CHAPITRE 5
MICHNA
La femme infidèle n’est pas la seule à recevoir un châtiment, en effet de même que les eaux amères examinent la femme et si elle est convaincue d’adultère, se voit frapper à mort, le mari, lui aussi, subit le même sort. Cette règle se déduit de l’emploi répété de la formule « et les eaux amères entreront » (Nbres 5, 22, 24 et 27) – comme expliqué dans la guemara.
כְּשֵׁם שֶׁהַמַּיִם בּוֹדְקִין אוֹתָהּ כָּךְ הַמַּיִם בּוֹדְקִין אוֹתוֹ שֶׁנֶּאֱמַר וּבָאוּ וּבָאוּ
En outre, de même qu’une femme reconnue coupable d’adultère sur ses propres aveux ou par un témoignage en bonne et due forme est interdite à jamais à son mari, elle l’est aussi à son amant. En effet, dans le chapitre 5, on trouve à plusieurs reprises la formule « elle s’est souillée » [nitmaa], mais au verset 29, il est dit : « et elle s’est souillée » [ve-nitmaa] ; le vav du dernier verset, apparemment superflu, vient enseigner que la femme adultère est « souillée » aussi pour son amant. Ces deux enseignements ont pour auteur Rabbi ‘Akiba. כְּשֵׁם שֶׁאֲסוּרָה לַבַּעַל כָּךְ אֲסוּרָה לַבּוֹעֵל שֶׁנֶּאֱמַר נִטְמָאָה וְנִטְמָאָה דִּבְרֵי רַבִּי עֲקִיבָא
Concernant le deuxième enseignement, Rabbi Yehochoua atteste que Zekharya ben ha-Katsav avait fait la même déduction. En revanche, poursuit l’auteur de la michna, à une génération ultérieure, Rabbi Yehouda ha-Nassi, déniant toute signification exégétique au vav préfixé, a déclaré : à propos de la femme adultère, la Tora emploie à deux reprises la formule « elle s’est souillée », une fois pour l’interdire à son mari, et une seconde fois pour l’interdire à son amant. אָמַר רַבִּי יְהוֹשֻׁעַ כָּךְ הָיָה דּוֹרֵשׁ זְכַרְיָה בֶּן הַקַּצָּב רַבִּי אוֹמֵר שְׁנֵי פְּעָמִים הָאֲמוּרִים בַּפָּרָשָׁה נִטְמָאָה וְנִטְמָאָה אֶחָד לַבַּעַל וְאֶחָד לַבּוֹעֵל
§ Voici à présent d’autres interprétations exégétiques données par Rabbi ‘Akiba le jour où Rabbi El‘azar ben ‘Azarya fut nommé Nassi à la place de Rabban Gamliel (voir Berakhot 28a). D’après la loi biblique, tout ce qui entre en contact avec le cadavre de l’un des huit reptiles ou rongeurs énumérés dans le Lévitique (11, 29–30) – ayant le statut de av ha-touma, « le père » ou « principale source » de l’impureté – devient impur au premier degré. Puis il est écrit (v. 33) : « Et [tout] ustensile en argile à l’intérieur duquel tomberait [l’un] d’eux, tout ce qui est à l’intérieur sera impur. » L’ustensile en argile, devenu impur au premier degré par la pénétration du reptile ou du rongeur à l’intérieur, rend son contenu impur au second degré. À ce propos, Rabbi ‘Akiba explique : au lieu de dire « tout ce qui est à l’intérieur est impur », la Tora emploie le futur « sera impur » [yitma]. Le texte biblique n’étant pas vocalisé, le verbe yitma peut se lire yetamè, « rendra impur » . . . un autre élément. On peut en conclure qu’un pain impur au second degré rend impur ce qui le touche, au troisième degré. בּוֹ בַּיּוֹם דָּרַשׁ רַבִּי עֲקִיבָא וּכְלִי חֶרֶשׂ אֲשֶׁר יִפֹּל מֵהֶם אֶל תּוֹכוֹ כֹּל אֲשֶׁר בְּתוֹכוֹ יִטְמָא אֵינוֹ אוֹמֵר טָמֵא אֶלָּא יִטְמָא לְטַמֵּא אֲחֵרִים לִמֵּד עַל כִּכָּר שֵׁנִי שֶׁמְּטַמֵּא אֶת הַשְּׁלִישִׁי
En entendant cette interprétation de Rabbi ‘Akiba, Rabbi Yehochoua s’est exclamé : qui dégagera la poussière de tes yeux, Rabban Yo‘hanan ben Zacaï ? Autrement dit, puisses-tu revivre et entendre cet enseignement énoncé après ta mort. À ton époque, on déduisait par un raisonnement a fortiori qu’un aliment prélevé au titre de la terouma pouvait devenir impur au troisième degré et tu affirmais qu’une génération à venir allait déclarer qu’un pain, même s’il a le caractère de terouma, ne saurait devenir impur au troisième degré, car ce degré d’impureté n’est évoqué nulle part dans l’Écriture. Et voici que Rabbi ‘Akiba, ton « disciple », a trouvé dans le verset : « tout ce qui est à l’intérieur sera impur » une allusion suggérant que même un aliment profane peut atteindre ce degré d’impureté. אָמַר רַבִּי יְהוֹשֻׁעַ מִי יְגַלֶּה עָפָר מֵעֵינֶיךָ רַבָּן יוֹחָנָן בֶּן זַכַּאי שֶׁהָיִיתָ אוֹמֵר עָתִיד דּוֹר אַחֵר לְטַהֵר כִּכָּר שְׁלִישִׁי שֶׁאֵין לוֹ מִקְרָא מִן הַתּוֹרָה שֶׁהוּא טָמֵא וַהֲלֹא רַבִּי עֲקִיבָא תַּלְמִידְךָ מֵבִיא לוֹ מִקְרָא מִן הַתּוֹרָה שֶׁהוּא טָמֵא שֶׁנֶּאֱמַר כׇּל אֲשֶׁר בְּתוֹכוֹ יִטְמָא

Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)

Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.

