Quand une femme enceinte ou qui allaite un enfant d’un premier mari s’est remariée de façon illicite avec un second mari, si elle s’est isolée avec l’amant présumé malgré la mise en garde de son second mari, elle ne peut être soumise à l’épreuve des eaux amères et doit être répudiée sans indemnité de rupture.
מְעוּבֶּרֶת חֲבֵירוֹ וּמֵינֶקֶת חֲבֵירוֹ לֹא שׁוֹתוֹת וְלֹא נוֹטְלוֹת כְּתוּבָה דִּבְרֵי רַבִּי מֵאִיר
En effet, Rabbi Mèir déclarait : suivant une ordonnance rabbinique, un homme n’a pas le droit d’épouser une femme enceinte ou qui allaite un enfant d’un mari antérieur. En cas d’infraction à cette règle, le second mari est pénalisé et doit la répudier sans pouvoir jamais la reprendre comme femme. Les autres Sages conviennent qu’il est tenu de la répudier, mais lui permettent de se remarier avec elle après le délai réglementaire.
שֶׁהָיָה רַבִּי מֵאִיר אוֹמֵר לֹא יִשָּׂא אָדָם מְעוּבֶּרֶת חֲבֵירוֹ וּמֵינֶקֶת חֲבֵירוֹ וְאִם נָשָׂא יוֹצִיא וְלֹא יַחְזִיר עוֹלָמִית וַחֲכָמִים אוֹמְרִים יוֹצִיא וּכְשֶׁיַּגִּיעַ זְמַנּוֹ לִכְנוֹס יִכְנוֹס
Selon un Tana anonyme, quand un jeune homme a épousé une femme stérile ou ménopausée, et qu’il n’avait pas avant ce mariage une autre femme féconde ou des enfants, la femme ne peut être soumise à l’épreuve des eaux amères, elle doit être répudiée et ne reçoit pas l’indemnité de rupture prévue par la ketouba. Rabbi El‘azar, lui, autorise l’épreuve des eaux amères, puisque cette union n’est pas absolument interdite : il lui suffit de prendre une seconde épouse pour s’acquitter de son devoir de procréation.
וְהָרוֹבֶא שֶׁנָּשָׂא עֲקָרָה וּזְקֵינָה וְאֵין לוֹ אִשָּׁה וּבָנִים מֵעִיקָּרָא לֹא שׁוֹתָה וְלֹא נוֹטֶלֶת כְּתוּבָּה רַבִּי אֶלְעָזָר אוֹמֵר יָכוֹל הוּא לִישָּׂא אַחֶרֶת וְלִפְרוֹת וְלִרְבּוֹת הֵימֶנָּה
En revanche, quand une femme liée par des engagements matrimoniaux ou attendant le mariage par lévirat a été mise en garde par son futur époux, puis s’est isolée avec l’amant présumé après la consommation du mariage, elle peut soit boire les eaux amères pour prouver son innocence soit divorcer sans ketouba. Il en va ainsi pour une femme qui attend un enfant ou qui allaite un enfant de ce même mari qui la soupçonne – si elle a contrevenu à sa mise en garde.
Il en va de même, poursuit Rabbi El‘azar, pour l’épouse stérile ou ménopausée d’un adolescent s’il est marié simultanément à une femme féconde ou s’il a des enfants,
אֲבָל הַמְקַנֵּא לַאֲרוּסָתוֹ וּלְשׁוֹמֶרֶת יָבָם שֶׁלּוֹ וּמִשֶּׁכְּנָסָהּ נִסְתְּרָה אוֹ שׁוֹתָה אוֹ לֹא נוֹטֶלֶת כְּתוּבָּה מְעוּבֶּרֶת וּמֵינֶקֶת עַצְמוֹ אוֹ שׁוֹתָה אוֹ לֹא נוֹטֶלֶת כְּתוּבָּתָהּ הָרוֹבֶא שֶׁנָּשָׂא עֲקָרָה וּזְקֵינָה וְיֵשׁ לוֹ אִשָּׁה וּבָנִים אוֹ שׁוֹתָה אוֹ לֹא נוֹטֶלֶת כְּתוּבָּה
ainsi que pour une femme qui a épousé licitement un mamzer – homme né d’une relation adultère ou incestueuse ou dont l’un des parents est mamzer – pour la femme qui a épousé licitement un Gabaonite, pour la femme d’un prosélyte ou d’un esclave affranchi devenu, lui aussi, un Juif à part entière, et pour celle dont les attributs sexuels ne sont pas développés [aylonit] : elles peuvent soit boire les eaux amères pour prouver leur innocence soit divorcer sans ketouba. » Il ressort de cette baraïta que le débat entre Rabbi El‘azar et les autres Sages porte aussi sur cette dernière [la aylonit] – contrairement à l’affirmation de Rav Na‘hman au nom de Raba bar Avouh !
