Loubavitch suivait avec intérêt l’amitié de Wolf et Benjamin. Les deux garçonnets étudiaient ensemble et étaient élevés ensemble. Tous les deux étaient très doués, et tous les deux étaient très studieux. La ville entière parlait avec fierté d’eux et de leurs talents.

Quand les deux garçons eurent grandi et qu’ils purent montrer le résultat de leurs années d’étude, Tsvi-Aryeh les emmena au rabbin de Loubavitch, Rabbi Chalom-Chlomo, pour qu’il les examine. Le rabbin leur fit de grands compliments et les envoya à son fils Rabbi Joseph le ilouï, lui demandant d’être leur maître.

Peu après, Rabbi Chalom-Chlomo mourut et son fils Rabbi Joseph lui succéda dans sa charge. Les garçonnets continuaient à étudier sous la direction de Rabbi Joseph et faisaient d’excellents progrès.

À part ses études talmudiques, Benjamin était un excellent musicien. Non seulement il chantait magnifiquement, mais il jouait du violon de manière captivante. Tout le monde écoutait bouche bée lorsqu’il chantait ou jouait du violon, tous étaient émus par la douceur de sa musique. Ils n’avaient jamais rien entendu de semblable.

Pendant quatre ans, Benjamin et Wolf étudièrent avec le rabbin de Loubavitch, Rabbi Joseph.

Ils étaient déjà adultes et il était temps d’envisager la question du mariage. Tsvi-Aryeh et Léah-Braïné étaient doublement intéressés dans l’affaire. En ce qui concernait Wolf, ils étaient prêts à approuver une union entre lui et leur fille Sarah. Quand le mariage fut finalement célébré, tout Loubavitch se joignit aux heureux parents en une grande fête. Tous les habitants de Loubavitch, du plus petit au plus grand, assistèrent au mariage, très agréable pour tous, grâce à Benjamin, ami intime du marié et frère de la mariée qui jouait du violon.

Un hôte inattendu fut l’un des châtelains du district, qui vint tout exprès pour entendre Benjamin chanter et jouer. Il avait entendu parler des talents de Benjamin et voulait se rendre compte par lui-même si c’était vraiment un aussi grand musicien qu’on l’affirmait. Le fait que ce seigneur envoya plus tard un courrier spécial à cheval pour amener Benjamin afin qu’il chante et joue à sa prochaine soirée montra combien il avait été impressionné par les talents musicaux de ce dernier. Benjamin partit avec quelques musiciens de son âge et ils jouèrent et chantèrent pour les nobles et les hommes de haut rang présents au banquet.

Pendant tout ce temps, Benjamin devait faire semblant de trouver lui aussi que c’était très drôle

Un des invités qui avait absorbé une quantité plus grande que de raison de « rafraîchissements liquides » pensa qu’il allait s’amuser aux dépens de Benjamin. Il lui demanda de revêtir la peau d’un animal, de monter sur un tonneau retourné, et de jouer ainsi du violon. Il ne lui suffisait pas que Benjamin et ses compagnons divertissent si magnifiquement les invités par leurs chants et leur musique. Non, il fallait qu’il les rende ridicules pour que la fête soit plus complète !

Les autres invités « nobles » étaient aussi passablement ivres et furent d’accord pour trouver que ce serait une bonne idée. Le pauvre Benjamin fut obligé d’obéir à leur folle idée. On imagine facilement ce que ressentait ce jeune homme sensible et doué. Il pouvait voir combien ses camarades juifs et lui-même avaient peu à espérer de ces « suzerains », malgré tout ce qu’ils faisaient pour leur plaire.

Mais ce ne fut pas le pire : la fête dura plusieurs jours et plusieurs nuits et les musiciens juifs devaient continuer à divertir les invités. La noble assemblée inventait continuellement de nouvelles formes de distractions. L’un d’eux s’avisa qu’ils pourraient rire encore beaucoup aux dépens de Benjamin. Une grande cuve fut remplie d’eau et Benjamin reçut l’ordre d’y entrer et de chanter et jouer tout y nageant. Benjamin avait le plus grand mal à maintenir sa tête hors de l’eau, tandis qu’il chantait et jouait. C’était pour lui une épreuve terrible et pleine de dangers.

Pendant tout ce temps, Benjamin devait faire semblant de trouver lui aussi que c’était très drôle, et qu’il s’amusait autant qu’eux à ce jeu diabolique. La sensibilité du jeune homme avait été profondément blessée, mais le châtelain qui était l’hôte de ce banquet montra qu’il avait reconnu son talent en lui offrant une maison en briques comme cadeau de mariage, le jour de ses noces.