« Tu établiras des juges et des policiers dans toutes tes portes. » — Deutéronome 16,18
La Torah nous enjoint d’établir des juges, ainsi que des officiers chargés de faire appliquer leurs décisions. Dans l’antiquité, il existait une cour centrale, composée de 71 membres, connue sous le nom de Sanhédrine. Outre celle-ci, il y avait des cours inférieures, tant à Jérusalem que dans l’ensemble de la Terre d’Israël. Aujourd’hui, cette institution perdure sous la forme du beth din (tribunal rabbinique), souvent composé de 3 membres, avec des prérogatives bien plus limitées que leurs prédécesseurs.
Dans cet article:
La haute cour juive : le Grand Sanhédrine de 71 membres
La haute cour juive était appelée le Sanhédrine (« Conseil ») ou Sanhédrine HaGadol (« le Grand Conseil ») et se composait de 71 rabbins.
Pourquoi 71 ? D.ieu dit à Moïse : « Rassemble-Moi 70 hommes parmi les anciens d’Israël. » Moïse présidait sur eux, comme le verset continue : « Et ils se tiendront là avec toi. »1 Ainsi, les 70 juges plus Moïse font 71.
Après le départ de ce monde de Moïse, le juge possédant la plus grande connaissance fut nommé à sa place. Appelé le nassi, il siégeait à la tête de la cour. À sa droite siégeait le av beth din (« père du tribunal »), le plus éminent juge après le nassi, qui était nommé comme assistant de celui-ci. Les 69 autres siégeaient devant eux, disposés selon leur âge et leur rang. Plus le juge était sage, plus il était assis près du nassi.2
Le Sanhédrine était toujours situé à proximité du Tabernacle ou du Temple. À l’époque de Moïse, il était situé près de l’entrée du Tabernacle ; plus tard, il siégeait dans une salle spéciale dans l’enceinte du Temple. Vers la fin de la période du Second Temple, il se réunissait dans d’autres lieux en Terre Sainte et continua à fonctionner avec des attributions de plus en plus réduites jusqu’au Ve siècle environ.
La fonction du Sanhédrine
Toutes les lois et takanot (décrets) promulgués par le Sanhédrine étaient contraignants envers l’ensemble de la nation juive. Quoique les cours inférieures composées de 23 juges étaient habilitées à juger des affaires capitales, seul le Sanhédrine avait autorité sur les affaires impliquant le roi, les crimes capitaux commis par le grand prêtre, ou les crimes commis par une tribu ou une ville entière.
Les pouvoirs exclusifs de la haute cour incluaient également3 :
- Le couronnement d’un roi.
- L’autorisation des guerres « volontaires » (mil’hémeth harechout), comme les guerres menées en vue d’étendre les frontières du pays.
- L’expansion des sites saints, comme Jérusalem et la cour du Saint Temple.
- La nomination des cours inférieures de 23 juges.
De plus, comme le Sanhédrine devait entendre tous les témoignages directement, plutôt que par l’intermédiaire d’un interprète, il était préférable que ses membres connaissent toutes les langues parlées par les Juifs à travers le monde. Lorsqu’une langue étrangère était utilisée dans un témoignage, le Sanhédrine devait avoir au moins deux membres qui parlaient cette langue pour examiner les témoins, et un troisième membre qui au moins comprenait la langue.4
Contrairement aux cours suprêmes modernes, le Sanhédrine n’était pas une « cour d’appel » dans le sens où un justiciable pouvait faire appel d’un verdict. Cependant, si une cour inférieure n’était pas certaine de la décision à prendre, elle pouvait renvoyer l’affaire à une cour supérieure.
Le Sanhédrine inférieur : 23 membres
Il y avait également des sanhédrines inférieurs qui comprenaient 23 juges, le nombre minimum de juges requis pour juger les affaires capitales.5 (Il est à noter que même le cas d’un animal passible de la peine de mort devait être jugé par une telle cour, sauf bien sûr en cas de danger immédiat.6 )
En plus des deux sanhédrines inférieurs situés respectivement aux entrées de la cour du Temple et du Mont du Temple, chaque ville importante, ainsi que chaque tribu, avait son propre sanhédrine inférieur.7
Le tribunal rabbinique standard : trois juges
Un tribunal ordinaire était composé de trois juges8 et avait le pouvoir de juger les questions financières ainsi que les cas impliquant des châtiments corporels. Ils ne pouvaient cependant pas juger une affaire qui pouvait, même potentiellement, évoluer en une affaire capitale.9
Qualifications des juges
Chaque juge devait posséder les sept qualités suivantes : la sagesse, l’humilité, la crainte du Ciel, le mépris de l’argent (même le sien), l’amour de la vérité, l’amour du peuple en général et une réputation irréprochable.
