Si le Machia’h viendra « sur les nuages du ciel », c’est-à-dire que son avènement s’accompagnera d’un foisonnement de miracles et d’une intense révélation divine, il n’y aura alors pas de place au doute et aux interrogations. Mais, s’il vient « pauvre et montant un âne », dans un processus en apparence « naturel », sans chariot de feu et sans miracles, comment serons-nous en mesure de le reconnaître ?

En Égypte, les Enfants d’Israël furent dans une situation similaire : un Juif s’est présenté à eux et leur a raconté que D.ieu s’est révélé à lui et lui a commandé de faire sortir Son peuple d’Égypte. Devaient-ils croire en lui ? Nos Sages nous disent1 que, malgré les signes que Moïse leur avait montré sur l’ordre de D.ieu, ils étaient encore dans le doute et ils se sont tournés vers Sera’h, la fille d’Acher. Celle-ci savait par tradition que le libérateur dirait au nom de D.ieu pakod pakadti, « Je me suis souvenu de vous ».2 Lorsqu’elle entendit que tel était le message dont Moïse était porteur, elle confirma qu’il était bien qui il prétendait être.

Les Israélites en Égypte eurent, en la personne de Sera’h bat Acher, un point de référence qui leur permit d’identifier leur libérateur. Qu’en est-il de nous ? Comment saurons-nous identifier le Machia’h ?

De fait, nous avons la Torah. Et c’est la Torah qui nous fournit les signes qui nous permettrons de reconnaître le dernier libérateur d’Israël. L’avènement messianique n’est pas un sujet spirituel et abstrait, mais une donnée légale, comme tout autre point de la loi juive (la « halakha »). Dès lors, s’il se présente à nous un Juif qui remplit l’intégralité des critères par lesquels la Torah définit le Machia’h, nous saurons que c’est lui que nous attendons.

Une loi tranchée

Il est important de rappeler que nous devons aborder le sujet de la délivrance messianique de la même manière que n’importe quel autre point de loi. La halakha n’est pas déterminée sur la base de textes exégétiques tels que les Midrachim, car ce qui y est rapporté n’est pas nécessairement à prendre au sens littéral. Certes, ceux-ci renferment la plupart des secrets de la Torah, mais ces enseignements peuvent ne revêtir qu’un sens purement allégorique ou mystique et il est très difficile de traduire le Midrache en termes de réalité tangible. La loi juive, elle, est tranchée sur les bases présentes dans les ouvrages de halakha antérieurs, qui constituent depuis toujours la source du comportement des Juifs.

S’agissant de la délivrance messianique, c’est dès lors vers le Rambam (Maïmonide) que nous devons nous tourner, car il est le seul décisionnaire à avoir statué en la matière à travers des lois clairement et explicitement formulées dans son code législatif, le Michné Torah. L’un des principes de la piska – la détermination de la halakha – veut que lorsque les commentateurs du Rambam n’ont pas déclaré leur opposition à ses décisions, cela signifie qu’ils sont d’accord avec lui. Or, dans le sujet du Machia’h et de la délivrance messianique, aucun des décisionnaires ayant commenté le Rambam n’a contredit ses propos. Ceux-ci ont dès lors force de loi dans ce domaine.3

Notre « Sera’h bat Acher »

Le Rambam consacre deux chapitres du Michné Torah à ce thème, à la fin des Lois des Rois. Dans le chapitre 11, il traite du rôle que le Machia’h doit jouer, des actions qu’il doit accomplir et du déroulement de son avènement. Dans le chapitre 12, il évoque les événements qui caractériseront l’ère messianique. Parmi ceux-ci, il mentionne la guerre de Gog et Magog, la venue du Prophète Élie et d’autres sujets à propos desquels il dit : « Personne ne saura comment ces événements se dérouleront jusqu’à ce qu’ils surviennent. », car nous ne savons pas ce que revêtent exactement ces prophéties. En revanche, les étapes de la révélation du Machia’h (dans la chapitre 11) sont, quant à elles, parfaitement explicitées et codifiées de manière claire et constitue une loi non contestée.4

En premier lieu, le Rambam statue que le Machia’h n’est pas authentifié par sa capacité à réaliser des miracles : « Qu’il ne te vienne pas à l’esprit que le Roi Machia’h devra opérer miracles et merveilles, changer quelque chose au monde ou ressusciter les morts, ou opérer des choses semblables. » Il est certes possible que son avènement s’accompagne de miracles et de faits prodigieux, mais ce n’est pas obligatoire. Ce n’est donc pas un critère de sa véracité. Ce qui identifie le Machia’h, ce sont ses caractéristiques personnelles et son action vis-à-vis des Juifs et des nations du monde.

Avant d’examiner ces éléments plus en détail, il est important de faire remarquer que, si l’on avait accordé une plus grande attention à ces lois formulées par le Rambam, le peuple juif se serait épargné plusieurs déceptions liées à des faux messies. Ceux-ci ont en leur temps assis leur relative popularité sur l’interprétation fallacieuse de fragments de Midrachim, sur divers signes et sur des comparaisons creuses. Cependant, aucun d’entre eux n’aurait « passé l’examen » des lois du Rambam. Et lorsque notre juste Machia’h viendra – rapidement et de nos jours –, il sera évalué exclusivement d’après les critères explicites figurants dans ces lois. Le Rambam est la « Sera’h bat Acher » d’aujourd’hui.