Dans la tradition juive, le personnage du prophète Élie est intimement lié à la délivrance messianique. La source principale de cela est le verset : « Je vous enverrai Élie, le prophète, avant qu’arrive le jour de l’Éternel, jour grand et redoutable. »1 Nous disons à ce propos dans l’Action de grâce après le repas : « Le Miséricordieux nous enverra le prophète Élie dont la mention est source de bienfait, et il nous annoncera de bonnes nouvelles, la délivrance et la consolation. »

Un autre événement rattaché à la délivrance et la « guerre de Gog et Magog » dont la perspective effraie tant de personnes dès qu’il est question de la venue du Machia’h. En effet, selon les sources ce sera une guerre terrible impliquant de nombreuses nations et dont le dénouement se jouera sur les montagnes de la Terre d’Israël.2

Ces sujets suscitent de nombreuses interrogations : à quel stade du processus messianique le prophète Élie est-il censé apparaître ? Doit-il d’abord annoncer la venue du Machia’h, ou a-t-il quelque autre rôle à jouer avant cela ? Comment se déroulera la guerre de Gog et Magog ? Dans quelle mesure le peuple juif y sera-t-il lié ?

Nous ne saurons pas

L’étude des midrashim, loin d’éclaircir cette question, la rend plus confuse encore. Il y a en effet de nombreuses divergences d’opinion parmi les Sages qui donnent lieu à des descriptions contradictoires. C’est pourquoi ceux qui ont entrepris d’établir des prédictions sur la base de ces sources sont arrivés à des scénarios très différents les uns des autres.

C’est dans la halakha, la loi juive, que nous trouvons l’approche correcte de ces sujets. Tel est en effet le rôle de la loi de définir des lignes claires et de donner des conclusions. En la matière, le Rambam (Maïmonide) tranche à la fin3 de son œuvre halakhique, le Michné Torah, que la venue d’Élie et la guerre de Gog et Magog appartiennent aux événements dont « nul ne sait comment ils se dérouleront jusqu’à ce qu’ils aient lieu ».

C’est ainsi qu’il écrit :

« Il apparaît à la lecture des paroles des Prophètes qu’au début de l’époque messianique aura lieu la guerre de Gog et de Magog et qu’avant cette guerre s’élèvera un prophète pour remettre Israël dans le droit chemin et stimuler leur cœur, comme il est annoncé “voici je vous envoie Élie...” Certains parmi les Sages pensent que c’est avant Machia’h que viendra Élie. Et toutes ces choses, nul ne sait comment elles se dérouleront jusqu’à ce qu’elles aient lieu, car ces paroles des Prophètes sont énigmatiques. Les Sages eux-mêmes n’ont rien reçu par tradition à ce sujet, si ce n’est ce qu’en disent les Textes, et c’est pourquoi ils sont partagés sur ces sujets. »

Pas un sujet fondamental de la foi

Le Rambam statue donc que ces sujets – la venue d’Élie, la guerre de Gog et Magog, etc – ont un caractère totalement imprédictible. Il engage même à ne pas s’en préoccuper dans la mesure où ils ne sont constituent pas des éléments essentiels du processus messianique et du fait qu’il nous est de toute façon impossible de les élucider.

Dans ses mots :

« Dans tous les cas, la façon dont ces choses auront lieu en détail n’est pas un sujet fondamental de la foi. C’est pourquoi un homme ne devrait pas s’occuper des récits ni s’attarder sur les récits énoncés sur ces sujets, ni en faire un problème fondamental. »

Ces propos du Rambam viennent à la suite du chapitre précédent dans lequel il décrit le rôle et la personnalité du Machia’h, ainsi que les étapes de sa révélation.

À ce stade, il y a de quoi s’interroger : est-il possible que la délivrance messianique se résume à la seule restauration de la loi de la Torah et du service du Temple ? Qu’en est-il du caractère merveilleux de l’ère messianique abondamment évoqué dans les Prophètes, à commencer par les événements liés à la venue du Machia’h tels que l’apparition du prophète Élie et la guerre de Gog et Magog ?

De fait, le Rambam ne nie pas qu’ils surviendront. Il signifie seulement que, premièrement, nous ne savons ni quand, ni de quelle manière4 et, deuxièmement, qu’ils ne sont pas une condition sine qua non de la délivrance et ne doivent pas détourner notre esprit de ce qui fait l’essentiel du Machia’h et qu’il a exposé au chapitre précédent.