(Un ouvrage sur la conception ‘hassidique de la joie ne saurait être complet sans faire référence à la célèbre si’ha prononcée par le Rabbi de Loubavitch en 1988. Dans sa forme originale, la si’ha aborde des concepts liés à la date à laquelle elle a été prononcée, le quatorze du mois d’Eloul : les dates des mariages du Rabbi précédent et du Rabbi Rachab dont il partage la proximité, la signification des années 5748 et 5749 [1988 et 1989], et d’autres encore. Nous avons omis ces parties, nous concentrant sur les dimensions de la si’ha qui sont de nature générale.)
Le concept de sim’ha a un lien avec la Rédemption future. C’est en effet à l’ère de la Rédemption que nous connaîtrons le degré le plus absolu de la sim’ha. À ce moment-là, toutes les influences indésirables disparaîtront, comme l’exprime le verset1 : « Et D.ieu essuiera les larmes de chaque visage. » Plus encore : toutes les influences négatives seront transformées en bien.2
Cela augmentera considérablement la sim’ha que nous ressentirons, lui permettant d’atteindre une perfection ultime. C’est pourquoi ceux qui reviendront en Erets Israël sont décrits3 comme étant « couronnés de joie éternelle ». La relation entre les concepts de sim’ha et de Rédemption est évoquée par le fait que les racines des mots sim’ha (שמחה) et Machia’h (משיח)4 partagent les trois mêmes lettres ש-מ-ח.
Pour expliquer le lien entre les deux : la sim’ha brise (poretsèt en hébreu) toutes les barrières.5 C’est également la nature de Machia’h, qui est un descendant de Perets6 et qui est désigné comme étant haporets, « celui qui transperce », comme il est écrit7 : « Celui qui transperce montera devant eux. » Car Machia’h franchira toutes les barrières et toutes les limites.
À propos du verset8 « Sion, il n’y a personne qui la cherche », nos Sages9 commentent : « Cela indique que l’on doit la rechercher », ce qui implique que nous devons demander la Rédemption. De même, nous devons rechercher la joie, y compris la joie ultime, celle de la Rédemption. Nous devons exiger que D.ieu nous accorde la joie absolue de l’ère de la Rédemption.
C’est pourquoi je fais la suggestion et la demande suivantes : que nous accroissions nos réjouissances dans l’intention d’amener concrètement Machia’h et la véritable et ultime Rédemption.
Tout au long des années d’exil, le peuple juif a aspiré à la Rédemption et a prié pour elle chaque jour avec ferveur. Cela s’applique certainement aux tsadikim et aux nessiim du peuple juif qui avaient un désir extrêmement puissant que Machia’h vienne. Comme le rapportent les annales de notre histoire nationale, certains10 ont même sacrifié leur vie pour obliger Machia’h à venir plus tôt (bien qu’il existe un avertissement spécifique contre cette pratique).11
Néanmoins, ces activités antérieures ne peuvent être comparées à la « tempête » pour la venue de la Rédemption suscitée par le Rabbi Précédent avec son appel (publié12 il y a plus de quarante ans) : Lealter letechouva, lealter legueoulah, « Immédiatement à la techouva, immédiatement à la Rédemption »13 Et son intention en disant « immédiatement » était simple : immédiatement, tout de suite.
De plus, ceci n’est pas considéré comme une action visant à forcer le déclenchement de la Rédemption avant son heure, car le temps de la Rédemption est arrivé. Comme le Rabbi précédent l’a déclaré à plusieurs reprises : tout le service divin nécessaire a été accompli ; il ne reste plus qu’à « polir les boutons »14 et à attendre la venue de Machia’h.
Pour expliquer cela d’une manière plus spécifique : pendant plusieurs générations avant le Rabbi Précédent, des efforts particuliers ont été entrepris pour provoquer la venue de Machia’h, y compris – et avec un accent particulier – la révélation des enseignements de la ‘Hassidout par le Baal Chem Tov. En effet, en réponse à la question du Baal Chem Tov : « Quand viendras-tu ? », Machia’h a répondu : « Quand les sources de tes enseignements se répandront à l’extérieur ».15
Par la suite, ces enseignements ont été étendus et développés grâce aux enseignements de ‘Habad, ce qui a permis de les comprendre et de les saisir dans le contexte de nos capacités intellectuelles.16 Pour citer l’analogie donnée par l’Admour Hazakène17 : la pierre précieuse de la couronne du roi a été écrasée et mélangée à de l’eau afin qu’elle puisse être versée dans la bouche du fils du roi pour lui sauver la vie.
