Le récit qui suit est l’une des nombreuses histoires merveilleuses racontées sur le saint Rabbi ‘Haïm ibn Attar, auteur du célèbre commentaire sur le ‘Houmach, Or Ha’haïm. Mais d’abord, quelques mots sur ce saint homme.
Rabbi ‘Haïm ben Rabbi Moché ibn Attar est né au Maroc dans une famille qui produisit des érudits de la Torah et des rabbins exceptionnels. Rabbi ‘Haïm naquit en 5456 (1696), deux ans seulement avant la naissance d’un autre saint rabbin dans une autre partie du monde (la Pologne), à savoir Rabbi Israël Baal Chem Tov, le fondateur du mouvement ‘hassidique. Rabbi ‘Haïm étudia sous la direction de son grand-père, dont il portait le nom. (Les juifs séfarades donnent souvent à leurs enfants le nom de leurs parents ou grands-parents vivants.) Alors qu’il n’était encore qu’un jeune homme, il devint célèbre comme grand érudit talmudique et kabbaliste. Il mena une vie très sainte et fut appelé « Hakadoch » (« saint homme »). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages importants, le plus connu étant son commentaire sur le ‘Houmach, souvent imprimé aux côtés de Rachi, du Ramban et d’autres commentaires célèbres.
Vers les dernières années de sa courte vie (il ne vécut que 47 ans), il décida de se rendre en Terre Sainte. En chemin, il passa plusieurs années à Livourne et à Venise en Italie, ainsi qu’à Damas. Il arriva à Jérusalem en 1742, avec un groupe de 30 disciples. Mais l’année suivante, il décéda (le 15 Tamouz). Partout où il vécut, il fonda une Yechiva et une synagogue qui ont porté son nom et sont restées célèbres longtemps après la mort de leur fondateur. La synagogue « Or Ha’haïm » et la Yechiva dans la vieille ville de Jérusalem furent détruites par les Arabes jordaniens pendant leur occupation de la vieille ville. Cependant, il est prévu de reconstruire les ruines, ainsi que d’autres institutions sacrées que les Arabes ont profanées ou détruites.
À présent, l’histoire.
Alors que Rabbi ‘Haïm était encore étudiant dans la Yeshiva de son grand-père, il apprit le métier d’orfèvre afin de gagner sa vie sans avoir à faire de ses connaissances en Torah « une bêche pour creuser ». Plus tard, alors qu’il était déjà devenu célèbre pour son érudition et sa sainteté et qu’il aurait pu occuper une position honorable en tant que grand rabbin et Roch Yechiva, il refusa d’être payé pour ces services. Il préférait gagner son argent grâce au travail de ses mains, car il était un orfèvre très habile.
Étant un excellent orfèvre, Rabbi ‘Haïm aurait pu gagner beaucoup d’argent. Mais il n’avait aucune envie de gagner plus que ce qui était absolument nécessaire pour ses modestes besoins et ceux de sa famille. Il avait donc pour habitude de ne pas interrompre ses études plus que nécessaire. Tant qu’il avait en poche de quoi payer pour les besoins de la journée, il ne travaillait pas et consacrait tout son temps à ses saintes études.
Rabbi ‘Haïm s’assura de ne pas être dérangé par des clients fortunés : il n’ouvrit tout simplement pas son propre atelier. Au lieu de cela, il loua ses services à l’orfèvre non-juif local le plus connu plusieurs heures par jour, ou quand il le souhaitait, pour travailler selon ses besoins.
L’orfèvre pour lequel Rabbi ‘Haïm travaillait n’était pas un ami des Juifs, mais il appréciait tellement son travail qu’il le laissait travailler quand il le voulait. Rabbi ‘Haïm ne se disputait jamais au sujet de son salaire. Il était satisfait de ce que son employeur lui versait. En effet, une fois, l’orfèvre essaya de tenter Rabbi ‘Haïm en le payant plus qu’avant. Il s’aperçut cependant que loin d’être tenté, Rabbi ‘Haïm était maintenant capable de s’absenter encore plus longtemps du travail, aussi réduisit-il son salaire autant qu’il le pouvait sans le pousser chez son concurrent.
Il advint que le Sultan s’apprêtait à marier sa fille. Il envoya chercher l’orfèvre et passa une grosse commande de bijoux très fantaisistes, pour qu’ils soient prêts avant le mariage.
