La reine Salomé Alexandra fut l'une des femmes les plus remarquables de notre histoire.
Elle était la sœur du fameux chef du Sanhédrine, Rabbi Siméon ben Chata’h, et la femme du premier Maccabée qui prit le titre de « roi » depuis la destruction du Saint Temple. Ce dernier était l'arrière petit-fils de Matithiahou et se nommait Judas Aristobule Ier.
Quand il mourut, son frère aîné Alexandre Jannée, qu'il avait jeté lui-même en prison, s'y trouvait encore. Salomé le libéra. Elle était désormais veuve et sans enfants ; soucieuse d'obéir aux prescriptions de la loi Judaïque, elle l'épousa.
Aussi longtemps qu'Alexandre Jannée fut absorbé par ses campagnes militaires, il laissa à sa reine le soin des affaires intérieures du pays. Ce fut une souveraine pleine de sagesse et de piété qui conforma ses actes aux commandements de la Torah. Elle renvoya du Sanhédrine les Saducéens (secte qui ne croyait pas à la tradition orale) et appela à leur place les plus grands érudits de ce temps avec, à leur tête, Rabbi Siméon ben Chata’h. Avec l'aide d'un autre sage, Rabbi Josué ben Gamla, elle mit au point et réalisa un plan grâce auquel chaque ville de la terre d'Israël fut dotée de bonnes écoles et de pieux maîtres qui enseignèrent la Torah aux jeunes enfants.
Le peuple vivait libre et heureux.
Cette ère de félicité dura tant que les guerres occupèrent Alexandre Jannée. Il devait bientôt les terminer par des victoires auxquelles contribua la reine d'Égypte, Cléopâtre, qui avait placé à la tête de ses troupes deux généraux juifs. Les victoires obtenues et la paix conclue, le roi se montra alors sous son vrai jour. Opposé aux conceptions de piété et de droiture de la reine, désapprouvant l'influence de Rabbi Siméon ben Chata’h, son frère, et des autres sages, il manifesta ouvertement ses sentiments. La noblesse, formée des Saducéens ennemis de la vraie tradition juive, eut désormais ses faveurs.
Il alla même jusqu'à prendre le contre-pied d'un usage sacré de la Torah lié au saint office de Souccot dans le Beth-Hamikdache, faisant ainsi outrage à la masse du peuple Juif rassemblé à Jérusalem pour la célébration de la fête. Irrités, les fidèles l'avaient assailli à coups d'étroguim.
Alexandre Jannée était non seulement le roi, il était aussi le Grand-Prêtre. L'insulte était grave ; il ordonna à ses troupes étrangères d'étouffer la « rébellion ».
Sous ce prétexte beaucoup de sang fut versé. Après quoi le roi entreprit une lutte sans merci contre les Pharisiens, les Perouchim, comme on appelait alors les croyants orthodoxes. Sans égards pour sa propre femme, la pieuse Salomé Alexandra, il persécuta les sages du Sanhédrine, et Rabbi Siméon ben Chata’h ne dut son salut qu'à la fuite. Pris de court les Pharisiens se réfugièrent dans une forteresse. Jannée s'en empara et poussa la cruauté jusqu'à faire tuer huit cents parmi les plus grands érudits, les sages et les saints qu'honorait le peuple juif.
Heureusement le règne cruel de ce roi dont la perversité ne connaissait pas de frein, ne dura pas longtemps. Il mourut à l'âge de cinquante ans. Mais avant sa mort il se repentit de ses péchés et, exprimant ses dernières volontés, recommanda qu'on choisît, pour lui succéder sur le trône, sa femme, la pieuse Salomé Alexandra, plutôt qu'un de ses fils.
Avec cette dernière revinrent la justice et la prospérité. Au cours de cette seconde partie de son règne, neuf ans durant, ses sujets, à l'ombre de leurs vignes et de leurs figuiers, goûtèrent une vie paisible et consacrée au service de D.ieu.
C'était le résultat d'une politique prudente et pleine de sagesse. Au début il fallut compter avec le puissant parti des Saducéens. Peu à peu, avec une adresse consommée, Salomé Alexandra les écarta un à un des postes importants et leur substitua ceux parmi les sages et les érudits qui avaient survécu aux cruelles persécutions sous Alexandre Jannée.
Rabbi Siméon ben Chata’h, son frère, reprit sa place à leur tête. Le Sanhédrine devint, encore une fois, la plus haute cour consacrée à l'application des lois de la Torah. L'éducation fut à nouveau confiée à de pieux maîtres qui inculquèrent à leurs élèves tant la connaissance de la Torah que l'esprit de piété et la foi.