De génération en génération, les Rebbéim ont poursuivi et étendu leurs efforts pour répandre les sources de la ‘Hassidout vers l’extérieur. Ces efforts ont atteint leur apogée à l’époque du Rabbi Précédent18 qui a diffusé ces enseignements de manière incomparable, atteignant chaque endroit du monde, étendant les sources de la ‘Hassidout aux périphéries les plus éloignées. De même, ses efforts ont porté sur la traduction de textes ‘hassidiques (y compris des concepts profonds de la ‘Hassidout) en langues étrangères.19 Il ne se contenta pas d’une traduction en yiddish, la langue parlée par la plupart des Juifs de son époque (et la langue dans laquelle le Baal Chem Tov et les Rebbéim qui lui succédèrent délivrèrent les enseignements ‘hassidiques), et il répandit ces enseignements également dans les soixante-dix langues séculières.20
Néanmoins, dans ces générations antérieures (et même au début de l’époque du Rabbi Précédent), l’accent était mis sur la diffusion des sources de la ‘Hassidout vers l’extérieur et non pas (avec autant d’intensité) sur le but de ce processus qui est de faire venir Machia’h. On savait que tel était le but de ces efforts, et de temps en temps (par exemple, pendant les farbrenguens de Youd Teth [le 19] Kislev et autres), on en parlait, mais cet objectif n’était pas au centre de l’attention.
Toutefois, après que le Rabbi Précédent ait lancé l’appel « Immédiatement à la techouva, immédiatement à la Rédemption » et jusqu’à aujourd’hui, l’accent a été mis sur le fait de faire venir Machia’h effectivement, dans la mesure où chaque phase de nos efforts dans notre service divin (y compris les efforts pour répandre les sources de la ‘Hassidout) doit être imprégnée de l’intention de faire venir Machia’h. Car telle est la mission de notre génération : faire concrètement venir la Rédemption.
De nombreuses décennies se sont écoulées depuis l’annonce du Rabbi Précédent : « Immédiatement à la techouva, immédiatement à la Rédemption », et la tempête d’activités initiées pour amener Machia’h. Malgré cela, Machia’h n’est pas encore venu.
Il n’y a aucune explication à cela. Nos Sages ont déclaré21 : « Toutes les échéances prévues pour la venue de Machia’h sont déjà dépassées. » Bien qu’ils aient poursuivi par : « ...et la chose ne dépend que de la techouva », il est certain que nous nous sommes déjà tournés vers D.ieu en techouva. En effet, par une seule pensée de techouva, une personne se transforme en un tsadik parfait.22 Et sans aucun doute, il n’y a pas un seul Juif qui n’ait pas eu plusieurs pensées de techouva.
Que reste-t-il à faire ? Les Tehilim, les Psaumes de David, le [premier] roi oint, nous les avons dits en abondance. Des farbrenguens ont été organisés à de nombreuses occasions. Pour propager les sources vers l’extérieur – pendant sept générations depuis le Baal Chem Tov – des efforts ont été faits, et ils ont connu un succès prodigieux. On pourrait dire que des efforts encore plus importants pourraient être entrepris, afin que ces activités soient réalisées – pour emprunter une phrase de la liturgie23 – « conformément aux commandements de Ta volonté ». Mais cela n’est possible, comme l’indique cette même prière, que « là-bas », dans le Beth Hamikdache.
D.ieu n’exige d’un individu qu’en fonction de son potentiel.24 Et si D.ieu veut effectivement que nous accomplissions ce service de manière parfaite, qu’Il crée l’environnement qui nous permettra de le faire en déclenchant la Rédemption. Ensuite, le service divin des Juifs sera certainement « conforme aux commandements de Ta volonté », dans une perfection consommée.
Il est donc naturel de demander : que pouvons-nous faire pour amener Machia’h qui n’ait pas déjà été fait ?
