Rabbi Méir ben Baroukh, connu sous l’abréviation « MaHaRaM » (Morénou HaRav Méir) de Rothenburg, talmudiste et paytane (poète liturgique), est né à Worms, en Allemagne, il y a près de huit siècles, vers l’an 1220.

Dans sa jeunesse, il étudia à Wurtzburg et à Mayence dans les Yeshivoth des principaux talmudistes de l’époque. Plus tard, il se rendit en France pour étudier dans les Yeshivoth françaises bien connues, en particulier dans la Yeshiva du grand Rabbi Yé’hiel ben Yossef de Paris. Rabbi Yé’hiel était connu comme un saint rabbin et un talmudiste exceptionnel, et c’est lui qui défendit le Talmud sous le règne de Louis IX. Cependant, les ennemis d’Israël condamnèrent par la suite le Talmud à être brûlé publiquement le vendredi 17 juin 1244 (Erev Chabbat ‘Houkat 5004) en Place de Grève à Paris. Rabbi Méir fut le témoin oculaire de cette crémation publique de vingt-quatre charrettes de manuscrits talmudiques, et il déplora cette tragédie dans sa célèbre « Kina » (élégie, poème de deuil) Chaali seroufah que nous disons le jour de Ticha beAv.

L’année suivante, Rabbi Méir, déjà célèbre talmudiste, retourna en Allemagne, où il devint successivement le rabbin de plusieurs grandes communautés. Il s’installa finalement à Rothenburg, où il entretint, à ses propres frais, une célèbre Yeshiva. Parmi ses disciples se trouvaient de nombreux érudits qui devinrent plus tard des talmudistes et des codificateurs de premier plan, notamment Rabbénou Acher ben Yé’hiel (le « Roch ») et Rabbi Mordekhaï ben Hillel Ashkenazi.

Rabbi Méir fut universellement reconnu comme la principale autorité en matière de Talmud et de loi juive, et de nombreuses communautés en France, en Italie et en Allemagne se tournèrent fréquemment vers lui pour obtenir des instructions et des conseils sur toutes les questions religieuses et sur divers points de droit. Des titres affectueux et rares furent décernés dans leurs échanges, tels que « Père des Rabbins », « Lumière de l’Exil », etc. Rabbi Méir donnait humblement son avis et ses conseils à toutes les demandes, et ses responsa, dont environ 1500 ont été conservés, et ses commentaires sont d’une grande importance non seulement pour les étudiants du Talmud de haut niveau, mais aussi pour ceux qui étudient la vie et les coutumes juives de cette époque.

Rabbi Méir n’a pas écrit un grand ouvrage unique, mais de nombreuses notes, commentaires et développements. Ses écrits comprennent : Piskei Erouvine sur les lois de l’Erouv ; Halakhoth Pessoukoth – un recueil de décisions sur des points controversés de la loi juive ; Hilkhoth Berakhoth – sur les bénédictions ; Hilkhoth Avelouth sur les lois du deuil ; Hilkhoth Che’hita sur l’abattage rituel des animaux pour la viande casher, etc.

En ces temps-là, les Juifs d’Allemagne étaient persécutés et vivaient dans une crainte constante pour leurs biens et leur vie. En 1286, Rabbi Méir prit toute sa famille et se mit en route pour la Terre d’Israël, avec un groupe d’amis aisés. En Terre d’Israël, ils espéraient poursuivre leur travail en faveur de leurs frères persécutés. Cependant, alors qu’ils traversaient la Lombardie, Rabbi Méir fut reconnu par un juif apostat qui accompagnait l’archevêque de Mayence. L’archevêque fit arrêter Rabbi Méir et le ramena en Allemagne. Là, sur ordre du roi Rodolphe, Rabbi Méir fut emprisonné dans la forteresse d’Ensisheim et soumis à une rançon. Le roi savait que les Juifs donneraient jusqu’à leur dernier mark pour racheter leur rabbin bien-aimé et, en effet, la somme de 20 000 marks fut réunie pour la libération de Rabbi Méir. Rabbi Méir, cependant, interdit à ses amis et à ses disciples de payer une rançon pour lui. Dans son altruisme, il savait qu’une fois la rançon payée pour lui, tous les rabbins connus en Allemagne seraient arrêtés et retenus contre rançon par les gouvernants allemands avides et cruels de l’époque. C’est pourquoi Rabbi Méir préféra rester en prison, et même y mourir, afin de sauver beaucoup d’autres d’un sort similaire.

Pendant sept ans, Rabbi Méir demeura prisonnier dans cette forteresse jusqu’à sa mort en 1293. Pendant cette période, ses disciples étaient autorisés à le rencontrer, et il put même composer plusieurs de ses œuvres entre les murs de la prison. Après sa mort, son corps ne fut rendu que 14 ans plus tard, lorsqu’une lourde rançon fut payée par un juif généreux, Alexander Suskind Wimpfen de Frankfort. En retour, Alexander Suskind demanda seulement qu’après sa propre mort, son corps repose aux côtés du saint Rabbi Méir. Son souhait fut exaucé lorsqu’il mourut un an plus tard, et dans l’ancien cimetière juif de Worms, deux pierres tombales furent érigées côte à côte, l’une pour le grand et saint Rabbi Méir ben Baroukh de Rothenburg, et l’autre pour Alexander Suskind Wimpfen de Frankfort.