Wolf fut gardé en état d’arrestation à Loukatch durant un mois, au cours duquel il dut comparaître devant l’évêque deux fois par semaine et discuter avec cette haute autorité ecclésiastique des mérites respectifs du judaïsme et du christianisme. Il était de toute importance pour l’évêque de remporter la victoire sur le savetier, mais il n’y parvint pas. Wolf avait toujours une réponse prête pour lui et réfuta toutes ses assertions, ses preuves et ses explications. Voyant qu’il ne pouvait en venir à bout, l’évêque le fit envoyer, sous escorte armée, devant le conseil suprême de l’Église catholique qui siégeait à Kiev.
Tout d’abord, Wolf fut amicalement reçu. On lui permit d’habiter en liberté dans une maison particulière. Tous les quinze jours, il était convoqué à une assemblée publique afin de soutenir un débat avec l’un des chefs ecclésiastiques. Cinq mois s’écoulèrent ainsi. Au cours de ces débats publics, il ne se trouva jamais quelqu’un qui pût prendre l’avantage sur Wolf. Il sortait toujours vainqueur. Les prêtres sentaient qu’ils n’étaient pas à sa hauteur. Ils ne pouvaient pas lui tenir tête. Alors, ils eurent recours au vieux procédé de la diffamation. Ils l’accusèrent de se moquer de l’Église et des prêtres catholiques et de tourner leur foi catholique en dérision.
Wolf fut traduit devant le tribunal ecclésiastique. Tout avait été arrangé d’avance. De faux témoins furent appelés qui confirmèrent la culpabilité de Wolf. Le ministère public réclama la peine capitale et Wolf fut condamné à être brûlé vif.
L’exécution eut lieu en public. Elle se tint en plein centre de Kiev. Le rabbin et les chefs de la communauté juive furent obligés d’assister à l’exécution.
La tragédie, qui avait profondément bouleversé les Juifs de Kiev et toutes les communautés juives de Volhynie, fut accrue du fait que la femme de Wolf attendait un bébé, leur premier enfant. Wolf avait été si heureux à l’approche de cet événement, mais l’infortuné ne vécut pas assez longtemps pour voir son enfant, car sa mort al kidouch Hachem, pour la sanctification du nom de D.ieu, eut lieu quelques mois avant la naissance du bébé.
Pendant trois ans la veuve de Wolf éleva son enfant, uniquement grâce à son salaire, continuant à refuser obstinément l’aide de qui que ce soitLa communauté juive de Kiev pria la femme de Wolf de demeurer en cette ville et promit qu’on s’occuperait bien d’elle et qu’on subviendrait à tous ses besoins. Mais elle ne voulut pas rester. Elle décida de retourner à Loubavitch où elle était née et où elle avait ses parents.
Aussi saisit-elle la première occasion de quitter Kiev et repartit à Loubavitch. Son père, un pauvre tailleur, était déjà âgé et vivait lui-même de l’aide d’autrui. Pour cette raison, il lui fut impossible de rester avec ses parents où elle ne pouvait pas trouver gîte. Elle n’avait pas de parents proches pour l’aider. Les chefs de la communauté juive de Loubavitch connaissant la grande sainteté et le martyre de son mari, et sachant qu’elle attendait un enfant, désiraient vivement veiller à ce qu’elle eût tout ce dont elle avait besoin. Mais elle refusa toutes les offres d’assistance, disant qu’elle avait appris de son mari à quel point il était important que chacun pût subvenir à ses propres besoins grâce au travail de ses mains.
Par conséquent, elle était décidée à prendre un emploi qu’elle pourrait occuper jusqu’à la naissance de son enfant. Elle se plaça comme domestique dans une famille de Loubavitch, c’est là qu’elle donna naissance à son enfant. C’était un garçon et elle l’appela Wolf comme son père. Il y eut beaucoup de réjouissances à l’occasion de la circoncision de l’enfant. Tous les braves gens de Loubavitch participèrent à la fête.
Pendant trois ans la veuve de Wolf éleva son enfant, uniquement grâce à son salaire, continuant à refuser obstinément l’aide de qui que ce soit, soit pour elle, soit pour son petit garçon.
Il est possible que cela ait été trop dur pour la pauvre veuve. Le fait est qu’elle tomba malade et s’alita pour ne plus se relever. Le petit Wolf, maintenant âgé de trois ans, était doublement orphelin.
La communauté locale dut trouver le moyen de s’occuper de l’enfant. On trouva très vite quelqu’un pour recueillir le petit orphelin. C’était Tsvi-Aryeh et sa femme Léah-Braïné. On se rappellera que ces gens charitables étaient les héritiers de Benjamin le Mystique qui avait légué sa maison et son jardin au couple. De leur côté, Tsvi-Aryeh et sa femme avaient promis qu’ils recueilleraient des orphelins et les élèveraient et que leur maison serait ouverte à tous ceux qui chercheraient asile pour la nuit.
C’étaient là des circonstances particulièrement favorables. Le petit orphelin n’était plus sans amis ni sans foyer. Car n’était-il pas le fils du saint Wolf, qui était tellement lié d’amitié avec Benjamin ?
Le bon Tsvi-Aryeh et sa femme Léah-Braïné avaient maintenant des enfants, un fils et une fille. Ils avaient pu se conformer à une autre clause du testament de Benjamin : nommer le garçon Benjamin et la fille Sarah, comme sa femme. Benjamin et Sarah étaient tous les deux des enfants très doués. Le garçon se distinguait dans ses études et sa sœur Sarah était d’une grande beauté tant morale que physique. Bien qu’elle ne fût elle-même qu’une enfant, elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour aider sa mère dans le soin des orphelins qui vivaient avec eux.
Dès que le petit orphelin Wolf fut amené chez eux, la petite Sarah le prit sous sa protection, joua avec lui et fut très affectueuse pour lui, comme une vraie sœur. Avant longtemps, le petit Wolf commença à montrer qu’il avait, lui aussi, de grandes aptitudes à l’étude et qu’il aimait étudier.
Ainsi, tout naturellement, les deux garçons, Benjamin et Wolf, devinrent compagnons d’étude. Ils étaient parfaitement faits l’un pour l’autre.
L’histoire se répétait : une amitié profonde et étroite grandit entre le nouveau Benjamin et le nouveau Wolf.
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