Cher Rabbin,

C’était agréable de manger chez vous Chabbat dernier. La nourriture était excellente, les chants étaient entraînants et vos enfants sont brillants.

Mais j’ai remarqué que vos murs sont couverts d’étagères pleines de livres. Pourquoi avez-vous autant de livres ?

Réponse :

Vous avez vu juste. Je suis un amasseur compulsif. J’amasse des livres juifs ; j’amasse de la connaissance juive.

Avez-vous déjà parlé à un amasseur compulsif ? Vous savez, ces gens qui ne peuvent jamais se débarrasser de quoi que ce soit ? C’est presque impossible pour eux de jeter ou de donner des choses. C’est douloureux. Chaque objet a une signification pour son propriétaire, presque comme si c’étaient les objets que le possédaient, lui.

En fait, je viens d’achever un livre de photos montrant le bric-à-brac dans des maisons du monde entier, ce qui m’a appris que tout le monde est un amasseur d’une manière ou d’une autre. Certains s’accrochent à des paniers, d’autres collectionnent des modèles réduits de voitures ou des poupées, ou encore du papier toilette pour une année.

Ce que les gens choisissent de collectionner est souvent révélateur. Parfois, c’est lié à un souvenir précieux ou à un traumatisme secret. Mais quelle que soit la raison, il s’agit d’un objet auquel ils tiennent suffisamment pour le conserver.

Des volumes d’histoires

Je suis, avant tout, un homme de nostalgie. Non, pas l’une de ces personnes qui se languissent du « bon vieux temps » en déplorant l’appauvrissement de la moralité de la société d’aujourd’hui. Je ne crois pas à cela. Mais je crois que notre passé, l’héritage que nos ancêtres nous ont laissé, peut (et doit) influencer profondément nos vies. En fait, je crois que la raison essentielle pour laquelle nous devons respecter nos aînés est qu’ils ont plus d’expérience et de connaissances que nous.

La plupart des livres que vous avez vus chez moi sont des volumes qui ont été étudiés pendant des milliers d’années, soit sous leur forme actuelle, soit sous une forme différente. Ils transmettent des connaissances d’une autre époque, où la vie était imprégnée de Divinité.

Je considère que notre génération a de la chance. Nous avons la chance de pouvoir étudier les textes anciens, d’apprendre des sages d’autrefois et de mettre en œuvre leurs sages conseils dans nos vies.

Lorsque je passe une journée difficile ou que je me demande ce que l’avenir nous réserve, je regarde mes livres. Cela me réchauffe le cœur de savoir que je ne suis pas seul. Des générations avant moi se sont également interrogées. Et ces volumes contiennent les réponses.

Et il y a aussi l’étude longitudinale sur la petite enfance, menée par le ministère de l’Éducation, qui a révélé que les enfants ayant une collection importante et visible de livres à la maison obtenaient de meilleurs résultats scolaires. Je suis fermement convaincu que la simple présence des livres dans ma maison crée une atmosphère qui profite à ceux qui entrent et vivent dans ma maison.

Il ne suffit pas de les avoir...

Lorsqu’il était petit, Rabbi Chmouel de Loubavitch, le Rabbi Maharach, aimait acheter des livres. Il économisait son argent de poche et quelques cadeaux, et donnait l’argent à son père, le Tsema’h Tsédek, pour qu’il le garde en sécurité.

Ce n’était pas tous les jours qu’un vendeur de livres venait en ville. Lorsqu’il en arriva un, le jeune garçon fut ravi de pouvoir enfin acheter des livres. Il demanda l’argent à son père, mais le Tsema’h Tsédek répondit : « Tu dois d’abord bien connaître les livres que tu as déjà. »

Le fils répondit : « Tu as aussi une énorme bibliothèque. En connais-tu parfaitement tous les volumes ? »

Le père lui dit de lui apporter n’importe quel volume et de le tester. C’est ce que fit le fils, et son père réussit avec brio. Finalement, il donna à l’enfant son argent, mais il avait réussi à lui transmettre une leçon importante : les livres saints doivent être étudiés. Ils ne sont pas des décorations.

Je vais vous confier un autre secret : beaucoup des volumes qui se trouvent sur mes étagères viennent de mes grands-parents. Bien que ma vie ait été parfois difficile, elle n’est rien en comparaison de la leur. Mes grands-parents étaient des survivants de l’Holocauste. Leur vie entière a été détruite par les nazis, ils ont enduré l’enfer sous toutes ses formes, puis ils ont été forcés de continuer à vivre.

L’amassage de livres est héréditaire. Mes grands-pères1 ont choisi d’investir l’argent précieux qu’ils ont gagné par leur travail après l’Holocauste dans des livres juifs.

Et les volumes sont bien utilisés. Mes grands-parents passaient une grande partie de leur temps libre à étudier.

Bien que je ne puisse pas dire que je connaisse parfaitement le contenu de mes livres, ou que j’étudie à chaque moment libre, je sais que je dois m’y efforcer. Les livres me rappellent que je dois consacrer du temps à l’étude. Les étagères pleines me rappellent que l’étude ne s’arrête pas après le lycée ou la yeshiva, fût-elle de haut niveau. Elle se poursuit tout au long de la vie.

Les invités

Dans ma bibliothèque, vous trouverez des livres en plusieurs langues. Ainsi, les invités auront toujours quelque chose à faire dans ma maison. Je n’ai jamais entendu personne dire qu’il s’ennuyait ici ! Cela permet aussi de faire de belles conversations.

Les enfants

L’auteur de ce livre de photos vous dirait que les objets présents dans la maison de ses parents ont attiré son attention et lui ont appris quelque chose sur ses parents.

Lorsque vos enfants sauront à quel point ces livres sont importants pour vous, lorsqu’ils verront que c’est ce à quoi vous tenez et que vous les exposez en public, ils comprendront que vous tenez vraiment au contenu de ces volumes.

Commencez votre propre collection

Je n’ai pas amassé ma collection de livres juifs en un seul jour. J’ai commencé un peu avant l’âge de six ans. Mais il n’est jamais trop tard pour commencer. Chaque foyer devrait avoir une boîte de charité, un livre de prières, un livre de Psaumes et un livre de la Torah placés bien en vue.2 Tous ces livres sont disponibles en français. Plus important encore, veillez à étudier et à utiliser les livres que vous collectionnez.3

Voir Environnement et identité et Une maison de livres.