Dans l’Europe tout entière il est peu de villes ou de bourgades qui ne soient liées au passé du peuple juif et à son présent ; qui ne puissent conter quelque fait de l’histoire juive, et dont les pierres et le sol ne soient imprégnés de sang et de larmes juifs. Le seul nom de certaines villes ou bourgades fait revivre pour nous les grandes personnalités juives qui se distinguèrent par leur connaissance de la Torah, par leurs bonnes œuvres ou par leur martyre.
Chaque ville, chaque bourgade, a écrit son propre chapitre de l’histoire juive. Il existe des villes et des bourgades qui représentent en elles-mêmes des mouvements complets et des périodes entières de la vie juive. C’est le cas de la ville, ou plutôt de la bourgade de Loubavitch en Russie. Pendant cent deux ans et deux mois, Loubavitch abrita quatre générations de dirigeants du mouvement ‘Habad et fut le centre du ‘Hassidisme qui comptait des centaines de milliers d’adeptes dans toute la Russie aussi bien que dans d’autres pays.
Le ‘Hassidisme ‘Habad (dont le fondateur fut le « Vieux Rabbi » de sainte mémoire, auteur du « Tanya ») a 197 ans.1 Ceci signifie que durant 94 ans et 10 mois, le ‘Hassidisme ‘Habad eut son centre ailleurs, ou était en « exil ». Tout au début, ce fut à Lyozna. C’est là qu’en réalité naquit ‘Habad. Plus tard, son centre fut à Liady, qui, plus qu’aucune autre ville, fut liée au nom du « Vieux Rabbi ».
Depuis le 18 ‘Hechvan 5676 (1915) durant la Première Guerre mondiale, quand Loubavitch fut évacuée et que mon père, de bienheureuse mémoire, dut s’enfuir avec toute sa famille, la ville cessa d’abriter les Rabbis de Loubavitch et d’être le centre de ‘Habad. Mais le nom de Loubavitch restera pour toujours lié au ‘Hassidisme ‘Habad ; il éveillera à jamais de doux souvenirs et brossera un merveilleux chapitre de l’histoire juive.
Bien que Loubavitch ne commence à figurer dans l’histoire et le développement de ‘Habad qu’avec la deuxième génération de la dynastie de Schneersohn, cette bourgade joua néanmoins le rôle principal dans la formation de ‘Habad et peut-être du ‘Hassidisme tout entier. Au vrai, son rôle commença bien plus tôt, lorsque différents mystiques et « tsadikim » (justes) influèrent sur la vie juive et préparèrent les voies du saint Baal Chem Tov (le « Maître du Bon Nom »).
Il y avait de bonnes raisons pour que Loubavitch soit destinée à jouer un rôle d’une telle importance, dans la vie des tsadikim solitaires et des mystiques d’abord, dans celle des Rabbis ‘Habad et du ‘Hassidisme ensuite.
De par sa position géographique, Loubavitch était un lieu qui convenait aux esprits élevés. Là, ils pouvaient se retirer du monde et se consacrer entièrement à l’étude de la Torah et au service de D.ieu, ou commencer une vie nouvelle, basée sur les principes moraux les plus nobles et les plus purs de la Torah.
Située dans le district de Moghilev, près du Dniepr, en Russie blanche, Loubavitch était depuis toujours entourée de profondes forêts lui donnant une apparence de solitude. Ses habitants en éprouvaient un sentiment d’isolement. De ce fait, Loubavitch attirait ceux qui recherchaient la solitude et souhaitaient être près de D.ieu et de la nature. C’est la vraie raison pour laquelle les tsadikim solitaires vinrent en aussi grand nombre unir leur destinée à celle de Loubavitch et l’enfermèrent dans leur secret, créant l’impression (pour qui ignore le lointain passé et les récentes évolutions de Loubavitch) que la ville relevait plutôt de la légende que de la réalité : une ville enchantée, peuplée d’êtres irréels, introduisant dans la vie juive un chapitre inspirant et délicieusement fantastique.
Au début de l’histoire de Loubavitch, dans le très lointain passé, existait une personnalité juive remarquable dont le souvenir est resté vivant pendant des générations, jusque de nos jours, son nom était Méir. C’était un de ces justes qui choisirent de vivre du labeur de leurs mains. Ne souhaitant pas demeurer dans leur pays, et, d’une manière générale, désirant créer de nouvelles bases d’existence pour eux et d’autres juifs, cinq autres familles et lui-même quittèrent leur ville natale et partirent à la recherche de quelque endroit où ils pourraient se fixer et cultiver la terre pour subvenir à leurs propres besoins. Apparemment, Méir pensait déjà à fonder une colonie juive – idée qui plus tard fut reprise et menée à son terme par les Rabbis de Loubavitch. Car, selon les histoires racontées à son sujet, Méir s’employa activement à édifier une colonie à l’endroit même où s’éleva plus tard Loubavitch. Entouré de forêts et situé sur les bords d’un fleuve, l’endroit était le cadre rêvé d’une colonie. Ainsi Méir et les familles qui l’accompagnaient se mirent résolument à la tâche, abattant des arbres et en construisant des habitations.
