Selon la coutume des ‘Hassidim ‘Habad-Loubavitch, la première question posée est : « Toutes les autres nuits nous ne trempons pas... »1 Il y a de ce fait une chose surprenante. En effet, l’enfant est censé poser des questions sur ce qui est de nature à l’étonner. Or le trempage n’est ni le plus important ni le premier des actes inhabituels dont l’enfant est témoin pendant le Séder. Si l’on considère les actes, par ordre d’importance, les questions devraient porter tout d’abord sur la Matsa (qui est une Mitsva biblique), puis sur le Maror (qui de nos jours est d’institution rabbinique), ensuite sur l’accoudement (qui dénote la liberté) et enfin sur le trempage qui n’est qu’une coutume.
Si d’autre part, on s’en tient à la séquence des actes tels que l’enfant les voit se dérouler, le trempage doit faire l’objet de la dernière question (car c’est le second trempage qui est le plus important), ou tout au plus, être mentionné après l’accoudement, car on s’accoude déjà lors du Kidouch, et ce, avant de procéder au premier trempage.
D’aucuns estiment que les lois instituées par la Torah, et par les Sages, exigent d’être observées avec le dernier dévouement, et jusqu’à l’abnégation. Ils considèrent, en revanche, que les coutumes juives ne doivent être prises en compte que dans la mesure où leur observance ne présente pas de difficultés et que, dans le cas contraire, on peut en faire abstraction.
Leur opinion va même plus loin. Lorsqu’on enseigne aux enfants la Torah, dont l’entière observance est déjà difficile, il peut s’avérer nécessaire de leur laisser ignorer les coutumes afin de mettre l’accent sur des points plus fondamentaux.
C’est précisément une telle optique que vient récuser le « Ma Nichtana ». Car ce que l’enfant remarque le plus, ce n’est ni une loi biblique, ni une ordonnance rabbinique, mais une coutume. C’est en effet elle qui est la plus susceptible de l’intriguer.
Si la conduite de l’enfant et celle de son entourage ne sont pas entièrement imprégnées de Judaïsme et s’apparentent par certains côtés, à l’environnement non-juif, cela aura pour conséquence que rien ne dénotera chez l’enfant son appartenance au peuple juif, et ce, bien qu’il étudie la Torah et pratique les Mitsvot. Ceci sera dû au fait que la réelle sainteté qu’un environnement pénétré de Torah confère à la pratique des Mitsvot sera ici absente. D’autant qu’avec le temps, une carence en un domaine aussi fondamental peut entraîner (à D.ieu ne plaise) des défaillances dans la pratique proprement dite des Mitsvot.
En plus du fait que les coutumes sont elles-mêmes partie intégrante de la Torah,2 il ne nous est pas permis de chercher à évaluer l’importance relative des Mitsvot, ainsi qu’il est dit : « Le chemin de la vie, ne le suppute pas. »3
En conséquence, on ne saurait transiger sur rien, dès lors qu’il s’agit d’éduquer l’enfant juif à qui il convient de donner conscience du fait qu’étant juif, il est différent. Cela ne peut se faire qu’en lui enseignant à se comporter selon les coutumes juives, car ce sont elles qui caractérisent son identité juive et qui lui inspirent le sentiment d’appartenir au peuple que D.ieu a « approché à Son culte ». C’est ainsi que nos Sages affirment : « L’environnement de la Torah est plus important que son étude. »4
(Pessa’h 5716 [1956])
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