Le Chabbat précédant Pessa’h, doit son nom de Chabbat Haggadol (le « Grand Chabbat »), au fait que, selon l’expression de Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, « il fut le moment d’un grand miracle ». (Ce miracle, ce fut la guerre civile que déclenchèrent les premiers-nés d’Égypte en se révoltant contre le Pharaon, ce à quoi le verset fait allusion en disant : « Il frappe l’Égypte par ses premiers-nés »1 ).
Mais ceci demande à être expliqué, car ce conflit n’impliquait que les Égyptiens, et les Juifs n’y avaient aucune part. En ce cas, pourquoi avoir institué la commémoration de cet événement, pour tous les Juifs, à travers les générations ?
On ne peut répondre à cela, que les Juifs bénéficièrent d’un miracle, en ce que les premiers-nés, qui logiquement auraient dû s’en prendre aux Juifs, se sont retournés contre le Pharaon, car cette explication ne trouve d’allusion ni dans le verset précédemment cité, ni dans les paroles de Rabbi Chnéour Zalman.
L’explication à cela pourra être perçue, en considérant au préalable, l’idée introduite dans la lettre de Pessa’h2 et selon laquelle le Juif ne doit pas se contenter d’atteindre à sa propre plénitude, mais doit également s’efforcer de mener l’univers entier vers son accomplissement. C’est ainsi que Maïmonide affirme : « Moïse a enjoint, au Nom du Tout-Puissant, de contraindre l’humanité entière à faire siennes les lois ordonnées aux fils de Noé. »
Ainsi, et bien que l’état d’asservissement des Juifs en Égypte les empêchait de contraindre, par eux-mêmes, les Égyptiens à l’application de ces principes – et en particulier, celui consistant à les libérer –, ils n’en avaient pas moins le devoir de s’y employer dans la mesure du possible. Aussi le fait que « les premiers-nés allèrent exiger du Pharaon, la libération des Juifs, et déclenchèrent une guerre à la suite de son refus » fut pour les Juifs un miracle, car c’est eux qui avaient la charge de contraindre l’humanité à l’acceptation de ces principes, et d’en réprimer le refus.
C’est également l’une des raisons pour lesquelles il fut demandé aux Juifs de prendre un agneau, au vu et au su des Égyptiens (en vue de le sacrifier), car c’est cet acte qui fut à l’origine de l’intervention des premiers-nés chez le Pharaon.
L’enseignement que les Juifs de toutes générations peuvent prendre ici — et au titre duquel la commémoration fut instituée pour toutes les générations — est le suivant :
Chaque Juif doit avoir à l’esprit, que la marche du monde dépend de son attitude, et que c’est à travers une conduite ouvertement fondée sur la Torah et les Mitsvot, qu’il pourra exercer un ascendant bénéfique sur l’univers tout entier et concrétiser ainsi le verset « J’étais comme un prodige ».3
(Chabbat Haggadol 5732 [1972])
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