הָא מִדְּקָתָנֵי סֵיפָא מֵאַיִן הָיוּ מוֹדְדִין מִכְּלָל דְּרֵישָׁא לָא בִּמְדִידָה עָסְקִינַן אָמַר רַבִּי יִצְחָק בְּמֵת מִצְוָה קָנָה מְקוֹמוֹ קָמִיפַּלְגִי
Et voici ce que l’auteur de notre michna a voulu dire : la victime doit être enterrée là où elle a été découverte, car son emplacement lui est acquis. Et quand la tête se trouve à un endroit et le reste du corps à un autre endroit, Rabbi Eli‘ézer prescrit de transporter la tête auprès du corps et de les enterrer là, tandis que Rabbi ‘Akiba recommande de transporter le corps auprès de la tête et de procéder en ce lieu à l’inhumation. La guemara demande : quel est le fond de leur discussion ? Réponse : Rabbi Eli‘ézer considère qu’au moment du coup le corps est tombé à l’endroit où il a été retrouvé et la tête a roulé plus loin, et Rabbi ‘Akiba, à l’inverse, considère que la tête s’est immobilisée là où elle est tombée, tandis que le corps a poursuivi plus loin sa chute. וְהָכִי קָאָמַר לְקוֹבְרוֹ קָנָה מְקוֹמוֹ וְהֵיכָא דְּנִמְצָא רֹאשׁוֹ בְּמָקוֹם אֶחָד וְגוּפוֹ בְּמָקוֹם אַחֵר מוֹלִיכִין הָרֹאשׁ אֵצֶל הַגּוּף דִּבְרֵי רַבִּי אֱלִיעֶזֶר רַבִּי עֲקִיבָא אוֹמֵר הַגּוּף אֵצֶל הָרֹאשׁ בְּמַאי קָמִיפַּלְגִי מָר סָבַר גּוּפֵיהּ בְּדוּכְתֵּיהּ נָפֵיל רֵישָׁא דְּנָאדֵי וְנָפֵיל וּמָר סָבַר רֵישָׁא הֵיכָא דְּנָפֵיל נָפֵיל גּוּפָא הוּא דְּרָהֵיט אָזֵיל
§ Suite de la michna : « Depuis quelle partie du corps doit-on mesurer la distance qui le sépare des villes avoisinantes ? Selon Rabbi Eli‘ézer, à partir du nombril ; selon Rabbi ‘Akiba, à partir du nez. » Quel est le fond de leur discussion ? Rabbi ‘Akiba pense que le principe de la vie se loge dans le nez, et que c’est donc l’organe auquel s’applique en premier lieu le terme de « cadavre » [‘halal] employé par l’Écriture. Et Rabbi Eli‘ézer, lui, pense que le principe de la vie se loge dans le nombril. מֵאַיִן הָיוּ מוֹדְדִין בְּמַאי קָמִיפַּלְגִי מָר סָבַר עִיקַּר חִיּוּתָא בְּאַפֵּיהּ וּמָר סָבַר עִיקַּר חִיּוּתָא בְּטִיבּוּרֵיהּ
De prime abord, si on suppose que l’organe principal de la vie est formé en premier, Rabbi Eli‘ézer et Rabbi ‘Akiba sont engagés dans la même discussion que les Tanaïm cités dans la baraïta suivante : « Depuis quelle partie du corps un embryon se développe-t-il ? Selon un premier Tana anonyme, il se développe à partir de la tête, la première partie du corps à prendre forme. Et ainsi dit le verset (Ps. 71, 6) : “Depuis les entrailles de ma mère, Tu [as formé d’abord] gozi.” Et le mot gozi évoque la tête, puisqu’il est dit (Jér. 7, 29) : “Arrache [gozi] les cheveux de ta tête et mets[-la] à nu . . .” Aba Chaoul, lui, affirme que l’embryon se développe à partir de son nombril, d’où il tire sa subsistance et qui produit des ramifications çà et là. » לֵימָא כִּי הָנֵי תַּנָּאֵי מֵהֵיכָן הַוָּלָד נוֹצָר מֵרֹאשׁוֹ וְכֵן הוּא אוֹמֵר מִמְּעֵי אִמִּי אַתָּה גוֹזִי וְאוֹמֵר גׇּזִּי נִזְרֵךְ וְהַשְׁלִיכִי וְגוֹ׳ אַבָּא שָׁאוּל אוֹמֵר מִטִּיבּוּרוֹ וּמְשַׁלֵּחַ שׇׁרְשׁוֹ אֵילָךְ
En réalité, poursuit la guemara, Aba Chaoul peut aussi bien partager l’avis de Rabbi ‘Akiba, car jusqu’ici Aba Chaoul a seulement évoqué la formation de l’embryon et affirmé qu’elle se développe à partir du milieu du corps, mais au sujet du principe de la vie, et non de la formation de l’embryon, tout le monde conviendrait que sa localisation est dans le nez, puisqu’il est écrit (Gen. 7, 22) : « Tout ce qui était animé d’un souffle de vie dans ses narines . . . » אֲפִילּוּ תֵּימָא אַבָּא שָׁאוּל עַד כָּאן לָא קָאָמַר אַבָּא שָׁאוּל אֶלָּא לְעִנְיַן יְצִירָה דְּכִי מִיתְּצַר וְלָד מִמְּצִיעֲתֵיהּ מִיתְּצַר אֲבָל לְעִנְיַן חִיּוּתָא דְּכוּלֵּי עָלְמָא בְּאַפֵּיהּ הוּא דִּכְתִיב כׇּל אֲשֶׁר נִשְׁמַת רוּחַ חַיִּים בְּאַפָּיו וְגוֹ׳
