Voici quelle fut la teneur de la détention puis de la libération de mon beau-père, le Rabbi [précédent] :
La détention de mon beau père, le Rabbi, fut d’une immense sévérité : il fut fait prisonnier par un régime terrible qui constituait à l’époque la première puissance mondiale (du fait que la plus grande partie du peuple juif – tant du point de vue du nombre que de ses structures – s’y trouvait alors).1
Mais malgré cela, le Rabbi montra qu’il n’était nullement impressionné par les agents de ce régime, et que dans tous les sujets liés à D.ieu, à Sa Torah et à Ses commandements, il était un ben ‘horine, un homme totalement libre.
Il l’exprima d’ailleurs lui-même de manière publique aux yeux de tous le jour du 3 Tamouz, avant de partir pour la ville où il avait été relégué en exil2 :
« Ceci, proclama-t-il, toutes les nations du monde doivent le savoir : seuls nos corps ont été envoyés en exil et soumis à une domination étrangère. Nos âmes n’ont pas été livrées à la captivité ni à un pouvoir étranger. ... Pour toute affaire concernant notre religion, la Torah d’Israël, ses mitsvot et ses coutumes il n’est pas personne qui puisse nous imposer son opinion et aucune autorité ne peut nous obliger à nous comporter contrairement à nos croyances ! »
Et il introduisit ainsi son propos : « Avinou Malkénou, notre Père, notre Roi, béni soit-Il, nous a exilés de notre terre et nous a envoyés en exil, etc. » C’est-à-dire que même s’agissant de nos corps qui ont été livrés à l’exil et au pouvoir des nations, cela n’est pas dû au pouvoir de ces nations, à D.ieu ne plaise, mais du fait que « notre Père, notre Roi, béni soit-Il, nous a exilés », et les nations parmi lesquelles nous nous trouvons entre-temps ne sont qu’une hache dans la main du bûcheron, et elles n’ont absolument aucune voix au chapitre s’agissant de notre destin (comme le développe longuement Maïmonide3 dans sa réfutation du culte idolâtre voué aux astres, selon laquelle les forces de la nature n’ont aucun libre arbitre, et sont seulement comme une hache dans la main du bûcheron).
Dès lors, il est évident que même lorsque l’on se trouve en galout, en exil, la « galout » n’a aucune emprise sur le Juif dans tout ce qui touche au judaïsme, à la Torah et à ses commandements, car ce n’est pas dans un tel but que D.ieu a envoyé les Enfants d’Israël en exil, et dans tous ces sujets, le Juif est donc intrinsèquement libre.
Ces propos, le Rabbi les a tenus à sa sortie de prison, une sortie qui n’avait pas pour objet de le libérer, mais au contraire, de lui infliger le châtiment de l’exil qui est l’un des châtiments les plus sévères, tel que l’exprime le Sefer Ha’hinoukh : « La souffrance de l’exil est presque comparable à celle de la mort » ! Et pourtant, au moment de monter dans le wagon qui devait l’emporter dans son lieu d’exil – non pas selon sa volonté, mais sous la contrainte du gouvernement qui avait décrété qu’il subirait un châtiment d’exil –, le Rabbi proclame que dans tout ce qui touche au judaïsme, à la Torah et à ses commandements, personne n’exerce un quelconque pouvoir sur le Juif, car il est intrinsèquement libre !
Et de fait, au lieu de rester trois ans en exil, il ne demeura dans sa ville d’assignation que très peu de temps, et le 12-13 Tamouz, sa libération lui fut signifiée, et plus encore : cela se passa de sorte que « la bouche qui a interdit est la bouche qui a permis »,4 c’est-à-dire que ceux-là mêmes qui l’avaient arrêté sont ceux qui durent le libérer, de manière révélée aux yeux de toutes les nations, au point où ce fut largement diffusé dans ce pays même.5
Il en est de même pour l’enchaînement des événements qui suivirent : sa libération de toutes les limitations de ce pays-là, ce qui fut un miracle manifeste, comme on voit jusqu’à aujourd’hui [1985. NdT] à quel point il est difficile de sortir de ce pays, et pourtant, le Rabbi a pu en franchir les frontières, et ce, avec toute sa famille, et il put emporter avec lui tous les manuscrits et les livres, et tous ses objets, à tel point que le gouvernement mandata un émissaire spécial pour accélérer toutes les procédures, s’assurer qu’aucune inspection ne soit effectuée, et que toutes les autorisations soient dûment délivrées et estampillées etc, afin qu’ils puissent sortir sans aucune entrave : des miracles manifestes aux yeux de tous.
La nature profonde d’un Juif : être libre
Voici la leçon et l’enseignement qu’il convient de tirer de cet épisode, pour le service de D.ieu de chacun :
La mission qu’un Juif doit accomplir pour réaliser pleinement le but de sa création ne peut se faire que lorsqu’il est un « ben ‘horine », un être libre.
