Nous avons vu que Maïmonide statue1 que l’avènement messianique et l’aboutissement de la rédemption sont le fruit d’un processus graduel constitué de différentes étapes. Dès lors se pose la question de savoir laquelle de ces étapes est considérée comme le début de la Guéoula, la délivrance messianique attendue par le peuple juif. Est-ce lorsque « il se lèvera un roi » ? Est-ce lorsque « il est présumé être le Machia’h » ? Est-ce plus tard, lorsqu’il a « réussi tout ce qu’il a entrepris et vaincu tous les peuples alentour » ? Est-ce plus tard encore, lorsqu’il a édifié le Temple et rassemblé les exilés d’Israël ?

On peut également poser la question dans ces termes : qu’est-ce qui constitue la « venue » ou la « révélation » du Machia’h ? Est-ce lorsqu’il se distingue comme un leader du peuple juif (« il se lèvera un roi »), lorsqu’il acquiert la présomption légale d’être le Machia’h, ou est-ce seulement lorsqu’il est « Machia’h avec certitude » qu’il sera possible de proclamer que le Machia’h est venu ?

La certitude

Le Rabbi de Loubavitch a de nombreuses fois souligné dans ses discours et sa correspondance2 que le début effectif de la Guéoula est lorsque le Machia’h a « construit le Temple en son endroit », c’est-à-dire après la construction du Troisième Temple à Jérusalem. Tel est le point de départ de la véritable et complète rédemption et c’est seulement alors qu’il sera possible de dire que « le Machia’h est venu ». Avant cela, quand bien même est-il déjà « présumé être le Machia’h », et même s’il a déjà « réussi tout ce qu’il a entrepris et vaincu tous les peuples », il s’agit encore d’une phase préparatoire. À ce stade, ce n’est pas encore la Délivrance et Machia’h n’est pas encore « venu ».

La raison à cela est simple : tant que le Temple n’est pas construit, nous ne sommes pas dans une situation de Machia’h bevadaï, « Machia’h avec certitude ». Même lorsqu’il a été possible de statuer que quelqu’un est « présumé être le Machia’h », il est possible, à D.ieu ne plaise, que le processus s’interrompe et ne progresse pas plus avant, comme Maïmonide le précise ensuite3 : « Et s’il n’a pas réussi jusqu’à ce point, ou qu’il a été tué, on sait dès lors qu’il n’est pas celui dont la Torah nous a promis l’avènement, et il est comme tous les rois intègres et accomplis de la dynastie de David qui moururent. » Il n’est donc pas possible de définir l’étape de la présomption comme étant celle du début de la Guéoula, car, lorsque celle-ci aura commencé, rien ne pourra plus l’interrompre.

Le départ de la Guéoula et la venue de Machia’h sont constitués lorsqu’un point de non-retour est atteint, c’est-à-dire lorsqu’il est clairement établi selon la Halakha, la loi juive, que l’on est en présence du Machia’h et de la Délivrance messianique. Cette étape est constituée par la construction du Temple, car c’est Machia’h et lui seul qui doit réaliser celle-ci. C’est alors seulement le début de la Guéoula, car celle-ci doit encore se poursuivre avec le rassemblement des exilés sous la conduite du Machia’h.

Préparations

Les éléments qui précèdent nous permettent d’apprécier correctement la situation actuelle. Il est clair aux yeux de tous que nous sommes témoins depuis plusieurs décennies d’événements liés au processus de la Guéoula : la chute du Rideau de fer et la montée en Israël de centaines de milliers de Juifs d’ex-Union soviétique, l’effondrement du bloc communiste, la Guerre du Golfe, l’arrêt de la course aux armements, le mouvement de techouva au sein du peuple juif, l’aide que les nations apportent aux Juifs, etc. Toutes ces choses sont liées à la Guéoula et conduisent à elles, mais on ne peut les considérer comme étant le début de celle-ci. Ce sont seulement des étapes préparatoires, un léger « avant-goût » du bien qui prévaudra lors de l’ère messianique, mais rien de plus.

Le processus messianique est comparé à un mariage. Avant la noce, de nombreuses étapes ont lieu : la rencontre, les fiançailles, la fixation de la date du mariage, la préparation d’un logement, la montée à la Torah du fiancé le Chabbat qui précède le mariage, l’arrivée des invités, la venue du rabbin qui célèbrera le mariage, etc. Mais le mariage en lui-même commence seulement au moment des kidouchine, lorsque les époux contractent l’alliance du mariage à travers le don de la bague du fiancé à la fiancée. C’est seulement à ce moment que les fiancés acquièrent le statut d’époux.

Il en est de même de la Délivrance messianique : elle constituera une nouvelle réalité. L’exil disparaîtra et nous entrerons dans une nouvelle ère. C’est la construction du Temple qui marquera le passage de l’un à l’autre. Tout ce qui aura précédé n’aura été qu’une série de préparations. Toutefois, celles-ci n’en sont pas moins importantes, car elles éveillent notre conscience, notre intérêt et notre impatience vis-à-vis de l’avènement messianique.