L'un des admirateurs les plus fervents du Rambam fut Rabbi Moïse ben Jacob, de la petite ville française de Coucy. Il voua toute sa vie à l'étude du Talmud et à l'action en faveur du Judaïsme et des Juifs en France, en Espagne et en Provence.

Rabbi Moïse, qui fut l'un des derniers Tossafistes, était un disciple de l'illustre Rabbi Judah Ha'hassid dont la personnalité et la vaste culture avaient marqué d'une empreinte indélébile la méthode et la tradition françaises de l'étude du Talmud. De lui, Rabbi Moïse tenait la tendance à joindre l'action à l'étude abstraite, puisque le but véritable de l'étude n'est autre que la pratique des bonnes actions. Cette attitude porta ses fruits, lesquels furent nombreux et variés.

La vie juive en Provence et en Espagne avait atteint un très bas niveau. Alors que les savants étaient divisés en deux groupes, l'un pour et l'autre contre l'œuvre philosophique et halakhique du Rambam, les communautés juives avaient vu leur foi et leur piété se dégrader peu à peu. Une grande partie des lois de base étaient simplement négligées ou ouvertement enfreintes. La culture et la civilisation au milieu desquelles ils vivaient les avaient imprégnés au point qu'ils s'assimilaient, peu à peu, et devenaient chaque jour plus étrangers au Judaïsme. Rabbi Moïse de Coucy, qui éprouvait une grande admiration pour le Rambam, n'alla pas grossir le nombre des adeptes de Rabbi Salomon de Montpellier et de Rabbénou Jonah de Gérone, lesquels mobilisaient leurs énergies pour une lutte véhémente contre la philosophie de ce grand homme et de ses disciples. Rabbi Moïse ne lutta pas contre eux pour autant. Il était nourri des principes de Rabbi Judah Ha'hassid et de la tradition talmudique française, lesquels éludaient la philosophie. Il se jeta plutôt dans l'action communale, frayant avec le peuple, que les dirigeants, absorbés qu'ils étaient par les vives controverses, négligeaient.

En 1236 (4996), il entreprit un voyage à travers les villes de Provence et d'Espagne. En dépit des désagréments et de l'inconfort, il se fit un devoir de visiter chacune des communautés juives de ces deux pays et d'y prêcher sur le ton de grande cordialité qu'il avait héritée de son illustre maître Rabbi Judah Ha'hassid. Sans faire état de la controverse dont les études profanes étaient l'objet, il s'attacha à donner d'exaltantes conférences morales, ainsi qu'à souligner l'importance des préceptes quotidiens tels que la Mézouzah, les Tsisith et les Téfiline. Il s'attaqua au grand mal qui minait et même détruisait de nombreuses et importantes communautés juives : le mariage entre Juifs et non-juifs qui était devenu pratique courante parmi les familles nobles.

Rabbi Moïse se tailla une belle réputation comme prédicateur en langue française, espagnole et arabe. Son succès fut immense. Les Juifs ne s'étaient pas réellement détournés de la Loi juive ; leurs cœurs et leurs esprits lui restaient attachés. Ils étaient seulement tombés dans une sorte d'apathie à l'égard de la religion de leurs pères pour la simple raison qu'il manquait quelqu'un pour leur montrer le vrai et droit chemin. Le rabbin de la petite ville française leur tenait un langage simple et direct ; ses paroles qui reflétaient une grande sincérité et une piété profonde les réveillèrent. Se rendant compte des voies erronées où ils avaient engagé leur vie, « ils revinrent par milliers à l'observance des commandements de la Torah ». Ne rougissant plus de leurs pratiques religieuses au regard de leurs voisins, ils revêtirent les Tsitsith et les Téfiline, posèrent des Mézouzoth sur leurs portes, etc. En un mot, Rabbi Moïse accomplit par ses efforts, et dans une mesure considérable, le relèvement du niveau de la morale et de la religion au sein des communautés juives d'Espagne et de Provence. Sous ce rapport, nombreux sont les contemporains de Rabbi Moïse qui comparèrent ses grandes réalisations à celles d'Ezra qui restaura à son époque la vie juive quand l'exil babylonien de ses frères eut pris fin.

En 1240 (5000), peu après son retour de sa sainte mission dans le sud, Rabbi Moïse fut appelé à servir encore une fois son peuple. En compagnie du grand érudit de France, Rabbi Yé'hiel de Paris, participant à un comité de quatre savants, il devait prendre la défense de la foi juive et du Talmud contre les accusations des Dominicains qui essayaient d'interdire les études talmudiques. Bien que Rabbi Yé'hiel et ses assistants eussent réussi, lors du débat public, à réfuter totalement les arguments tendancieux de Nicolas Donin – le dominicain dont la mauvaise réputation était notoire – le camp de ce dernier fut, plus tard, proclamé victorieux par le tribunal. En 1242 (5002), vingt-quatre tas de livres talmudiques et sacrés furent brûlés sur la place publique et de nouvelles publications interdites. Cette grande catastrophe devait marquer la fin d'une période glorieuse de la recherche talmudique en France. Rabbi Moïse de Coucy revint dans sa petite ville et écrivit plusieurs courts commentaires sur le Talmud qu'il connaissait de mémoire.

En 1250 (5010), il termina sa grande compilation des lois intitulée « Sefer Mitsvot Gadol » (connue sous l'acronyme de SeMaG, par lequel on finit par désigner familièrement l'auteur lui-même). Cette œuvre lui fut inspirée par le « Michné Torah » du saint Rambam, une codification de la loi juive selon le Talmud. Rabbi Moïse qui se rendait compte du besoin urgent d'une forme clairement définie de la loi juive, entreprit la tâche gigantesque d'élaborer une sorte de supplément au Michné Torah qu'il qualifie de « grand et digne de louanges [...] » et dont il dit : « Il éclaire Israël [...] et il n'y en aura jamais de pareil à l'avenir ». C'est ce besoin urgent d'un tel code, compilé selon la tradition des écoles talmudiques française et allemande, qui l'incita à écrire son SeMaG.

Rabbi Moïse de Coucy écrivit aussi Tossafoth Yechanim, un commentaire du traité talmudique de Yoma, qui se fit également remarquer par sa grande clarté. Il fut inclus dans les éditions modernes du Talmud.

Rabbi Moïse ben Jacob de Coucy mourut en l'an 5020 (1260).