Par la grâce de D.ieu.

Le 11 Nissan 5718 [1958] Brooklyn N.Y.

À nos frères juifs,
partout où ils se trouvent.
Que D.ieu leur accorde longue vie.

Je vous salue et vous bénis.

Chaque fête possède une substance propre, et comporte à ce titre, des enseignements particuliers qui concernent, tous ceux à l’intention de qui, la fête a été instituée ; en fait, chaque Juif individuellement, en tant que membre de la communauté d’Israël, et le peuple juif tout entier en tant que tel.

Le caractère particulier de chaque fête est reflété par le nom même de la fête, ainsi que par les Mitsvot, les coutumes, et les traditions qui lui sont attachées. L’un des aspects culminants de Pessa’h nous est indiqué par le nom que les Anechei Knesset Haguedolah (Hommes de la Grande Assemblée) ont fixé à cette fête : Zemane ‘Hérouténou, « l’époque de notre liberté ».

Aussi, la Torah, appelée Torat ‘Haïm, « Torah de vie » — un guide pour la vie — demande de chaque Juif qu’il se souvienne, c’est-à-dire qu’il revive la libération, la sortie d’Égypte, chaque jour de sa vie, selon l’expression même de nos Sages : « En chaque génération, le Juif doit chaque jour se considérer comme étant sorti d’Égypte le jour même. »1

Cette injonction s’adresse à chaque génération, qu’elle soit l’une de celles qui ont vécu sous la royauté de la Maison de David, à l’époque du Temple ou à l’époque ténébreuse des persécutions (à D.ieu ne plaise).

Elle concerne chaque jour de chaque Juif, qui bien qu’il ait déjà revécu, hier encore, la sortie d’Égypte, doit à nouveau s’en imprégner aujourd’hui et renouveler cet acte demain.2

La raison à cela tient au fait que « sortir d’Égypte » consiste à se libérer des obstacles et des craintes qui empêchent d’être ce que l’on doit être et d’accomplir son devoir. C’est ainsi que la « sortie d’Égypte » vécue le jour précédent ne saurait suffire pour ce qu’il est nécessaire d’accomplir aujourd’hui, de même que celle d’aujourd’hui ne suffira pas pour demain.

Une réflexion aidera encore à percevoir ce qui précède avec plus d’acuité.

Considérons les différents aspects de la création qui nous environne. Le végétal à qui tous les éléments nécessaires à son développement (terre, eau, air, etc.) ont été procurés dans une très large mesure se trouve pour ainsi dire « libéré » de tout souci ou obstacle. Aussi, et bien qu’il ne puisse se mouvoir et soit contraint à l’immobilité, il dispose perpétuellement de toute la latitude que sa condition lui confère. En un mot, il est libre.

Il n’en est pas de même pour les êtres vivants animés, pour qui le fait de ne pouvoir se mouvoir à leur guise constituerait la pire des contraintes — la prison —, et ce, quand bien même il serait alors pourvu à tous leurs besoins vitaux. Une telle condition porterait en effet atteinte à l’une des ressources les plus essentielles de leur être.

Quant à l’humain, qui lui, est doué d’un esprit, même s’il est libre de ses mouvements, le fait de vouloir le couper de toute vie intellectuelle constitue pour lui un emprisonnement, car il est ainsi porté atteinte à l’essentiel de son être.

Ainsi en va-t-il de la vie de l’esprit.

Lorsqu’un individu peut atteindre aux plus hauts niveaux de l’intelligence, limiter son esprit à demeurer puéril équivaut à l’enfermer dans le pire des cachots. Si de plus, c’est la personne elle-même qui volontairement limite son esprit à demeurer ce qu’il est, en se préoccupant par exemple, uniquement du manger et du boire et des moyens de s’y adonner, la prison qu’elle-même se construit est alors, par bien des aspects, plus pénible et les conséquences, bien plus graves.

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Chaque Juif possède une âme divine qui est une réelle émanation de D.ieu et qui même lorsqu’elle revêt les « habits » du corps, ou du mauvais penchant, demeure liée à D.ieu. Aussi, sa véritable aspiration à la liberté, et à la sortie d’Égypte, est inlassable et infinie. Cette âme ne saurait demeurer en place. Elle ressent quotidiennement qu’en regard de l’élévation procurée par les mitsvot accomplies et la Torah étudiée durant la journée, le niveau atteint le jour précédent est devenu une « Égypte » dont il faut fuir3 pour s’élever encore.4

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Puisse D.ieu aider à ce que l’époque de notre liberté qui s’annonce, apporte à chacun la libération de tous les obstacles, physiques, matériels, et spirituels, de sorte que tous puissent s’élever toujours plus haut, dans la joie et le contentement, jusqu’à la quintessence de l’époque de notre liberté : la délivrance véritable et complète par le Machia’h, prochainement et en nos jours.

Avec ma bénédiction pour une fête de Pessa’h cachère et joyeuse.