En ce même jour, poursuit la michna, Rabbi ‘Akiba expliqua un autre passage biblique. La Tora (Nbres 35, 2) recommande d’attribuer aux Lévites des villes d’Erets-Israël avec « un terrain » vague tout autour. Au verset 5, il est écrit : « Vous mesurerez à l’extérieur de la ville, du côté de l’est, deux mille coudées, du côté du sud, deux mille coudées, du côté de l’ouest, deux mille coudées, du côté du nord, deux mille coudées et la ville au milieu ; ce sera pour eux les terrains des villes. » Or au verset précédent, il est dit : « Les terrains que vous donnerez aux Lévites, depuis le mur de la ville à l’extérieur, mille coudées alentour. » בּוֹ בַּיּוֹם דָּרַשׁ רַבִּי עֲקִיבָא וּמַדֹּתֶם מִחוּץ לָעִיר אֶת פְּאַת קֵדְמָה אַלְפַּיִם בָּאַמָּה וְגוֹ׳ וּמִקְרָא אַחֵר אֹמֵר מִקִּיר הָעִיר וָחוּצָה אֶלֶף אַמָּה סָבִיב
Ces deux versets posent un problème. Il est impossible d’attribuer aux Lévites un terrain de mille coudées autour de leurs villes, puisque le verset 5 mentionne deux mille coudées. Et il est impossible de leur accorder un terrain de deux mille coudées, car le verset 4 leur fixe une étendue de mille coudées. Comment résoudre cette contradiction ? En fait, déclare Rabbi ‘Akiba, ils n’ont droit qu’à mille coudées de terrain vague, sans constructions ni cultures, pour ne pas nuire au paysage – comme indiqué au verset 4 ; quant aux deux mille coudées évoquées dans le verset 5, elles ne font pas partie du lot attribué aux Lévites ; elles définissent la distance maximale [te‘houm] qu’il est permis de parcourir le Chabat à partir de la ville. אִי אֶפְשָׁר לוֹמַר אֶלֶף אַמָּה שֶׁכְּבָר נֶאֱמַר אַלְפַּיִם אַמָּה וְאִי אֶפְשָׁר לוֹמַר אַלְפַּיִם אַמָּה שֶׁכְּבָר נֶאֱמַר אֶלֶף אַמָּה הָא כֵּיצַד אֶלֶף אַמָּה מִגְרָשׁ וְאַלְפַּיִם אַמָּה תְּחוּם הַשַּׁבָּת
Selon Rabbi Eli‘ézer fils de Rabbi Yossè le Galiléen, les Lévites ont droit, autour de leurs villes, à mille coudées de terrain vague comme indiqué au verset 4 ; au verset 5, la Tora mentionne deux mille coudées pour leur octroyer aussi un espace réservé aux champs et aux vignes. רַבִּי אֱלִיעֶזֶר בְּנוֹ שֶׁל רַבִּי יוֹסֵי הַגְּלִילִי אוֹמֵר אֶלֶף אַמָּה מִגְרָשׁ וְאַלְפַּיִם אַמָּה שָׂדוֹת וּכְרָמִים
En ce même jour, Rabbi ‘Akiba expliqua un mot du verset (Ex. 15, 1) : « Alors Moïse chanta avec les Enfants d’Israël ce cantique pour l’Éternel et ils parlèrent pour dire [lèmor] [ceci]. » Dans le texte biblique, il est écrit à maintes reprises : « L’Éternel parla à Moïse pour dire », ce qui signifie « pour dire aux Hébreux cette parole ». Mais ici cette explication ne convient pas, de sorte que l’expression « pour dire » n’a – apparemment – aucun sens. En réalité, quelle est sa signification ? Elle laisse entendre qu’après chaque phrase chantée par Moïse, les Enfants d’Israël répétaient le même refrain (« Je chanterai pour l’Éternel, car Il est souverainement