Le triste sort des Juifs dans le nord de la France à l’époque de Rabbi Yé’hiel de Paris, s’est rapidement répandu vers le sud, jusqu’à ce qu’il affecte même l’Espagne, terre de culture et d’érudition de cette époque. Mais une fois de plus, le peuple juif trouva son champion qui plaida sa cause et défendit sa foi contre une attaque cruelle. Ce grand champion était Rabbi Moïse (Moché) ben Na’hmane Gerondi, connu sous l’abréviation RaMBaN, et dans le monde non juif, sous le nom de « Nahmanide ». Il était appelé « Gerondi » du nom de la ville de Gérone en Espagne où il naquit en 4954 (1195 de l’ère commune). Il était issu d’une noble famille, comprenant de nombreux talmudistes de premier plan.

Le jeune Moché manifesta un grand talent à un très jeune âge. Son principal maître de Talmud était Rabbi Judah ben Yakar et il étudia la Kabbale auprès des rabbins Ezra et Azriel. C’était un étudiant brillant, et son érudition, sa piété et son très bon caractère le rendirent célèbre bien au-delà de sa propre communauté.

À l’âge de seize ans, il avait maîtrisé tout le Talmud avec tous ses commentaires, et à cet âge précoce, il écrivit une défense (intitulée « Mil’hamoth Hashem ») de l’œuvre du grand codificateur et talmudiste, Rabbi Isaac Alfassi, contre les attaques de Rabbi Zerakhiah Halevi, l’auteur du « Sefer Hamaor ».

Ne souhaitant tirer aucun profit de la Torah, le Ramban devint médecin dans sa ville natale. Il était toutefois en même temps le rabbin communal de Gérone, et il devint plus tard le grand rabbin de toute la province de Catalogne.

De nombreuses années durant, le Ramban vécut à Gérone, subvenant à ses besoins en tant que médecin et consacrant la plupart de son temps à l’étude du Talmud et de la Kabbale ainsi qu’à son œuvre littéraire, écrivant des commentaires sur le Talmud. Mais dans sa vieillesse, alors qu’il avait presque soixante-dix ans, sa vie tranquille subit un changement soudain. Un juif apostat se faisant passer pour un fervent catholique, Paulus Christians, avait défié les juifs à une disputation religieuse. Il incita le roi Jacques Ier d’Aragon à convoquer le célèbre rabbin de Gérone à un débat public à Barcelone.

À contrecœur, le Ramban se rendit à la cour du roi à Barcelone. Le Ramban se déclara prêt à ne participer au débat que s’il était autorisé à s’exprimer pleinement, ce que le roi lui accorda. Puis, devant une large audience à la cour, commença le débat entre Paulus et ses collègues dominicains d’un côté, et le vénérable rabbin de Gérone à la tête des représentants juifs, de l’autre. Le Ramban réfuta facilement tous les arguments de Paulus, et prouva efficacement que les Juifs avaient le droit de conserver leurs propres croyances et leur foi. Pendant quatre jours, la disputation publique se poursuivit, et la brillante défense de sa foi par le Ramban était trop pour ses adversaires. Cela les rendit impatients de mettre fin au débat. Le roi fut si impressionné par l’érudition, la sagesse et l’éloquence du Ramban qu’il lui rendit visite à la synagogue le Chabbat suivant. Lors d’une audience d’adieu à laquelle le roi invita le Ramban, le monarque le félicita vivement et lui fit un riche cadeau en signe de respect et d’admiration.

Comme dans le cas de la disputation de Rabbi Yé’hiel de Paris, les ennemis d’Israël revendiquèrent la victoire dans le débat, répandant une propagande malveillante dans toute l’Espagne. Indigné, le Ramban publia un véritable compte rendu du débat et le fit même ratifier par le roi lui-même. Mais bien qu’il n’ait rien publié sauf ce qu’il avait dit lors du débat avec la permission du roi, le Ramban fut traduit en justice par les influents dominicains, et fut finalement condamné au bannissement pour « blasphème ».

À l’âge de 72 ans, le Ramban dut quitter sa communauté bien-aimée, sa célèbre Yeshiva, ses amis et sa terre natale. Il partit pour la Terre d’Israël, espérant y trouver la paix et le réconfort. Malheureusement, il trouva la Terre Sainte dans un état de grande désolation : les communautés juives étaient rares et dispersées, jeunes et vieux étaient pauvres et ignorants de la connaissance juive. Le Ramban commença aussitôt une campagne pour améliorer la situation de ses frères en Terre Sainte, tant spirituellement que matériellement. Il réorganisa les communautés, fonda des écoles, fit reconstruire les synagogues, donna des cours et des sermons publics. C’est là qu’il écrivit son célèbre commentaire sur la Torah et d’autres œuvres. Il envoya des copies de ceux-ci dans son pays natal, et il est également réputé avoir envoyé une copie du Zohar de la Terre d’Israël en Espagne, étant ainsi le premier à introduire ce livre saint en Occident.

Le Ramban mourut à l’âge de 75 ans et fut enterré à Haïfa, près de la tombe de Rabbi Yé’hiel de Paris, dont la vie ressembla tellement à la sienne.