Je me suis toujours demandé pourquoi nous pratiquons cette ablution spécifique avant de manger du pain, et pourquoi nous ne devons pas parler entre le moment où nous nous lavons les mains et celui où nous mangeons le pain. Cette pratique ne saurait être réduite à une simple question d’hygiène, alors quelle en est la véritable raison ?
Réponse :
Lorsque quelqu’un donne une explication sophistiquée pour justifier son comportement, celui-ci dissimule probablement une signification plus profonde. La raison que nous livre le Talmud concernant le lavage des mains en est un exemple manifeste.
À l’époque du Temple, les prêtres subsistaient grâce aux dons de produits agricoles offerts par les fermiers, appelés terouma. Les fermiers devaient prélever cette portion, qui ne pouvait être consommée que par un cohen, et exclusivement dans un état de pureté rituelle. Les prêtres veillaient donc à toujours se laver rituellement les mains avant de manger pour s’assurer qu’ils étaient purs. Cette coutume fut ensuite adoptée par l’ensemble du peuple par respect pour les cohanim qui y étaient tenus. Et même si nous n’avons plus ces aliments qui devaient être consommés en état de pureté, nous perpétuons cette pratique.1
Vraiment ? Il y a deux mille ans, les gens ont commencé à se laver les mains parce que les prêtres le faisaient, et c’est pour cela qu’aujourd’hui nous faisons cette ablution chaque fois que nous mangeons du pain ? Le sens doit être plus profond...
Le pain que nous mangeons est l’aboutissement d’un long processus. Considérons les multiples étapes nécessaires pour avoir du pain sur la table. Nous œuvrons et peinons, créons et inventons, cuisinons et cuisons, et finalement nous mangeons.
Nos mains représentent donc l’intelligence créatrice de l’homme, le labeur que nous accomplissons. Le pain représente la réussite humaine, la nourriture que nous mangeons. Après tout, nous travaillons dur pour gagner ce blé.
Mais il nous faut garder à l’esprit que le travail de nos mains à lui seul ne nous donne pas le pain. C’est la bénédiction de D.ieu qui nous nourrit. Nous ne devrions pas penser : « C’est ma propre force et le pouvoir de mes mains qui m’ont procuré cette prospérité. »2 Notre travail est un réceptacle, un contenant, mais un contenant vide jusqu’à ce que D.ieu le remplisse de Sa bénédiction. « Les plus intelligents n’ont pas forcément de pain. »3 Notre succès ne dépend pas de nos propres talents, mais de la bénédiction de D.ieu.
C’est pourquoi nous nous lavons les mains avant de manger du pain. Nous nous purifions de toute idée que la subsistance nous est due, de toute arrogance ou complaisance. Nous avons du pain sur la table, mais c’est à la bénédiction de D.ieu que nous le devons. Il nous appartient d’être humbles et reconnaissants pour le pain qu’Il nous procure.
C’est pour cette raison que nous ne faisons pas d’interruption entre l’ablution des mains et la consommation du pain. Nous créons une relation directe entre la reconnaissance de l’origine véritable du pain et sa consommation. Dès que nous avons purifié nos mains de l’orgueil, nous pouvons manger. Rien ne doit nous distraire entre-temps.
C’est pourquoi nos Sages enseignent que nous devons nous laver les mains de la même manière que les prêtres. Les cohanim ne travaillaient pas dans les champs. Ils servaient au Temple et dépendaient des dîmes que les gens donnaient pour leur subsistance. Un cohen ne pouvait pas se bercer d’illusions en pensant qu’il avait travaillé pour son pain. Il était évident qu’il subsistait par la générosité d’autrui. Nous devrions tous nous sentir ainsi. Ce n’est pas notre propre travail et nos efforts ; tout n’est qu’un don de D.ieu.4
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