Par la grâce de D.ieu.
Le 11 Nissan 5717 [1957] Brooklyn N.Y.
À nos frères juifs — et à tous ceux en particulier, qui œuvrent dans le domaine de l’éducation — partout où ils se trouvent, que D.ieu leur accorde longue vie.
Je vous salue et vous bénis.
Pessa’h débute par l’injonction : « Lorsque ton fils t’interrogera demain (...) tu lui répondras (...) » Cette question et la réponse qui lui est faite peuvent être formulées différemment, suivant que celui des quatre fils qui interroge soit le sage, le pervers, le simple ou celui qui ne sait pas interroger.
Parallèlement à la diversité et aux contradictions pouvant exister entre ces quatre personnages, ceux-ci possèdent un point commun : ils se trouvent tous attablés au Séder, jusqu’au pervers, qui ainsi côtoie ceux qui pratiquent, vit dans leur ambiance et s’intéresse à l’univers de la Torah et des Mitsvot.
Cela procure un ferme espoir que, non seulement le simple et celui qui ne sait pas interroger, mais également le pervers, deviendront eux aussi des sages, des Juifs érudits et pratiquants à part entière.
Néanmoins, et c’est particulièrement vrai pour notre ténébreuse époque, il existe un cinquième fils : il s’agit de celui qui ne se trouve pas même à la table du Séder. Celui-là ne pose aucune question, et pour cause, il n’a pas le moindre lien avec la Torah et les Mitsvot, avec les lois et coutumes juives véritables ; il ignore jusqu’à leur existence, et celles du Séder, de la sortie d’Égypte, du don de la Torah. À ces enfants, il faut se consacrer bien longtemps avant Pessa’h, et avant la nuit du Séder. Cette action doit également être accomplie avec abnégation, et à travers un immense amour du prochain. Le moindre enfant juif ne doit pas être ignoré, et toutes les ressources doivent être investies pour ramener celui-ci à la table juive du Séder.
Comme lors de chaque événement douloureux, il convient de s’interroger sur les causes ayant entraîné une telle situation.
Force est de reconnaître que les premiers responsables de la situation des enfants sont dans la majorité des cas les parents.
Parce qu’ils habitent un grand pays, au sein duquel ils ne forment qu’une minorité, et qu’ils doivent faire face à d’énormes difficultés, certains parents se sont convaincus de ce que le seul moyen d’éluder toutes ces difficultés était de s’identifier totalement, et au plus vite, au milieu environnant. Ils se défirent ainsi du joug de la Torah et de la pratique des Mitsvot, et se dirent ce faisant que si eux-mêmes n’y parvenaient pas entièrement, leurs enfants n’auraient du moins pas ce souci.
On s’est ainsi convaincu, et on a persuadé les enfants, qu’un mode de vie empreint de la Torah et des Mitsvot n’est plus adapté à la vie actuelle et qu’il ne présente que des désavantages face aux attraits du monde environnant.
C’est au travers de cette démarche que ces parents tentèrent d’assurer l’existence de leurs enfants au sein de la société.
Certains aspects furent cependant négligés par eux.
Tout d’abord le fait qu’un individu ne saurait mener une existence digne si celle-ci fait abstraction de toute vie spirituelle, pour n’être consacrée qu’à ce qui est matériel. L’idée ne les effleura pas non plus que le seul fait d’imiter relève de l’hypocrisie et provoque la suspicion, y compris chez ceux-là mêmes que l’on cherche à imiter et à flatter. Sans oublier que si d’aventure la société n’est pas fondée sur le droit et la justice, elle opprimera de toute façon les faibles et les minorités.
Cette démarche erronée consistant à émanciper une minorité se trouvant en milieu hostile, et qui pour parler franc équivalait à un suicide ou tout au moins à une mutilation, ne fut pas uniquement l’attitude de gens isolés, mais également de différents groupes que diverses circonstances avaient réunis. De là naquirent des mouvements qui de façon dissimulée, ou au grand jour, firent la guerre à la Torah et à ses Mitsvot que Moïse nous avait ordonnées, les ayant reçues du D.ieu unique pour les transmettre au peuple unique. Ces mouvements, en dépit des querelles qui les opposaient entre eux, avaient néanmoins une profession de foi commune : « Devenons comme les nations, comme les familles des (autres) pays pour adorer le bois et la pierre » (Ézéchiel 20,32).
Tous ces travers et faux-semblants eurent pour résultat de couper des milliers d’âmes juives de leur propre source de vie véritable, du Judaïsme, des autres Juifs, et de mettre à mort leur esprit. Ainsi grandirent des enfants qui sont aujourd’hui parents et grands-parents et qui non seulement ne font partie d’aucune des trois catégories de sage, simple, et ne sachant pas interroger, mais ne sont même pas des pervers. Ils errent et vont perdus, pour les Juifs et pour le Judaïsme, qui en fait ne font qu’un.
Vient la fête de Pessa’h qui entre autres leçons, nous enseigne que l’espoir de nous voir libérés ne réside pas dans une tentative de s’identifier au monde environnant, bien au contraire.
Les Juifs constituaient en Égypte une faible minorité et y vécurent le pire des esclavages. Nos Sages rapportent néanmoins à leur sujet qu’ils se distinguaient, avec une forte détermination, du monde qui les entourait en maintenant leurs traditions et leur personnalité (dans les domaines vestimentaire, alimentaire et linguistique). C’est ainsi qu’ils assurèrent leur pérennité et qu’ils parvinrent à être délivrés physiquement et spirituellement.
Il est à l’heure actuelle d’une nécessité vitale d’investir la plus grande vigueur afin d’implanter dans la jeune génération (y compris chez ceux qui ne sont plus jeunes par les ans, mais le sont par la connaissance) une juste évaluation de la richesse que recèle le Judaïsme, le vrai — pas un Judaïsme falsifié, dilué —, ainsi que la reconnaissance par tous que de ce seul Judaïsme dépend le devenir de chaque Juif, en chaque endroit et à chaque époque.
De sorte que tous en reviennent à la tradition transmise par nos Pères Abraham, Isaac et Jacob, et qu’ils observent farouchement une vie juive, une vie qui correspond aux enseignements de notre Torah appelée Torat ‘Haïm (Torah de vie). Le Juif ne doit en aucun cas désespérer ; aussi ne doit-on jamais tenir aucun Juif pour perdu. Car au moyen d’une démarche sincère et imprégnée d’amour du prochain, on aura la possibilité de ramener au sein des quatre premières catégories également ceux des fils qui appartiennent à la catégorie évoquée plus haut, et avec le temps, les apparenter à la catégorie du sage.
Puisse D.ieu aider à ce que tous les fils et les filles, soient réunis à la table du Séder, célèbrent celui-ci selon la tradition et accomplissent les « témoignages, les décrets et les lois que l’Éternel notre D.ieu nous a ordonnés ».
Et puissent ces prémices du rassemblement des exilés que constitue l’invitation au Séder d’enfants égarés, hâter et susciter la véritable et complète délivrance, par la venue du Machia’h.
Avec ma bénédiction pour une fête de Pessa’h Cachère et joyeuse.
Commencez une discussion