Le prêtre recommença ses « sermons » sur la place du marché. De nouveau il exposa ses vieilles « preuves » selon lesquelles les Juifs devraient embrasser le christianisme. Les Juifs du village l’écoutaient dans la crainte et l’affliction. Dans l’affliction, parce que Wolf n’était plus là pour anéantir les arguments du prêtre, et dans la crainte, parce qu’ils voyaient tout le danger que représentait le prêtre, devenant de plus en plus ferme dans ses efforts et essayant même la force. La position s’aggravait du fait que le prêtre avait enrôlé le fils du châtelain pour l’aider dans sa tâche missionnaire.

Ce jeune assistant avait reçu une très bonne instruction, mais c’était une espèce de fanatique. Il soutenait le prêtre avec enthousiasme dans ses efforts pour attirer les Juifs dans les filets de la conversion. Il se fit une règle d’assister aux réunions de la place du marché et se joignait également au prêtre pour prêcher devant les Juifs.

Ce jeune gentilhomme tentait de faire preuve de ses connaissances théologiques pour convaincre son auditoire juif qu’il devait passer au christianisme. En même temps il ne laissait passer aucune occasion de les menacer de toutes sortes de persécutions s’ils persistaient dans leur attitude. Les Juifs se sentaient terriblement abattus et découragés et ne pouvaient penser au moyen de sortir de ce dilemme.

Ce fut de nouveau vers le milieu de l’été, durant la moisson, que le prêtre tint, aidé de son jeune assistant, l’une de ses réunions habituelles sur la place du marché. Le jeune homme s’avança et, s’adressant aux Juifs, dit :

– Est-ce que quelqu’un ici peut répliquer à mes arguments ? demanda-t-il.

Pendant un moment un silence de mort régna sur l’assemblée. Soudain, quelqu’un sortant du milieu de la foule s’avança.

– Oui, je vous répondrai, s’écria un étranger en s’avançant courageusement vers l’estrade.

Tous les yeux se tournèrent vers celui qui avait parlé. Quelle ne fut pas la joie des Juifs présents lorsqu’ils reconnurent leur vieil ami, Wolf le savetier ! Il arrivait certainement à point nommé. Il se trouvait sur les lieux, tout prêt à une discussion avec le prêtre et son assistant. De nouveau Wolf fit la preuve de ses dons oratoires et, en un polonais courant, anéantit tous les arguments et les « preuves » des deux missionnaires. Il leur ferma littéralement la bouche ; ils durent admettre qu’ils étaient vaincus.

Les Juifs étaient remplis de joie. Ils se sentaient de nouveau en sécurité

Les Juifs étaient remplis de joie. Ils se sentaient de nouveau en sécurité. Wolf et sa femme restèrent maintenant au village. Il sentait qu’il ne serait pas prudent de s’éloigner et de laisser ses compagnons juifs sans secours étant donné les circonstances.

Un jour, vers la fin de l’été, Wolf était assis dans le Beth Hamidrache en train d’étudier comme d’habitude, quand, soudain, trois policiers armés, firent irruption dans la pièce et l’arrêtèrent. Cet événement causa une grande agitation parmi les villageois. La femme de Wolf pleura amèrement et intercéda auprès de la police pour que son mari soit relâché, mais en vain. Les policiers prétendirent que son arrestation avait été effectuée sur l’ordre des plus hautes autorités, et que Wolf devait être traduit devant l’évêque de Loukatch...

Il était facile de deviner qui était à la base de tout cela. Le prêtre et son assistant, se sentant en infériorité dans leurs discussions avec Wolf, avaient décidé de se venger de lui et en même temps de se débarrasser complètement de sa présence. Ils le dénoncèrent à l’évêque qui trouva un moyen de le faire arrêter.