אֵשֶׁת מַמְזֵר לְמַמְזֵר וְאֵשֶׁת נָתִין לְנָתִין וְאֵשֶׁת גֵּר וְעֶבֶד מְשׁוּחְרָר וְאַיְילוֹנִית אוֹ שׁוֹתָה אוֹ לֹא נוֹטֶלֶת כְּתוּבָּה קָתָנֵי מִיהָא אַיְילוֹנִית תְּיוּבְתֵּיהּ דְּרַב נַחְמָן
Le Talmud Steinsaltz (Steinsaltz Center)
Traduit paragraphe par paragraphe; commenté par le Rabbin Adin Even-Israël Steinsaltz.
Rav Na‘hman te répondra – Des Tanaïm sont divisés sur l’avis de Rabbi El‘azar. D’après l’auteur de la baraïta rapportée ci-dessus, Rabbi El‘azar s’oppose aussi à ses collègues à propos de la aylonit. Mais moi j’ai suivi le Tana de cette autre baraïta : « Selon Rabbi Chim‘on ben El‘azar, une aylonit soupçonnée d’adultère ne peut boire les eaux amères et doit être répudiée sans recevoir l’indemnité prévue par la ketouba. En effet, la formule “elle sera innocentée et deviendra féconde” (Nbres 5, 28) laisse entendre que l’épreuve est seulement imposée à celle qui, par nature, a la capacité d’enfanter, contrairement à une aylonit. » Puisque ce Tana ne parle pas de la femme stérile ou ménopausée et exclut la aylonit uniquement à cause de la formule « elle sera innocentée et deviendra féconde » et non en raison du caractère illicite du mariage, il suit manifestement l’avis de Rabbi El‘azar qui permet de soumettre les deux premières à l’épreuve des eaux amères. Néanmoins, il soutient que Rabbi El‘azar ne s’oppose pas à ses collègues à propos de la aylonit.
אָמַר לְךָ רַב נַחְמָן תַּנָּאֵי הִיא וַאֲנָא דַּאֲמַרִי כִּי הַאי תַּנָּא דְּתַנְיָא רַבִּי שִׁמְעוֹן בֶּן אֶלְעָזָר אוֹמֵר אַיְילוֹנִית לֹא שׁוֹתָה וְלֹא נוֹטֶלֶת כְּתוּבָּה שֶׁנֶּאֱמַר וְנִקְּתָה וְנִזְרְעָה זָרַע מִי שֶׁדַּרְכָּהּ לְהַזְרִיעַ יָצָאתָה זוֹ שֶׁאֵין דַּרְכָּהּ לְהַזְרִיעַ
Et d’après les Sages de la première baraïta, qui permettent l’épreuve des eaux amères même à une aylonit, comment faut-il interpréter la formule « elle sera innocentée et deviendra féconde » ? Ils en déduisent que l’accusée ayant passé l’épreuve avec succès est récompensée de ses peines. De quelle manière ? Des Tanaïm en débattent dans cette baraïta : selon Rabbi ‘Akiba, la formule « elle sera innocentée et deviendra féconde » laisse entendre que si elle était jusqu’à maintenant stérile, elle sera récompensée par des naissances. Rabbi Yichma‘el lui réplique : s’il en est ainsi, toutes les femmes stériles sans scrupules feront en sorte d’être mises en garde par leurs maris et s’isoleront, sans fauter, avec un amant présumé, afin de devenir fécondes, et celle qui refuserait, par pudeur, de recourir à ce stratagème, y perdrait !
