Il est écrit : « Amalek est la première parmi les nations, et à la fin il sera détruit. » (Nombres 24, 20) Ce verset signifie qu’Amalek est la source spirituelle et la racine des Sept [mauvaises] Nations : les Cananéens, les Hittites, les Émoréens, et ainsi de suite, et pourtant il est distinct d’elles.

La seule rectification d’Amalek est son éradication et sa destruction totales…

La conclusion du verset cité ci-dessus, « … et à la fin il sera détruit », semble impliquer que la kelipa d’Amalek ne contient aucun élément qui puisse être récupéré au moyen du processus divin appelé birourim (c’est-à-dire le criblage et le raffinage de la matérialité effectués en élevant les étincelles divines qui s’y trouvent disséminées). La kelipa d’Amalek, semble-t-il, ne peut pas être restaurée en quelque chose de positif et être ainsi amenée à un état de rectification. Au contraire, la seule rectification d’Amalek est son éradication et sa destruction totales. C’est ce qui est suggéré dans le verset « ... et à la fin il sera détruit » : la finalité d’Amalek est sa destruction.

Cependant, nous trouvons dans les paroles de nos sages que « certains des descendants d’Haman, lui-même un descendant d’Amalek, se sont convertis au judaïsme et ont étudié la Torah en public. » (Guittine 57b)

Même la kelipa d’Amalek peut être rectifiée et élevée…

L’étude de la Torah, même menée individuellement, s’inscrit dans les birourim. L’étude publique de la Torah a un statut élevé, comme le laisse entendre le verset : « La sagesse [de la Torah] exulte [même] à l’extérieur… » (Prov. 1, 20), ce qui signifie que même les aspects externes de l’univers qui sont enclins à se séparer du Divin peuvent triompher, car eux aussi peuvent être élevés au moyen des birourim exercés par l’étude de la Torah.

Puisqu’Haman descendait d’Amalek, et que les descendants d’Haman, loin d’être détruits, étudièrent même la Torah en public, il s’ensuit que même la kelipa d’Amalek peut être rectifiée et élevée. Comment concilier ces deux affirmations – que la destruction totale d’Amalek est jugée nécessaire, car il est considéré comme hors d’atteinte du salut et de la rectification, mais il peut être rectifié et élevé comme dans le cas de ses descendants ?

La kelipa… est une non-entité…

Une solution peut être trouvée dans le verset : « [D.ieu] fixa une limite aux ténèbres… » (Job 28, 3), ce qui signifie qu’Il limita le temps pendant lequel les ténèbres de la kelipa seront autorisées à tirer leur subsistance des résidus de sainteté, du niveau le plus extrinsèque de la sainteté. Lorsque ce temps arrivera à échéance, la kelipa sera entièrement détruite et anéantie, ne laissant aucun vestige d’elle-même, car elle ne possède aucune forme intrinsèque d’existence véritable ; c’est une non-entité…

Contrairement au côté de la sainteté, les kelipoth tirent leur existence d’un « manque de désir divin » et furent donc séparées de l’unité de D.ieu. Elles n’ont d’autre existence que l’animation qu’elles reçoivent du niveau transcendant de la lumière divine. Lorsque cette source sera supprimée, elles seront totalement déconnectées et complètement effacées. C’est le sens du verset cité ci-dessus, « [D.ieu] fixa une limite aux ténèbres… ». L’obscurité des kelipoth a une période de temps limitée, après laquelle les kelipoth seront complètement détruites et anéanties, car elles proviennent d’un « manque de désir divin ».

Une personne insolente… est essentiellement une non-entité…

Bien que cela s’applique à la sitra a’hara en général, c’est particulièrement vrai pour la kelipa d’Amalek, dont l’être est tout d’effronterie et de ‘houtspa, sans aucun contenu intérieur. Chaque autre kelipa a au moins un certain contenu, bien que maléfique, tel que le « ‘hessed de kelipa ».

Ce n’est pas le cas de la kelipa d’Amalek, la kelipa de la ‘houtspa effrontée ; une personne insolente, comme elle le sait elle-même, est essentiellement une non-entité. Plus ces personnes sont dégradées – moins elles conservent leur aspect humain – et plus elles se comportent avec insolence, de façon animale, envers des personnes plus élevées qu’elles.

(En fait, chacun peut trouver une trace de cela en soi-même s’agissant de son service spirituel : pendant le temps que l’on assouvit ses envies physiques, pour la nourriture et la boisson, etc., s’élève dans son esprit une froideur marquée envers les choses plus nobles, c’est-à-dire celles qui concernent l’essence profonde de son service divin, telles que l’accomplissement des mitsvot de la meilleure manière, ou les pratiques basées sur les enseignements de la Kabbale.)

Amalek ressemble ainsi aux vagues de la mer soulevées par le vent…

De même, la kelipa d’Amalek, dont tout l’être est insolence, est essentiellement une non-entité. Amalek ressemble ainsi aux vagues de la mer soulevées par le vent. Bien que l’eau, de par sa nature, descende, elle est capable d’être soulevée par le vent et de se tenir momentanément droite comme un mur ; cependant, dès que le vent retombe, l’eau s’effondre. De même, les kelipoth en général et Amalek en particulier ne tirent leur subsistance que du niveau transcendant de la force vitale divine, et ainsi « elles apparaîtront et disparaîtront avec le vent ». Tel est donc le sens de l’expression « [D.ieu] fixa une limite aux ténèbres » : les ténèbres des kelipoth ont une fin fixée, après quoi elles seront retranchées et complètement détruites, ne laissant aucune trace.

À cet égard, il y a une différence entre la venue du Machia’h « au temps fixé » et sa venue « en hâte » avant le « temps fixé ». (Voir Sanhédrine 98a, Zohar I, 117b.) Si les kelipoth sont nullifiées « au temps fixé », elles seront complètement anéanties. Si, cependant, le peuple juif est jugé digne que Machia’h arrive « en hâte », avant le temps fixé, alors les kelipoth seront annulées par le fait qu’elles seront rectifiées.

Dans les deux cas, il y aura une augmentation de la lumière de sainteté, mais si les kelipoth sont annulées en étant rectifiés, cette sainte lumière rayonnera avec une intensité bien plus grande.

C’est le sens de l’ordre d’A’hashverosh à Haman : « Hâte-toi et prends le vêtement… » (Esther 6, 10) Pourquoi cette hâte ? A’hashverosh lui donnait simplement un bon conseil. En fin de compte, Haman (en tant qu’incarnation du mal) était sûr d’être réduit à néant. Si cela devait avoir lieu « au temps fixé », alors il serait complètement anéanti.

A’hashverosh lui conseilla donc d’être rectifié au moyen du birour, en élevant les étincelles de sainteté disséminées dans le monde, en servant de vêtement pour orner Mardochée le tsadik. Si cela se produisait « en hâte », il ne serait pas totalement nullifié, mais plutôt rectifié. En outre, il y aurait parallèlement une augmentation de l’illumination dans le domaine de la sainteté.

Adapté de l’édition anglaise du discours Réchit Goyim Amalek (1920) publiée par Sichos In English (1998)