1.

Rabbi Yonathan (Jonathan) naquit à Cracovie (Pologne) en l’an 5450 (1690). Son père, Rabbi Nathan Nota, était rabbin à Eibenschütz (Moravie), où il mourut, laissant Yonathan jeune orphelin. Un riche Juif de Vienne prit le jeune garçon sous son aile. Cependant, la veuve craignait que le garçon ne soit détourné de ses études de Torah dans son nouvel environnement. Elle le ramena avec elle à Prossnitz, où elle vint vivre. Là, Yonathan étudia la Torah dans la Yeshiva du Gaon Rabbi Méir Eisenstadt, auteur du Panim Méiroth. Sa mère mourut bientôt et Yonathan trouva une famille d’accueil chez le rabbin Its’hak Schapiro, grand rabbin de Prague et de Bohême. Lorsqu’il fut en âge de se marier, Rabbi Yonathan épousa la fille du grand rabbin.

Plusieurs années durant, Rabbi Yonathan vécut dans la maison de son beau-père et se concentra sur ses études de manière calme et paisible. Il devint connu comme un brillant érudit talmudique. Il n’avait que dix-huit ans lorsqu’il fut invité à devenir rabbin de Jungbunzlau, en Tchéquie. Trois ans plus tard, il revint à Prague pour y diriger la célèbre Yeshiva. Il excellait également en tant que prédicateur, faisant grande impression sur la communauté. Après avoir passé une année d’études intensives chez le grand-père de sa femme, un homme éminent et érudit de Hambourg nommé Mordekhaï, il revint de nouveau à Prague (en 5472-1712). Il établit alors sa propre Yeshiva et attira de nombreux jeunes érudits, car sa réputation d’autorité talmudique et d’excellent enseignant s’était répandue jusque dans des contrées lointaines.

L’intellect vif de Rabbi Yonathan recherchait également la connaissance dans d’autres domaines, en particulier dans la sagesse mystique de la Torah, la Kabbale.

La renommée de Rabbi Yonathan en tant que prédicateur et enseignant atteignit de nouveaux sommets. Il était également très estimé par d’éminents érudits non juifs, dont l’évêque jésuite Hasselbauer. Rabbi Yonathan Eybeschitz utilisa sa bonne influence pour obtenir de l’évêque la permission d’imprimer le Talmud, qui avait été interdit par l’Église qui accusait le Talmud de contenir des références anti-chrétiennes. Il était toutefois nécessaire d’omettre tout passage auquel les censeurs pourraient s’opposer. La grande réputation de Rabbi Yonathan lui servit également lorsqu’il se rendit à Vienne pour intervenir en faveur de ses frères de Prague et de Bohême. En 1741, il fut élu rabbin de Metz. C’est à cette époque que la guerre éclata entre la Prusse et l’Autriche, et que l’armée française, qui soutenait la Prusse, envahit la Bohême. Rabbi Yonathan trouva la faveur des Français et il reçut un sauf-conduit pour Metz. En 5502 (1742), Rabbi Yonathan Eybeschitz quitta Prague avec toute sa famille pour prendre son poste à Metz. Il laissa derrière lui la plupart de ses biens. Plus tard, lorsque les Français se retirèrent de Prague et de la Bohême et que le gouvernement autrichien y rétablit son règne, le gouvernement considéra la coopération du rabbin Eybeschitz avec les Français comme un acte de trahison. Il ne fut jamais autorisé à retourner à Prague et tous les biens qu’il avait laissés furent confisqués.

2.

Rabbi Yonathan Eybeschitz était très estimé à Metz et il aurait pu y mener une vie paisible et productive. Mais les problèmes qui frappaient ses frères en Bohême et en Moravie le rendirent très malheureux. En 1745, la guerre entre la Prusse et l’Autriche-Hongrie éclata à nouveau, et les troupes austro-hongroises qui envahirent ces provinces considéraient les Juifs comme des victimes faciles pour la rapine et le pillage. Pour ajouter à la misère des Juifs, le gouvernement autrichien ordonna l’expulsion des Juifs de ces provinces.

À cette époque, Rabbi Yonathan Eybeschitz faisait tout ce qu’il pouvait pour soulager la détresse de ses frères. Il s’assura l’aide des dirigeants juifs de Rome pour plaider auprès du pape afin qu’il utilise son pouvoir en faveur des Juifs persécutés et sans défense. Il fit appel à l’impératrice d’Autriche pour qu’elle annule l’ordre d’expulsion et il se tourna vers les différentes communautés juives du sud de la France et d’ailleurs pour collecter des fonds pour les affamés et les nécessiteux.