וְרַבָּנַן הַאי וְנִקְּתָה וְנִזְרְעָה זָרַע מַאי עָבְדִי לֵיהּ מִיבְּעֵי לְהוּ לְכִדְתַנְיָא וְנִקְּתָה וְנִזְרְעָה [זָרַע] שֶׁאִם הָיְתָה עֲקָרָה נִפְקֶדֶת דִּבְרֵי רַבִּי עֲקִיבָא אָמַר לוֹ רַבִּי יִשְׁמָעֵאל אִם כֵּן יִסָּתְרוּ כׇּל הָעֲקָרוֹת וְיִפָּקְדוּ וְזוֹ הוֹאִיל וְלֹא נִסְתְּרָה הִפְסִידָה
Mais alors, comment comprendre la formule « elle sera innocentée et deviendra féconde » ? Si elle enfantait dans la douleur, ses accouchements seront plus faciles ; si elle n’avait que des filles, elle enfantera aussi des garçons ; ou encore, elle aura des bébés plus grands et plus beaux. Ces avantages ne sont pas assez importants pour qu’une femme accepte de subir l’humiliation du rituel de la sota !
אִם כֵּן מָה תַּלְמוּד לוֹמַר וְנִקְּתָה וְנִזְרְעָה זָרַע שֶׁאִם הָיְתָה יוֹלֶדֶת בְּצַעַר יוֹלֶדֶת בְּרֶיוַח נְקֵבוֹת יוֹלֶדֶת זְכָרִים קְצָרִים יוֹלֶדֶת אֲרוּכִּים שְׁחוֹרִים יוֹלֶדֶת לְבָנִים
§ La guemara revient à présent sur différents points de la première baraïta déjà citée. « Une femme mariée licitement à un homme mamzer et soupçonnée d’adultère peut soit passer l’épreuve des eaux amères soit être répudiée sans ketouba. » C’est évident, puisque le mariage entre ces personnes est parfaitement légal, par exemple si la femme est mamzéret ou prosélyte ! Sans la précision du Tana, qu’aurait-on pensé ? En l’occurrence, sachant qu’un parent mamzer confère automatiquement le même statut à toute sa descendance, on aurait jugé préférable d’empêcher la femme de prouver son innocence, pour qu’elle ne puisse pas continuer à vivre avec son mari et avoir des enfants, afin de ne pas multiplier le nombre des mamzèrim au sein du peuple juif. Aussi le Tana nous a-t-il détrompés.
אֵשֶׁת מַמְזֵר לְמַמְזֵר פְּשִׁיטָא מַהוּ דְּתֵימָא אַפּוֹשֵׁי פְּסוּלִין לָא לַיפֵּשׁ קָא מַשְׁמַע לַן
« La femme d’un prosélyte ou d’un esclave affranchi ou une aylonit soupçonnées d’adultère sont soumises à l’épreuve des eaux amères ou sont répudiées sans ketouba. » Dans les deux premiers cas, la règle semble évidente, puisque le prosélyte et l’esclave affranchi sont des Juifs à part entière !
אֵשֶׁת גֵּר וְעֶבֶד מְשׁוּחְרָר וְאַיְילוֹנִית פְּשִׁיטָא
Sans cette nouvelle précision, qu’aurait-on pensé ? Que la formule « Parle aux Enfants d’Israël et tu leur diras : un homme, un homme dont la femme aurait été infidèle… » (Nbres 5, 12) exclut les prosélytes qui ne sont pas d’origine juive. Aussi le Tana nous a-t-il détrompés. Mais peut-être faut-il réellement prendre l’expression « Enfants d’Israël » au sens strict et exclure la femme d’un prosélyte ou d’un esclave affranchi ! Réponse : ils sont inclus par l’expression redondante « et tu leur diras ».
מַהוּ דְּתֵימָא דַּבֵּר אֶל בְּנֵי יִשְׂרָאֵל וְלֹא גֵּרִים קָא מַשְׁמַע לַן וְאֵימָא הָכִי נָמֵי וְאָמַרְתָּ רִבּוּיָא הוּא
§ Revenons à présent à la michna, qui enseigne : « Même la femme d’un Cohen soupçonnée d’adultère redevient permise à son mari après avoir passé avec succès l’épreuve des eaux amères. » C’est évident que la femme d’un Cohen peut boire les eaux pour prouver son innocence ! Sans la précision du Tana, qu’aurait-on pensé ? Le texte de la Tora traitant de l’épreuve des eaux amères semble se référer à une femme qui devient interdite à son mari à la suite d’une relation avec un autre homme « alors qu’elle n’a pas été violée » (ibid. 5, 13), mais qui lui aurait été permise en cas de viol – à l’exclusion de la femme d’un Cohen, interdite à son mari même en cas de viol. Aussi l’auteur de la michna nous a-t-il détrompés.