Par conséquent, il doit être conscient que sa véritable nature est d’être un « ben ‘horine », car, depuis la sortie d’Égypte, toute possibilité d’asservissement des Juifs est exclue,6 dans les mots de la Halakha : « avadaï hem – ils sont Mes serviteurs »,7 « shtari kodem – Mon acte de propriété a préséance ».8
Pourtant, nous nous trouvons depuis une longue période en situation d’exil, au point où la Torah elle-même nous impose le principe de Dina demalkhouta dina, selon lequel il nous appartient de respecter la loi du pays (tout du moins s’agissant des lois concernant les biens)9 et d’autres restrictions du même ordre. Toutefois, ces limitations concernent seulement des sujets d’ordre superficiel. En revanche, s’agissant de la vérité et de la profondeur de la nature d’un Juif – une profondeur qui gouverne et détermine la superficialité –, celui-ci demeure un « ben ‘horine », un être libre.
Et même s’agissant des limitations dans les aspects d’ordre superficiel, celles-ci existent seulement pour nous octroyer le libre-arbitre, le véritable choix, qui est à l’image du choix de D.ieu, comme il est écrit : « L’homme sera comme l’un d’entre Nous »,10 ce qui fait référence au libre arbitre tel qu’il est présent chez D.ieu, et dont l’être humain possède un semblant, car le terme « adam » – l’humain – découle de l’expression « édamé laÉlyone » – « Je ressemblerai au Très-Haut »,11 du fait que lui aussi possède le libre-arbitre « comme l’un d’entre Nous » (comme le développe le Likoutei Torah12) et il exerce son libre-arbitre (sans aucune contrainte d’en haut, car « Tout est entre les mains du Ciel sauf la crainte du Ciel »13) pour se comporter comme un « ben ‘horine », un être libre.
Or il est évident que le libre-arbitre ne s’entend que s’il existe la possibilité de se comporter de manière opposée, induite par la période et la situation d’exil etc, et que, malgré tout, le Juif montre qu’il appartient au « peuple sage et réfléchi »14 et choisit de ce fait de se comporter en « ben ‘horine » dans tout ce qui touche à la Torah et à ses commandements, et ce d’autant plus que dans ce sentiment de liberté lui-même il y a l’accomplissement d’un commandement : « Vous êtes des fils pour l’Éternel votre D.ieu ».15 En effet, même lorsque l’on sert D.ieu comme un « eved », un serviteur (« Si Tu nous considères comme des serviteurs »,16) le principe veut que « le serviteur d’un roi est comme le roi »,17 et plus encore : « le serviteur d’un roi est un roi »18 (sans le « comme »), et a fortiori lorsque le service de D.ieu est mené comme un « ben », un fils (« Si Tu nous considères comme des fils »19), il est certain que l’on se trouve dans une liberté absolue.
Ainsi, lorsque l’on est confronté à des difficultés, du fait que l’on a conscience que celles-ci proviennent de D.ieu, on comprend que leur but est de constituer un nissayone, une épreuve, pour que l’on parvienne à un degré supérieur,20 – il est connu que le terme « nissayone » est lié à « ness », un étendard que l’on élève, comme dans le verset « arim nissi – Je dresserai Mon étendard »21 –, c’est-à-dire que l’on sert D.ieu dans la joie et l’enthousiasme non seulement en temps ordinaires, mais également face à des difficultés et à des obstacles...
Cependant, il est de temps en temps nécessaire d’éveiller le Juif – comme le dit Maïmonide22 : « Réveillez-vous, vous les dormeurs, de votre sommeil, et vous les assoupis, de votre torpeur » – pour qu’il sache et qu’il ressente que sa véritable nature est d’être un « ben ‘horine », car, bien que ce soit la réalité, celle-ci n’est parfois pas bien ressentie, de sorte qu’il est nécessaire de le réveiller et de la lui rappeler.
Cet éveil est l’une des choses qui sont effectuées par la délivrances du 12-13 Tamouz, lors de laquelle il apparut clairement comment un Juif se tint avec une fermeté totale concernant la Torah et le judaïsme, dans un sentiment de véritable liberté, et cela, bien qu’en apparence il ait été incarcéré puis contraint à partir en exil, et, effectivement, ceux-là mêmes qui l’avaient arrêté durent le libérer.
Certains prétendent que les miracles appartenaient à l’époque du Temple, comme le dit la Michna23 : « Dix miracles se produisaient pour nos ancêtres au Temple », mais qu’à notre époque, « Nous ne voyons plus nos signes... et personne parmi nous ne sait jusqu’à quand cela durera ».24
Toutefois, la vérité est que de temps en temps, « D.ieu a révélé Son saint bras »25 et Il montre des miracles apparents, comme le dit l’Admour Hazakène dans le Tanya26 : « La manifestation de la divinité à travers les tsadikim ».
Et de même, dans notre génération, avec la délivrance du 12-13 Tamouz.
Extrait du discours du Rabbi de Loubavitch
du 12 Tamouz 5745 (1985)27
Commencez une discussion