Benjamin était colporteur et il allait avec son petit chargement de marchandises par les villages d’alentour. Sa femme était stérile. Ils habitaient une maison entourée d’un grand jardin potager, sur les bords de la rivière. Benjamin était un homme juste et craignant D.ieu, qui pratiquait toutes les mitsvot (les commandements de D.ieu), en particulier la charité, qu’il distribuait généreusement. Ces vertus mises à part, on le prenait pour un illettré. Cependant, un événement insolite révéla finalement la vraie personnalité de Benjamin. Cela arriva au milieu du 4ème siècle (au cours du sixième millénaire selon le calendrier juif), c’est-à-dire il y a environ 350 ans. Loubavitch était déjà une ville qui avait derrière elle une longue histoire. Il se produisit alors un incident qui agita profondément non seulement Loubavitch, mais aussi les environs.
Une troupe de brigands s’étaient rassemblés dans la forêt qui se trouvait sur la route de Loubavitch à Dobromysl. Toute personne voyageant à travers cette forêt était attaquée par ces brigands. Mais ces redoutables voleurs de grand chemin ne se contentaient pas seulement d’attaquer les voyageurs... Ils n’attendaient pas leurs victimes en embuscades, mais ils pénétraient dans les villages environnants et dérobaient tous les biens des paysans. Ils enlevaient leurs chevaux, leur bétail, leurs troupeaux. Toute la région était en proie à la terreur. Les habitants avaient peur de voyager sur la route et ils craignaient également de rester chez eux. Pendant quelque temps, seule Loubavitch fut épargnée par les brigands qui semblaient craindre de pénétrer dans cette bourgade où, après tout, vivait une population considérable. Mais il advint que deux de ces brigands, pensant que les habitants de Loubavitch avaient sûrement aussi peur d’eux que le reste des paysans de cette région et n’oseraient pas les combattre ou leur résister, quittèrent leur repaire de la forêt et se dirigèrent vers Loubavitch.
La première maison qu’ils choisirent pour leur agression était dans les faubourgs. Évidemment, les brigands ne voulaient pas trop risquer. De plus, ils choisirent cette maison, sachant que personne, sinon une fillette juive de treize ans, s’y trouvait.
En pénétrant dans la maison, ils commencèrent par prendre tout ce qui leur tombait sous la main. La fillette, terrorisée, se mit à crier et essaya de courir vers la porte de la rue, espérant attirer par ses cris l’attention d’un passant qui viendrait à son secours et chasserait les voleurs. Mais avant qu’elle n’eût atteint la porte, un des brigands lui barra le passage, la saisissant dans ses bras robustes. La bâillonnant de la main, il l’empêcha d’appeler à l’aide.
La pauvre fillette juive innocente réalisa le terrible danger qu’elle courait et se mit à lutter de toutes ses forces contre la redoutable brute, à coups d’ongles, de dents, de pieds. Malgré la supériorité de sa force, le brigand vit qu’il ne pouvait la maîtriser, il se mit alors à la frapper de ses poings jusqu’à ce que le sang coulât sur le visage de la fillette.
Ceci donna libre cours à l’acharnement de la fillette et à sa volonté d’échapper des mains de cette brute, en sauvant son honneur. Dans ses efforts désespérés, libérant sa bouche des mains du brigand, elle renouvela de toutes ses forces ses appels à l’aide. Ses cris se seraient probablement perdus dans le vent sans jamais atteindre les maisons qui étaient à quelque distance. Mais, comme s’il avait été attiré à cet endroit par un pouvoir secret, Benjamin le colporteur se trouva à passer par là et, entendant les appels désespérés à l’aide, s’élança et bondit dans la maison. La fillette se débattait encore entre les bras du brigand tandis que le second voleur était en train de rassembler tous les objets de valeur qu’il pouvait trouver dans la maison.
Dès que les brigands virent l’importun, ils se lancèrent tous deux contre lui. La vie de Benjamin semblait être en grand danger, car comment aurait-il pu, lui, un petit Juif maigre et chétif, tenter de se mesurer de ses faibles forces avec ces deux brigands forts et sans scrupule ? Mais, sans crainte, Benjamin se tourna vers eux et prononça quelques paroles connues seulement des mystiques.
Aussitôt, les deux brigands furent saisis d’une torpeur accablante et s’écroulèrent sur le sol, comme privés de connaissance, ne bougeant plus de l’endroit où ils étaient tombés.
Le danger étant passé, la fillette juive se calma, elle regardait la scène avec stupéfaction, à peine capable de saisir ce qui s’était passé devant ses propres yeux. Elle avait tout vu, il est vrai, mais elle ne pouvait imaginer que si Benjamin avait maîtrisé les brigands c’était grâce à ses pouvoirs secrets et qu’il était en fait un Mystique.
Comme tous les autres habitants de Loubavitch, elle le prenait pour un Juif orthodoxe respectable et bon, mais néanmoins un homme tout à fait ordinaire ne revendiquant pas des talents spirituels, encore moins des pouvoirs secrets réservés aux seuls mystiques.
Maintenant Benjamin n’avait plus qu’une chose à faire. Les deux brigands gisaient impuissants sur le sol, il ne lui restait qu’à informer la police locale. Les brigands furent bientôt emmenés en prison, toujours dans le même état d’impuissance. Ce n’est qu’une fois en sûreté derrière les barreaux qu’ils reprirent connaissance. La police se mit alors à l’œuvre et, avec l’aide d’une bonne correction, les deux voleurs finirent par révéler l’endroit où se cachait le reste de la bande dans la forêt, ce qui permit son encerclement et son arrestation par un groupe de policiers armés.
Ainsi, Loubavitch et toute la région environnante furent finalement délivrées de la bande de brigands qui pendant si longtemps avait jeté une vague de terreur sur la population. Que les habitants de Loubavitch aient ignoré les détails exacts de l’exploit de Benjamin ou qu’ils aient préféré ne pas croire que c’était le résultat de ses pouvoirs secrets, le fait est que l’affaire fut bientôt oubliée.
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