Rabbi Yonathan occupa son poste à Metz pendant neuf ans. Pendant cette période, de nombreux jeunes érudits prometteurs vinrent à sa Yeshiva de Metz pour étudier le Talmud. Au mois d’Eloul 5510 (1750), les amis de Rabbi Yonathan à Altona et à Hambourg le nommèrent grand rabbin des trois communautés unies AHU (Altona, Hambourg et Wansbeck).

3.

La toute première année de l’entrée en fonction de Rabbi Yonathan, le nombre de décès en couches augmenta soudainement. Ayant la réputation d’un saint kabbaliste et d’un faiseur de miracles, de nombreux Juifs se tournèrent vers leur rabbin pour obtenir de l’aide. L’un des moyens de contrer le danger, qui avait souvent été pratiqué par les kabbaliste et les thaumaturges, consistait à écrire des amulettes spéciales (kaméoth), et Rabbi Yonathan en écrivit un certain nombre destinées à être portées par les futures mères, comme il le faisait également à Metz. Une amulette censée avoir été écrite par Rabbi Yonathan fut portée à l’attention de Rabbi Yaakov Emden, un grand talmudiste et kabbaliste d’Altona. Ce dernier déchiffra l’écriture mystique et y a trouva une invocation cachée à Shabbataï Tzvi. Le rabbin Emden accusa alors Rabbi Yonathan Eybeschitz d’être un adepte de Shabbataï Tzvi. Les dirigeants de la communauté se précipitèrent à la défense de leur rabbin. Ils proclamèrent le boycott de la synagogue du rabbin Emden et lui ordonnèrent de quitter la ville dans les six mois. Entre-temps, la controverse s’étendit à d’autres villes d’Allemagne et de Pologne, certains des rabbins les plus célèbres prenant part au soutien de l’un ou l’autre des deux camps. Le rabbin Emden se vit contraint de quitter Altona et se rendit secrètement chez son beau-frère, le rabbin Aryeh-Leïb, rabbin de la communauté ashkénaze d’Amsterdam. De là, il poursuivit son combat en écrivant au Conseil des rabbins des Quatre Pays et porta ses accusations.

Finalement, Rabbi Yonathan Eybeschitz décida de porter son cas devant le Conseil des Quatre Pays qui se réunit à Jaroslav dans ce but en 1753. L’innocence de Rabbi Yonathan fut alors établie, et la dispute qui avait causé beaucoup de désunion et de manque de respect dans de nombreuses communautés juives et qui avait impliqué également le roi du Danemark prit fin. Rabbi Yonathan Eybeschitz fut à nouveau confirmé dans ses fonctions par le Sénat de Hambourg au mois de Kislev, 5517 (1757), et il ne fut plus inquiété.

4.

Rabbi Yonathan Eybeschitz passa le reste de sa vie paisiblement, se concentrant sur ses livres, qui représentent une contribution exceptionnelle à la littérature rabbinique.

Ses principaux ouvrages sur la Halakha sont son Ourim Vetoumim, un commentaire de la section ‘Hochène Michpat du Choul’hane Aroukh, et Kerethi Oufelethi, sur la section Yoré Déa. D’autres ouvrages, tels que Binath Ittim, traitent d’autres sections et sujets de la Halakha. Ses ouvrages de drouch (homilétique) sont très appréciés et populaires, notamment son Yaaroth Devach, en deux volumes, et Tifereth Yonathan. La plupart de ses ouvrages ont été publiés et réimprimés de nombreuses fois. Il écrivit également plusieurs ouvrages sur la Kabbale, dont un, Chem Olam, fut publié (Vienne, 1891). En relation avec la dispute avec Rabbi Yaakov Emden, Rabbi Yonathan écrivit un ouvrage en sa défense, Lou’hoth Habrith (Tables du Témoignage), dans lequel il décrit toute la dispute et réfute les accusations portées contre lui. Il inclut également les lettres de recommandation qu’il reçut de grands rabbins qui prirent sa défense. C’est un chef-d’œuvre de retenue et de sagesse, qui prouve qu’il avait été victime d’un défenseur du judaïsme trop zélé, bien que bien intentionné.