On ignore le nom de cette première communauté – si tant est qu’on ait pensé à un nom dès l’origine –, mais celui de « Loubavitch » qui fut plus tard donné à cette colonie fondée par Méir, décrivait et caractérisait parfaitement son fondateur.
On dit que Méir se distinguait par son grand amour des Juifs et aussi des Gentils. Son amour pour ses semblables était sans bornes. Il citait fréquemment les Sages : « Celui qui trouve grâce aux yeux de ses semblables trouvera grâce aux yeux de D.ieu. »
De toute évidence, afin d’être aimé de son prochain il faut être bon et bienveillant pour tous et prêt à se sacrifier.
Et ce n’est pas seulement envers ses semblables que Méir témoignait amour et respect, mais il aimait aussi toutes les créatures de D.ieu, fut-ce un quadrupède, une volaille de basse-cour ou un oiseau sauvage. Pour lui, tout ce qui était doué de vie devait être vénéré et tenu pour sacré. Il disait que manifester son amour envers ses semblables aussi bien qu’envers les autres créatures de D.ieu donnait grande joie au Tout-Puissant.
Il apparaît clairement que Méir était un grand philanthrope aussi bien vis-à-vis des Gentils que vis-à-vis des Juifs, et, pour cette raison, son nom fut bientôt connu dans les environs et même au loin. On contait beaucoup d’exemples de la bonté de Méir. Il n’est donc pas surprenant que la nouvelle colonie reçût le nom de Louba – « amour », en russe et en polonais. Plus tard, fut ajouté le suffixe vitch et « Louba » devint ainsi « Loubavitch », le symbole de l’amour pour la création de D.ieu, et, naturellement, aussi de l’amour pour le Créateur du monde Lui-même.
Méir fut le précurseur d’une lignée de tsadikim et de mystiques qui, au cours de centaines d’années, se fixèrent à Loubavitch. C’est pour cette raison que Loubavitch mérita de devenir plus tard un centre juif, d’où émanaient l’autorité et des directives juives qui étaient reconnues et acceptées par le monde juif tout entier.
Loubavitch ne devint jamais une grande ville malgré les dizaines de milliers de fidèles qui y affluaient en pèlerinage de tous les points de la Russie.
D’après les statistiques, 110 familles juives vivaient à Loubavitch à l’époque où le « Rabbi Intermédiaire » (le « Mittéler-Rebbé », fils du fondateur de ‘Habad) s’y installa en 5573/1813). Des années auparavant, à l’époque où le « Vieux Rabbi » enfant, étudiait à Loubavitch, au cours des années 5516 et 5517 (1756 et 1757), le nombre des familles juives y était d’à peu près soixante-quinze – quatre-vingts.
Loubavitch mesurait environ deux kilomètres carrés. Au centre de la ville existait un marché où se trouvaient les boutiques. Trois longues rues partaient de la place du marché. L’une d’elles, appelée rue Brom, s’étendait en direction de la ville de Dobromysl. La deuxième, appelée rue Chilova, menait à Roudnya, la troisième, rue Khakhlouika, conduisait à Rossosno. À part ces trois rues, il y avait des rues secondaires, connues sous les noms de Siritze, Rue Froide, Rue Vigon et Rue de la rivière. Au nord de Loubavitch s’étale un large fleuve, à l’ouest, près du cimetière, coule un ruisseau. Le fleuve, la Berezina (« bouleau ») prend sa source dans le village du même nom, qu’il emprunte lui-même aux bouleaux dont il est entouré. Le ruisseau s’appelait « Ru de la Tombe » parce qu’il surgissait d’une tombe du vieux cimetière. Les inscriptions de la dalle étaient effacées et on ignore qui reposait sous cette pierre. L’interdiction d’utiliser l’eau du Ru de la Tombe pour la boisson ou pour les soins corporels s’est transmise de génération en génération.
Bien que Loubavitch se trouvât en territoire polonais, sa population autochtone était toujours russe. Juifs et autochtones y vivaient en parfaite intelligence.
Le plus ancien « Beth Hamidrache » était connu sous le nom de « Maison de prières de Benjamin ». Il convient de dire cependant qu’au cours de l’histoire ce Beth Hamidrache fut plusieurs fois reconstruit après avoir été détruit par des incendies.
Benjamin, qui avait donné son nom à ce Beth Hamidrache, était un autre personnage remarquable dont la vie et les bonnes œuvres furent intimement liées à l’histoire de Loubavitch.
Commencez une discussion