Les guerres et les persécutions d'Alexandre Jannée avaient considérablement accru le nombre des veuves et des orphelins ; on en comptait alors des milliers. Rabbi Siméon ben Chata’h et son ami l'éminent érudit Rabbi Judah ben Tabbaï qui partageait avec lui la direction du Sanhédrine, veillèrent à ce que ces malheureux ne manquent de rien.
La justice régna sans conteste en conformité des lois humaines de la Torah. Les magistrats peu scrupuleux furent destitués. Les témoignages étaient contrôlés avec soin et leurs auteurs soumis à des interrogatoires et des enquêtes serrées.
Qu'un pays, vivant dans l'observance des hauts principes de la Torah, sous la direction de pieux et sages érudits, s'épanouît et prospérât ainsi, comme jamais auparavant, il n'y a là rien qui doive étonner.
Salomé Alexandra était révérée comme peu de chefs le furent avant et après elle dans toute l'Histoire juive. Jérusalem redevint le grand centre spirituel qu'elle avait été dans le passé. Pour faire face aux dépenses nécessitées par les sacrifices dans le Beth Hamikdache et par les travaux de réparation dans le Saint Temple ; pour assurer la sécurité et la défense du territoire contre toute attaque ennemie, qu'elle vînt de l'intérieur ou de l'extérieur, l'impôt d'un demi-sicle (un demi-chekel) par tête était perçu. Non seulement les Juifs du royaume régulièrement s'en acquittèrent, mais même ceux qui vivaient en terre étrangère, loin de Jérusalem, le payèrent spontanément. Ainsi les recettes furent si abondantes que l'excédent alla gonfler le trésor du Temple pour la défense des bonnes causes.
Nos sages nous relatent que durant ces neuf heureuses années du règne de Salomé Alexandra, la pluie tomba seulement tous les soirs de vendredi. Il en résulta que les ouvriers agricoles et les paysans juifs ne perdirent jamais le travail ni le salaire d'un seul jour, et qu'aucun voyageur sur les routes ne souffrit du mauvais temps.
De plus, D.ieu bénit cette terre du Royaume de Judah. C'est ainsi que « les grains de froment poussèrent aussi gros que les haricots ; l'avoine aussi grosse que les olives ; et les lentilles aussi grandes que des pièces d'or ». Les chefs du Sanhédrine enfermèrent dans des vases qu'ils firent placer dans le Saint Temple quelques spécimens des produits extraordinaires de leurs champs, de leurs vergers et de leurs vignobles : cela devait servir d'enseignement aux générations futures, afin qu'elles pussent se rendre compte que la bénédiction de D.ieu vient toujours récompenser une vie de piété.
De même, sur le plan de la politique extérieure Salomé Alexandra réussit à assurer la paix, le respect et la force nécessaires à l'accomplissement de son programme de réformes intérieures. À travers tout le territoire, des forteresses s'élevèrent, des armées entraînées furent prêtes à intervenir au moindre signe. Les places fortes les plus importantes furent confiées par la reine à des hommes d'une loyauté à toute épreuve et qui ne pouvaient la trahir en cas de conflit armé avec les rois voisins. Toutes ces précautions firent que ces derniers s'abstinrent de toute attaque contre le royaume juif. Salomé Alexandra alla même jusqu'à prendre les devants et lança ses troupes bien équipées au delà des frontières, quand la situation politique rendit nécessaire son intervention en faveur de Damas, pays ami.
Ce n'est que peu de temps avant sa mort que Salomé Alexandra, pieuse et sage reine, eut la douleur de voir son propre fils, le jeune et ambitieux Aristobule, prendre en amitié les Saducéens qu'au comble de sa puissance elle n'avait cessé de rabaisser.
Elle mourut avant que s'engageât la lutte où devaient s'affronter ses deux enfants, Aristobule et Hyrcan. Ce fut le premier qui l'emporta ; il monta sur le trône d'Israël et Hyrcan, plus pieux, devint le grand-prêtre.
Mais l'ère de paix et de prospérité était finie. La guerre civile déchira bientôt le royaume, ce qui ne tarda pas à attirer les Romains. Il en résulta la destruction du pays d'Israël et avec elle celle du Saint Temple.
Néanmoins le peuple Juif garda au cœur le souvenir des temps heureux où il vécut libre ; le beau souvenir des neuf longues années pendant lesquelles Salomé Alexandra fut reine de Judée quand la Torah était la seule loi selon laquelle fut si sagement gouverné le pays.
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