אֵשֶׁת כֹּהֵן שׁוֹתָה כּוּ׳ אֵשֶׁת כֹּהֵן שׁוֹתָה פְּשִׁיטָא מַהוּ דְּתֵימָא וְהִיא לֹא נִתְפָּשָׂה אֲסוּרָה הָא נִתְפָּשָׂה מוּתֶּרֶת וְזוֹ הוֹאִיל וְנִתְפָּשָׂה אֲסוּרָה אֵימָא לָא תִּשְׁתֵּה קָא מַשְׁמַע לַן
« Et, poursuit la michna, après avoir passé l’épreuve avec succès, la femme du Cohen redevient permise à son mari. » C’est évident ! Pourquoi serait-elle différente de toutes les autres femmes qui ont passé avec succès l’épreuve des eaux amères ? Rav Houna explique : le Tana a eu besoin de préciser qu’elle était permise à son mari quand elle dépérit après l’épreuve.
Pourtant, objecte la guemara, dans ce cas, les effets néfastes des eaux amères prouvent qu’elle est coupable, mais le mérite d’une bonne action l’a protégée de la mort immédiate. Dans ces conditions, pourquoi est-elle permise à son mari ?
וּמוּתֶּרֶת לְבַעְלָהּ פְּשִׁיטָא אָמַר רַב הוּנָא בְּמִתְנַוְּונָה מִתְנַוְּונָה הָא בַּדְקוּהָ מַיָּא
Réponse : le Tana se réfère au cas où les eaux amères affectent non pas le flanc et le ventre de la femme – comme prévu – mais d’autres organes. Qu’aurait-on pensé ? Si elle avait droit à un sursis grâce à un de ses mérites, son flanc et son ventre auraient été touchés. À l’évidence, elle a eu une relation extraconjugale et les eaux n’ont pas eu les effets habituels, parce qu’elle a été violée et elle devient interdite ipso facto à son mari qui est Cohen. Aussi le Tana nous a-t-il détrompés.
בְּמִתְנַוְּונָה דֶּרֶךְ אֵבָרִים מַהוּ דְּתֵימָא הָא זַנּוֹיֵי זַנַּאי וְהָא דְּלָא בַּדְקוּהָ מַיָּא כִּי אוֹרְחַיְה[וּ] מִשּׁוּם דִּבְאוֹנֶס זַנַּאי וּלְגַבֵּי כֹּהֵן אֲסִירָא קָא מַשְׁמַע לַן
§ Suite de la michna : « Quand la femme d’un impuissant [saris] est soupçonnée d’adultère, elle doit boire, elle aussi, les eaux amères. » C’est évident ! Qu’aurait-on pensé ? La formule « un homme, autre que ton mari, a eu une relation charnelle avec toi » (Nbres 5, 20) exclut le cas où le mari est impuissant. Aussi le Tana nous enseigne que cette formule vient poser comme condition à l’épreuve des eaux amères que la relation du mari précède celle de l’amant présumé. Or, un saris est frappé seulement d’impuissance partielle : il peut avoir une relation, mais n’est pas en état de procréer.
אֵשֶׁת סָרִיס שׁוֹתָה פְּשִׁיטָא מַהוּ דְּתֵימָא מִבַּלְעֲדֵי אִישֵׁךְ אָמַר רַחֲמָנָא וְהַאי לָאו בַּר הָכִי הוּא קָא מַשְׁמַע לַן
§ La michna ajoute : « Une femme devient interdite à son mari même dans le cas où il lui avait défendu, lors de sa mise en garde, de s’isoler avec un proche parent et elle a passé outre à cet avertissement. » C’est évident !
עַל יְדֵי כׇּל עֲרָיוֹת מְקַנִּין פְּשִׁיטָא
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