De plus, pour être nommé au grand ou au petit sanhédrine, il fallait avoir atteint la distinction dans la connaissance de la Torah et posséder des connaissances de disciplines intellectuelles telles que la médecine, les mathématiques, le calendrier, l’astronomie, l’astrologie et les enseignements de l’idolâtrie, afin de pouvoir juger les cas concernant ces domaines. Il ne devait pas être trop âgé ni sans enfants lors de sa nomination, car quelqu’un ayant une famille est plus susceptible d’être compatissant et miséricordieux. Les membres du sanhédrine pouvaient être cohanim, lévites ou israélites de bonne lignée.
Pour qu’une cour puisse statuer sur des cas capitaux ou corporels, ou même simplement sur des dommages et intérêts punitifs, ses juges devaient avoir la semikha (ordination rabbinique transmise depuis Moïse, non pas l’ordination utilisée aujourd’hui).10 Une cour non ordonnée, ce que sont les tribunaux rabbiniques actuels, peut juger des litiges financiers en décidant qu’une personne doit en dédommager une autre pour une perte financière, mais elle ne peut pas tenir quelqu’un responsable des amendes prescrites par la Torah (comme faire payer le double à un voleur).11
Nominations au Grand Sanhédrine
Selon Don Its’hak Abarbanel, à l’époque des rois juifs, les membres du Sanhédrine étaient choisis par le roi. Plus tard, le nassi, en consultation avec le reste de la cour, pourvoyait aux postes vacants lorsqu’ils se présentaient. Lorsqu’un nassi mourait, les membres de la cour choisissaient quelqu’un parmi eux pour le remplacer.12
Nominations aux cours inférieures
Maïmonide cite l’enseignement talmudique selon lequel la haute cour envoyait des émissaires dans tout le pays d’Israël pour chercher des juges.13 Chaque fois qu’ils trouvaient une personne possédant les sept qualités requises, ils l’installaient comme juge dans sa propre ville. De là, ils le promouvaient en fonction des besoins à la cour qui siégeait à l’entrée du Mont du Temple. Ensuite, il était promu à la cour qui siégeait à l’entrée de la cour du Temple, puis au Grand Sanhédrine.14
Selon Abarbanel, les membres de chaque tribu et de chaque ville choisissaient des juges parmi eux qui siégeaient dans leurs cours inférieures, y compris les cours de 23 juges. Il est intéressant de noter qu’il affirme que la véritable raison pour laquelle il y avait deux cours dans la zone du Temple était que Jérusalem était divisée entre les tribus de Juda et de Benjamin, et que chaque tribu avait sa propre cour.15
L’opinion communément acceptée suit celle de Maïmonide.
Les tribunaux rabbiniques actuels
Il existe de nos jours différents mécanismes par lesquels les juges rabbiniques sont nommés. Certaines communautés disposent d’un conseil, qui peut inclure des rabbins de diverses synagogues, qui élit les membres de leur tribunal rabbinique. D’autres communautés organisent des élections communautaires.
De plus, il est fréquent qu’une cour ad hoc soit formée pour arbitrer un litige spécifique. Chaque partie choisit un rabbin en qui elle place sa confiance, puis les deux rabbins choisissent ensemble un troisième rabbin pour se joindre à eux. C’est ce qu’on appelle un zabla, acronyme des mots hébreux zé borér lo é’had, « celui-ci en choisit un pour lui-même [et celui-là en choisit un pour lui-même] ». Avant le début de l’arbitrage, chaque partie accepte de se conformer à la décision de la cour, qui est pleinement contraignante pour les deux parties.
En l’absence du Sanhédrine, nous n’avons plus la même uniformité dans la loi juive que dans les temps anciens, et il y a plus de place pour les disputes. C’est pourquoi nous incluons dans nos prières trois fois par jour la demande : « Restaure nos juges comme autrefois... » Puisse-t-il en être ainsi rapidement, de nos jours !
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