Suite de la michna : « Selon Rabbi Eli‘ézer ben Ya‘acov, il faut mesurer à partir de l’endroit où la victime devient un “cadavre” [‘halal], c’est-à-dire à partir de son cou. » Quelle est la raison de Rabbi Eli‘ézer ben Ya‘acov ? Réponse – Il apprend du verset (Ez. 21, 34) : « Tandis qu’on t’adresse des prophéties vaines et des oracles de mensonge, on te pose sur le cou des cadavres des méchants dont le jour est venu. » De la juxtaposition des mots « cou » et « cadavres » dans ce verset, Rabbi Eli‘ézer ben Ya‘acov apprend que c’est au niveau du cou qu’intervient la transformation d’un corps vivant en cadavre, raison pour laquelle c’est à partir du cou du cadavre qu’on procède à la mesure de la ville la plus proche. רַבִּי אֱלִיעֶזֶר בֶּן יַעֲקֹב אוֹמֵר מִמָּקוֹם שֶׁנַּעֲשֶׂה חָלָל מִצַּוָּארוֹ מַאי טַעְמָא דְּרַבִּי אֱלִיעֶזֶר בֶּן יַעֲקֹב כְּדִכְתִיב לָתֵת אוֹתָךְ אֶל צַוְּארֵי חַלְלֵי רְשָׁעִים
MICHNA Après le départ des Anciens de Jérusalem (les membres du Sanhédrin) ayant effectué les mesures nécessaires et déterminé la ville la plus proche, les Anciens (les juges) de cette ville apportent une génisse n’ayant pas encore porté le joug. Un défaut ne la rend pas impropre au rituel. On la fait descendre dans une vallée dont le sol est eitan – « eitan », au sens littéral, signifie « dur » –, mais a posteriori, même si le sol n’est pas dur [eitan], le rite est valable. On brise la nuque de la génisse par derrière, à l’aide d’un couperet. Il est interdit d’ensemencer et de travailler le sol où a été effectué le rituel, mais il est permis de se livrer à des activités qui ne sont pas agricoles comme carder du lin et tailler des pierres. מַתְנִי׳ נִפְטְרוּ זִקְנֵי יְרוּשָׁלָיִם וְהָלְכוּ לָהֶן זִקְנֵי אוֹתָהּ הָעִיר מְבִיאִין עֶגְלַת בָּקָר אֲשֶׁר לֹא מָשְׁכָה בְּעוֹל וְאֵין הַמּוּם פּוֹסֵל בָּהּ וּמוֹרִידִין אוֹתָהּ לְנַחַל אֵיתָן אֵיתָן כְּמַשְׁמָעוֹ קָשֶׁה אַף עַל פִּי שֶׁאֵינוֹ אֵיתָן כָּשֵׁר וְעוֹרְפִין אוֹתָהּ בְּקוֹפִיץ מֵאֲחוֹרֶיהָ וּמְקוֹמָהּ אָסוּר מִלִּזְרוֹעַ וּמִלַּעֲבוֹד וּמוּתָּר לִסְרוֹק שָׁם פִּשְׁתָּן וּלְנַקֵּר שָׁם אֲבָנִים
Les Anciens de cette ville se lavent les mains dans l’eau, à l’endroit où on a brisé le cou de la génisse, et ils proclament : « Nos mains n’ont pas versé ce sang et nos yeux n’ont pas vu » (Deut. 21, 7). Pourquoi font-ils cette déclaration ? Nous viendrait-il à l’esprit de soupçonner les Anciens, membres du tribunal, d’avoir versé le sang ? Bien sûr que non ! C’est donc qu’il faut comprendre ainsi la formule prononcée : on pourrait imaginer que la victime a été tuée en plein champ parce que, démunie de tout, elle en était réduite à recourir au brigandage ; aussi, les juges se disculpent en déclarant – « Nos mains n’ont pas versé ce sang » – et ils veulent signifier par là que si la personne retrouvée morte était venue chez nous, nous ne l’aurions pas renvoyée (sans nourriture) ; et ils ajoutent – « et nos yeux n’ont pas vu » ce qui signifie que si nous l’avions vue partir, nous ne l’aurions pas laissée seule (sans escorte). זִקְנֵי אוֹתָהּ הָעִיר רוֹחֲצִין אֶת יְדֵיהֶן בַּמַּיִם בִּמְקוֹם עֲרִיפָה שֶׁל עֶגְלָה וְאוֹמְרִים יָדֵינוּ לֹא שָׁפְכוּ אֶת הַדָּם הַזֶּה וְעֵינֵינוּ לֹא רָאוּ וְכִי עַל דַּעְתֵּינוּ עָלְתָה שֶׁזִּקְנֵי בֵּית דִּין שׁוֹפְכֵי דָּמִים הֵן אֶלָּא שֶׁלֹּא בָּא עַל יָדֵינוּ וּפְטַרְנוּהוּ (בְּלֹא מָזוֹן) וְלֹא רְאִינוּהוּ וְהִנַּחְנוּהוּ (בְּלֹא לְוָיָיה)