Vous avez sûrement entendu parler des deux grands érudits juifs, Hillel et Chammaï, l'un et l'autre fort célèbre pour leur savoir et leur sagesse. Tandis que Chammaï était par tempérament plutôt pressé, Hillel, comme c’est bien connu, fut au contraire la patience personnifiée.
Bien des années plus tard, il y eut deux érudits qui jouirent à leur tour d'une grande notoriété : ils s'appelaient Rav et Samuel. Le premier ressemblait davantage à Chammaï, alors que le second, marchant sur les traces de l'illustre Hillel, était un homme d'une inlassable patience.
Le récit qui va suivre illustre la différence qui séparait Rav de Samuel.
Un jour un Persan se rendit chez Rav et lui dit :
– Si tu veux bien m'enseigner l'A-B-C de votre Torah, j'embrasserai avec joie votre foi.
Rav lui montra un Séfère-Torah, l'ouvrit.
– Dis « aleph » ! demanda-t-il à son interlocuteur en lui indiquant justement un aleph.
– Et qui me prouve que cette lettre est bien un aleph ? répliqua le Persan. Peut-être me dis-tu un mensonge !
Rav ignora la remarque du visiteur.
– Dis « beth », lui dit-il en lui montrant une autre lettre.
Buté, le Persan rétorqua :
– Pourquoi dois-je croire que cette lettre est beth ?
Ce voyant, Rav décida que le Persan n'avait aucune disposition pour l'étude et arrêta là la leçon. Notre homme s'en alla donc trouver Samuel.
– Enseigne-moi votre Torah, lui dit-il, et je deviendrai un Juif !
Samuel fit ce que Rav avait fait. Ouvrant un Séfère-Torah il dit au Persan :
– Dis « aleph » !
– Et derechef le Persan discuta comme il avait discuté avec Rav.
– Qui me prouvera que cette lettre est bien un aleph? répéta-t-il. Peut-être ne me dis-tu pas la vérité !
– Ceci est un beth, poursuivit Samuel.
Comment saurai-je que cette lettre est effectivement un beth ? demanda l'élève récalcitrant.
Alors le maître saisit l'oreille du Persan et la tira bien fort.
– Aïe ! Aïe ! Mon oreille ! cria ce dernier de douleur.
À quoi Samuel répondit :
– Et qui me prouvera que c'est en effet ton oreille ?
– Mais, objecta le Persan, n'importe qui peut voir sans doute possible que cette oreille est bel et bien la mienne !
– Dans ce cas, répliqua Samuel, cela s'applique avec la même évidence à ce que je t'enseigne. Quiconque connaît la Torah peut voir que ceci est un aleph et ceci un beth. Et si tu préfères douter de ce que je te dis, va donc demander à n'importe quel étudiant en Torah et il te confirmera que ce que j'avance est la vérité.
Le Persan accepta l'explication qui lui parut logique. Il continua à prendre des leçons et, avec le temps, devint un Juif dont la grande piété fit l'admiration de tous.
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