puissant »), comme pour la lecture publique du Hallel (récitation de certains Psaumes lors des fêtes et à Roch ‘Hodech), où l’assemblée répond à l’officiant. בּוֹ בַּיּוֹם דָּרַשׁ רַבִּי עֲקִיבָא אָז יָשִׁיר מֹשֶׁה וּבְנֵי יִשְׂרָאֵל אֶת הַשִּׁירָה הַזֹּאת לַה׳ וַיֹּאמְרוּ לֵאמֹר שֶׁאֵין תַּלְמוּד לוֹמַר לֵאמֹר וּמָה תַּלְמוּד לוֹמַר לֵאמֹר מְלַמֵּד שֶׁהָיוּ יִשְׂרָאֵל עוֹנִין שִׁירָה אַחֲרָיו שֶׁל מֹשֶׁה עַל כׇּל דָּבָר וְדָבָר כְּקוֹרְאִין אֶת [הַ]הַלֵּל (אָשִׁירָה לַה׳ כִּי גָאֹה גָּאָה) לְכָךְ נֶאֱמַר לֵאמֹר
Selon Rabbi Ne‘hémya, le Cantique de la mer a été chanté simultanément par Moïse et le peuple d’Israël comme le Chema est lu en public (voir en 30b) – et non comme la récitation du Hallel. רַבִּי נְחֶמְיָה אוֹמֵר כְּקוֹרִין אֶת שְׁמַע וְלֹא כְּקוֹרִין אֶת [הַ]הַלֵּל
En ce même jour, Rabbi Yehochoua ben Hourkenos expliqua – Job n’a servi le Saint béni soit-Il que par amour, car il est dit (Job 13, 15) : « Qu’Il me fasse périr, j’espérerai en Lui [lo aya‘hel]. » Cependant, ce verset reste ambigu. En effet la Massora préconise de lire lo comme s’il était écrit avec un vav – Lui ; d’un autre côté, lo, écrit avec un alef, est un terme de négation. On peut donc comprendre : j’espérerai en Lui, ou à l’inverse – je n’espérerai pas (en Lui). C’est pourquoi il est écrit (ibid. 27, 5) : « jusqu’à ce que j’expire, je ne m’écarterai pas de mon intégrité », révélant qu’il a agi par amour. בּוֹ בַּיּוֹם דָּרַשׁ רַבִּי יְהוֹשֻׁעַ בֶּן הוּרְקָנוֹס לֹא עָבַד אִיּוֹב אֶת הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא אֶלָּא מֵאַהֲבָה שֶׁנֶּאֱמַר הֵן יִקְטְלֵנִי לוֹ אֲיַחֵל וַעֲדַיִין הַדָּבָר שָׁקוּל לוֹ אֲנִי מְצַפֶּה אוֹ אֵינִי מְצַפֶּה תַּלְמוּד לוֹמַר עַד אֶגְוָע לֹא אָסִיר תֻּמָּתִי מִמֶּנִּי מְלַמֵּד שֶׁמֵּאַהֲבָה עָשָׂה
À ces propos, Rabbi Yehochoua ben ‘Hananya s’exclama : Qui dégagera la poussière de tes yeux, Rabban Yo‘hanan ben Zacaï ? Tout au long de ton existence, tu répétais que Job n’a servi l’Omniprésent que par crainte du châtiment, car il est dit (ibid. 1, 1) : « Un homme . . . intègre, droit, craignant Dieu et s’écartant du mal. » Et voici que Rabbi Yehochoua ben Hourkenos, disciple de Rabbi ‘Akiba, ton disciple, a enseigné qu’il a agi par amour. אָמַר רַבִּי יְהוֹשֻׁעַ מִי יְגַלֶּה עָפָר מֵעֵינֶיךָ רַבָּן יוֹחָנָן בֶּן זַכַּאי שֶׁהָיִיתָ דּוֹרֵשׁ כׇּל יָמֶיךָ שֶׁלֹּא עָבַד אִיּוֹב אֶת הַמָּקוֹם אֶלָּא מִיִּרְאָה שֶׁנֶּאֱמַר אִישׁ תָּם וְיָשָׁר יְרֵא אֱלֹהִים וְסָר מֵרָע וַהֲלֹא יְהוֹשֻׁעַ תַּלְמִיד תַּלְמִידְךָ לִמֵּד שֶׁמֵּאַהֲבָה עָשָׂה
GUEMARA D’après la michna, « De même qu’elle (la femme infidèle) est convaincue d’adultère en se trouvant frappée à mort par les eaux amères, l’homme subit, lui aussi, le même sort. » Qui est cet homme ? Le mari ? Qu’a-t-il fait pour mériter ce châtiment ? Le Tana prétendrait-il גְּמָ׳ אוֹתוֹ לְמַאן אִילֵימָא לְבַעַל בַּעַל מַאי עָבֵיד וְכִי תֵּימָא