Il se trouve que Rabbi ‘Haïm avait encore un peu d’argent de ses gains précédents et ne venait pas travailler chez l’orfèvre. Lorsque le jour de la livraison de la commande royale arriva, l’orfèvre n’avait pas terminé. Le Sultan se mit très en colère et menaça de jeter l’orfèvre aux lions. Mais l’orfèvre rusé rejeta toute la responsabilité sur Rabbi ‘Haïm, disant que c’était son assistant juif qui avait laissé tomber le Sultan en ne venant pas travailler. Le Sultan ordonna donc que Rabbi ‘Haïm soit jeté aux lions pour être dévoré vivant.
Le Sultan avait un beau parc derrière son palais. Dans ce parc, il y avait une zone spéciale entourée de hauts murs où le Sultan gardait ses lions et tigres mangeurs d’hommes. Quiconque était condamné à mort par le sultan était jeté à ces bêtes féroces. Ceci, décrété par le Sultan, devait être le destin de Rabbi ‘Haïm.
Lorsque les gardes du Sultan vinrent chercher Rabbi ‘Haïm, il leur demanda seulement de pouvoir prendre avec lui certains de ses livres sacrés, son Talith et ses Téfiline. Les gardes se mirent à rire et dirent : « Allez-vous enseigner aux fauves la sagesse de ces livres ? » Ils accédèrent néanmoins à sa demande.
Alors que Rabbi ‘Haïm était conduit dans les rues, les Juifs fermaient leurs boutiques et leurs étals et l’accompagnaient. Ils pleurèrent amèrement en voyant leur rabbin bien-aimé être conduit vers une mort horrible, tandis que certains membres de la population arabe locale raillaient et se réjouissaient. Rabbi ‘Haïm ne fit pas attention à la foule qui se moquait, mais il consola ses frères en deuil, leur disant : « C’est D.ieu qui prend la vie et donne la vie ; Il rachète et sauve au temps de la détresse. Je suis sûr qu’Il m’épargnera les dents des lions. Ayez confiance en D.ieu. »
Le cortège parvint aux portes du Palais Royal. Rabbi ‘Haïm fut emmené derrière les portes, et conduit dans la fosse aux lions. Là, il fut remis aux gardiens pour que ceux-ci exécutent la sentence du Sultan.
Les gardiens passèrent une corde autour de la taille de Rabbi ‘Haïm et le firent descendre dans la fosse, alors qu’il s’accrochait fermement à ses précieux livres et à son sac de Talith qui contenait également ses Téfiline et son Sidour. Les gardiens savaient à quoi s’attendre : des cris à glacer le sang, des rugissements et des grognements de bêtes, puis un silence de mort. Ils avaient fait ce genre de travail de nombreuses fois. C’était toujours pareil, du moins le pensaient-ils.
Cette fois, cependant, ce fut différent, très étrangement différent ! Il n’y eut pas de cris ni de rugissements, non plus que de grognements. Les lions et les tigres restèrent à leur place sans essayer d’attaquer leur « repas ». Les gardiens décidèrent que les bêtes n’avaient pas faim et partirent.
Trois jours plus tard, les gardiens vinrent nourrir les bêtes, s’attendant à ne trouver que les os brisés du rabbin. Ils ne purent en croire leurs yeux lorsqu’ils virent celui-ci assis au centre de la tanière, enveloppé dans son Talith et ses Téfiline, et étudiant ses livres saints. Les bêtes sauvages étaient accroupies tout autour de lui, gardant un silence respectueux, comme si elles écoutaient sa voix mélodieuse.
Les gardiens se précipitèrent pour raconter au Sultan ce qu’ils avaient vu. Incrédule, le Sultan est allé voir par lui-même, et lui aussi fut stupéfait et terrifié par ce spectacle impressionnant.
Le Sultan donna ordre qu’une échelle de corde soit jetée pour que le saint rabbin puisse sortir de la tanière. Lorsque Rabbi ‘Haïm remonta, le Sultan implora humblement son pardon. « Maintenant, je sais qu’il y a un D.ieu, le Gardien d’Israël ! », s’exclama le Sultan. Il demanda au saint rabbin d’être son ami et son conseiller, et promit que les portes du palais lui seraient toujours ouvertes.
Ce fut un jour de lumière, d’allégresse, de joie et d’honneur pour les Juifs, tandis que les ennemis des Juifs n’osaient plus lever la main, ni même prononcer une insulte contre un Juif. Quant à Rabbi ‘Haïm ibn Attar, il rentra chez lui avec une profonde gratitude envers D.ieu, et avec une humilité encore plus grande dans son cœur.
Commencez une discussion