En réponse, il est possible de suggérer, comme ci-dessus, que le service divin nécessaire est l’expression de la joie dans le but même de faire venir Machia’h.
La sim’ha transperce les barrières, y compris celles de l’exil. De plus, la sim’ha a un potentiel unique pour provoquer la Rédemption. Comme expliqué dans la série de discours intitulée Sama’h Tessama’h,25 bien que la phrase26 « le jour de la réjouissance de Son cœur » soit interprétée comme une référence à la construction du Beth Hamikdache,27 pendant le Premier et le Second Beth Hamikdache, la joie de D.ieu n’était pas complète. Ce n’est que dans le Beth Hamikdache qui sera construit à l’ère de la Rédemption que la joie sera totale. « Alors la joie reflétera l’essence du Eïn Sof. »
Le maamar poursuit en expliquant que cette joie essentielle peut être suscitée par la sim’ha liée à une mitsva. En effet, la sim’ha atteint un niveau plus élevé que la mitsva elle-même, ce qui précipite l’expression de la joie essentielle de l’ère de la Rédemption.
Dans les générations précédentes, les Juifs avaient certainement de la sim’ha en relation avec leur observance des mitsvot. De fait, l’expérience de cette sim’ha est un élément fondamental du service divin, comme il est écrit28 : « Servez D.ieu avec joie. » Néanmoins, dans ces générations, l’accent était porté sur le service de D.ieu lui-même, et ce service était imprégné de joie. La suggestion d’utiliser la sim’ha comme catalyseur pour amener Machia’h, en revanche, met l’accent sur la sim’ha elle-même, la sim’ha dans son état pur et parfait.
(Il va sans dire que pour un Juif, même cette pure expression de joie doit être liée à son service divin dans la Torah et ses mitsvot, comme il est écrit29 : « Les préceptes de D.ieu sont justes, ils apportent la joie au cœur. » Néanmoins, l’accent est mis sur la sim’ha elle-même, et non sur les facteurs qui la provoquent. Et ce service de la sim’ha devrait avoir pour objectif d’amener Machia’h.)
On pourrait se demander pourquoi, dans les générations précédentes – surtout après la déclaration du Rabbi précédent « Immédiatement à la rédemption » – l’accent n’a pas été mis sur le fait de faire venir de Machia’h par la sim’ha ? Tout ce qui était possible de faire pour le faire venir a été fait. Pour faire référence à l’analogie citée précédemment, le joyau précieux de la couronne du roi a été pulvérisé afin qu’il puisse être versé dans la bouche du fils du roi – la pierre précieuse a été répandue en soixante-dix langues de sorte que même un Gentil puisse la saisir – et pourtant, il n’y a eu aucun effort pour faire venir Machia’h à travers la sim’ha.
La résolution de cette question est évidente. Lorsque le peuple juif tout entier – et la Chekhina – se trouve dans l’obscurité de l’exil, la douleur de l’exil empêche l’expression d’une sim’ha pure et absolue.
Néanmoins, cela ne doit pas nous empêcher de faire des efforts dans ce sens, car en fin de compte, nous devons amener la Rédemption. Et par conséquent, le service de la sim’ha pure et absolue est nécessaire. De plus, les difficultés de l’exil ne devraient pas constituer un obstacle, car dans la mesure où ce service est nécessaire pour amener la Rédemption, le potentiel est accordé pour faire l’expérience de cette sim’ha pure et absolue.
Ceci est à la portée de chaque individu. En méditant sur l’imminence de la venue de Machia’h et en sachant qu’à ce moment-là, la sim’ha parfaite se répandra dans le monde entier, il est possible de ressentir un peu de cette sim’ha, même à l’heure actuelle.
La longue explication de ce concept n’est pas de mise, c’est l’action qui est la plus importante. Des annonces doivent être faites sur l’importance d’augmenter la sim’ha avec l’intention d’amener Machia’h. Et si quelqu’un doute de l’efficacité de cette proposition, qu’il la mette à l’épreuve et il verra son efficacité.
Et cette sim’ha mènera sûrement à la sim’ha ultime, la réjouissance de la Rédemption, quand « alors nos bouches seront remplies de joie ».30
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