Rabbi Ezékiel Landau, connu aussi sous le nom de « Noda BiYehoudah » d'après le titre de son œuvre la plus importante, est né à Opatow, petite ville de Pologne. Il eut la chance d'être le fils de Rabbi Judah ben Zevi Hirsch Segal Landau qui joignait l'avantage l'une fortune considérable à celui d'être un homme cultivé occupant un poste très élevé dans la communauté de sa ville. Rabbi Judah y fut, en effet, président à vie et député du « Conseil des Quatre Pays ». Ainsi le jeune Ezékiel eut tout le loisir de se familiariser avec les problèmes de la vie communale juive et la possibilité de recevoir une très solide éducation. La richesse, les honneurs, le confort qu'il trouvait dans la maison de son père n'eurent aucune mauvaise influence sur le jeune garçon. Il montra très tôt beaucoup d'inclination pour l'étude, aidé qu'il était en cela par des dons intellectuels peu communs.

Le premier maître d'Ezékiel fut un grand érudit, Rabbi Isaac de Vladimir, qui ne mit pas longtemps à découvrir le jeune prodige confié à ses soins. Sous sa direction intelligente, Ezékiel fit de rapides progrès et, avant même qu'il eût atteint l'âge de Bar Mitsva, d'éminents rabbins ne lui ménageaient ni les louanges, ni la considération.

À l'âge de quatorze ans, il fut envoyé à Brody, alors centre célèbre d'études juives. Pendant quatre ans, tout son temps fut consacré à développer ses connaissances tant par l'étude que par des contacts constants avec les plus grands talmudistes de cette ville.

À dix-huit ans, ainsi que le voulait la coutume du temps, Rabbi Ezékiel épousa la fille d'un notable juif, Yakelko de Dubno. Pendant une courte période, il demeura sous le même toit que son beau-père, lequel pourvut à tous les besoins du jeune couple afin que son gendre put poursuivre sans soucis ses études. Mais le cœur de Rabbi Ezékiel était à Brody, le rendez-vous des lettrés et des érudits, aussi finit-il par persuader son beau-père de transférer toute sa maison dans la ville illustre.

II

À peine âgé de vingt ans – en 1734 –, Rabbi Ezékiel est élu président de la cour rabbinique (Beth Din) à Brody. Honneur rare qu'on ne conférait habituellement pas à un si jeune homme.

Il s'y distingua comme « Dayan » (juge rabbinique membre du Beth Din), fonction qu'il assura onze ans durant. Au cours de cette période, il rendit d'importantes décisions sur les multiples questions religieuses et sociales relatives à la vie quotidienne juive, étendant son action à beaucoup de villes et de communautés autres que la sienne, proches et lointaines. Car Rabbi Ezékiel est reconnu désormais comme une autorité de premier ordre. Ces Cheeloth (enquêtes sur l'application pratique de la loi juive dans différentes circonstances et à la lumière de l'expérience quotidienne) forment l'essentiel de son ouvrage Noda BiYehoudah publié plus tard.

De Brody, Rabbi Ezékiel est appelé en 1745 au rabbinat de la ville de Yampol. Il y est encore quand on fait appel à lui afin qu'il donne son avis sur une controverse acharnée qui menaçait de diviser en deux camps le monde juif. Le point de départ en était une grave accusation portée par Rabbi Jacob Emden contre Rabbi Jonathan Eybeschitz, grand-rabbin de Prague et éminent érudit connu pour sa profonde piété et sa grande modestie. Le premier érudit non moins remarquable, zélateur suivi par un grand nombre de disciples convaincus, et possédant une fortune considérable, était un personnage très influent. Il accusa ouvertement Rabbi Jonathan Eybeschitz de produire des amulettes (supposées avoir le pouvoir miraculeux de guérir) contenant des références favorables à Sabbathaï Zevi, homme de mauvaise réputation et, de surcroît, proscrit. L'accusation était terrible. Pourtant, un peu par zèle, un peu par crainte de l'influence du maudit Sabbathaï Zevi, elle fut acceptée par certains. Partout la controverse faisait rage, qui prenant le parti de Rabbi Eybeschitz, qui celui de Rabbi Emden. Finalement, Rabbi Ezékiel fut consulté ; son autorité était reconnue par tous tant en matière de Talmud que de Kabbalah. Il exprima sa foi en l'intégrité de l'homme éminent qu'était l'accusé et fit néanmoins de son mieux pour colmater la brèche. Sa réponse fut si pleine de tact et de sincérité, et si émouvant son appel en faveur de la paix, qu'il fit impression sur tout le monde juif.

Quand le siège de grand-rabbin de Prague devient vacant, les principaux de la communauté la plus importante d'Europe Centrale l'offrirent au jeune rabbin de Yampol. Ce dernier l'accepta.

III

Ainsi un champ d'action idéal était-il offert à Rabbi Ezékiel Landau où il pouvait exercer ses dons exceptionnels tant comme chef religieux que communautaire.

Toutefois, comme l'on pouvait s'y attendre, il y eut à Prague un groupe de Juifs influents qui trouvèrent à redire à l'élection d'un homme relativement jeune et inexpérimenté à un poste d'une telle responsabilité. Mais le nouveau rabbin les gagna bientôt par son tact et sa sincérité.

Rabbi Ezékiel Landau consacra beaucoup de son temps à la yéchivah de Prague, laquelle grâce à son influence, vit accroître encore sa célébrité et sa prééminence. Les étudiants de Talmud se portèrent en foule à cette yéchivah. Parmi eux, citons Abraham ben Yé’hiel Dantzig, fort connu comme l'auteur du 'Hayé Adam.

Rabbi Ezékiel Landau fut plus qu'un maître et un érudit. Exceptionnellement doué comme chef religieux, son influence se fit sentir dans tous les domaines de la vie juive. Le bien-être spirituel de son peuple fut toujours son souci majeur et il se montra inlassable dans ses efforts en vue d'améliorer la vie morale et religieuse de ses coreligionnaires. De plus, il contribua considérablement à entretenir entre Juifs et non-Juifs des rapports forts cordiaux.

Rabbi Ezékiel devint célèbre sous le nom de Praguer Rav, « le rabbin de Prague », et les rabbins et les érudits juifs de toutes les parties du monde correspondirent avec lui, lui demandant de les conseiller et de les guider sur plusieurs points de loi et sur des problèmes de vie quotidienne juive. Ainsi, les matériaux dont devait sortir son Noda BiYehoudah s'enrichissaient de jour en jour.

Rabbi Ezékiel Landau fut un grand patriote. La noblesse de son caractère, la déférence que lui manifestaient aussi bien Juifs que non-Juifs, son patriotisme indéfectible enfin, lui valurent l'admiration de la cour et des autorités gouvernementales. Ce qui lui permit d'intercéder plus d'une fois, et avec les résultats qu'on en espérait, en faveur de son peuple. Quand la vieille impératrice Marie-Thérèse mourut, Rabbi Ezékiel Landau prononça un éloge funèbre, à la fois si éloquent et émouvant qu'à la demande du gouvernement, il fut traduit en allemand et distribué à la population.

IV

Comme nous l'avons déjà dit, l'œuvre la plus importante de Rabbi Ezékiel est la collection des Cheeloth Outechouvoth (enquêtes et décisions légales) intitulée « Noda BiYehoudah ». Dans cet ouvrage se trouvent les enquêtes et décisions ayant trait à presque chaque phase de la vie juive. Il n'est pas jusqu'aux pouvoirs publics qui ne le consultassent quand ils avaient à prendre des décisions relatives à la loi religieuse juive.

Outre Noda BiYehoudah (« Illustre en Judah » – un hommage à son père qui se nommait Judah), Rabbi Ezékiel est l'auteur des importants ouvrages suivants :

  • Tsioun Lénéfèche 'Hayah (« Mémorial pour une âme vivante ») : notes et commentaires sur différents traités du Talmud. Ce livre est souvent appelé, par abréviation, TsLa'H.
  • Ahavat Tsion (« L'amour de Sion ») : livre de sermons.
  • Drouch LeTsion (« Sermon pour Sion ») qui contient des sermons et des notes sur le Talmud.
  • Drouche Léhespède : Éloge funèbre de Marie-Thérèse.
  • Dagoul Mérvavah (« Plus glorieux qu’une myriade ») : Notes sur le Choul'hane Aroukh.
  • Mareh Ye’hezkel (« Vision d'Ezékiel ») : Notes sur le Talmud.

En 1793, à l'âge avancé de quatre-vingts ans, Rabbi Ezékiel Landau, au faîte de la célébrité, quitte ce monde. Il fut pleuré non seulement par la communauté juive de Prague qu'il avait dirigée et inspirée trente-huit ans durant, mais aussi par tout le peuple juif. Un homme d'une valeur peu commune, un géant de la spiritualité juive venait de disparaître.